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PLAN THEMATIQUE :
Cosmogonies, anthropogonies, et mythes sur l'ordre du monde
La cosmogonie sumérienne
L'Atrahasis
Le mythe d'Enki et Ninmah
L'Epopée de la création (Enûma Elish)
Les Sept Sages
Le Déluge
Enki et l'ordre du Monde
Mythes sur les dieux
Enlil et Ninlil
La descente d'Inanna aux Enfers
Ninurta et Azag/Anzû
Inanna et Enki
Enki et Ninhursag
La visite de Nanna à Nippur
Ereshkigal et Nergal
L'Epopée d'Erra
L'ordalie de Marduk
Récits héroïques, épopées
Enmerkar et le seigneur d'Aratta
Gilgamesh et Agga
L'Epopée de Gilgamesh
Le mythe d'Etana
Le mythe d'Adapa
Oeuvres de pensée
Le Monologue du Juste souffrant
La Théodicée
Le Dialogue du Pessimiste
Autres
Le pauvre homme de Nippur
Dès que l'écriture mésopotamienne a atteint un stade lui permettant de mettre par écrit de véritables
oeuvres littéraires, de nombreux mythes, issus jusqu'alors de la tradition orale, on put être mis par
écrit (entre autres, car la littérature mésopotamienne ne se limite pas à cela). Lorsque les
nombreuses tablettes d'argile sur lesquelles étaient transmis l'héritage culturel de la civilisation
mésopotamienne ont été exhumées à partir du XIXè siècle, c'est tout un ensemble de récits mettant
le plus souvent en scène les dieux, mais aussi des héros légendaires, qui se présentèrent à nous, nous
aidant à mieux comprendre cette culture qui s'est développée durant plusieurs millénaires, depuis les
Sumériens jusqu'aux derniers lettrés mésopotamiens du début de notre ère. Nous allons ici passer en
revue les principaux mythes et épopées mésopotamiens, et voir l'évolution de la pensée
mésopotamienne à travers eux.
Note : il est souvent assez difficile de classifier des textes mésopotamiens dans un genre littéraire ;
de nombreux textes se présentent notamment sous la forme de prières aux Dieux (hymnes,
lamentations, on trouve aussi des prières dans des récits), alors que les listes servent dans plusieurs
domaines : histoire, droit, "sciences", etc. ; un aspect de la littérature religieuse (simples hymnes,
incantations, rituels) a été volontairement laissé de côté, et à littérature "scientifique" et à celle
juridique, évoquées dans les pages traitant de ces sujets.
SUMER : LA FORMATION DE LA CIVILISATION MESOPOTAMIENNE
Les Sumériens sont les initiateurs de la civilisation mésopotamienne. Ce sont le premier peuple au
monde à avoir développé l'écriture, donc le premier a avoir développé une littérature. Leur apport
est donc considérable, et ce à l'humanité toute entière. Ce sont eux qui ont développé la première
mythologie mésopotamienne. Ils ont créé la première consmogonie, l'anthropogonie, et le mythe du
Déluge. Ils ont aussi développé le panthéon mésopotamien, et ont élaboré les premiers récits
héroïques. Beaucoup de ces textes ont eu une influence qui a dépassé le cadre de la Mésopotamie
antique, puisque l'on retrouve certaines influences dans la Bible ou chez les Grecs. La période
sumérienne est donc déterminante.
Si la plupart de ces récits ont étés élaborés (à l'oral) durant le IIIè millénaire, ils ne nous sont connus
que par des tablettes plus tardives, datant au mieux de la période de l'Empire d'Akkad (23402190)
et de la néosumérienne (21902004), durant les quelles ils ont étés pour la première fois mis par
écrit. Sinon ils sont connus depuis des textes écrits par des scribes sémites en sumérien, malgré la
disparition de ce peuple, aux IIè et Ier millénaires, ou en akkadien. Les textes sumériens ont
toujours étés recopiés par leurs successeurs, avec quelques modifications toutefois.
(Bibliographie : S.Noah Kramer, L'Histoire commence à Sumer, Flammarion, Champs)
La cosmogonie sumérienne
Il n'existe pas de mythe sumérien expliquant la création de l'Univers. On connaît juste quelques
allusions à cela dans quelques textes. S.N. Kramer a reconstitué la cosmogonie sumérienne à partir
de ces quelques éléments. Une part importante est jouée par la déesse Nammu, qui est la Mer
Primordiale. Elle a enfanté An, le Ciel, et Ki, la Terre. Ils formaient au départ une "montagne
cosmique". Ces deux divinités ont enfanté les Annunaki, les grands dieux (dont Enlil, Enki, Inanna).
Le plus grand de ceuxci, Enlil, le dieu de l'athmosphère, sépare ensuite le Ciel et la Terre, et créé
l'Univers tel que le concevaient les Mésopotamiens. L'ensemble réside sur la Mer Primordiale. La
Terre (Ki) est située sur un plan qui sépare le Ciel (An) et l'Enfer (Kur). Sur ce plan, elle est
entourée par l'Océan Terrestre, l'Apsû, dont le maître est Enki. Cette cosmogonie ne découle pas
d'un seul mythe. Il ne s'agoit donc pas d'une oeuvre littéraire. Mais sa présence ici est nécessaire du
fait qu'elle dispose de traits généraux qui vont se retrouver dans les cosmogonies akkadiennes.
Le Déluge
Un autre mythe sumérien sur les origines du Monde est celui dit du "Déluge". Dans des temps très
reculés (d'ailleurs qualifiés par les Mésopotamiens "d'avant le Déluge"), les dieux et les hommes
vivaient en harmonie, sous l'administration du roi des dieux Enlil, les derniers servant les premiers,
dans les cinq cités primordiales, Eridu, Badtibira, Larak, Sippar, et Shuruppak, où se trouve la
dynastie régnante au moment du Déluge. Pour des raisons inconnues en raison de lacunes sur la
tablette, les dieux, en particulier Enlil, décident d'anéantir les êtres humains, en provoquant un
immense Déluge qui les tuera tous. Mais l'un d'entre eux a décidé de contrecarrer ce plan en
avertissant Ziusudra, roi d'une des cinq villes, très respectueux des dieux, et en lui ordonnant de
construire un bateau qui le sauvera du Déluge. Lorsque celuici survient, et dure sept jours et sept
nuits, tous les Hommes sauf Ziusudra et les siens. Lorque les eaux se retirent, il semble que les
dieux lui pardonnent cet acte et donnent une seconde chance aux êtres humains, et Anu et Enlil
déifient Ziusudra et l'envoient à Dilmun (Oman dans le Golfe Persique). Ce mythe a évidemment
inspiré le mythe de Noé, ainsi que ceux plus proches de l'Atrahasis et de l'Epopée de Gilgamesh.
Les cycles des dieux
Les Sumériens ont imaginé le panthéon de la Mésopotamie. Ils ont défini le rôle des dieux, ainsi
que leur personnalité. Les dieux sumériens sont assez proches des humains. Ils ont une personnalité
très marquée, avec leurs qualités et leurs défauts. Ils vont ensuite être "déshumanisés", pour devenir
quasiment inaccessibles chez les Sémites (voir plus bas). La mythologie sumérienne comporte de
nombreuses oeuvres. Elles mettent en scène les dieux, dans leurs rapports entre eux, mais aussi avec
les humains. Certains dieux sont même très proches de ces derniers, et prendront une part active
dans les récits héroïques. Quelques figures se démarquent. An et Enlil, les deux dieux principaux,
ne sont pas les plus représentés dans ces mythes. Enki (Ea chez les Sémites), le dieu le plus rusé,
créateur de l'Homme et son plus fidèle protecteur, créateur de la civilisation, et grand ordonnateur
du monde, se trouve comme personnage principal de nombreux mythes. Inanna (Ishtar chez les
Sémites) est la divinité féminine majeure de la civilisation mésopotamienne. Déesse de l'amour, elle
est d'une grande beauté, est séduisante, mais capricieuse, voire colérique, et sait user de ses atouts.
C'est l'une des divinités qui a de tout temps eut le plus de faveurs de la part des fidèles. Ces deux
dieux sont donc ceux qui sont le plus présents dans la mythologie mésopotamienne (voir aussi les
autres paragraphes). Mais il existe évidemment d'autres récits qui mettent en scène d'autres dieux. Il
s'agit ici de voir les principaux mythes sumériens mettant essentiellement en scène des dieux.
