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CENTRE REGIONAL DE PUBLICATION DE PARIS PHENOMENOLOGIE ET HERMENEUTIQUE Collection dirigée par Paul Riceur et Dorian Tiffeneau MYTHES ET REPRESENTATIONS DU TEMPS Recueil préparé par Dorian Tiffeneau EDITIONS DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE 15, quai Anatole-France, 75700 Paris 1985 Contre d'Histoire des Sciences et des Doctrines 156, Avenue Parmentier, Paris 10° ‘Ouvrage réalisé par le Centre Régional {de Publication de Paris © Centre National de la Recherche Scientifique, Paris, 1985 ISBN2-222.03603-8, Les études rassemblées dans ce recuell sont lteuvre pour moitié de chercheurs qui appartiennent ou ont appartenu au Centre de recherches phénoménologiques, LA 106 du CNRS., actuellement dirigé par le Professeur Henri BIRAULT. Ces chercheurs ont participé & Youvrage antérieur sur la Narrativité qui a étudié, sous égide du Professeur Peul RICOEUR, la temporalité mise en ceuvse dans le récit fictif et dans le récit historique. A certains égards, le présent recueil apparait done comme un complément au volume déja publié de la méme collection sur le temps du récit et le temps de Vistoire. A ces chercheurs se sont joints d'autres chercheurs réunis dans I'Equipe de ATP. «Temps» du CNRS., sous la responsabilité de M. Hervé BARREAU. On reconnaitra sans peine, dans les six études ici rassemblées, le produit de cette double origine. Si la réunion de leurs auteurs n'a été que temporaie, elle a pas laitsé de conduire & des résultats auxquels tous ont leur part. Les textes ont été répartis sous trois chefs qui signalent les parentés majeures, mais l'on aper- cevra les multiples intersections entre les domaines respectfs de’ ces trois sous ‘ensembles. De In méme fagon, chaque auteur garde la pleine responsabilité de ce qu'il avance, mais les réunions de travail qui ont scandé la préparation de ces contri- butions ont profité & tous. C’est pourquoi une sorte d’unité se dégage de ce volume il étudie les différentes fagons dont la tradition oceidentale, nourrie d'apports orien- taux, a éaboré pour penser le temps les mythes et les représentations qui constituent le sol culturel de sa science et de sa philosophie. Myths et représentations du Temps s offre ainsi comme un liv, oi les auteurs s‘effacent devant leur objectif commun. Ce livre témoigne de la richesse d'une tra dition, au cours de laquelle de multiple sources ont pu méler leurs eaux, bien que ces demidres aient été & différentes reprises soumises séexamen. Notre savoir actuel sur le temps est le fruit de ces confluence et de ces débats La Réaction SOMMAIRE I — L'IMAGINATION ET LES MYTHES DU TEMPS Premiére Etude TEMPORALITE, INCONSCIENT ET REPETITION Du mythe & ’élaboration théorique Monique SCHNEIDER... 0.000.000 13 Deuxiéme Etude LA FIGURE DE CHRONOS DANS LA THEO- GONIE ORPHIQUE ET SES ANTECEDENTS IRANIENS, . Luc BRISSON 37 _ ~ TEMPS DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE ET LA PHILOSOPHIE CLASSIQUE ‘Troisiéme Etude TEMPS ET BTERNITE DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE Denis O'BRIEN. weve 59 (Quatriéme Etude TEMPS PHYSIQUE ET TEMPS MATHEMATIQUE, CHEZ NEWTON Frangois De GANDT . Se iseog ue 87 I ~ TEMPS VECU ET TEMPS SCIENTIFIQUE DANS LA PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE Cinquiéme Etude INSTANT PARADOXAL ET HISTORICITE Jacques COLETTE . 109 Sixiéme Etude MODELES CIRCULAIRES, LINEAIRES ET RAMIFIES DE LA REPRESENTATION DU ‘TEMPS Hervé BARREAU... 0.0... .ec0eeeeeeee 135 Résumés des articles. 157 161 Notice surles Auteurs . Planches photographiques (hors-texte) TROISIEME ETUDE TEMPS ET ETERNITE DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE Histoire et philosophie Dans les Ennéades, l'éternité se caractérise par une absence totale de succession et de durée!, En élaborant cette doctrine, Plotin invoque, & temps et & contretemps, Yautorité de Parménide et de Platon, au point d’émailler son exposé d'images et de formules déja employées par ces deux prédécesseurs. Plusieurs historiens de la Philosophie ne voient rien de suspect dans cette prétendue continvité historique et linguistique. Ils prennent pour argent comptant les affirmations historiques débitées dans les Ennéades, si bien quis sont amenés en lisant a reculons 'histoire de la philosophie — & mettre au compte de Parménide et de Platon le concept d'intem- poralité exposé par Plotin, Tout autre, me semble-til, est la réalité historique. Sur ce point, en effet, comme ailleurs, Vhistorien doit se méfier de l’anachronisme flagrant dont est teintée a propagande non seulement de Plotin, mais d'autres auteurs néoplatoniciens. Ceux-ci condamnent comme hérésie toute innovation et se réclament de Px Anti- quité» comme de la source de toute vérité, citant & l'appui tout un appareil de textes tirés de Platon et des Présocratiques. Mais, si l'on examine sans particpris ces textes, on a du mal & déceler I'déalisme (8 vrai dire un peu vaporeux) que eroient y voir les auteurs de I'Antiquité tardive, On n'y trouve pas en effet le concept d'étemnité propre aux Ennéades de Plotin ; et si, — en descendant maintenant le cours de histoire, — on relit les Ennéades aprés avoir examin€ les textes de Parménide et de Platon, on comprend aisément que, si Plotin a repris les images de ses prédécesseurs, c'est pour leur donner un tout autre sens. Fautil s'en étonner ? Non point, & mon avis. Les philosophes ne se répétent pas & mille ans d'intervalle, et histoire de la philosophie ne se réduit pas & une simple chronique de répétitions et de redites. 60 DENIS O'BRIEN Parménide : «it est maintenant » ‘Commengons par Parménide (VE siécle avant J-C.), auteur d'un exposé en vers, dont les fragments principaux, les fragments 2 et 8 dans la collection de Diels, ont 416 conservés par des auteurs tardifs: Ie fr. par Proclus (VE sigcle aprés J.C.) dans ses commentaires sur le Timée de Platon, le fr. par Simplicius (VIE sigcle apres J.-C.) dans ses commentaires sur la Physique d’Aristote?, Le point de départ de exposé de Parménide, tel qui est conservé dans ces deux fragments, est une opposition de I'existence et de la nonexistence. La non- existence suppose la « nécessité» de ne pas exister selle est, de ce fait, inconcevable. Liexistence suppose, au contra, '«impossibilité » de ne pas exister. L'etre qui bénéficie de cette existence est donc «nécessare », au sens ob il serait exempt de naissance et de mort. De cet étre inengendré et impérissable, — disons, de cet étre «étemely, — on affirme : «il n’était pas & un moment, il ne sera pas <8 un ‘moment>, puisquil est maintenant» (fr. 8.5). Que veut dire cette formule ? Le contexte lui confére deux sens, dont l'un renchérit sur Vautre. Le premier sens peut paraitre banal. L'étre qui «est mainte- nant», du fait méme quill est maintenant, n'a pas péri dans le passé, puisqu'l est encore, et ne naitra pas dans Lavenir, puisqu’il est déja. C'est ainsi que lon com- prend, en premiére lecture, que ’étre qui west maintenant », n’s pas été et ne sera pas « un moment ». Iw’ pas été «un moment » du passé ;c'est-A-dire, il n’a pas péri. I ne sera pas «4 an moment » de l'avenir ;<’estA-dire il ne naitra Mais s'ensuitil que I'«inengendré» dans Pavenis I'a été aussi dans le passé ? L'wimpérissable » dans le passé, le sera-t-il aussi dans l'avenir ? Voila ce que Parmé. ride entreprend de montrer dans les vers suivants (fr. 8.621). Au terme de ce rai- sonnement, etre «éternel » est inengendré et impérissable, dans le passé comme dans l'avenir. La formule citée prend alors un sens nouveau, et qui n’est plus banal. L’étre existant «maintenant» n'a pas été «A un moment » du passé ; c'est dire, non seulement il n’a pas péri, mais encore il n'est pas né. Tine sera pas «A un moment » de Pavenir : non seulement il ne naitra pas, mais encore il ne saurait périr. Reprenons rapidement le fil du raisonnement dont on a déduit cette éternité de etre (fr. 8.6~21). Prémisse de base : il est impossible de concevoir la non- existence. Cette impossibilité en implique une autre : celle de concevoir le passage de la nonexistence & existence. On en déduit Pabsence de toute genése, dans le passé comme dans l'avenir (impossible d’imaginer une genése « plus tard» ou « plus tOt», fr. 8.10). L’absence de toute genése rend également impossible une disparition TEMPS ET ETERNITE DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE a de Vetre: rien ne peut venir & Vexistence «A cOt€» de ce qui est (fr. 8.13) ; en done ne peut menacerI'ére ni le faire pert. On boucle alors le raisonnement : « Ainsi done est éteinte la gonése; éteinte aussi la destruction, disparue sans qu'on en parle (ft. 8.21). Cette conclusion rejoint 1a formule de départ (v. 3): Iétre est «inengendré et impérissable ». Sil'on interpréte 'existence « maintenant» (¥. 