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C'est l'incroyable récit d'un ex-dirigeant de banque qui préfère rester anonyme
et qui signe "Crésus" ce livre sur l'histoire secrète du krach de septembre
2008, sur la faillite de Lehman Brothers. On y découvre les dessous du secret
bancaire suisse et surtout les « pratiques mafieuses » des banquiers. Extraits.
A tous ceux qui font encore confiance à leur banque... Tel est l'incipit de
« Confessions d'un banquier pourri », publié sous le pseudonyme de Crésus, aux
Editions Fayard (sortie en librairie le 15 avril, 17,90 euros). Rempli de confessions
choc, il offre un récit hallucinant des milieux de la haute finance et de la crise
financière de septembre 2008. A tel point qu'il pose la question de sa crédibilité.
Philippe Cohen, rédacteur en chef du site Marianne2.fr - le magazine a publié en
exclusivité des extraits du livre dans son numéro du samedi 11 avril - précise qu'il a
pris la précaution de soumettre ce témoignage à un banquier qui l'a jugé tout à fait
crédible. Nous avons été autorisés à en proposer également quelques morceaux
choisis.
Le petit jeu va maintenant être de savoir qui est Crésus ? L'auteur donne quelques
indices : « Vous ne me connaissez pas. J'ai grandi dans l'ombre, au coeur du sérail
de l'argent, écrit-il dans le prologue de son livre. Je suis un parasite de la haute
finance, l'un des membres du directoire d'une des plus grandes banques de France.
A peine surpayé, j'ai ramassé quelques dizaines de millions d'euros en une
quinzaine d'années. Une paille, comparée aux salaires et aux primes des traders
que je dirige. Ou plutôt que je dirigeais. Voilà cinq mois, j'ai été écarté des affaires
par un président soudain très à cheval sur les règles et le contrôle des risques. »
Une idée ?
« Le processus était assez simple : au départ, on balançait aux structures des
impayés ou des crédits à risques. Ensuite les types qui vendaient notre camelote
noyaient ces produits incasables dans toutes sortes de liquidités avec deux
objectifs : d'abord faire passer le risque de la Banque vers la Bourse, comme on se
débarrasserait d'un mistigri encombrant, et, deuxième objectif, nettoyer nos bilans,
puisque les créances invendables disparaissaient du passif pour réapparaître
miraculeusement dans la colonne des actifs. »
« Pour sauver notre résultat, ne restait finalement que notre métier de base : nos
clients les plus modestes, tous ces braves gens qui tiraient le diable par la queue.
C'était eux qu'on assommait. Les marges sur nos encours de crédit allaient d'ailleurs
progresser de 20 à 21% cette année. Que ce fussent les crédits à la consommation,
les prêts-relais ou les découverts, toutes ces niches étaient incroyablement
rentables, malgré ce qu'en disait notre discours officiel. Les crédits immobiliers se
révélaient, eux aussi, très satisfaisants, avec une marge de l'ordre de 16%. Toutes
nos divisions allaient perdre de l'argent, exceptée la banque de détail, justement. En
ce domaine, nous avions encore quelques idées pour améliorer encore l'ordinaire.
En multipliant les propositions à la clientèle, on avait réussi à faire exploser les frais
bancaires : virements, chèques de banque, retraits, ouvertures de comptes, remises
de cartes de crédits, consultations de comptes sur le net, tout justifiait un
prélèvement d'apparence anodine. L'ensemble représentait à la fin plus de la moitié
de notre bénéfice annuel!
Où étaient les sanctions ? Devions-nous rendre des comptes ? Et à qui d'ailleurs ?
A nos conseils d'administration ? Plaisanterie ! A l'Etat ? Une mascarade ! Les
« camarades » de l'inspection des Finances ne nous gênaient pas, c'est le moins
qu'on puisse dire. Aux médias ? Ils ne posaient pas beaucoup de questions et
prenaient nos communiqués les plus effrontés pour argent comptant. Les banquiers
du monde entier étaient en train de réaliser en toute impunité le casse du siècle. [...]
de Paris à New York, une bande avait accumulé des fortunes invraisemblables. »
« Les Etats-Unis avaient un besoin vital des Saoudiens. D'abord parce que l'Arabie
Saoudite possède le quart des réserves mondiales de pétrole brut. [...] Ensuite parce
que si le roi Abdallah se cassait la figure, c'était la catastrophe : la famille des
Saouds détient à titre privé 7% des actifs américains. [...] Enfin, aux Etats-Unis, le
premier semestre 2008 avait été exécrable. En cinq ans, le niveau de la dette avait
explosé. Pour se financer, le Trésor émettait des obligations garanties par l'Etat. Et
qui les achetait ? Les Saoudiens ! Juste après les Chinois. Ce financement de
plusieurs milliards de dollars par mois était vital. Sans lui, l'Amérique risquait de
s'effondrer. Alors pour Paulson et pour l'administration Bush, commettre un petit délit
d'initié était une vétille. Une incartade au nom de la raison d'Etat. »
« Le drame s'était joué en deux actes. D'un côté, le bureau loft de Richard Fuld, au
31e étage de la tour Lehman, sur la VIIe avenue. Greffé à son téléphone, le patron
de Lehman Brothers s'était battu jusqu'au bout pour trouver un repreneur capable de
sauver son empire. « Dick » avait appelé sans relâche ses contacts dans tous les
établissements financiers et parmi les milliardaires de la planète. Les investisseurs
du Moyen-Orient avaient été les premiers à lui raccrocher au nez. Les Chinois, les
Russes, les Américains avaient suivi. En réalité, cela faisait des mois que Fuld
cherchait une solution. Depuis que Paulson et la Réserve fédérale américaine lui
avaient refusé la possibilité de changer de statut pour devenir une banque
commerciale susceptible d'avoir accès aux différentes aides de l'Etat.
En moins de deux heures, le problème avait été réglé. Lehman ne pouvait pas être
sauvé. Ce serait la version officielle, sans plus d'explications. »