ENKI
Enki et l'ordre du monde
Ce mythe raconte comment le dieu de la sagesse organisa le monde en fixant un rôle à chancun des
êtres vivants et en pourvoyant de ses bienfaits certains pays. Le dieu organise le Monde autour du
pays de Sumer, et fait en sorte que les pays alentours puissent servir à le pourvoir en diverses
richesses. Il commence par faire de la ville d'Ur un grand port ouvert sur le Golfe Persique d'où
parviendront les biens du Monde entier. Il se rend ensuite au lointain pays de Meluhha (la vallée de
l'Indus, à cette époque cadre de la puissante civilisation harapéenne), extrémité orientale du
commerce maritime avec Sumer, qu'il pourvoie en or, en étain, mais aussi en produits agricoles.
Puis il fait demitour et se dirige vers Dilmun (Bahrain, déjà le cadre du mythe d'Enki et Ninhurshag
; voir plus bas), d'où l'on exportera des céréales et des dattes, avant de se rendre en Iran, plus
particulièrement en Elam, qui produira des pierres et de métaux. Puis il traverse la Mésopotamie
pour se rendre en Syrie, pays des Martu (les Amorrites), qui seront de grands éleveurs. Ainsi, le
Monde est organisé par Enki autour de Sumer, qu'il pourvoiera en bien dont le pays ne dispose pas,
et instaure les cadres politiques et économiques de ce dernier. Puis, dans une seconde partie, le dieu
assigne chacun des dieux à une tâche précise, au cours d'une longue énumération où sont passés en
revue tous les domaines de la civilisation mésopotamienne. Ainsi, Enki est non seulement celui qui
a organisé le monde des Hommes, mais également celui qui a décidé du rôle des dieux.
Enki et Ninhursag
Le récit se passe sur l'île de Dilmun, l'actuel Bahrain, qui entretient alors d'intenses relations
commerciales avec Sumer. Ce mythe raconte comme Enki a fait de cette contrée, au départ
désertique, une région disposant d'abondantes ressources pour le bonheur de Sumer. Le dieu y fait
creuse d' abord un puits, pour faire apparaître l'eau douce, nécessaire à la vie, et donc au
développement des plantes. Après cela, il couche avec son épouse Ninhursag, qui, en neuf jours,
met au monde Ninsar, la déesse des légumes. Puis Enki couche ensuite avec Ninsar, qui met au
monde en neuf jours NinKur, divinité des plantes destinées au filage, qui donnera de même Uttu,
déesse du filage, à Enki. Ainsi, le filage, activité importante de la civilisation, peut apparaître à
Dilmun après l'apparition des plantes destinées au filage. Le récit comporte une lacune alors que
Enki poursuit cette dernière. On reprend le texte au moment où Enki, qui a certaines parties de son
corps meurtries, se fait aider par Ninhursag qui lui donne des plantes médicinales (en fait les
divinités de ses plantes) pour se guérir. Ce mythe a donc montré une nouvelle fois Enki en tant que
créateur de la civilisation.
INANNA
Inanna et Enki
Ce récit sumérien met en scène la déesse Inanna (Ishtar chez les Akkadiens), patronne de la ville
d'Uruk où se trouve son temple l'Eanna. A une époque reculée, sa ville est peu développée, et à un
niveau de civilisation assez faible. Il n'en est pas de même dans la ville voisine d'Eridu, patrie du
dieu de l'Abîme, mais surtout de la sagesse, Enki, qui a permis à ses sujet à accéder à un haut degré
de civilisation grâce à tous ses me pouvoirs détenus par les dieux, caractéristiques de toute société
civilisée, qu'ils pouvaient transmettre à leurs sujets, qui allaient de la réflexion, au bonheur, à
l'élevage, à la musique, la prostitution, etc., on en dénombre une quantité impressionnante, et ce
récit est d'ailleurs en majorité constitué de leur énumération, ce qui le rend assez lourd à lire.
Inanna, jalouse de cela, décide de faire en sorte qu'Uruk puisse aussi disposer des ces me, et se rend
à Eridu. Elle s'invite chez Enki qui se voit contraint de lui offrir un banquet auucours duquel elle
l'ennivre, et s'empare des me qu'elle transmet à sa cité, qui devient alors aussi civilisée qu'Eridu.
La descente d'Inanna aux Enfers
Ce mythe sumérien raconte comment la déesse Inanna, déjà déesse et reine du Ciel, a décidé de se
rendre maître des Enfers, où réside sa soeur et ennemie jurée Ereshkigal. Elle décide pour cela de
s'y rendre, mais prend quelques précautions avant. Elle avertit son conseiller Ninshubur de ses
intentions, et lui dit que si elle n'est pas de retour après trois jours et trois nuits, il doit aller prévenir
Enlil, puis, si ce dernier n'accorde aucune aide, Nanna, et, enfin, en dernier recours, Enki. Une fois
cela fait, elle se rendre au pays sansretour. Une fois aux protes de l'Enfer, elle invente un prétexte
pour pouvoir rencontrer sa soeur. Mais celleci, avertie par son portie, pressent le danger. Aussi, elle
feint d'accepter et fait pénétrer Inanna dans son royaume, en la faisant passer sept portes. A chacune
d'elles, on lui enlève un bijou ou un vêtement, de sorte qu'elle se présente nue devant Ereshkigal.
Celleci appelle alors les Annunaki, les Sept Juges des Enfers, qui lui jettent le "regard de mort", qui
la tue. Puis sa soeur fait pendre son cadavre à un clou.
Ne la voyant pas revenir, Ninshubur se rend chez Enlil à Nippur. Mais ce dernier refuse d'aider
Inanna, obligeant le vizir de celleci à se rendre à Ur, chez Nammu, qui a la même attitude.
Ninshubur se rend donc comme dit à Eridu, chez Enki, qui lui accorde son aide à sa soeur. Il
confectionne deux êtres asexués, le Kurgarru, auquel il confie la "nourriture de vie", et le Kalaturru,
auquel il confie le "breuvage de vie". Il les envoie aux Enfers, où ils se disent chargé de ramener le
corps d'Inanna au Ciel. Ereshkigal accepte, et ces derniers ramènent la déesse à la vie avec la
nourriture et le boisson confiés par Enki/Ea. Mais, si cette dernière veut sortir des Enfers, elle doit
trouver quelqu'un pour la remplacer. Aussi, elle remonte sur Terre, accompagnée de démons
envoyés par les dieux des Enfers pour la surveiller, pour trouver la victime. Elle se rend d'abord à
Umma et à Badtibira, où les divinités tutélaires de ces villes se prosternent devant elle, échappant
ainsi à la mort. Elle visite ensuite Kullab, où réside son époux Dumuzi, qui lui l'accueille sur son
trône, dans ses plus beaux vêtements. Alors Inanna, furieuse de le voir aussi peu respectueux, dit
aux démons de s'emparer de lui, et de l'emmener aux Enfers à sa place. Il est donc envoyé au pays
sansretour. Cependant, sa soeur Geshtinanna intercède en sa faveur, et émeut Inanna, qui réclame sa
libération. Mais Ereshkigal ne cède qu'à la condition qu'il passe une moitié de l'année sur Terre
auprès de son amante, Geshtinanna le remplaçant aux Enfers, avant de retourner dans l'Autre Monde
le reste de l'année. Ceci inspirera le mythe grec où Aphrodite et Perséphone se disputent Adonis,
avant d'aboutir à un "partage" identique. Ces trois divinités sont d'ailleurs les pendants grecs des
trois mésopotamiens.
Une version akkadienne de ce texte a été écrite au IIè millénaire. Si l'histoire reste globalement la
même, et que les noms des dieux changent (Inanna devient Ishtar, Nanna devient Sîn, et Enki
devient Ea), il y a aussi quelques modifications à certains passages. Ainsi, plutôt que d'envoyer de
démons asexués aux Enfers, Enli/Ea envoie un être chargé de séduire Ereshkigal et de délivrer
Ishtar, ce qu'il fera.
LES AUTRES DIEUX
Enlil et Ninlil
Le grand dieu Enlil, fortement attiré par la déesse Ninlil, la suit, et l'épie alors qu'elle se baigne. Il
ne peut résister et la viole alors qu'elle est encore vierge. De cette union naît Nanna, le dieulune.
Les autres dieux sont scandalisés par cette attitude, ne peuvent pas laisser le crime impuni, bien
qu'Enlil soit leur maître. Ils le condamnent donc à l'exil en Enfer. Mais Ninlil, qui n'en veut pas à
Enlil, et qui est au contraire très attirée par lui, le rejoint en secret. Par deux fois, ils couchent
ensemble, et la déesse met au monde deux autres dieux. Les dieux qui avaient exilé Enlil aux Enfers
finissent par le pardonner, et ils le laissent reprendre sa place au Ciel, avec Ninlil à ses côtés.