5) en fonction de ce contexte, le sens devient incontestable : I'étre qui est «maintenant» est exempt & la fois de genése et de destruction, et c'est en ce sens que son existence ne s'est pas bornée & un «moment » unique du passé ou de Pavenic® Mest exact que, dans la suite de lexposé (fr. 8.22 sqq.), le ret de la non- existence rend inconcevable, non seulement la gendse et la destruction, mais aussi tout mouvement local et tout changement de couleur, ~ disons, tout changement de qualité (v. 41). On se demande alors: en quel sens D'étre immobile et sans change ment estil temporel ? Comment en effet distinguer pour lui un pastage du passé au présent, du présent & Pavenir? Ce sont des questions que Ion peut se poser légiti- mement. Mais cela n'implique pas qu'on doive leur trouver des réponses dans le Aiscours de Parménide, L'étre parménidien est «maintenant » ; son existence n’est done pas intemporelle au sens oi le sera I’stre étemel de Plotin, exempt non seule- ment de toute succession, mais encore de toute «extension » spatiale ou temporelle, ‘exempt done non seulement du « toujours », mais aussi du « maintenant», Certes, on simaginera trouver chez Parménide le concept de Plotin, si 'on interpréte son potme en adoptant la pensée et le langage d'un Boéce ou d'un ‘Ammonius*, L'cintemporalité » parménidienne devient alors l'intemporalité de la connaissance divine : une connaissance sans images, sas division et sans succession, avec pour objet tout ce que le divin a engendré et tout ce qui est soumis & sa provie dence. Ainsi compris, Parménide aurait anticipé sur les doctrines essentieles, non seulement du néoplatonisme tardif, mais encore (peut-étre) du chaistianisme. Mraccusera-t-on de pécher par excés de prudence, si je mets en garde contre ce type exégise ? Crest pourtant lui qui inspire la discussion de cet aspect de la pensée de Parmé- nide dans un ouvrage xécent. R. Sorabji fait appel au texte déja cité d’Ammonius Pour Iégitimer sa lecture du potme, et particuliérement pour appuyer une inter. prétation non-temporelle du «maintenant »®, Ce faisant, se rend:l compte que la citation de Parménide conservée par Ammonius ne contient pas le «maintenant » ? Ce terme ne se trouve en effet que dans le texte du poéme attesté par Simplicius. Ammonius et ses disciples témoignent d'une autre recension de cet extrait du ppoéme ; ce «maintenant », on ne ly trouve pas*, Une interprétation non-temporelle du «maintenant » ne peut done se séclamer du commentaire d’Ammonius?. Autre chose curieuse, qui donne & séfléchir : dans le texte de Parménide conservé par Asclépius, Lun des disciples d’Ammonius, ce n’est pas seulement le mot maintenant » (v. 5) qui est absent, mais encore, au vers suivant (¥. 6), le mot a DENIS O'BRIEN «continu »*, On sait que, pour les néoplatoniciens, a « continuté » est le propre du temps; cst par 18 qu'il soppote & Téternite?. Quelle ingénuité de voir dans ces deux omissions (du « maintenant», du « continu») Ie fruit du hasard ! On subodo- rera plutot les traces d'une rédaction idéologique du potme, destinge & effacer les traits « temporalisants» de la pensée de Parménide. Des copistes — des éditeurs — oplatoniciens ont di s‘apercevoir que les expressions primitives de Parménide ne Sharmonisaient pas avec I'cintemporalitéy de Vétre intelligible, si bien qu’is ont 6 amenés & «rectifier» (en le manipulant) Ie texte du poéme"®, Cette hypothése permet, certes, dinvoquer les témoignages d’Ammonius ou «’Asclépius dans Vinterprétation de Parménide, mais non pas en faveur d'une inter- prétation « intemporelle ». Bien au contraire : on verra dans les variantes d’ Ammonius et d’Asclépius un aveu implicite de la distance qui sépare, sur ce point, la pensée de Parménide et celle de Plotin" Platon :« it est toujours» Passons & Platon. On peut soupgonner dans le Timée une correction discréte de Parménide : le «maintenant qui se rattachait a Vétre parménidien (fr. 8.5) est expressément condamné par Platon dans sa description du modéle intelligible. De ce modéle, on dira seulement «est ». On ne dira pas qu'il «a été» ou qu'll «sera. On ne dira pas qu'il venait & existence «un moment », ni non plus qu'il est vent existence «maintenant », Tous ces termes, selon Platon, ne conviennent que pour écrire cle temps qui imite Pétemnité » (Tim. 37E5~38B5). Quelle valeur déceler dans cette opposition du temps et de I’éternité ? Plusieurs commentateurs ne se sont pas posé de problémes : du fait que le monde sensible ‘manifeste une durée temporelle, il s'ensuivrait pour eux que le modéle intelligible devrait en étre exempt. H. Cherniss, par exemple, abonde en ce sens : «, il ne sera pas , puisqu'il est maintenant ». Et pourtant, méme si une certaine similitude de ces deux f ‘mules est incontestable, les diférences Pemportent. Dans la formule nouvelle des Ennéades (comme dans les « vatiantes» d’Ammonius et d’Asclépius), ont disparu les adverbes temporels qu’avait retenus Parménide. Plotin n’écrit pas : «il n’était pas & un moment», «il ne sera pas & un momenty ; il écrit : «n'était pas », «ne sera pas». Plotin n'écrit plus, comme Parménide : «il est maintenant », mais (comme Platon) : «il ‘est® seulement »”. Cette «correction» infligée & Parménide prélude A un changement plus radical encore. Plotin reprend : I’éternité est une vie «tout ensemble» ou « tout entiére ensemble» (God aoa)". Cette expression est, & une nuance prés (la substitution du féminin au neutre), celle qu’avait employée Parménide dans la seconde partic du vers cité (ft. 8.5): «... il est maintenant, tout entier ensemble » (Gu0d av). Mais cette expression, apparemment la méme, est porteuse d'un sens nouveau. Relisons Parménide, Dans son poéme, le « tout ensemble » désigne prioritai- rement, sinon exclusivement, une continuité spatiale et non pas temporelle. Aussi le «tout ensemble» réapparaitil sous forme de deux épithétes dans les vers qui suivent Vexposé sur Tétemité que j'ai déja commenté (fr. 8.521), Parménide reprend (v. 22): I’étre «n'est pas non plus divisible, puisquil est tout entier sem- blable » (nv ... duotov). Voici la. preuve (w. 23-24): «ll n'a pas & un endroit quelque chose de plus, qui Pempécherait de se tenir uni, ni <2 un endroit> quelque chose de moindre ; au contraire, tout entier, il est plein @etre». Les expressions ici utilisées ont incontestablement une connotation «spatiale »®. Bien différent est le traitement réservé & ce «tout ensemble» dans tes Ennéades. Plotin voit dans cette expression comme une nouvelle affirmation de Tintemporalité. La premiére étape de son raisonnement s'achéve ainsi : «Une vie tout entiére ensemble... et sans durée... voila ce que nous cherchons ; c'est 1a Vétemité»®. Le nouveau (le «sans durée) se joint ici & Vancien (le «tout ensemble »), Mais on ne met pas impunément le vin nouveau dans de veilles outres.. En ce passage, Plotin a estompé le sens primitif de l'expression parménidienne : le homow pan inclut ici Tadiastatos ; le «tout ensemble > désigne, non plus une hhomogénéité spatiale, mais absence d’extension temporelle. Ainsi 'entend Boéce, dont la formule x... vite tota simul et perfecta possessio » deviendra, dans 10 DENIS O'BRIEN tout le Moyen Age, comme le mot de passe d'une conception non-durative de éternité™, Licaion» et le «toujours» Si Plotin a réglé, peut-étre un peu lestement, un premier probléme, celui du ‘maintenant y, il n’en reste pas moins confronté & un second probléme, celui du toujours». Crest dalleurs le plus difficile, ou du moins le plus délicat. Si Yon peut en effet passer sous silence le «maintenant » de Parménide — ne s'agirait pas en effet d'un simple obiter dictum, d'une bavure ? — on ne peut agir de méme avec le ctoujoursy de Platon. Les occurrences de ce terme surgissent drues et serrées dans ses descriptions des formes intelligibles. On ne peut donc les éluder, ni leur opposer un simple refus (tout ce qu’avait dit le divin Platon étant la vérité méme...). Nouvelle difficuté, qui complique le probléme. Plotin adopte I'étymologie quAristote avait proposée du mot aion, le «toujoursétant » (ai [ei] + on), Le toujours» reste ainsi attaché @ expression méme de I'éternité, Comment Pévincer ? Pour préter & leurs devanciers le contraire de ce quiils ont affirm clairement, les philosophes de I'Antiquité tardive, comme dVaileurs certains exégétes modernes ‘qui mettent fidélement leurs pas dans les leurs, usent de deux expédients : ou bien 'écrivain s'est exprimé en images et en symboles, ou bien il a adapté ses paroles ad modum recipients. Plotin usera de ce demier procédé, & ceci prés qu'il semble se compter luiméme au nombre des esprts faibles qui ont utilisé le « toujours» pour renforcer leur notion de Vinteligible. « Lorsque nous introduisons dans notre discourse ‘toujours’, ditil, c'est pour nousméme que l'on doit estimer que nous parlonsains...»®. La conclusion sera simple. Pour souligner 'écart entre I« tre »et le «devenir », ‘on aurait pris Vhabitude d'ajouter & I'cétre» le «toujours . Mais ce serait une redondance, dit Plotin. Qui plus est, elle risquerait d'induire en erreur, parce qu'elle exigerait que [’éternel s'accomplisse progressivement, dans un avenir toujours réitéré, En fait, «toujours» ne signifierat rien d'autre que « véritablement ». On aurait tort de voir dans le «toujours» un ajout, enrichissant la notion de «puissance sans durée », Celle-i n’aurait besoin de rien en plus de ce qu'elle posséde déja, parce que ce qu'elle posséde deja, c’est le touts. Plotin corrge ici peut-tre Platon, & moins qu’ll ne vise plutdt Aristote®, Mais il se corrige aussi luisméme. N'avaitl pas en effet écrit Iui-méme, au début de son exposé, que I'éternité était « toujours sans durée ?5” Cette expression, nous le savons maintenant, est une redondance, et peut induire en erreur. Le « toujours » ne devrait pas s‘ajouter au «sans durée». On devrait, au contraire, « ramasser le * toujours* dans le ‘sans durée *», pour n’en faire qu'un seul et méme concept, celui de la totalité ou de 'centiéreté » de Pétre®, ‘TEMPS ET ETERNITE DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE n La génération du temps On verra sans doute, dans eette notion de «totalité» ou dc entiéeté», une bbanalité de la pensée plotinienne, un simple rappel de la supériorité du monde intelligible, comme on en trouve des quantités d'autres. On aura tort. Lorsqu'il affirme que nous devons « ramasser le ‘toujours’ dans le ‘sans durée" », Plotin ne pré- conise point une simple