Ninurta et Azag
Ce mythe sumérien met en scène Ninurta et Azag, le démon de la maladie. Le démoniaque rapace
Azag a dérobé les insignes divins du grand dieu Enlil. A cause de ce vol, toute l'organisation de
l'univers est brisée, et les dieux perdent leur pouvoir. Dans le désordre général, Ea confie à Ninurta,
fils d'Enlil, la mission de terrasser Azag et de rétablir l'ordre. Le jeune dieu par à l'assaut, mais le
rapace le bat en lui jettant un sort renvoyant ses armes à leur état originel. Après cet échec, Ninurta
revient auprès de son oncle qui lui enseigne la manière de vaincre le démon. En envoyant de
puissantes bourrasques de vent sur Azag, Ninurta l'étourdit et l'empêche de jeter son sort, puis peut
ensuite l'abattre avec ses flèches. Le vainqueur est alors fêté par les dieux comme leur champion,
celui qui a rétabli l'ordr, et obtient sa place éternelle dans le temple de son père Enlil à Nippur. Ce
mythe sera plus tard réécrit au début du IIè millénaire dans une version akkadienne qui reprend le
même récit, à la seule différence que Azag devien Anzû.
La visite de Nanna à Nippur
Ce texte datant de la IIIè Dynastie d'Ur raconte le voyage du dieu de cette cité, Nanna/Sîn (le dieu
lune). Il décide donc de partir d'Ur, pour rendre visite à son père Enlil et à sa mère Ninlil dans leur
cité, Nippur. Il se fait construire un somptueux bateau, le charge de présents destinés à ses parents,
puis il embarque. Il est successivement arrêté à Enegi, Larsa, Uruk, Shuruppak et Tummal, où les
trésors qu'il transporte attisent la convoitise des sanctuaires locaux, mais il continue son chemin
jusqu'à Nippur. Arrivé là, il entre dans le temple de son père, l'Ekur, et lui fait ses offrandes. Son
père, heureux de cette visite et de ces présents, invite alors son fils à un grand banquet. Nanna
profite de l'occasion pour remercier son père de ses bienfaits, et lui demander de faire des bienfaits
pour sa ville, Ur. Enlil ne peut qu'accepter, et accorde à Ur la prospérité. On voit bien que ce texte a
aussi des visées politiques, puisqu'il montre qu'Ur est une ville aimée des dieux, et que donc ses rois
sont biens ceux qui doivent dominer la Mésopotamie.
Les récits héroïques
Une série de mythes sumériens met en scène des souverains légendaires, datant d'une époque à
laquelle l'écriture ne pouvait rapporter l'Histoire. Ils passent pour être les premiers grands rois de la
région. Il est probable que ces récits soient basés sur des faits réels romancés transmis par la
tradition orale (un peu comme la guerre de Troie), jusqu'au IIè millénaire, au cours duquel ils ont
été transcris par écrit. Ils mettent en scène des souverains mésopotamiens résidant dans les plus
anciennes villes du pays. La plus grande d'entre elles était Uruk, qui semble avoir eu une grande
importance politique à l'époque dite protodynastique (vers 28502500). Ces souverains légendaires
étaient Lugalbanda, Enmerkar, et Gilgamesh. Ils ont opposés dans ses légendes à d'autres souverains
de villes voisines. Ainsi, Enmerkar a maille à partir avec le souverain de la ville d'Aratta (lieu
inconnu, situé quelque part en Iran méridional) dans cinq mythes. Lugalbanda, qui dans ses
légendes est un soldat d'Enmerkar, participe à ces guerres. Gilgamesh est lui opposé à Agga de
Kish, la cité rivale, et accompli d'autres exploits. Enmeberagasi, le prédécesseur d'Agga, est connu
pour ses exploits militaires, contre l'Elam notamment. On retrouve par ailleurs ces souverains dans
les listes dynastiques sumériennes, qui leur attribue des règnes long des centaines d'années. Le
souverains ayant eu droit au plus de récits est Gilgamesh, qui est par la suite devenu une divinité
chtonienne, ne se contentant plus de son statut de demidieu. Ses exploits ont plus tard étés compilés
dans l'imposante Epopée de Gilgamesh, avec l'ajout de quelques autres textes, dont celui du Déluge
(voir plus bas). Nous allons voir ici les principaux mythes. Le premier, Enmerkar et le seigneur
d'Aratta, présente une guerre diplomatique ardue, avec, en prime, une explication de l'invention de
l'écriture. Le second nous montre une autre guerre surtout diplomatique, avec en prime un exemple
du fonctionnement du "Parlement" des cités archaïques de Sumer.
Enmerkar et le seigneur d'Aratta
Ce texte, le plus long de tous ceux des cycles des souverains légendaires, raconte comment
Enmerkar, le roi d'Uruk, fils du dieusoleil utu, veut soumettre la cité rivale d'Aratta. Il demende à
sa "soeur", la déesse Inanna de l'aider à se faire livrer par le peuple d'Aratta un tribut destiné avant
tout à restaurer le temple d'Enki à Eridu, L'Apsû, mais aussi à embellir le sanctuaire d'Uruk. Inanna
conseille alors à Enmerkar de dépêcher un héraut, qui traversera les redoutables montagnes séparant
les deux cités (le pays d'Anshan, ce qui confirme qu'Aratta est probablement une cité élamite) pour
avertir le seigneur d'Aratta. Enmerkar s'exécute, et le héraut franchit les montagnes, arrive à Aratta
où il prévient son seigneur de livrer le tribut, et d'envoyer son peuple bâtir l'Apsû, exigé sous peine
de représailles. Mais ce dernier refuse. Le héraut retourne donc à Uruk, où Enmerkar élabore un
stratagème destiné à faire plier son rival. Il renvoie le héraut à Aratta, où il récite "l'incantation
d'Enki", hymne composé par Enmerkar commémorant ce dieu, dans le but d'apitoyer le seigneur
d'Aratta pour qu'il consente à payer le tribut destiné à l'Apzû. Mais ce dernier refuse encore.
Enmerkar renouvelle ses menaces, mais le seigneur d'Aratta reste inflexible, se sentant l'égal du roi
d'Uruk et se proclame protégé d'Inanna. Mais le héraut lui annonce qu'Inanna l'a abandonné, et est
désormais du côté d'Uruk, et à même promis d'aider Enmerkar à soumettre Aratta. Affligé, le
seigneur d'Aratta, consent à se soumettre à Uruk, à la seule condition que Enmerkar lui envoie une
importante quantité de grain. Celuici réfléchit, procède à des rituels, et accepte finalement. Mais il
charge son héraut d'augmenter ses exigences en demandant de nouvelles pierre précieuses. Mais le
seigneur d'Aratta, dans un sursaut d'orgeuil, refuse et demande à Enmerkar de lui livrer, lui, ces
pierres précieuses. Lorsque le roi d'Uruk apprend cela, il renvoie le héraut à Uruk, sans message,
mais avec son spectre. Ceci effraie le seigneur d'Aratta, qui est prêt à céder, mais se ravise, et
propose à Enmerkar d'organiser un combat singulier entre deux champions des deux cités, pour
déterminer le vainqueur du conflit (qui reste diplomatique). Le roi d'Uruk accepte le défi, mais
augmente ses exigences, en demandant au peuple d'Aratta de faire des offrandes importantes pour le
temple d'Inanna à Uruk, l'Eanna, ce qui constituerait une humiliation après le soutient apporté par la
déesse à Uruk au lieu d'Aratta. Pour soulager le héraut qui, harassé, n'arrive plus à se souvenir bien
des messages dont il est chargé, Enmerkar recours alors à une invention : l'écriture. Le seigneur
d'Aratta, alors qu'il lit le message, reçoit le secours d'Ishkur, le dieu de l'Orage, qui lui offre de
grandes quantités de blé. Fort de ce soutient, il peut relever la tête. La suite du texte est lacunaire, et
ne permet de connaître les étapes qui aboutissent, à la fin, à la victoire d'Enmerkar. Le peuple
d'Aratta livre le tribut à l'Eanna, et fournit les matériaux pour construire l'Apsû.