correction, d'ordre terminologique ou conceptuelle, de Tidée que nous nous faisons de l'éternité. I y va de toute Pontologie des Ennéades. Dans les expressions citées, Plotin fait déja discrétement allusion & la doctrine quil explictera dans les dernierschapitres de son traité : ame engendce le temps. Une génération du temps et une génération de la mati sont en effet des pidces maitreses et complémentaires de Varchitecture des Ennéades®, L’ame en- gendre le temps, comme elle engendre la matiere: par suite d'un «mouvement », parce quelle veut «se tourmer vers elleeméme », «se gouverner elle-méme »®, Cette théorie expliquerait Timportance de Ia notion de « totalité». Lintelligible est le ‘tout véritable, non point parce quil est un assemblage de parties, mais parce quill engendre les parties, Ce principe permet de saisr la résonance du texte que je viens de citer: si 'on doit «ramasser le ‘toujours’ dans lev sans durée*», est pour que lime puisse ensuite len tier, comme une plante déploie, déroule, les virtualités d'un germe, En ajoutant, au contraize, le « toujours» a la « puissance sans durée », comme un élément complémentaire, voire adventice, on r’aurait pas seulement brouillé la distinction du temps et de V'étemité, de la durée et de son absence ; plus grave encore, on aurit rendu impossible une génération du temps par ame, puisque le produit serait alors déja présent chez le générateur, le «toujours » (au sens successif) ferait dé partie du « tout »®. Ce qui vaut pour le «tout», vaut encore davantage pour le « tout ensemble >. Que Méternité soit «inébranlable > et « tout entidxe ensemble (les deux expres- sions sont de Parménide), est en effet une condition nécessaire pour que I'éme, en s'éloignant de P'étemité pour introduire son mouvement, fase jailir de ce «tout » et de cet «ensemble» le temps qui, «lorsqu'il n’tait pas le temps, se repossit en Petre», C'est ainsi que Plotin exprime la génération du temps dans les deniers chapitres de son traité®, On comprend, dans cet ultime et nouveau contexte, toute V'opportunité de la formule parménidienne, la raison pour laquelle le « tout ensemble» reviendra si souvent dans les pages de Plotin et autres auteurs néopla- toniciens. Cette formule exprime, & coup sir, absence de toute dispersion temporelle, mais elle en laisse entrevoir aussi la possiblité. Le «tout» engendrera les parties, comme il convient & un «tout». L'a ensemble» est une unité, mais qut suggére aussi lanotion de crassemblement » et done la possibilté d'une éventuelle dispersion. La théorie de « deux» temps Si Plotin a tout fait pour renouer avec (une certaine interprétation de) la doctrine de Parménide et de Platon, il s'est tres délibéremment démarqué de la n DENIS O'BRIEN position d’Aristote, Il Ia d’abord critiquée en passant de son exposé sur 'éternité (chapitres 16) & sa théorie du temps (chapitres 7—13) : le temps ne serait pas la mesure du mouvement», puisque le temps existe qu'il soit ou non mesure, L'ime ne serait pas indispensable & V'existence du temps du fait qu’elle le mesure ; mais elle le serait, si elle avait engendré*, Plotin reprendra cette critique aprés son exposé sur la génération du temps : les aristotéliciens se seraient trompés en faisant du temps la mesure du mouvement. C’est Iinverse qui serait vrai : le mouve- ment permettrait de mesurer le temps, dont existence, indépendamment de toute question de mesure, reléverait de Vactivité génératrice de I'ame®. Mais la critique d’Aristote ne s'est pas encore achevée. Plotin a réservé pour la derniére page de son ‘uaité lexplicitation d'une nouvelle doctrine, ainsi que d'une nouvelle critique de la position du Stagirite. Plotin congoit «deux temps, de méme qu'il congoit «deux» matiéres™. Une matire, issue de I' altérité intelligible, serait illuminée par IIntellect pour prendre place parmi les étres premiers ; une seconde matiére serait engendrée par I'éme et ne sautait s'unir réellement & une forme ; elle resterait par conséquent un « non-tant »®. Un ptemier temps serait I'vavant et I'waprés» du mouvement propre de I'éme, & la différence d'un second temps, qui serait I’¢avant» et l'«aprés » du mouvement que l'ame imprime & univers ®. Ce demier temps, celui du monde sensible, serait «dans le temps », puisque Je mouvement de univers sensible est compris dans le mouvement de I'éme™, Le temps «sensible» serait done comme imbriqué dans le temps supérieur. En revanche, ce temps supérieur, celui qui caractérise le mouvement propre de Mime, ne serait pas «dans le temps», puisque le principe supérieur a I'ime n'est plus le temps, mais Taion”. Me suisje trompé en entendant ici les échos G'Aristote 7 Le mouvement des astres ne serait pas «dans le temps», parce qu'on ‘ne congoit ni un nombre plus grand ni un temps plus long qui I'«embrasse » ; le terme qui cembrasse le temps et son infinité», c'est l'aion”, Pour Aristote comme pour Plotin, le mouvement qui est compris par Vaion, de ce fait méme n'est pas dans le temps >”. ‘Mais, si Plotin fait ici allusion a Aristote, sans le nommer, ce n'est point pour reprendre sa doctrine, c'est pour la corriger. I précise, en effet, que le principe antérieur & ame, Vaion, ne s'écoule pas et ne s'étend pas ; il n’'accompagne pas écoulement et extension du temps™, Plotin marque ici, implicitement, l'écart cessentiel qui sépare sa doctrine de celle d’Aristote. L’«étemité » d’Aristote est affranchie de tout changement, mais elle reste soumise & la durée. L’« éternité » de Plotin est étrangére & toute notion d’écoulement et d'extension ; elle est une 6temnité sans durée, Plotin a bien vu que cette demiére conception est absente de la pensée @Aristote, Si ne sest pas apergu qu’elle manque aussi chez Platon et chez Parménide, nous ne devons pas nous laisser abuser avec lui, ‘TEMPS ET STERNITE DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE 2 NOTE COMPLEMENTAIRE Aristote : «Le temps ne les fait pas vieilir» On me reprochera peut-étre d'avoir enjambé les difficultés de ce texte (De caelo I,9,279 11-b3), difficultés & la fois philologiques, textuelles et conceptuelles. Je reprends dés maintenant les plus importantes. En traitant des étres incorporels que «le temps ne fait pas viellir», Aristote Stexprime ainsi, 279 22:S:aredeT rdv dravra aidva. E. Martineau prend ce vyerbe pour un transitif, entendant aion comme un complément d'objet. Il traduit donc : les étres incorporels «mesurent de part en part l'aion tout entier»®, Cette traduction se heurte & deux difficultés, l'une philologique, Pautre conceptuelle. Difficulté philologique : on ne trouve pas dans les dictionnaires classiques, pour emploi transitif de ce verbe, le sens de «mesurer de part en part» ;on y trouve : aconduire & sa fin» («bring quite to an end»), «achever complétement », «accomplir entitrement®, Si donc le verbe est transitif, le sens sera plutst, comme dans la traduction de E. Berti: «esse compiono V'intero evo »77. Mais, d2s qu'on traduit de la sorte, on bute sur un obstacle conceptuel, car on ne sera plus & méme de comprendre le définition de Vaion, dégagée trois lignes & peine plus bas. Llaion serait ici le terme (telos) qui cembrasse le temps et son infinité » (279a25~27), Comment «conduire & sa fin» le terme méme qui cembrasse Vinfinité » ? Linfinité auraitelle done une «fin» ? On sescrimera sans doute & trouver un moyen terme («fin » devrait signifier «perfection »...) qui permette de sortir de ce rébus. Peine perdue. C'est la traduction qui est fautive. Lexpression rdy Snavra ai@va revient trois fois ailleurs dans euvre d’Aristote, mais toujours avec la fonction d'un accusatif adverbial, Ainsi dans notre texte. La présence d'un participe (#xovra, 279821) plaide en faveur ’un emploi intransitif du verbe : les étres incorporels « continuent & avoir...” Laion sera donc un complément adverbial, qui sert & définir cette continuité : les étres incorporels « continuent & avoir, pendant toute I’éterité, la vie la meilleure et la plus indépendante »™. Les étres incorporels, que «le temps ne fait pas vieillir», occupent la premitre partie de ce texte (279418 sqq.). A la fin du passage, il est question plutdt un «corps» qui se meut «en cercle » (2791-3). Ce mouvement circulaire serait ‘incessant », du fait que «/'endroit d’od il est parti est identique & celui auquel il arrive » (ibid.). I s'agit ici de Véther. E. Martineau allégue en vain que, dans ces quelques lignes, Aristote n'a pas prononcé le mot aither, et que cle fait de commencer et de finir en un méme lew, en tant que tel, ne suffit nullement & assurer Vindéfectibilité du mouvement ainsi caractérisé »". Raisonner ainsi, cest ‘oublier non seulement les premiers livres du traité Du ciel, mais encore les demniers lives de la Physique. Deux théses y sont longuement développées : un mouvement “ DENIS O'BRIEN circulaire appartient en propre a I'éther (et & nul autre élément) ;un tel mouvement est «continu et perpétuel » du fait méme que, dans un mouvement circulaie, le terme est identique au commencement® Apres avoir commencé f parler des étres incorporels, comment Aristote en est- il venu & disserter sur I'éther ? Si les commentateurs se sont ici abusés, c'est qu'ils ‘ont mal traduit 'fnoneé qui elie le début & la fin de ce passage. En invoquant des ceuvres philosophiques trés connuesy, Aristote écrit, 27932~33: 7 OeTov Queraprnrov dvayxatov elvar r&v 6 mp&rov Kai dxpdrarov. La tra duction de P. Moraux, dans la collection Budé, est celle de la plupart des commen- tateurs : « Letre divin doit étre tout entier immuable, lui qu est l@txe premier et Petre supréme »®, Mais traduire ainsi, cest ignorer M'arrireond platonicien du passage. Le rive sert pas ic & renforcer l'immutabilit (« tout enter immuable »), mais & nuancer le sujet (cle divin»). I est en effet comme un second sujet, en apposition & 70. Getov : «ll est nécessaire que le divin, tout ce qui est premier et supréme, soit immuable »®, Ce sens s'impose, dés qu’on relit le passage de le Republique, signalé par Simplicius & cet endroit de son commentaire. Selon Platon, tout ce qui est le meilleur en son domaine propre, c'est cela qui résistera le mieux & Yusure du temps: ctoute» plante, «tous» les objets fabriqués (équipements, édifices, véte- ments), «tout » ce qui est le meilleur, soit par art, soit par nature..