Gilgamesh et Agga
Ce récit raconte la lutte entre Agga, le roi de Kish, la cité qui dominait Sumer, et Gilgamesh, roi
d'Uruk, cité rivale qui refuse cette souveraineté. Agga envoie un ultimanum dans lequel il demande
à Gilgamesh de reconnaître sa supériorité, et de devenir son vassal. Devant ce problème, Gilgamesh
convoque son "Parlement". Ce dernier est constitué de deux chambres : une assemblée des anciens
(un Sénat en quelque sorte), et une autre constituée des citoyens dans la force de l'âge (c'estàdire
des combattants potentiels). Gilgamesh est résolument pour la guerre, mais les Anciens s'y
opposent, et proposent la soumission. Les combattants, en revanche, soutiennent leur seigneur.
Gilgamesh tient compte de ce dernier avis (le "Parlement" semble donc avoir surtout été
consultatif), et Kish, plus puissante qu'Uruk, assiège cette dernière. Mais devant la puissance de
Gilgamesh qui toise les troupes adverses du haut de ses remparts, la terreur s'installe dans le camp
ennemi. Agga accepte alors de faire la paix avec son ennemi. Uruk a donc résisté à l'hégémonie de
Kish grâce à son puissant souverain.
Le début des récits royaux
Avec la création des premiers royaumes, les inscriptions royales font leur apparition. Le premier
document historique important apparaît avec la "Stèle des Vautours", faite sur l'ordre de Eannatum,
roi de Lagash, vers 2430. Le souverain y évoque sa brillante victoire sur Umma, la cité rivale de
Lagash. Mais il s'agit surtout d'un récit par les images, et le texte ne constitue qu'en quelques
inscriptions identifiant le roi. D'autres souverains profitent de leur activité de bâtisseur pour évoquer
leur action politique sur les briques d'édifices.
Un autre roi de Lagash, Gudea (21422122), adressera à un long récit commémorant ses exploits
pacifiques à Ninurta, dieu de la cité. Il y raconte comment son dieu lui avait ordonné en rêve de
reconstruire son temple, ce qu'il avait fait avec de somptueux matériaux en tout genre. Les
souverains avaient pris pour habitude de commémorer leurs exploits sur des inscriptions rédigées
sur des vases, ou des édifices.
Certains poèmes, particulièrement remarquables de par leur style et leur ton émouvant, évoquent les
malheurs des grands royaumes d'Akkad (la Malédiction d'Akkad) et d'Ur (la Lamentation sur les
ruines d'Ur), qui après avoir dominé la Mésopotamie ont disparu brutalement.
LE RENOUVEAU DU DEBUT DU IIè MILLENAIRE
Une fois les Sumériens disparus, leur esprit créateur semble s'êtr envolé avec eux. Les populations
sémitiques, les Akkadiens et les Amorrites, qui dominent la Mésopotamie toute entière, sont
incapables de rivaliser avec leurs prédécesseurs. Mais il sauront bien utiliser l'héritage sumérien, et
créer de nouveaux mythes à partir d'anciens récits sumériens. L'Atrahasis est la reprise de la
cosmogonie sumérienne et du Déluge ; l'Epopée de Gilgamesh, les mythes d'Adapa et d'Etana
reprennent des personnages légendaires sumériens.
L'originalité des Sémites s'exprime en fait dans la réflexion théologique : la vie, la mort, les
rapports entre les Hommes et les Dieux. Les dieux paraissent plus lointains, inaccessibles, et sont
moins représentés avec des caractères "humains" comme auparavant. Tout ce qui les rendait trop
humains, dans le côté bestial de l'humanité, est éliminé. Les histoire perdent ainsi l'aspect sexuel qui
était présent dans de nombreux mythes sumériens.
La période de la Première Dynastie de Babylone marque l'apogée de la littérature akkadienne,
surtout sous le règne de son plus grand roi, Hammurabi (17921750).
L'Atrahasis
Le mythe d'Atrahasis est un poème de 1200 vers environ rédigé au XVIIè siècle. Ce mythe
ressemble en fait à la compilation des deux premiers récits sumériens sur la cosmogonie vus plus
haut.
Dans la première partie, il est expliqué comment les dieux étaient à l'origine divisés en deux
groupes : les uns travaillant pour les autres, qui vivaient tranquillement dans l'oisiveté. Mais comme
les premiers avaient du fait de cette inégalité décidé de cesser leur travail jusqu'à ce qu'une solution
soit trouvée, les dieux s'étaient réunis sous la menace de la famine, et Ea (nom sémitique d'Enki)
avait proposé pour résoudre le problème de créer l'Homme. Ce dernier est crée avec de l'argile pour
le façonner, à laquelle on ajouta le sang du dieu Wêilu (qui donna le nom awîlu, "l'homme (libre)"),
immolé pour permettre de rendre l'argile plus malléable. Puis la déessemère Ninmah donne vie à
l'être crée.
Dans la seconde partie, on voit que les Homme exécutent leur tâche à la perfection, mais qu'ils sont
cependant très gênants pour les dieux, dont Enlil, maintenant tous oisifs, et qui ne peuvent trouver
de repos dans ce vacarme, d'autant plus que les Hommes ne cessent de se multiplier. Pour résoudre
ce problème, le roi des dieux envoie des épidémies, puis la famine pour décimer une partie de ses
serviteurs. Mais Ea, protecteur des humains, son oeuvre, déjoue ses plans par l'intermédiaire de son
protégé Atrahasis, le "Supersage", un homme qui prévient les siens à chaque danger. Enlil, de plus
en plus exapéré, décide d'en finir avec les Hommes en déclanchant le Déluge, et en interdisant à Ea
de communiquer avec l'un d'entre eux pour l'avertir. Mais Ea contourne le problème en s'adressant à
lui en rêve, et en parlant à Atrahasis travers sa palissade. Ce dernier fabrique donc un bateau qui les
sauvera du Déluge, lui et les siens, ainsi que chacun des animaux du Monde. Lorsqu'il constate
après le désastre que ses plans ont été déjoués, Enlil retrouve néanmoins son calme, car il a réalisé
que la disparition des Hommes le ramènerait à la situation qui avait entraîné leur création. Il accorde
l'immortalité à Atrahasis, mais fait en sorte que les Hommes troublent moins sa quiétude, en faisant
en sorte qu'Ea diminue la durée de vie des Hommes, et en introduisant la maladie, la stérilité, etc.
La composition de nouveaux mythes
Le mythe d'Enki et Ninmah
La création de l'Homme est expliquée dans un mythe dit d'Enki et Ninmah. Il date du milieu du IIè
millénaire, et a probablement été inspiré de l'Atrahasis. Les dieux, tous nés de la mère primordiale
Nammu résident sur Terre, où une première catégorie vit tranquillement alors qu'une seconde
travaille pour tous. Les seconds commençant à protester, Nammu demande à Enki de chercher à
créer une créature dont le rôle sera de travailler à la place des dieux secondaires, et pour tous les
dieux, rendant ainsi leur vie plus facile. Ce dernier ne tarde pas à trouver une idée et dit à sa mère de
façonner cette créature avec de l'argile puisé à la surface de l'Abîme, dans un moule qu'il
confectionne, avec l'aide de la déesse Ninmah (la parèdre d'Enki) et d'autres divinités, puis de leur
donner ensuite vie. Cet ouvrage, l'Homme, trouve un accueil très favorable de la part des dieux, qui
se réunisssent autour d'un grand banquet pour fêter l'évènement. Au cours du repas, Enki et Ninmah
sont passablement éméchés. Cette dernière lance un défi à son époux : elle donnera la vie à d'autres
êtres humains qui seront "imparfaits" (un être asexué, une femme stérile, un boîteux, etc.), et met
Enki au défi de leur trouver une tâche dans la société. Celuici y arrive haut la main. Puis il lance à
son tour un défi identique à sa femme, en créant un être humain informe (un "monstre"). Ninmah
n'arrive pas à lui trouver une tâche, et perd le duel.
On voit ainsi que ce récit cherche à répondre à plusieurs questions que se posent les hommes : leur
raison d'être (c'estàdire servir les dieux), et pourquoi il existait des êtres "imparfaits" à leurs yeux.
Ereshkigal et Nergal
Il s'agit d'une des rares créations littéraires originales de la période, ayant trait de plus aux dieux, et
à l'ordre du panthéon (que l'on commence d'ailleurs à élaborer à cette période). Ce récit a pour point
de départ un festin organisé par les dieux, au ciel, près de leur père à tous, An. Seule manque à la
fête Ereshkigal, déesse des Enfers, qui ne peut sortir de son royaume. An décide donc de lui garder
une part, que vient chercher un messager de la reine. Mais alors que tous les dieux présentent leurs
respects à Ereshkigal, Nergal est au contraire insultant. Celleci étant offensée, Ea conseille à Nergal
de se rendre aux Enfers pour s'excuser, tout en prenant d'infimes précautions face au courroux de la
reine des Enfers. Mais ce dernier reste insouciant, et une fois près d'Ereshkigal, il la séduit, puis
repart. La déesse, offensée, devient menaçante pour les dieux de l'Enhaut. Ea, pour châtier Nergal,
le rend laid. Ce dernier trouve néanmoins le moyen de retourner aux Enfers, où il reséduit
Ereshkigal. Mais cet acte constituera une erreur : les grands dieux le contraignent à épouser la
déesse, et il devient ainsi le dieu de l'Enfer auprès de celleci.