*, Les récurrences du mot «tout» confirment le sens: «tout ce qui est premier», dans le texte WAristote. I est en effet certain qu’Aristote avait alors en téte ce passage de la République : Vaffirmation de Platon, quelques lignes & peine plus bas, «dieu ne manque pas de perfection» (évbed ... eéAAovs), est reprise textuellement, non seulement dans ce passage du traité Du ciel, mais encore dans un lieu paralléle du De philosophia («le divin ne manque d’aucune des perfections qui lui sont propres», bb eés .. kana)”. Une traduction exacte de la phrase citée (27943233) est essentielle & Iin- telligence globale du passage. Les commentateurs ont eu tendance, de I’Antiquité jusqu’a nos jours, & privlégier dans ce texte ou bien les étres incorporels, ou bien Tréther*. Mais, dés que 'on a reconnu Is flition platonicienne du raisonnement, on est en mesure de stisir Tunité de ce texte : «tout ce qui est premier et supréme est immuable ». Iei, comme au deuxiéme livre du traité, il peut done y avoir plus d'un degré de «perfection » et d’«immutabilité»™, Les étres incorporels et immo- biles seraient exempts de mutation et de changement ; mais I'éther le serait aussi, dans la mesure od son mouvement méme est «continu et perpétuel »™. Ces deux degrés d’«immutabilité» ne seraient autres, en effet, que les deux aspects d'«intem- poralité» que je viens de commenter : V'intemporaité des étres incorporels, étran- ers A toute notion de changement ou de mouvement ; Mintemporaité des corps eélestes, done de V’éther, dont le mouvement perpétuel — du fait qu’ est perpétuel ~ ne serait pas « dans le temps »®. Cette comparaison avec le deuxiéme livre du traité peutelle nous conduire TEMPS ET ETERNITE DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE 18 plus loin”? ? Au deuxiéme livre, Aristote parle expressément d'un «moteur» et d'un «md. Pourquoi n’en serait pas de méme ici ? Pourquoi refuser aux étres incor- porels le statut de «moteury, voire de «premiers moteurs immobiles » ? Cette question dépasse les bornes de cette étude. Constatons simplement que V'on a argu- menté avec quelque légéreté sur la tradition manuscrite du mot grec qui commande toute l'interprétation du passage. Diaprés les manuscrts recensés dans les éditions modermes du trité, Aristote aurait_parlé, dans les demiéres lignes du passage, d'un corps qui «se meut» (civetrax, 2791) d'un mouvement incessant™. Il est néanmoins possible que, au liew de « se meut, i ait écrit « met en mouvement » (cet), en faisant sins! expres- sément allusion & Pactivité d'un moteur. Nous devons cette seconde lecon a Simpi- clus, mais elle a fait constamment objet d'une mépriso™, E. Martineau, par exemple, parle de xuetra wtransformé en kinel» par Simplicius, ainsi que de ‘cla Iegon unanime des manuscrts (..) qu'il faut tout prix sauver»°. Mais il ne agit nullement d'une «transformation» ~ d'une correction, d'une conjecture — de Simplicius. Si 'on se reporte & son texte, on constatera quil affimme avoir trouvé cette legon «dans certains manuscrts» (2 ‘rLow nBpor dvrvypayars, De caelo 291.25). La différence est de taille. A moins que l'on ne remette en cause la bonne foi de Simplicius, i faut admettre qu'on est en face d'une legon trés ancienne non seulement antérieure & celle de nos plus anciens manuscrits, mais probablement antérieure & celle de leur archétype. C'est pourquoi D. J. Allan I'a ainsi mentionnée dans son éition d'Oxford : «ortase rectey, et que J. Tricot Ya adoptée dans 38 tadvction™, Si la legon des manuscrits anciens signalés par Simplicius (K.veT) était Ia bonne, elle confirmerait la fonction des étres incorporels. Is seraient dés lors des «premiers moteurs», qui échappent & usure et au vieillissement du temps et qui seraient ainsi & Vorigine du mouvement incessant de I'éther. Disputent docti !"" Denis O'BRIEN NOTES 1, Voir Ennéade 1117 [ 45 ]6. 2. Proclus, in Tim. I, 345.18-27 éd. Diehl. Simplicius, Phys, 145.1-146. 25 éd. Diels. Je mai mentionné que les sources principales. Voir Hermann Diels et Walther Kranz, Die Fragmente der Vorsokratiker, griechisch und deutsch, 3 Bande, 5¢ éd, (Berlin, 1934-1937). (La pagination est la méme dans les ¢ éditions » Postérieures de cet ouvrage.) 3. Je reprends ici Finterprétation de Parménide proposée dans Etudes sur Parménide, « publiges sous la direction de Pierre Aubenque >, un ouvrage collectif qui paraitra sous les auspices du Centre Léon Robin (Sorbonne), On trouvera dans le premier tome de cet ouvrage un texte grec et une traduction francaise des fragments. 6 DENIS O'BRIEN 4, Botce, Philosophiae consolatio V, 6. Ammonius, De interpretation 136.1 sqq. éd. Busse ; surtout 136.1725. La definition célebre de l'éternité que Yon trouvera chez Botce, nest qu'un écho tr8s lointain du potme de Parménide. Voir aussi la note suivante. 5. Richard Sorabji, Time, creation and the continuum, theories in antiquity. and the early middle ages (London, 1983), pp. 101~102. Sorabii fait appel aussi & Botce, De trinitate IV, 64~77, ol "on ne trouve aucune allusion & Parménide. 6. Ammonius, De interpretatione 136.24~25 &d. Busse. Asclépius, Meta- physica 38.17-18 ;” 4230-31; 202.16-17 éd. Hayduck. Philopon, Physica 65.9 44, Vitel, Olympiodore, in Phaedonem XIII, 2; 75.9 éd. Norvin (= 167.12 £4, Westerink). Pour la citation de Simplicius, voir n. 2 supra 7. Suisie trop sévére ? Le commentaire de Sorabji esti ici ambigu ? L’auteur crit en effet, Time, ereation and the continuum, p. 102: «I can thus claim that the ‘now* and ‘is of eternity were construed often enough (and with explicit reference to Parmenides, in the case of Ammonius) aS non-temporal ». Faisons le point : Ammonius fait allusion & Parménide, mais sans citer le mot « maintenant » 5 Bodce (dans le passage allégué par Sorabji, voir n. 5 supra), distingue deux sens dde « maintenant », mais ne souffle mot de Parménide, 8, Asclépius, Metaphysica 42.30~31 éd. Hayduck. 9. Par exemple, Plotin, Enn. Il 7 [45] 11.5254 Proclus, in Tim. 1, 239.26 éd. Die. 10, Pour un interprétation différente des citations néoplatoniciennes de Parménide, voir John Whittaker, God, time, being, two studies in the transcendental tradition in Greek philosophy’, dans la collection, Symbolae osloenses fase. supplet. n’ 23 (Osloae, 1971), pp. 16-32. 11. Parménide n'est pas seul dans son cas ; le méme traitement est réservé & Empédocle. Ainsi la théorie d'un ¢ temps cyclique », que l'on trouve dans les frag- ments (surtout fr. 30), a été dénaturée par les exégttes modernes, qui se sont laissé Influencer abusivement par linterprétation néoplatonicienne de TAgrigentin. Voir mon ouvrage, Pour interpréter Empédocle (Paris/Leyde, 1981). 12, Harold Fredrik Cherniss, Aristotle's criticism of Plato and the Academy (Baltimore, 1944), p. 212. Pour une interprétation opposée a celle de Chemniss (et done proche dé la mienne), voir John Whittaker, «The ‘eternity’ of the Platonic formsy, in Phronesis 13 (1968), pp. 131-144, 13, Alfred Edward Taylor, A commentary on Plato's « Timaeus » (Oxford, 1928), pp. 186~187. 14. Tous les manuscrits ne donnent pas le second « toujours » (aei, 281), ct certains commentateurs ont done supprimé. Voir John Whittaker, «Timaeus 27DS ff.», Phoenix 23 (1969), pp. 181-185 ; «Textual comments on Timaeus 27C—D +,” Phoenix 27 (1973), pp. 387-391. Les éditeurs les plus récents ont retenu : John Bumet, dans la collection, Seriptorum classicorum bibliotheca oxo- niensis (Oxonii, 1902/1905) ; Albert Rivaud, dans la collection Budé (Paris, 1925). (Whittaker, dans le deuxiéme article mentionné ci-dessus, a signalé & cet endroit plus d'une erreur dans les apparats de ces deux éditions.) 15. Le probléme inverse se poserait-l pour I'c éternel », a/onios ? Cet adjectif Slattache non seulement au modéle (37D3), mais aussi & son’ image (D7). Mais cela ne suppose pas une identité de Mmage et du modéle : l'image est « 6temelle » TEMPS ET ETERNITE DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE n (aionios, 37D7), parce qu'elle est image de I'« éternité» (gion, 37DS—7), & la différence du modele, le vivant intelligible, dont la nature méme est « éternelle » (aionios, 37D3). Pour une interprétation différente, voir Rémi Brague, Du temps chez Platon et Aristote, quatre études, dans la collection, Epiméthee, essais philo- sophiques (Paris, 1982), pp. 63-69. La distinction proposée cidessus, entre les deux sens d'aionios (pour Vimage et pour le modéle), nimplique pas, me semble--il, que Ion doive attribuer & Platon la distinction de I'éternité et de la « sempiternité » que l'on rencontrera chez Botce. (Pour opinion contraire, voir Brague, p. 65.) 16. Sur ce passage, voir Brague, Du temps chez Platon et Aristote, pp. 39-42. 