Ce texte justifie l'apparition de Nergal, dieu akkadien, comme divinité des Enfers, auprès de
Ereshkigal qui assurait seule cette fonction dans la mythologie sumérienne, et explique donc une
modification du panthéon mésopotamien.
Les récits héroïques babyloniens
La composition de longs récits épiques commence à cette période. L'oeuvre majeure et la plus
célèbre est de loin l'Epopée de Gilgamesh, mais les deux autres mythes ont aussi connu un certain
succès. Ces récits montrent des êtres humains cherchant à dépasser leurs limites, mais qui sont
toujours rattrapés par la réalité, par leur destin. On voit que les Dieux sont les maîtres de Hommes,
mais qu'ils peuvent aussi être leur meilleur soutient, tel Ea sauvant l'espèce humaine, sa création, en
aidant Atrahasis, et Shamash aidant les Hommes (mais aussi les animaux) qui réclament son aide
comme Etana, alors que l'Epopée de Gilgamesh montre un homme échouant dans son entreprise
pour devenir un immortel, tout comme le mythe d'Adapa.
L'Epopée de Gilgamesh
L'Epopée de Gilgamesh, rédigé à la période paléobabylonienne, à partir de la compilation de
plusieurs récits sumériens mettant en scène son héros (voir plus haut), est l'oeuvre majeure de la
civilisation mésopotamienne. Ce texte a connu un succès phénoménal dans tout l'Orient Ancien, et a
été traduit en plusieurs langues (Babylonien, Assyrien Hittite, Hurrite). Il s'agit d'une oeuvre
glorifiant le héros Gilgamesh, mais aussi d'une réflexion sur la vie, sur l'illusion de la vie éternelle,
et une oeuvre pronant le bon sens (un carpe diem version babylonienne en quelque sorte).
L'Epopée de Gilgamesh raconte l'histoire de Gilgamesh, roi d'Uruk, véritable tyran, et de ce fait
assez mal vu de ses sujets. Ceuxci se plaignirent du traitement qu'il leur infligeait à Anu, le maître
des dieux, qui ordonna à la déesse génitrice Anunu de créer un être capable de s'ériger en rival du
despote. Elle donna ainsi naissance à Enkidu, un être rustre vivant dans la steppe avec les animaux
sauvages, loin de la civilisation, ignorant de tout, ne sachant pas parler.
Grâce à sa grande force, il déjoua les pièges d'un des chasseurs du souverain d'Uruk, qui n'eut alors
plus de quoi gagner sa vie. Il alla s'en plaindre à son souverain, lui demandant de trouver une
solution à ce problème. Gilgamesh décida donc d'envoyer une prostituée à la rencontre du sauvage,
pour le charmer et l'initier à la civilisation. Celleci partit avec le chasseur, et n'eut aucun mal à
réussir sa mission. Enkidu, séduit par la jeune fille, s'était détourné à jamais de la steppe, et était
rejetté par les animaux dont il partageait auparavant la vie. Il n'eut donc d'autre choix que de suivre
la prostituée à Uruk, pour rencontrer Gilgamesh, et enfin laisser le chasseur en paix. Comble de
l'ironie, c'est lui qui va défendre des pasteurs rencontrés en chemin contre les bêtes sauvages.
Arrivé à Uruk, il est accueilli en héros par les habitants, qui voient en lui un opposant à Gilgamesh.
Ils le comblent de présents et d'attentions, et ont vite fait de l'envoyer combattre le tyran. Le combat
à lieu dans les rues de la ville. La bataille dure jusqu'à l'épuisement des deux protagonistes, de force
égale. Plutôt qu'un adversaire, Gilgamesh va vite trouver en Enkidu un ami, et à la fin du combat les
deux géant se lient d'amitié, oubliant leur différent. Gilgamesh devien donc le maître d'Enkidu, et à
eux deux ils sont prêts à accomplir tous les exploits possibles, tels de véritables héros.
Gilgamesh, animé par la volonté d'accomplir des exploits dignes des plus grands héros, entraîne
Enkidu dans une expédition périlleuse : il s'agit de se rendre à la Forêt des Cèdres (le Liban actuel),
pour y défier le redoutable gardien des lieux, le géant Humbaba, et pouvoir couper les arbres de la
forêt. Avec l'aide de Shamash, le dieu du soleil, ils pénètrent dans les lieux, et commencent à abattre
des arbres, lorsque le géant les surprend, et engage le combat. Après un long combat, les deux héros
terrassent Humbaba grâce une nouvelle fois à l'aide de Shamash. Gilgamesh peut alors ramener la
tête du géant à Uruk en guise de trophée.
Ces exploits ont attiré l'attention des dieux, et plus particulièrement celle d'Ishtar, la déesse de
l'amour, qui a jetté son dévolu sur Gilgamesh. Mais le roi d'Uruk repousse les avances de la déesse,
en lui rappellant le sort funeste qu'ont subi ses précédents amants. Offensée, celleci demande à son
père Anu, le plus grand des dieux, d'intervenir. Il lui accorde l'aide du Taureau Céleste qu'il envoie
dévaster Uruk et tuer Gilgamesh. Mais le héros et son acolyte vont déjouer ses plans en tuant le
monstre. Ils vont même pousser l'offense jusqu'à jetter à la face d'Ishtar, qui a assisté au combat
impuissante depuis les remparts de la ville, la cuisse de l'animal sacré.
Cette foisci, les deux héros ont dépassé la limite tolérée par les dieux, qui décident de se venger de
manière imparable : peu de temps après, Enkidu apprend en songe que l'un des deux compagnons va
mourrir. Ce sera finalement lui, et il décèdera après une terrible agonie devant son ami impuissant.
Fortement marqué par cette mort, Gilgamesh érige une grande statue en l'honneur d'Enkidu, et
proclame une période de deuil dans sa cité. Ayant pris conscience de la mort qui le menace lui aussi,
le roi d'Uruk décide de chercher un moyen de vivre éternellement. Il se rend vite compte que sa
route ne le mène que vers un seul homme : Utnapishtim, seul être humain s'étant vu accordé la vie
éternelle par les dieux avec sa femme.
Parti pour un long voyage, il rencontre les terribles hommesscorpions, qui terrifient le commun des
mortels, tue des lions venus l'attaquer. Il franchit des montagnes, parvient à la route du soleil qui le
mène au bosquet sacré où il rencontre des dieux (qui changent selon la version). Il arrive ensuite
chez la cabaretière Siduri, demeurant au bord de la mer. A l'écoute du récit du héros, elle lui
conseille dans une des répliques les plus célèbres de l'oeuvre (voir extraits) d'oublier sa quête et de
plutôt profiter de sa vie. Mais, devant l'insistance de Gilgamesh, elle lui indique où trouver Ur
shanabi, le nocher d'Utnapishtim, qui l'aide à franchir les eaux de la mort, pour parvenir à l'île où
réside l'immortel, à l'écart du monde.
Utnapishtim n'est cependant d'aucun secours pour Gilgamesh. Après avoir fait le récit du Déluge
(voir extraits), et de la manière dont il est devenu immortel, c'est ce que l'immortel annonce au
héros. Pour prouver à ce dernier l'impossibilité de sa quête, il le met au défi de ne pas dormir.
Gilgamesh, harassé après tous ces périples, ne résiste pas, et s'endort. S'il ne peut éviter le sommeil,
comment pourratil éviter la mort ? Cependant, Utnapishtim va indiquer au roi d'Uruk l'endroit où
il pourra trouver une plante qui lui rendra sa jeunesse. Le héros va la chercher au fond de la mer,
mais ne s'en sert pas de suite, préférant l'essayer à son retour à Uruk sur un vieillard pour vérifier
son efficacité. Mais sur le chemin qui le ramène chez lui, alors que Gilgamesh se délasse dans un
bain, un serpent s'empare de la plante. Il ne reste plus au héros qu'à revenir bredouille à Uruk, avec
le nocher Urshanabi, et d'appliquer les préceptes de Siduri et d'Utnapishtim.