17, Cette erreur de méthode dans histoire de la philosophie se rencontre Iréquemment. Voir mon étude, «*Préjugé’ et *présupposé” en histoire de la philo- sophie, la taille et la forme des atomes dans les systemes de Démocrite et d'Epicure », in Revue philosophique de la France et de l'Etranger, année 107, tome 172 (1982), pp. 187-203. Le rapport réciproque temps/durée est devenu un « présupposé », au sens oi je Vai défini dans cet article, mais il ne I'a pas toujours été et ne I'est pas our tout le monde. L'histoire du probleme dépasse les limites de cet article. On consultera avec profit André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la Philosophie, 13° éd. (Paris, 1980) ; voirles articles « Durée », « Eternité », «Temps» (dans article sur I’« Eternité », la’ référence & Bodce est fautive). Sur Ia notion de ‘durée », lire aussi les articles de Littré et du Trésor de la langue francaise, s.v (1.7 [ Paris, 1979 ] $58 saq.). 18, Aristote, Phys. IV, 10-14, 21729-22417. Définitions : cap. 11, 2191-2 (nombre) ; cap. 12, 220632 saa. (mesure) 19, Phys. IV, 12, 221426 sqq. Pinterpréte ainsi la répartition des idées dans ce passage (et absence de nombre et Vabsence de changement impliquent une absence de temps) ; le cheminement de la pensée n'est pas des plus limpides. 20. Phys, IV, 12, 221a26~b7, Voir Simplicius, Phys. 741.15~742.18 6d. Diels ; surtout” 742'12-15. Parmi les modemes, voir Hervé Barreau, «Le traité aristotélicien du temps ( ‘Physique’, IV, 10-14, 217b 29 — 224217) >, Revue philosophique de la France et de !Etranger, année 98, tome 163 (1973), pp. 401-437, surtout pp. 423-424. Barreau, comme Simplicius ailleurs, distingue ‘cles astres eux-mémes, dont lexistence est éternelle, et leur mouvement qui, en tant que mouvement local (dans le Ciel), est dans le temps ». Cette distinction est- elle nécessaire ? J'ai préféré ne pas trancher (voir nn. 73 et 91 infra). 21, Phys. IV, 12, 221b7—23. 22. Phys. IV, 12, 22123-22289, 23. De caelo 1,9, 27911 —b3. 24, De caelo 1, 9,279 18 ; Phys, VII, 10, 26769. 25. Aion (De caclo I, 9, 27922) : dans la vaste littérature sur Vhistoire et la signification de ce terme, je me bornerai a citer un ouvrage et deux articles. Enzo Degani, Aicsv da Omero ad Aristotele, dans la collection, Universita di Padova, ubblicazioni della Facolta di lettere e'filosofia, vol. 37 (Padova, 1961), 158 p. E, Benveniste, «Expression indo-européenne de I'séternité’ », in Bulletin de la Société de linguistique de Paris 42 (1937), pp. 103-112. A.-M. Festugitre, « Le sens philosophique du mot aicsv, a propos d’Aristote, De caelo 1, 9 », in La parola del passato 11 (1949), pp. 172-189 ; réimprimé in Etudes de philosophie grecque, dans la collection, Bibliotheque d histoire de la philosophie (Paris, 1971), pp. 254—271 w DENIS O'BRIEN ova: PE elo 1,9, 279822 (rd narra alibva) ; Time 38C1-2 wivra aida), 27. De coelo I, 9, 279422-28 28. Phys. IV, 12, 221a26-b7. 29. Les deux termes: cembrassés, Phys. IV, 12, 221b4 (neptéxera, of. 028 (neptéxenbai) ; « embrasser >, De caelo 1,'9, 279427 (wepeéxov). Je Tapproche ainsi, dans ces deux textes, les étres qui sont < toujours» (sujet du verbe au passif) etc infinite » du temps (objet du verbe & Vectip, 30. «Continuent » : De caelo 1, 9, 279422. 31. Cette conclusion (dira-t-on, comme l'un de mes lecteurs, qu'elle est trop simple pour étre vraie ) ne se comprend que si l'on se débarrasse du « présupposé » que j'ai déja relevé dans ma critique de Cherniss. Pour celuici, le temps suppose Ja durée, si bien que Pabsence de temps suppose T'absence de durée ; un aion «duratif ne serait done pas intemporel. Le méme présupposé sape, dans ses fonde- ments mémes, Vinterprétation qu’ont donnée de la pensée d°Aristote plusieurs exésites modemes. Relisons, par exemple, 'ouvrage dea cité de R, Sorabji, Time, creation and the continuum. Lorsque celuici résume un texte d'Aristote (Phys. TV, 11, 21821 ~219a1), il écrit, correctement, que le temps suppose le change ment (p. 74: «the existence of time involves the existence of change ») ; mais, trente pages plus bas, lorsqu'il reprend le méme texte, c'est la durée qui suppose Je changement (p. 106 : «duration implies change »). L’auteur a manifestement confondu ici temps et durée ; mais comment alors comprendre que, pour Aristote, des étres intemporels « continuent » a jouir de la vie la meileure et la plus indé- pendante ? Comment des tres intemporels peuvent-ils bénéficier dune « continuté », donc d'une durée, si «durée» et «temps» sont concus comme des synonymes, voire comme des termes interchangeables ? ‘Avant de passer de Platon a Plotin, il me faut bien prendre position sur un probléme de fond, que j'ai escamoté jusqu'ici : dans le Timée, I'« image» de I’éter- nité (37DS sq.) éstelle le < temps> ou le «ciel»? D'aprés Vinterprétation tradi tionnelle de ce passage, reprise par Plotin (Enn. Ill 7 [45] 1.16 saq., et alibi), crest le temps. A en croite R, Brague, ce serait plutot le ciel, Voir son étude, «Pour en finir avec ‘le temps, image mobile de T'éternité’», pp. 11—71 d'un ouvrage déja cité, Du temps cher Platon et Aristote, Or, dans la phrase qui suit immédiatement introduction de I’eimage » (37DS~7), faccorderais volon- tiers que Je cciel» (ouranos) est complément d'objet & la fois du participe (raxooudy) et du verbe (woveD). Je traduitais, en adoptant & une nuance prés la traduction proposée par Brague : Ie démiurge, « en organisant le ciel e fait comme image de Vaion >. (Voir Brague, p. 47 ; ai retenu son addition de « comme » devant le second accusaif.) Mais ce coup porté & Y'nterprétation traditionnelle du passage estil mortel ? Peut-ttre pas. Platon enchainait, 37D7 : «... cela méme que nous avons nommé “temps? ». Selon Brague, cette subordonnée se rattacherait & la men- tion faite du dans la premiére partie de la phrase (Tim. 37D6 ; Brague, pp. 63-69). Je prendrais plut6t pour antécédent tout le groupe de mots qui pré- eéde (37D6-7: uévorros.... elxéva) et interpréterais ainsi Vensemble de la phrase : le démiurge « eut Fidée de faire une sorte image mobile de I'éternité > (37D5) ; cen méme temps qu'il organise le ciel, il fait comme image de Péternité, <étemnité > qui reste dans Vunité, < image >“étemelle* qui se meut selon le nombre » (37D5~7) ; c'est enfin-« cela méme» (roDrov, & savoir Ie image *éter- nelle’ qui se meut selon le nombre, de 'éternité qui reste dans Vunité ») ‘TEMPS ET ETERNITE DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE «que nous avons nommé ‘temps’ » (37D7). Le coup n’était done pas moztel : le temps» redevient cimage >. Il lest encore, dix lignes plus bas. Selon Brague, le temps qui imite I’éternité » (38A7) ne doit pas étre considéré simplement comme lune cimage », parce que le temps «mime et fabrique une copie tout a la fois > (pp. 60-61). il me semble plus simple de supposer, au contraire, que le temps est image de Péternité du fait méme qu’ill"e mite » (3847). 32. Ennéade Ill 7 [ 45 ]. On posséde sur ce traité un commentaire de Werner Beierwaltes, Plotin iiber Ewigkeit und Zeit (« Enneade » III 7), itberserzt, eingeleitet und kommentiert von W.B., dans la collection, Quellen dey Philosophie, Texte und Probleme, «herausgegeben yon Rudolph Berlinger>, n° 3 (Frankfurtam-Main, 1967), 319 p. Je signale aussi un trés bon article de Monique Lasségue, « Le temps, image de léternité, chez Plotin », in Revue philosophique de la France et de I’Etranger, année 107, tome 172 (1982), pp. 405-418, La traduction la meilleure est celle de Arthur Hilary Armstrong, Plotinus, dans la collection, Loeb classical library, tome MIL (London/Cambridge, Massachusetts, 1967). Une seule édition scientifique : Paul Henry et Hans-Rudolf Schwyzer, Plotini opera, dans la collection, Museum Lessianum, series philosophica,n° 33, tomus I (Paris/Bruxelles, 1951). 33, Ici, comme dans les pages qui suivent, je traduis librement, en emprun- tant quelques expressions @ Emile Bréhier, Plotin, Ennéades, dans la collection Budé, tome III (Paris, 1925). 34, nn, 7 [ 45] 1-2. 35. En, U7 [ 45 ]2.32-33, 36. Enn, WL 7 [ 45 ]3~¢ 37. Bnn. IT [45 ] 5.18 9a. 38, Brn. 7 [ 45 ] 615-17 et 35, 39. Botce, Philosophiae consolatio V, 6 (lignes 89, éd. L. Bieler, Corpus Christianorum, series latina, n° 94), Sur la position de !'Un austela de T'aion, on consultera avec profit un article de Pierre Aubenque, « Plotin philosophe de la fem- poralité », in Diotima 4 (1976), pp. 78-86. 40. Plutarque, De £ apud Delphos, cap. 20, 393A saa. 41, Voir John Whittaker, ¢ Ammonius on the Delphic E », in Classical quar- terly, n.8, 19 (1969), pp. 185-192. Voir aussi God, time, being, pp. 11-15. 42. Brn, U7 [ 45 ]3.15. 43, Cap. 3. 21-22. 44, Cap. 3. 22. 45. Cap. 3, 31-33, 46. Cap. 3. 34-36, 47. Platon, Timée 37E5—38B5 (voir supra), 48, Bnn, 7 [45 ]3. 36-38. 49. L'interprétation « intemporelle » de ces vers (ff. 8, 22-25) proposée par Sorabji est manifestement erronée, Voir Time, creation and the continuum, p. 130. Sur 1H (fr, 8.23: ¢a un endroit »), yoir Liddell, Scott, Jones, A Greek-English Lexicon, 9° éd, (Oxford, 1940), s. vv. 6, %, 76, § A, VII, La, 50. En, IIL 7 [ 45 ]3. 36-38. 80 DENIS O'BRIEN 51, Botce, Philosophiae consolatio V, 6. J'ai traduit le dud mv de Parmé- nide (fr. 8.5) par : « tout ensemble », ou par : « tout entier ensemble ». La premitre traduction calque exactement le grec en donnant deux mots pour deux mots ; la seconde écarte toute équivoque, en désignant av comme adjectif, et non pas comme adverbe. Boice a repris la formule parménidienne, sans doute par Pintermé- diaite d'une source néoplatonicienne : « tota simul » est donc une expression compo- sée, signifiant « tout entitre ensemble », ou « tout entiére & la fois». Pierre Courcelle est mépris en traduisant « simul et » comme une locution conjonetive. « L’ternité est la possession a la fois totale et parfaite...». Voir La Consolation de philosophie dans la tradition littéraire, antécédents et postérité de Boéce (Paris, 1967), p. 222. $2. Plotin, Enn. Ill 7 [45] 442-43; 632-33. Aristote, De caelo I, 9, 27942228. 53. Enn. I 7 [45] 621-23, Pai adopté ici le texte de Véditio minor. Voir Paul Henry, Hans-Rudolf Schwyzer, Plotini opera, dans la collection, Scriptorum classicorum bibliotheca oxoniensis, tomus I (Oxonii, 1964). 54, En, 1117 [ 45] 6. 23-29. 55. Cap. 6. 29-36 56. La mention de «substance » (odaia) comme synonyme du « devenir» (cap. 6. 27-28), ainsi que Vallusion réitérée a aion (cap. 6.21 saa. ; of. 4. 42-43), invitent & penser que Plotin prend ici comme cible de sa critique Aristote plutot {que Platon. Mais qu’a-til done pensé de ce dernier ? Lui a-bil prété un emploi non- temporel du « toujours (voir a. 58 infra) ? Ou bien a-til préféré sen prendre au ‘Maitre par personne interposée ? 57. Cap. 3.15, 58. Cap, 6, 33~36. Par souci de simplification, je n'ai mentionné jusqu'ici qu’une seule interprétation du < toujours ». On peut tout de méme en discerner une autre. Dans le texte cité, emprunté a lexposé ex professo de sa propre doctrine (cap. 6. 21-36), Plotin condamne 'adverbe comme une redondance. En revanche, dans ses remarques Liminaites (cap. 2. 28-29), il semble envisager un sens non- temporel du < toujours». Les auteurs plus tardifs se sont attachés plus volontiers 2 cette demigre interprétation, mais Plotin n'y fait aucune allusion dans les cha- pitzes postérieurs de son traité. Sur les deux sens du mot « toujours », voir Proclus, in Tim. 1, 239. 2~6 éd. Diehl (ef. n. 9 supra) ; le Corollaire sur le temps de Simpli cius, Phys. 781. 7-13 (citant Damascius), 783. 1 sqq. (sa position propre). 59. F'introduis ici la théorie d’une génération de la matitre. Dans son traité Sur U'éremnité et le temps, Plotin ne parle expressément que dune génération du temps; mais la complémentarité de ces deux « générations> s'imposera & tout lecteur attentif des Ennéades. J'ai déja abordé le théme d'une génération de la ‘matitre dans mes publications antérieures; j'y reviendrai dans un article, « Théodicée plotinienne et théodicée gnostique », 4 paraitre dans les Actes d'un colloque international sur le Néoplatonisme et le Gnosticisme (Oklahoma, Etats- Unis, 18-21 mars 1984). 60. «Mouvement» : Enn, IL 7 [45 ] 11. 15~20 (U'ame engendre le temps) ; M1 4 [15] 1 (ame engendre la matiére). « Se tourner vers elle-méme », Bnn. IIL 9 [13 ] 3. 10 (genération de 1a matitre). «Se gouvemer elle-mémes, Enn. IIL 7 [ 45 ] 11. 15-17 (génération du temps). 61. Brn. 17 [ 45} 4. 8-11. ‘TEMPS ET ETERNITE DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE at 62. « Ramasser le *toujours? dans e*sans durée? », nn. 7 [ 45 ] 6. 33-36. Une plante « déroule » les virtualités d'un germe : ef. cap. 11. 20 saa. Pour les deux sens de ¢ toujours » (le sens «successif » serait le sens tempore), voir n. $8 supra 63, Les deux expressions de Parménide sont : (1) «ingbranlable », Enn. HLT [45] 11.3 (drpentp ; voir Parménide, fr 8.4 (&rpeués), cf. fr. 1. 29 ; (2) «tout tntitre ensemble », Enn. IIL 7 [45] 1.3 (Guo Goan) ; voir Parménide, fr. 8.5 {euod wav). Le temps, elorsqu'l était pas le temps,..», Ean, IIL 7 (as-is. 64, En, 117 [45 ] 9 ; voir surtout lignes 81-82. 65. Cap. 9. 78-80. 66. Cap. 13. 9-18 61. Cette comparsison avec les « deux > matitres ne se lit pas dans le texte § crest moi qui Pintroduis 68. Je résume ic, en deux lignes, Penseignement du trité, De la matiére, Enn 114 [12] (a matitre du monde inteligble, cap. 2~5 ;1a matitre du monde sensible, cap. 6-16). Sur la matitre du monde sensible, voir aussi le taité, De MTmpassibilte des incorporels, Enn. Il 6 [ 26 } 6~19. Lillumination de la matiére du monde intel Bible provient, en dernier ressort, de 'Un. 69. Les « deux > temps, Enn. IIL 7 [ 45 ] 13. 30-40. 70. Cap. 13. 41-42, 71. Cap. 13. 42-47. 72. Aristote, Pays, IV, 12, 221 226-7 ;De eaelo I, 9, 27942228. 73. Doiton distinguer, chez Aristote, entre le mouvement des astres, qui est bien tempore, et les astres qui, eux, & la différence de leur mouvement, ne sont pas «dans le temps» (voir n. 20 supra) > Le rapprochement proposé cisdessus @’Aristote et de Plotin serait alors moins étrot. 74, Bnn. 17 [45] 13, 44-48. 75, Emmanuel Martineau, «Aion chez Aristote ‘De caclo’, 1, 9 : théologie cosmigue ou cosmo-théologie >, in Revue de métaphysique et de morale 84 (1979), PP. 32-69 ;la traduction eitée, p34, 76, «Bring quite 10 an end», voir Liddell, Scott, Jones, 4». 5aredéeo, § 1. «Achever completement», « accomplir entitrement », voir A. Bailly, Diction” naire grec francais, 268 éd. (Paris, 1963), 5.9. 54aTeAéwo, § 1. Voir aussi Henzicus Stephanus (Henri Estienne), Thesaurus graceae linguae, 3.9. Biaredé (t. IL { Parisi, 1833 } coll, 13441345). Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de 1a langue grecque, histoire des mots (Pari, 1968), 5.0. 516 (pp. 275-276 ; p. 276 + «un des emplois de la préposition a conduit a lui conférer en composition fe sens de “usqu’au bout, complétement" »), s.r. réXos (pp. 1101-1103 8 propos de renews, p. 1102 : 51a: est Tun des « préverbes qui précisent Je procés ou en soulignent Pachévement »). Cf. n. 80 infra 71. Enrico Berti, La fllosofia del primo Aristotele, dans la collection, Uni- versita di Padova, pubblicazioni della Focolta di letere e llosofia, ol. 38 (Padova, 1962), p. 389. 78. Aristote, De eaelo I, 10, 279622; Metaphysica A, 9, 1075410; De artibus animatium I, 5, 644622~23, 79, Voir Liddel, Scott, Jones,s.v, areRées, § U1. 2 DENIS O'BRIEN 80. Jean Humbert a distingué entre deux sens du préverbe 51a: (1) celuici . Mais je n'en connais pas d’exemples. ‘Que M, Martineau produise ses autorités. Si Martineau traduit incorrectement SsaredeT dans la phrase citée (Aristote, De caelo I, 9, 279418~22), le traducteur le plus récent ne V’a pas traduit du tout, On lit en effet : « Les choses qui sont 12... joulssent de la vie la meilleure et 1a plus indépendante pendant la durée tout entiére ». N’est-ce pas traduire ici €xovot plutot que éxovra... 5eareAet? La traduction est celle de Bertrand Dumoulin, dans un ouvrage dailleurs trés utile, Recherches sur le premier Aristote (Eudéme, De la philosophic, Protreptique), dans la collection, Bibliotheque d'histoire de la Philosophie (Patis, 1981), p. 53. 81. Revue de métaphysique et de morale, 84 (1979), pp. 50 et S6-57. 82, Dans la théorie cinétique d’Aristote, un mouvement circulaire est «continu » et «perpétuel » (aidior) en raison de la coincidence (ou de Vabsence) de son point d’arrivée et de son point de départ. Il se distingue ainsi du mouvement rectiligne. Voir Phys. VIM, 9, 26Sa13 sag. (¢ perpétuel », 265425 ; « continu », 828), et VIII, 8, 26469 sqq, (surtout 2642728 : seul le mouvement circulaire est continu, parce que mul autre ne saurait ¢joindre le terme au commencement ». ‘Aux chapitres 2—5 du premier livre du traité Du ciel, cette théorie a pour objet Péther, Les mouvements des éléments doués de pesanteur, dirigés vers la périphérie ‘ou vers le centre, sont rectilignes, done opposés l'un a autre. En revanche, il existe un cinguitme élément, I'éther, Sans pesanteur, dont le mouvement est circuleire. Un mouvement circulaire n’a pas de contraire, si bien que cet élément est inaltérable, inengendsé, indestructible ; son mouvement est le seul qui soit «continu et perpétuel » (aidios). Voir De caelo 1, 2-5, 268 b11 — 273a6 (« continu et perpé- fuel», I, 2, 2698 ; absence de pesanteur, I, 3, 26918 sqq. ; absence de contra- igté, 1, 3, 27012 saa. 1, 4, 270 b32 sqq). Voir aussi I, 8, 2723-24 (les extré- ‘mités du ‘diamétre de Punivers s'opposent ; mais, pour le mouvement cizculaire pris dans sa totalité, il n'y a pas de contraire), Au deuxitme livre du méme traité, Aristote développe Vargument inverse : c'est parce qu'il est _« perpétuel » (aidios) qu’un ‘mouvement circulaire n’aura ¢ni point de départ ni point d’arrivée ni milieu » Voir De caelo Il, 6, 28842227. Cette interprétation de la pensée d*Aristote na rien de neuf. Si Martineau a népligé de relire les pages d’Aristote, il aurait pu au moins consulter les commen- tateurs. Voir Simplicius, De caelo’ 289, 26-33 ; 291. 32-292.7 (lire surtout 292, 4-7: «Crest le méme endroit, celui d’od il part et celui ot i se termine ; puisquill est toujours & I'endroit oil il se termine, il se trouve toujours dans le lieu ‘ui lui est propre ; puisqu'l est toujours au point de départ, il est toujours en mou- vernent vers son terme). Voir aussi Averrots, Commentaria t. V (Venetis, 1550), fol, 31¥-32¥, 83, Paul Moraux, Arisrore, «Du ciel», dans la collection Budé (Paris, 1965), v.37, 84. La traduction de Moraux se rencontre déja chez Guthrie, Gohike, Unter- steiner et Daring, Voir William Keith Chambers Guthrie, «The development of TEMPS ET ETERNITE DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE 33 Aristotle's theology », in Classical quarterly 27 (1933), pp. 162-171 (premidre Partie), p. 168 (« entirely immutable »), Cette traduction est reprise dans Aristotle, «On the heavens », dans la collection, Loeb classical library (London|Crambridge, Massachusetts, 1939), p. 93. Paul Gohike, Aristoteles, Die Lehrschriften [t. 1V, 2] (Paderborn, 1958), p. 52 («muss die oberste und héchste Gottheit allem’ Wandel entzogen sein»). Mario Untersteiner, Aristotele, « Della flosofia», introduzione, testo, traduzione e commento esegetico, dans la collection, Temi e testi n° 10(Roma, 1963), p. $9 («completamente immutabile »). Ingemar’ Diiring, Aristoteles, Dar’ stellung und Interpretation seines Denkens, dans la collection, Bibliothek der klassi- schen Alterthumswissenschaften, neue Foige, Reihe 1 (Heidelberg, 1966), p. 361 Ceinsgesamt unverdnderiich »). i, Berti