Etana
Le mythe d'Etana est probablement issu d'une ancienne légende sumérienne. En effet, Etana est dans
la Liste royale sumérienne un roi de Kish, réputé pour être monté au Ciel. Le récit commence par
l'hisotire d'un serpent et un aigle, liés d'amitié avant que le second ne mange les enfants du premier.
Celuici va chercher conseil auprès de Shamash, le dieusoleil, qui lui dit de piéger l'aigle en se
cachant dans le cadavre d'un boeuf, et d'attendre que le volatile s'approche, pour le capturer. C'est ce
que le serpent fait, avant de jeter l'aigle dans un trou après l'avoir molesté pour l'empêcher de
s'envoler, et il dépérit. C'est alors qu'entre en scène Etana, le roi de Kish, premier roi apèrs le
Déluge. Celuici désire ardemment un fils, et prie Shamash, qui est aussi prié par l'aigle de lui venir
en aide. Faisant d'une pierre deux coups, il dit à Etana que sa solution se trouve dans "une plante
d'enfantement" au Ciel. Il lui conseille de sortir l'aigle du trou, de le soigner, et qu'alors celuici
l'aiderait à ,la trouver. Mais l'aigle ne veut pas l'aider, et il ne cède qu'après que Etana l'ait
longuement imploré. Celuici s'envole donc sur le dos de l'aigle. Aprs un long vol, il ne voit plus la
Terre, et s'approche du Ciel, où résident les dieux. Mais l'altitude l'effraie, et il prie l'aigle de stopper
l'ascension. Il tombe alors du dos de l'aigle, qui réussit à le rattraper avant qu'il ne touche le sol. La
suite de la tablette est brisée. La Liste royale sumérienne disant que Etana a eut un fils comme
successeur semble indiquer que la fin de ce mythe doit être heureuse pour son héros.
Le mythe d'Adapa
Ce récit sumérien narre l'hisoire d'Adapa, grand prêtre d'Enki/Ea dans son palais d'Eridu, qui sert
fidèlement son dieu, qui l'a créé pour qu'il soit capable de faire de nombreuses choses pour son plus
grand plaisir. Un jour, alors qu'il va pêcher sur un bateau du poisson pour son maître, il est dérangé
par Shutu, l'oiseauvent du sud, qui fait vaciller son embarcation. Dans sa colère, Adapa maudit la
créature avec tellement de haine que ses ailes sont brisées. Cet acte est tel qu'il ne peut rester impuni
pour les dieux, et Anu convoque alors Adapa. Ea, craignant pour la vie de son serviteur, lui explique
la conduite qu'il devra tenir pour s'en sortir vivant : il doit d'abord amadouer les portiers d'Enlil pour
s'attirer leur soutien, et refuser absolument tout ce que lui donnera à boire ou à manger Anu. Arrivé
dans la demeure du dieu, Adapa s'attire la sympathie des portiers d'Anu, les dieux de la fertilité
Dumuzi et Ningishzida, qui ne peuvent plus agir après la mort de Shutu, en leur expliquant qu'il
vient prier pour leur retour sur Terre, puis, arrivé devant le roi des dieux, il se comporte comme dit,
refuse ce qu'on lui donne, et est épargné par l'intervention des deux divinités. Admiratif devant la
clairvoyance d'Adapa, Anu lui offre alors une nourriture qui le rendra immortel. Fidèle à ce qu'Ea
lui a dit, ce dernier refuse, et est immédiatement renvoyé sur Terre par Anu. En refusant cette
nourriture, Adapa a raté sa chance de devenir un dieu, manipulé par la ruse d'Ea, et il passera donc
le restant de ses jours à servir le dieu oisif.
La liste royale sumérienne
Guidés par leur désir de tout classifier dans des listes, les Mésopotamiens ont appliqué ce principe à
l'histoire. La Liste royale sumérienne a été réalisée à partir de plusieurs tablettes dont la plupart
proviennent de Nippur. Elle va de l'aube de l'humanité jusqu'au XVIIIè siècle. Elle permet d'être
renseignés sur l'âge héroïque de la Mésopotamie (c'estàdire une période connue surtout par des
légendes transmises de bouche à oreille).
Cette liste commence aux débuts de l'humanité, "avant le Déluge". Les rois régnaient alors plus des
dizaines de milliers d'années, et auprès des Dieux. La royauté à d'abord appartenu à Eridu, puis à
BadTibira, à Larak, à Sippar, et enfin à Shuruppak, qui est la ville où selon la tradition s'est produit
le Déluge (Ziusudra, Atrahasis et Utnapishtim, les trois protagonistes des trois différentes versions
du Déluge venaient tous de cette cité).
Après le Déluge, la vie des Hommes est raccourcie par les Dieux, et ils sont rendus plus vulnérables
(voir plus haut), dont les règnes raccourcicent au furetà mesure que le temps passe. La royauté
passe ensuite à Kish (où règnent notamment des personnages que l'on retrouve dans les récits :
Etana, Enmeberagasi, Agga).Après Agga, la royauté passe à Uruk, où règnent des personnages
encore plus célèbres : Enmerkar, Lugalbanda, Dumuzi, et surtout Gilgamesh. C'est à cette période
que l'on connaît les premiers faits historiques par des sources contemporaines, et que l'on quitte la
légende. Les souverains suivants évoqués sont ceux d'Ur, de dynastie suivantes d'Uruk, de Kish, de
Lagash, d'Umma, et d'autres villes, puis on retrouve l'Empire d'Akkad, celui d'Ur III, jusqu'à la
période de la Première Dynastie de Babylone.
La division de l'histoire en dynasties vient d'une conception cyclique de l'Histoire par les
Mésopotamiens : on considérait que la royauté passait d'une ville à l'autre, ou d'une dynastie à
l'autre. Ces dynasties ne comportent d'ailleurs pas forcément des personnes se succédant de père en
fils. Une usurpation ne signifie pas changement dynastique (ce n'est pas une famille royale comme
pour nous). Ce qui compte, c'est le changement de domination. Le principe de listes historique sera
repris par la suite (voir plus bas).
LA PERIODE MEDIOBABYLONIENNE : BABYLONE CAPITALE CULTURELLE DU
MOYEN ORIENT
La période médiobabylonienne englobe la Dynastie Kassite (15951154), la Seconde Dynastie
d'Isin (11561025), et la période suivante, faite de nombreux troubles politiques (quatre dynasties).
Ce sont surtout les deux premières qui ont connu un essor intellectuel important, la période du
début du Ier millénaire ne se prétant pas à l'élaboration d'oeuvres littéraires. C'est sous les Kassites
que Babylone est définitivement devenu le coeur de la culture mésopotamienne, comme le
préfigurait la période précédente. La ville est même le centre intellectuel le plus important du
ProcheOrient. Le médiobabylonien est la langue des relations diplomatiques, et les oeuvres
mésopotamiennes sont diffusées dans tous les royaumes voisins. Le plus grand succès est l'Epopée
de Gilgamesh, recopiée jusqu'en Anatolie, ainsi qu'au Levant. La période de la Dynastie d'Isin II,
dont le point d'orgue est le règne de Nabuchodonosor I (11241103), fait même de Babylone le
centre du Monde dans la religion mésopotamienne, et Marduk son dieu devient le dieu principal du
panthéon, grâce à l'oeuvre majeure de la période, l'Enûma Elish. Cette période marque aussi
l'approfondissement de la réflexion sur le problème du Mal, et des relations entre les Hommes et les
Dieux.
Les Hommes face aux Dieux
Déjà étudiés à l'époque précédente dans les grandes oeuvres épiques, les rapports entre les Hommes
et leurs Dieux sont considérablement approfondis. Il paraît évident que les Sémites ont approfondi
cet aspect de la réflexion théologique qui n'avait été qu'effleuré sous l'époque sumérienne. La
montée de l'individualisme dans ces peuples a entraîné un nouveau questionnement, auquel on
cherche à donner des réponses. Durant la seconde moitié du IIè millénaire, cette réflexion abouti à
l'élaboration d'oeuvres de pensée, et ne se cantonne donc plus à des mythes où transparaît une
morale. Une nouvelle étape est franchie, même si, comme on va le voir, jamais on abouti à une
remise en cause de la pensée religieuse mésopotamienne et de sa morale.
Le Monologue du Juste souffrant
Ce texte a été rédigé à l'époque Kassite, et était connu en Mésopotamie comme le Ludlul bêl nêmeqi
(du nom de son incipit, qui signifiait "Je loue le seigneur très sage"). Il s'agit d'une complainte
adressée par un homme à son dieu, en l'occurrence Marduk, le grand dieu de Babylone. Cet homme,
pourtant pieux, est issu d'une famille noble, mais est tombé en dissgrâce auprès se son roi, et subit
les calomnies de ses rivaux, et les critiques de sa famille. Or, il ne comprend pas pourquoi cela lui
arrive, puisqu'il a été toujours respectueux de son dieu, et que sa piété est irréprochable. L'idéal
mésopotamien veut en effet que les dieux punissent les méchants, et récompensent les bons, ceux
qui sont pieux. Le plaignant ne comprend donc pas ce qui lui arrive, puisqu'il est irréprochable. Il
finit par aboutir à la conclusion que les voies des dieux sont impénétrables, et, même si l'attitude de
son dieu est pour lui un mystère, il continue de lui faire confiance, et sa ferveur ne diminue pas. A la
fin, Marduk finit par s'apitoyer sur le sort du Juste souffrant, et lui vient en aide. L'histoire se
termine donc bien, et l'homme retrouve ses honneurs passés. Ce récit reste donc très fidèle à la
morale mésopotamienne : on ne peut certes pas comprendre l'attitude des dieux, mais même si on
trouve la situation injuste, il ne faut pas leur en vouloir, et il faut rester pieux (après tout, on ne
connaît pas toutes nos erreurs). Si on fait confiance aux dieux, ils finissent par nous venir en aide.
Ce texte peut être comparé au livre de Job, qui fait à peu près les mêmes conclusions à partir d'une
situation comparable à celleci.
La Théodicée
La Théodicée babylonienne est un texte plus tardif que le précédent. Ce texte, qui se présente sous la
forme d'un dialogue, raconte l'histoire d'un jeune homme, cadet de sa famille, qui se retrouve sans
protection après la mort de ses parents. Il s'adresse à un ami, et lui demande comment une telle
injustice peut être tolérée par les dieux. Celuici lui répond qu'il faut rester pieux, et qu'alors les
dieux entendront ses prières. Mais l'autre répond qu'il a toujours agi ainsi, et que cela ne l'a pas
empêché de se retrouver dans cette situation. Il commence même à se demander si les dieux sont
justes. Son ami, scandalisé par cette attitude, ne trouve pas d'autre réponse que la précédente.
Devant ce faible soutient, l'orphelin s'emporte, et prétend que les dieux sont injustes, et qu'ils ne
récompensent pas les bons. Son ami admet que les plus faibles sont soumis à la loi du plus fort
mais, fidèle à ses convictions, il dit que les dieux doivent avoir leurs raison de laisser cela se
produire. Il dit même que l'injustice fait partie de la nature humaine, telle qu'elle a été faite pas les
dieux. Cela découlerait donc d'une décision divine. Mais il continue à dire à son ami de rester pieux,
car c'est la seule solution qu'il lui reste pour s'attirer les grâces divines. Cette oeuvre va donc un peu
plus loin que le Monologue. Mais elle reste tout de même fidèle à la morale mésopotamienne,
puisque le doute dans les dieux n'est pas permis, et que dire qu'ils sont responsables de l'injustice ne
va pas à l'encontre de la religion, qui dit que les maux touchant les humains ont étés crées par les
dieux pour éviter que ceuxci ne deviennent trop gênants, et qu'après tout l'injustice est un mal
comme un autre.
Le Dialogue du Pessimiste
Le plus intéressants des oeuvres de réflexion sur les rapports entre les Hommes et les Dieux et
sûrement le Dialogue du Pessimiste, qui doit dater du tournant entre le IIè et le Ier millénaire. Ce
texte, qui a des allures de farce, se présente sous la forme d'un dialogue entre un homme riche et son
serviteur. Le premier, qui n'a visiblement pas à travailler pour assurer sa subsistance, reste oisif, et il
ne sait que faire. Plusieurs idées lui viennent successivement à l'esprit : aller au palais, organiser un
banquet, aller à la chasse, se marier, ester en justice, se révolter, faire l'amour, rendre un culte à
Marduk, faire des investissements financiers, faire des bienfaits. Alors que la décision est à chaque
fois approuvée par le serviteur, le maître change de décision, et est aussitôt approuvé par le
serviteur, qui se range donc toujours aux opinions de son maître. A la fin, ce dernier demande ce
qu'il doit faire, s'il ne lui reste plus qu'à tuer son serviteur, avant de se suicider, ce à quoi l'autre
répond qu'on ne peut comprendre ni le Ciel ni la Terre, ce qui revient à dire que l'homme ne peut
pas comprendre le Monde. Le maître décide alors de tuer son serviteur, mais celuici lui répond qu'il
ne lui survivrait pas trois jours.
Cette oeuvre cynique, ironique, pessimiste, reste un sujet de disussions entre assyriologues. Farce ou
oeuvre de pensée ? Probablement un peu des deux. La maître est un personnage oisif qui jamais ne
cherche à travailler, son serviteur est versatile. L'oeuvre a donc un aspect satirique, mais c'est aussi
une oeuvre de réflexion car elle démontre aussi qu'on peut toujours trouver une bonne raison de
faire quelque chose comme de ne pas le faire, et qu'à chaque fois l'argumentation s'autodétruit.
Mais le texte reste moral : l'impossibilité de comprendre les dieux est toujours mise en avant (sous
un aspect plus pessimiste, puisque c'est "l'homme ne comprend pas", et pas "seul les dieux savent").
Lorsqu'à la fin le maître propose de tuer le serviteur pour l'envoyer dans l'audelà, peutêtre estce
pour le contacter par nécromancie une fois qu'il sera aux Enfers pour enfin avoir la réponse à ses
interrogations existencielles. L'oeuvre n'est donc pas aussi subversive qu'on pourrait le croire, mais
elle reste néanmoins très intéressante. (Bibliographie : J.Bottéro, Mésopotamie, l'Ecriture, la Raison
et les Dieux, Gallilmard, Folio Histoire, pp.454486)
L'Enûma Elish : Babylone centre du monde
L'Enûma Elish (Lorsque làhaut ...") fut écrit à Babylone vers le début du XIIè siècle avant notre
ère, et est constitué de plus de mille vers répartis sur sept tablettes. L'Epopée de la Création raconte
les origines de l'Univers. Les grands dieux sont opposés dans deux conflits face à leurs ancêtres les
forces du chaos. Dans un premier temps, c'est Apsû, le maître des eaux souterraines, qui menace de
détruire ses rejetons trop irrespectueux à son égard. Mais la ruse d'Ea permet l'élimination de Apsû.
Les dieux sont sauvés pour le moment.
Mais soudain se présente une nouvelle menace, Tiamat, la mer primordiale, mère de tous les dieux.
Voulant venger la mort de son mari, Apsû, maître des eaux sousterraines, causée par ceuxci (et Ea
en particulier), elle avait crée une armée de créatures terrifiantes dans le but de les anéantir, avec
l'aide de son nouvel allié Kingu. Ea, toujours prêt à profiter d'une occasion favorable, présenta son
fils comme la personne providentielle, le sauveur des dieux. Il montra à ceuxci qu'il leur fallait lui
faire confiance, et en faire leur champion pour lutter contre leur mère. Ce fut chose faite au cours
d'un grand banquet organisé par Ea, qui fit élire Marduk comme maître de tous les dieux. Après
cela, le dieu de Babylone se rendit sur les lieux du combat. Après une bataille terrible aux multiples
péripéties, il réussit à défaire l'armée de Tiamat, avec les armes célestes dont il était muni. Il vint
ensuite à bout de la mère des dieux, et se servit de sa dépouille pour créer le Monde : il suspendit la
première moitié du cadavre pour créer le Ciel (an), au dessus de la seconde moitié qui forma la
Terre (ki) émergée de l'Apsû, la mer primordiale. Il devint ainsi le maître des dieux et de tout le
monde.
Ceuxci élevèrent en un temple en son honneur sur les lieux mêmes du combat, là où il créa le
Monde. Ce temple devait être non seulement celui de Marduk, mais aussi celui de tous les dieux,
érigé au "centre du monde". Ce temple fut nommé l'Esagil ("Maison à la tête élevée"), et tout autour
se développa la ville sainte de Babylone. Marduk créa ensuite l'Homme, pour permettre aux
divinités de ne pas travailler, laissant cette lourde charge incomber à ces "substituts". Il fait cela à
partir du sang de Kingu, qui est exécuté. L'Homme est donc crée pour travailler pour les dieux ses
maîtres, ce qui reste fidèle à la morale mésopotamienne. Mais un nouvel aspect apparaît, puisque
l'Homme naît de l'exécution d'un dieu pêcheur, alors qu'avant il s'agissait d'un dieu sacrifié
volontairement. L'Homme porte donc une part de la culpabilité de Kingu (même s'il ne s'agit pas
d'une idée du type "pêché originel").