semble avoir entrevu la fonction de av, mais na pas abandonné le rapprochement de ce mot et de duerapdnrov, La fAlosofa del primo Anatotee p. 390 («il divino, quelle primo ¢ supremo, @ in ogni caso immutabile »), Drautres erreurs gitent les traductions plus anciennes de ce passage. Ainsi Jules Barthélemy Saint-Hilaire traduit comme s'il y avait névrasy dans le texte, Traité « Du ciel » d’Aristote (Paris, 1866), p. 82 («le premier et le plus élevé de tous les étres»), Carl Prantl a rattaché nav directement & 76 Oetov, Aristoteles’ vier Biicher tiber das Himmelsgebdude und zwei Biicher iber Entstehen und Vergehen, griechisch und deutsch, dans une collection des auvres @Aristote, Aristoteles’ Werke, griechisch und deutsch mit sacherklarenden Anmerkungen, Band Ml (Leipzig, 1857), p. 75 («das Gortliche... in seiner Gesammtheit als das Erste und Héchste »). Cf. H. Cherniss, Aristotle's criticim of Plato and the Academy, P. 587 (« a proof of the immutability of ‘whatever is the primary and highest divinity’»). John Leofric Stocks traduit comme s'il lisait deux fois r&, « De caclo », dans une collection des cuvres d’Aristote, The works of Aristotle translated into English, éd. W.D. Ross, t. Il (Oxford, 1930), ad, loc, (les pages ne sont pas numéro- ‘t8es : « whatever ts divine, whatever is primary and supreme »), Cette traduction est reprise mot 4 mot par Jean Tricot, Avistote, traité «Du ciel» (Paris, 1949), p. 46 («tout ce qui est divin, tout ce qui est premier et supréme ), On regrette que E, Martineau n’ait pas prit le risque (kaX0s x ivBvvos 1) de donner une traduction frais nouveaux du texte qu’ a si longuement commenté (voir n. 75 supra). Pour la traduction de B, Dumoulin, voir n, 87 infra Je n'ai pas abordé ici le probléme des EyKiK da yeNooopriwera (279430~31). On lira avec profit B.Dumoulin, Recherches sur le premier Aristote, pp. 57-58. 85. Simplicius, De caelo 289.14 saq. 86, Platon, Resp. 380D sqq. Les expressions citées se trouvent en 380E5, 381A6~7, 381B1. 87. Platon, Resp. 381C1—2. Aristote, De caelo 1, 9, 279835. Aristote, De philosophia {t. 16 (éd. Ross)’ ap. Simpl, De eaelo "289.1 saa. (la citation, 289.11). Dumoulin a entrevu ces rapprochements, Recherches sur le premier Aristote, surtout pp. $2~61, mais ne les a point présentés dune facon entitrement ‘atisfaisante, En citant le passage de la République (381C1—2), il a bien transcrit 4058, mais omis k&dAove (pp. 57, 59). Dans Ja phrase sur les « auvres philoso- phiques » (Aristote, De caeio I, 9, 279 830-33), il traduit correctement 14», mais, 4 Ja méme ligne (232), laisse tomber dvayx atov (p. $3). Chez Aristote, il traduit dion par « durée » (p. 53), mais quand il en arrive au Timée, aion devient « éternité », le mot ¢ durée » étant dés lors réservé au temps (p. 56 jf. p. 62). (Dumoulin reprend ici la traduction de Rivaud ; il rend ainsi strictement inintelligible toute possibilité de rapprochement de ces deux auteurs sur l’éxpression « pour toute 'éterité » gion), oo DENIS O'BRIEN 88. Alexandre prenait éther (plus exactement, la sphéze des fixes) comme objet de analyse faite ici par Aristote (ap. Simpl., De caelo 287.19 saq.) : des ‘), ad loc, Voir aussi p. 38 de I'édition Budé (citée n. 83 supra). Pour l'édition de 0. Longo, voir n. 96 infra. 94. Voir Simplicius, De eaelo 291.24 saa. 95. Revue de métaphysique et de morale 84 (1979), pp. 39 et 56 ; ef. p. 42. Les mémes sentiments se retrouvent chez d'autres exégétes. Par exemple, B. Du- moulin, Recherches sur le premler Aristote, parle de «la correction Kiet de Simplicius » (p. 57), et entend désormais « s'interdire toute retouche & une tradition ‘unanime des manuscrits » (p. 52). 96, Pour Védition de Allan, voir n. 93 supra. Tricot, Aristote, traité « Du ciel», p. 46. Le sens du sigle que Allan introduit ici dans son apparat, et qui sera TEMPS ET ETERNITE DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE 85 reproduit par Moraux, n’est pas des plus limpides : $7? (= Simplicius ypdyet). Cest sans doute 'ambiguité de ce sigle qui a induit en erreur bien des commentateurs de ce texte ; elle incline d’ailleurs a leur témoigner quelque indulgence, méme sls se sont laissé abuser, feute d'avoir lu Simplicius dans le texte. Oddone Longo affirme pouvoir déceler la legon k eT dans la traduction latine de Guillaume de Moerbeke ; voir Aristotele, « De caelo », introduzione, testo ‘eritico, traduzione e note, dans la collection, Classici greci¢ latin, con testo a fronte, seconda serie, opere di Aristotele, «sotto la ditezione e con la collaborazione di Carlo Diano », (Firenze, 1961), p. 75. On y lit en effet: « incessabil itaque motu mover ». Voir le'texte de Guillaume compris dans I'édition Konine des cures de Thomas @Aquin, Sancti Thomae Aquinatis.. opera omnia iussu impensaque Leonis XI PM, edita, t. 1H (Romae, 1886), p. 84, Voir aussi l'article de Longo, « Note eritiche al ‘De Cacio’ di Aristotele », in Arti della Accademia nazionale det Lincel, anno CCCLVII (1960), Rendiconti, Classe di Scienze morali, storiche e filologiche, vol. 15, surtout pp. 349-350, 97. Remerciements, Lors de mes recherches sur ¢le temps et I'éternité >, des collegues et des amis ont bien voulu me faire bénéficier de leurs observations ‘ou de leurs critiques : Mme Monique Lasségue, Mme Héléne Merle, M. Luc Brisson, M. Charles Ramond, Qu’lls trouvent tous ici expression de mes plus chaleureux remerciements. Le lecteur m’aura pardonné plusieurs raccoureis dans la fagon dont jai traité un aussi vaste sujet ; on n’arrive en effet 4 sésumer en vingt cing pages la pensée de Parménide et de Platon, d'Aristote et de Plotin, que si Yon met volontai- rement a Pécart étude de maints détails. Par exemple, fai traité un peu lestement les tours et les détours du raisonnement de Parménide sur l'mmortalité, Ains la tradue- tion exacte du fr. 8.9-10 (cf. pp. 60-61 supra) serait : «Quelle nécessité Peat poussé 4 naitre plus tard de préférence a plus tot?» Pour obtenir davantage de précisions sur mon interprétation de ces deux vers, on aura recours 8 'ouvrage déja cité, Brudes sur Parménide, tome Il (cf. n. 3 supra). En citant les remarques de Chemiss sur Platon (p. 62 supra), j'ai pris comme objet de ma critique le sens global du passage cité; je n’ai pas jugé utile de relever les ambiguités qui affectent cer taines expressions de Pauteur américain, Dans mes pages sur Aristote (pp. 65 saa. supra), je n’ai touché qu’ un seul aspect de sa théorie du temps et de I'éternité ; le lecteur qui aurait la curiosité d’en savoir plus sur le concept aristotélicien de temps, et sur son rapport avec le mouvement, consultera avec profit l'article de H. Barreau (cité 1, 20 supra). En commentant Piotin, j'ai traduit adiastatos par ¢ sans durée » (pp. 67 saq. supra) ; ce faisant, je ne me suis pas cru obligé de distinguer durée/ succession/intervalle.’ Ces distinctions (et d'autres encore) relevent plutot de la philosophic du Moyen Age et de la Renaissance. Enfin, j'si présenté comme un Echo lointain de la formule de Parménide (fr. 8.5, homou pan, cf. n.4 supra) la definition de V'éternité donnée par Bodce (ct. toa simul, pp. 67 et 69-70 supra. Pour faire bref, je n'ai pas mentionné ici Proclus, dont la definition de « Péternel > (0 aionion) a sans doute influé sur Botce : voir surtout holon hama (Elementatio theologica, prop. 52). Le simul de Bodce traduit en effet non seulement le homou de Parménide, mais aussi, et peut-ttre plus directement, le hama de Proclus. RESUMES DES CONTRIBUTIONS SUMMARIES IN ENGLISH * MODELES CIRCULAIRES, LINEAIRES ET RAMIFIES DE LA REPRESENTATION DU TEMPS ar Hervé Barreau La rprésentation du temps vest pas une forme a priori, comme le voulait Kant, ni la trace du flux de la temporalité ou de I’historicité, comme le prétendent Hussed! et Heidegger. Elle est le résultat de la fusion de modes circulates inésires et ramifiés de la représentation du devenir. Ces modeles sont attests par les mythes, les philosophies, a logique du temps, les sciences de la Nature et de Histoire. CIRCULAR, LINEAR AND BRANCHED MODELS IN THE REPRESENTATION OF TIME ‘The representation of time is not an a priori form, which is what Kant wanted it to be, nor is it the trace of a flow of temporality or of histericity, as Husserl and Heidegger would have us believe. It is instead the result of a merging of circular, linear and branched models of becoming, models to which myth, philosophy, tense- logic, natural sciences and the historical sciences al bear witness, LA FIGURE DE CHRONOS DANS LA THEOGONIE ORPHIQUE ET SES ANTECEDENTS IRANIENS ‘par Luc Brisson En Gréce ancienne, le Temps, considéré comme un dieu, ne joue pratique- ‘ment aucun réle dans la mythologie traditionnelle dont Hésiode est le porte-parole le plus célébre. Ine devient une figure de premier plan que dans des versions tardives (premier/second siécle aprés JC.) de la théogonie orphique, et cela trés probablement 158 RESUMES DES CONTRIBUTIONS sous Tinfluence du Mithriacisme dont lorigine est iranienne, Aussi par l'intermé- Gisire de la divinité léontocéphale mithriaque, peut-on relier le Chronos orphique au dieu Zurvan de Ian pré-zoroastrien. CHRONOS IN THE ORPHIC THEOGONY "AND ITS IRANIAN BACKGROUND ‘Time, considered as a god, has no place in the traditional Greek mythology ‘of which Hesiod is the most famous spokesman. It comes to the fore only in later (Gistisecond century A.D) versions of the Orphie theogony, very probably un fer the influence of Mithraism, the backgroung of which is Iranian. Through the Mithraic ton-headed figure, the Orphic Chronos can be linked with the pre- zoroasteian Iranian god Zurvan. * INSTANT ET HISTORICITE