L'Enûma Elish fait donc de Babylone et de son dieu les maîtres du monde. La ville étant considérée
comme le premier lieu à émerger de l'Apsû, est perçue comme le centre du Monde, représenté par
l'Esagil, le temple de tous les dieux, et la ziggurat Etemenanki, la "Maison du Fondement du Ciel et
de la Terre".
Une version assyrienne sera rédigée plus tard, Assur tenant le rôle de Marduk (voir plus bas).
Le pauvre homme de Nippur : un exemple de littérature humoristique
Ce récit du XIIè siècle est l'une des rares productions humoristiques de la civilisation
mésopotamienne. Il s'agit d'une satire montrant un homme du peuple se venger d'un notable indigne
de sa fonction, et qui profite de son pouvoir pour humilier les "petits". Il raconte l'histoire d'un
homme pauvre, GimilNinurta. Au comble du désespoir, il décide de donner son unique possession,
sa chèvre, au maire de Nippur, dans l'espoir que celuici, compatissant, lui vienne en aide. Mais le
maire se contente de lui donner de la bière, sans plus se préoccuper de lui. Humilié, GimilNinurta
quitte la cité, et dit au garde de la porte de la cité qu'il se vengera en rossant trois fois le maire. Il se
rend auprès du roi, qui accepte de l'aider. Il lui donne un char précieux et son attelage, avec lequel
GimilNinurta se rend à Nippur, se présentant comme un envoyé du roi. Il demande audience auprès
du maire, en privé, et peut ainsi le battre. Ayant accompli la première étape de sa vengeance, il loue
le char au maire, en échange d'or. Puis il se déguise en médecin, et réussit ainsi à retourner auprès
du maire qui cherche à se soigner de ses blessures. GimilNinurta profite une nouvelle fois de
l'occasion pour molester le maire. Après cette nouvelle humiliation, le maire réagit, et lui et son
entourage partent à la poursuite de GimilNinurta pour se venger. Mais ce dernier lui tend un piège
sous un pont, et le rosse une troisième fois, comme promis, et le fait tomber à l'eau. Cette fois le
maire en a eu pour son compte, et il n'a plus qu'à rentrer dans sa ville à la nage, après avoir reçu une
bonne correction.
LE DEBUT DU Ier MILLENAIRE
Les époques néoassyrienne (911609) et néobabylonienne (625539) sont celles de l'affirmation
des grands empires mésopotamiens, qui s'étendent dans tout le MoyenOrient. Cette période a vu
l'affirmation d'une idéologie spécifique, marquée par une forme de nationalisme, surtout dans le cas
des Assyriens, puis par réaction chez les Babyloniens. Dans ce contexte, les oeuvres élaborées à
cette époque sont fortement marquées par la politique. La primauté culturelle revient toujours, et de
loin, à Babylone, puisque même certains textes royaux assyriens sont rédigés en babylonien. Mais
c'est aux Assyriens que l'on doit la célèbre "Bibliothèque d'Assurbanipal", qui se trouvait à Ninive,
et rassemblait de nombreux textes de tout type, souvent pris de force, constituant ainsi une mine de
renseignements sur la civilisation mésopotamienne durant toute son histoire.
L'Epopée d'Erra
L'Epopée d'Erra est un récit en cinq tablettes remontant au milieu du VIIIè siècle, rédigé par un
prêtre de l'Esagil, le temple de Marduk à Babylone, du nom de KabtiilâniMarduk. Le personnage
principal est Erra, autre nom de Nergal, dieu des Enfers, lorsqu'il est dieu de la Peste. Le récit
commence par le réveil d'Erra après un long sommeil par son vizir Ishum. Le dieu est alors pressé
par ses "lieutenants", qui sont des démons maléfiques, et qui veulent tourmenter l'espèce humaine.
Mais pour accomplir cela, Erra doit éloigner Marduk, le roi des dieux. Profitant du départ de
Marduk hors des murs de sa cité pour un voyage chez son père Ea, dans son palais des Abîmes, Erra
peut agir, et il décide de semer le désordre en poussant les habitant de Babylone à la révolte. La ville
est alors mise à feu et à sang, avant qu'Erra n'aille chez le roi de la cité, pour le pousser à massacrer
ses sujets. Revenant dans ce tumulte, Marduk se lamente devant sa ville et ses sujets devenus fous
furieux, et se retire. Heureusement, la fureur d'Erra est apaisée par son vizir Ishum, qui parvient à le
faire revenir à la raison. Tout revient alors dans l'ordre, et Marduk retrouve sa ville, et reprend sa
place de roi des dieux.
Ce texte, probabylonien, a servi a expliqué pourquoi la ville sacrée de Babylone, pourtant siège de
la royauté du plus grand des dieux, a été accablée par autants de malheurs au début du Ier
millénaire, en particulier les attaques des tribus Araméennes installées en Babylonie, et donc
abandonnée des dieux. Le retour du dieu signifie le retour à la vie normale, au calme et à la
prospérité.
La politisation des oeuvres théologiques
La première moitié du Ier millénaire est marquée par la création d'oeuvres mythologiques à visées
purement politiques, phénomène dû à l'affirmation des nationalismes à cette époque, qui deviennent
de la propagande pure et simple. Ce phénomène pouvait déjà être entrevu dans l'Enuma Elish. Le
nationalisme le plus affirmé est celui des Assyriens, déjà en germe à l'époque précédente, qui
mènent à certaines périodes une lutte impitoyable à Babylone, et à son rang de capitale culturelle de
la Mésopotamie. Ils vont d'ailleurs adapter l'Enuma Elish à leur dieu Assur sous le règne de
Sennacherib, faisant d'Assur le roi des dieux, et de sa ville Assur le centre du monde. Mais cela
n'eut que peu de répercussions, fut la faiblesse culturelle de l'Assyrie comparé à Babylone.
Certains mythes avaient certes déjà servi pour des visées politiques, mais cette foisci il ne s'agit pas
de récupération, mais de création. Les récits qui suivent n'ont qu'une faible valeur pour le cadre
strictement religieux, puisqu'ils n'ont pas été des mythes majeurs ayant connu un énorme succès,
mais sont intéressants puisqu'ils montrent que le caractère sacré de la religion avait ses limites en
Mésopotamie devant la réalité politique.
L'Ordalie de Marduk
Ce texte, retrouvé dans un état délabré, date du règne de Sennacherib, la période durant laquelle
l'antibabylonnisme assyrien fut le plus virulent. Ce texte sert à expliquer la destruction de Babylone
par ce roi en 689, et la déportation de la statue de Marduk en Assyrie. Le récit part d'une
interprétation particulière de l'Enuma Elish babylonien, et se passe d'ailleurs pendant l'Akîtu, le
Nouvel An babylonien, durant lequel Marduk meurt puis renaît, symbolisant la renaissance de la
Nature au printemps. Assur est assimilé par syncrétisme à la divinité Anshar, qui est le pendant
masculin du couple primordial, avec son épouse Tiamat, que Marduk a tué dans l'Enuma Elish.
Tiamat est ici assimilée à une autre déesse assyrienne, Ishtar de Ninive. Assur veut donc venger la
mort de Ishtar. Il préside donc une sorte de tribunal des dieux (réunit comme à l'habitude pour
l'Akîtu), qui condamne l'attitude de Marduk, en dépit des protestations de son fils Nabû. Le dieu est
donc jugé en criminel. Le texte est du reste mal connu, mais il n'est pas favorable à Marduk.
La viste de Kumma aux Enfers
Le summum de la production du parti antibabylonien de Ninive est sûrement le mythe de Kumma.
Rédigé sous le règne d'Assurbanipal dans le but de le convaincre de reprendre la politique de son
grandpère Sennacherib. Le début de ce texte est en trop mauvais état pour être compréhensible. Ce
mythe raconte l'histoire d'un prince assyrien, et futur roi, Kumma, qui fait un rêve au cours duquel il
va aux Enfers, où il rencontre Nergal. Celuici lui montre combien Sennacherib était un souverain
avisé, et un modèle à suivre. Il lui est conseillé d'agir ainsi sous peine de susciter le courroux des
Dieux, puis il est renvoyé chez lui.
Histoire : entre légende, réalité et propagande
Reconstit