par Jacques Colette De Platon & Kierkegaard, la notion de V'instant s'est imposée comme déct- sive pour la conception des rapports du temps et de I'étemité. Le sens biblique du Ikairos est & Vorigine de la signification modeme du terme d’historicité, qui apparait ‘en Allemagne au XIX® sigcle. Inconnue de I"Antiquité, historicité est au centre de la pensée de existence, qui est irréductible aux philosophies de Vhistoire et & la étaphysique qui les sous-tend. Cette étude l'indique particuliérement & propos de la conception kierkegaardienne de I'instant paradoxal. MOMENT AND HISTORICITY From Plato to Kierkegaard, the concept of «the Moment» has imposed itself in a decisive manner for the conception of the relationship between time and ttemity, The modern meaning of the term historicity, which appeared in nineteenth century Germany, originates from the biblical sense of the Kairos. Unknown to ‘Antiquity, the concept of historicity is t the very heart of the thinking of existence, in as much as it is unlike the philosophies of History and the metaphysics on which these are based, The present study seeks to analyse more particulary this point by ‘emphasizing the kierkegaardian concept of the moment as the paradox. * ‘TEMPS PHYSIQUE ET TEMPS MATHEMATIQUE CHEZ NEWTON par Frangois De Gandt Newton a supposé un temps absolu au-dela des mesures sensibles. Il @ méme prétendu que ce temps absolu était accessible grive & 'équation des astronomes RESUMES DES CONTRIBUTIONS 159 (Cette équation devenue une pure fiction cinématique chez des auteurs comme Regiomontanus, mais reprise sur des bases physiques par Kepler). Pourtant, dans sa méthode des fluxions, Newton sait jouer sur la relativité du temps et Varbitraire des horloges géométriques, Les motifs théologiques ne suffisent pas & justifier la position d'un temps absolu. Mais peut-re les lois de la mécanique nouvelle condui- sentelles & donner au temps une réalité objective: la représentation et la mesure du temps acquiérent un sens nouveau grive au principe d'nertie et & Ia loi des aires. PHYSICAL TIME AND MATHEMATICAL TIME IN NEWTON Newton posited the existence of an absolute time, a time that was beyond any sensible measurement. Absolute time could however be brought within our ken by the help of the astronomer’s «equation » ; this had become a pure kine- matical fiction in the hands of authors such as Regiomontanus, but was to be siven a physical basis in Kepler’s work. In his « fluxions», Newton does however make skilful use of the relativity of time and of the arbitrariness attaching to geo- metrical clocks. Theological ideas are not enough to justify any assertion of the existence of absolute time, The laws of the new mechanics are able however to confer upon time an objective reality, while the principle of inertia and the law ‘of areas give new meaning to the representation and measurement of time. * TEMPS ET ETERNITE DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE par Denis O'Brien Le concept d’éternité tel qu’on le rencontre chez Plotin ne se trouve chez aucun de ses prédécesseurs. Or, cst Plotin lui-méme qui a occulté ce fait histoire, fen se donnant pour le disciple fidéle de Parménide et de Platon, qu’ll s‘évertue & défendze contre le matérialisme d’Aristote, En vérité, Platon et Aristote ont ceci de commun quills pensent I’éternité comme absence de temps et de changement, et non comme absence de durée, Plotin, au contraire, oppose le temps & I'éternité comme la durée & son absence, introduisant ainsi le concept d’étemnité qui sera celui de Boéce et de tout le Moyen Age. TIME AND ETERNITY IN THE HISTORY OF GREEK PHILOSOPHY Historically, Plotinus is his own worst enemy : he would have us believe that his concept of etemity (absence of «interval» or duration) has been culled from the lips of Plato and Parmenides, whose clear perception of intelligible reality was muddied by the materialism of Aristotle. This is a far ery from the truth, and the mindless repetitions of modem historians cannot make it true. Plato and Aristotle think of etemity as a lack of change, not as a lack of duration. * 160 RESUMES DES CONTRIBUTIONS TEMPORALITE, INCONSCIENT ET REPETITION, DU MYTHE A L'ELABORATION THEORIQUE ar Monique Schneider Les modeles freudiens concernant la temporalité se mettent en place grice au transfert de modéles empruntés & des champs épistémologiques annexes, g60- logie et archéologie. Partant de cette conception stratifiée de la temporaité, Freud rencontrera T'effet sexuel comme contraignant & élaborer un autre modile : ce qui, sur le plan chronoiogique, est situable & un moment donné n’a véritablement lieu qu'« aprés coup» (nacheniglich). Ce second modéle conduira & voir la répétition, non comme une simple réédition, mais comme tentative pour donner corps & un vvécu en souffrance ou en attente, TEMPORALITY AND REPETITION: FROM MYTH TO THEORY Freud initially worked out his models of temporality by borrowing models from neighbouring epistemological fields, notably from geology and from archeology. This ted to a stratified conception of temporality, which was however radically modified when Freud was faced by, and had to take account of, the effect of ty. Freud’s new model of temporality tuned on the point that something which, chronologically, happens at a given moment does not really take place until ‘after the event » (nacherdglich). This will lead Freud to see repetition, not simply a a repeat or cre-print», but as an attempt to give substance and reality to an experience that is already 50 to speak pent up, and awaiting delivery * NOTICE SUR LES AUTEURS Hervé BARREAU, né en 1929, Maitre de Recherche au CNRS. est responsable de Equipe de Recherche du C.N.RS. «Fondements des Sciences», & Strasbourg. ‘Agréaé de Philosophie en 1959, puis Assistant de Logique & l'Université de Strasbourg en 1962, ila soutenu sa thése d'Etat sur «la Construction de la notion de Temps» en 1982. Mla publié Aristote et Vanalyse du savoir, Patis, Seghers, 1972, et de nom: breux articles sur Zénon «’Elée, Aristote, Diodore Cronos, Einstein et la philosophie des sciences contemporaines. Luc BRISSON, né en 1946, d'origine québécoite, est Chargé de Recherche au CNRS.. A la suite d'études en philosophie & Montréal, Pars et Oxford, i donne tune formation en. sanskrit. Ses publications portent sur Platon, le Néoplatonisme et la mythologie de la Gréce ancienne. I! a publié deux ouvrages d'interprétation sur Platon : Le méme et Vautre dans ls structure ontologique du Timée de Platon, Paris, Klincksieck, 1974, et Platon, les mots et les myties, Pars, Maspero, 1982 LiAuteur a également entrepris un travail de bibliographie platonicienne dont ila Agia fait paraitre deux fascicules : Paton 1958-1975, dans Lustrum 20, 1977, et Paron 1975-1980, avec la collaboration d'Héléne Toannidi, dans Lustrum 25, 1983. Ce travall sera réguligrement poursuiv. Sur la mythologie de la Gréce an- cienne il a publié un ouvzage Le mythe de Tirésas. Essai d'analyse structurale, Leiden, Bril, 1976, et plusieurs articles portant notamment sur le théme de la bisexualité. Il a aussi collaboré comme membre de I'Equipe de Recherche 76 du CNRS. «Histoire des doctrines de la fin de l’Antiquité et du Haut Moyen Age», dirigée par Jean Pépin, a des ouvrages sur Plotin en 1980, et sur Porphyre en 1982. Jacques COLETTE, né en 1929, Chargé de Recherche au CNRS, est membre duu Centre de recherches « Phénoménologie, Ontologie, Philosophies de existence», Paris. Doctorat en Philosophie (Paris, 1972): Histoire et Absolu. Essai sur Kierkegaard. Il a publié six livres sur Kierkegaard et sur Hegel, des traductions du danois et de Vallemand et une cinquantaine d’articles sur T'idéalisme et le roman- tisme allemands, la phénoménologie et les philosophies de existence. 162 NOTICE SUR LES AUTEURS Frangois De GANDT, né en 1947, Chargé de Recherche au CN.RS.., est Agrégé de Philosophie et licencié en mathématiques. IL a publié deux traductions com- mentées : Hegel, Les orbites des planétes, Paris, Vrin, 1979 ; Kant, Premiers princi es metaphysiques de la science de la nature, Paris, La Piéiade, 1984, et divers articles sur Aristote, Galilée, Torricelli, Kepler, Huygens et Newton, ainsi que des contributions & des recueils collectifs : Penser les mathématiques, Pati, Le Seuil, 1982 ; Science and speculation, Cambridge, Cambridge Univ. Press, 1982 ; Appliquer les mathématiques, Paris, Ed. du C.NRS., 1984. Il prépare un commentaire schéma- tique des Principia de Newton. Denis O°BRIEN, né en 1936, est Maitre de Recherche au CN.RS. Docteur en Philosophie & l'Université de Cambridge, successivement Scholar (Trinity College) et Fellow (Gonville and Caius College, il est depuis 1971 membre du Centre Léon Robin, & la Sorbonne. Il est Fauteur de nombreuses publications, en francais et en anglais, sur les Présocratiques, Platon, Aristote, Plotin. Son demier ouvrage en date, Theories of weight in the ancient world, en quatre volumes, parait & Pars/ Leyde, les Belles Lettres / EJ. Brill ‘Monique SCHNEIDER, née en 1935, Maitre de Recherche auC.N.RS.,Eleve de V'Bcole Normale Supérieure, Agrégée de Philosophie en 1958, elle 2 soutenu sa thése d’Etat en 1980 sur ela réflexion émotionnelle ». Travaillant essentiellement sur articulation entre le travail théorique et I’élaboration imaginaire, elle a publié, entre autres, Ja Parole et I'inceste, Paris, Aubier- Montaigne, 1980, et Freud et le plaisir, Paris, Denoél, 1980. Elle prépare actuellement une étude sur les figures de acte interprétatif dans L 'Interprétation des réves de S, Freud,

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