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Chapter 9

Valeurs propres, vecteurs propres,


diagonalisation

9.1 Valeurs propres et vecteurs propres


Definition 9.1.1. Soit A une matrice n×n. On appelle vecteur propre de A, tout vecteur
non nul de x tel que Ax = λx pour un certain scalaire λ. Un scalaire λ est appelé valeur
propre de A si l’équation Ax = λx admet au moins une solution non triviale x : un tel x
est appelé vecteur propre associé à λ.

Remarque 9.1.2.
• Un vecteur propre doit être non nul ; mais une valeur propre peut être nulle.
• L’équation Ax = λx est équivanlente à l’équation homogène (A − λI)x = 0.
� � � � � �
3 −2 2 1
Exemple 9.1.3. On pose A = ,u= et v = . Les vecteurs u et v sont-ils
1 0 1 −1
des vecteurs propres de A?

Solution : On a � �� � � � � �
3 −2 2 4 2
Au = = =2 ,
1 0 1 2 1
et � �� � � � � �
3 −2 1 5 1
Av = = �= λ .
1 0 −1 1 −1
Donc u est un vecteur propre de A de valeur propre associée 2, mais v n’est pas un vecteur
propre de A car Av n’est pas colinéaire à v.
� �
7 4
Exemple 9.1.4. Montrer que 5 est une valeur propre de la matrice A = .
−3 −1

87
9. VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES, DIAGONALISATION 88

Solution : Il s’agit de montrer que l’équation

Ax = 5x

ou encore son équation équivalente

(A − 5I)x = 0

admet au moins une solution non triviale. On a


� � � � � �
7 4 5 0 2 4
A − 5I = − = ,
−3 −1 0 5 −3 −6
et en appliquant l’algorithme du pivot on trouve
� � � � � �
2 4 0 1 2 0 1 2 0
∼ ∼ .
−3 −6 0 1 2 0 0 0 0
��
−2
L’équation Ax = 5x admet donc des solutions non triviales de la forme x = x2 , x2 ∈ R.
1
� �
−2
On déduit que 5 est une valeur propre de A et tout vecteur de la forme x = x2 , avec
1
x2 �= 0, est un vecteur propre associé.

Definition 9.1.5. Si λ est une valeur propre de la matrice A de taille n × n, alors le


sous-espace de Rn noté Eλ et défini par

Eλ = {x ∈ Rn |Ax = λx}
= {x ∈ Rn |(A − λI)x = 0}
= Ker(A − λI)

est appelé sous-espace propre de A assocé à la valeur propre λ.

Remarque 9.1.6. Tout vecteur non nul de Eλ est un vecteur propre de A associé à la
valeur propre λ.
 
3 2 4
Exemple 9.1.7. On considère la matrice A = 2 0 2 et λ = −1 un de ses valeurs
4 2 3
propres. Déterminer une base du sous-espace propre associé à la valeur propre -1.

Solution : Il s’agit de déterminer une base de E−1 = Ker(A − (−1)I). On a


     
3 2 4 1 0 0 4 2 4
A − (−1)I = A + I = 2 0 2 +  0 1 0 = 2 1 2
4 2 3 0 0 1 4 2 4
9. VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES, DIAGONALISATION 89

et en appliquant l’algorithme du pivot on trouve


     
4 2 4 0 1 1/2 1 0 1 1/2 1 0
2 1 2 0 ∼ 1 1/2 1 0 ∼ 0 0 0 0 .
4 2 4 0 1 1/2 1 0 0 0 0 0

L’équation (A − (−1)I)x = 0 admet donc pour solution générale


   
−1/2 −1
x = x2  1  + x3  0  , x2 , x3 ∈ R.
0 1

  
−1/2 −1
On déduit qu’une base du sous-espace E−1 associé à la valeur propre −1 est  1  ,  0 .
0 1
Le théorème suivant sera utilisé plus loin

Théorème 9.1.8. Soient A une matrice n × n et v1 , · · · , vr des vecteurs propres associés à


des valeurs propres distinctes λ1 , · · · , λr de A. Alors ces vecteurs propres sont linéairement
indépendants.

Proof: Si la famille (v1 , · · · , vr ) n’est pas libre alors on peut en extraire une famille
libre (v1 , · · · , vp ), où p + 1 ≤ r est le plus petit indice tel que vp+1 ∈ V ect {v1 , · · · , vp }. Il
existe donc des scalaires c1 , · · · , cp tels que

c1 v1 + · · · + cp vp = vp+1 . (9.1.1)

En multipliant cette identité par la matrice A on déduit de la linéarité du produit matriciel


et du fait que les vecteurs v1 , · · · , vp sont des vecteurs propres de A que

λ1 c1 v1 + · · · + λp cp vp = λp+1 vp+1 .

D’où, en multipliant l’identité (9.1.1) par λp+1 et en comparant l’identité obtenue par la
dernière identitié on déduit que

c1 (λp+1 − λ1 )v1 + · · · + cp (λp+1 − λp )vp = 0.

La famille (v1 , · · · , vp ) étant libre, on déduit que c1 (λp+1 − λ1 ) = · · · = cp (λp+1 − λp ) = 0,


et puisque λp+1 − λ1 �= 0, ..., λp+1 − λp �= 0, car les valeurs propres sont distinctes, on
a c1 = · · · = cp = 0 et cela contredit le fait que la famille (v1 , · · · , vp ) est lire. D’où les
vecteurs propres associés à des valeurs propres distinctes sont linéairement indépendants.
9. VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES, DIAGONALISATION 90

9.2 Équation caractéristique et polynôme caractéristique


Soit A une matrice carrée d’ordre n. On sait qu’un scalaire λ est valeur propre de A si et
seulement si l’équation matricielle
(A − λI)x = 0
admet au moins une solution non triviale. D’après le théorème de caractérisation des
matrice inversible, cela équivaut à dire que λ doit être tel que la matrice (A − λI) ne soit
pas inversible et donc, du théorème 7.2.8, on doit avoir

det(A − λI) = 0. (9.2.1)


L’équation (9.2.1), d’inconnue λ, est appelée équation caractéristique de A et la fonction
PA (λ) = det(A − λI) (9.2.2)
est un polynôme de dégré n en λ appelé polynôme caractéristique de A. Il en résulte le
théorème suivant.
Théorème 9.2.1. Un scalaire (réel ou complexe) est valeur propre d’une matrice carrée A
si et seulement si PA (λ) = 0.
Exemple 9.2.2. On considère une matrice 5 × 5 dont le polynôme caractéristique est
P (λ) = λ5 +2λ4 +λ3 . Déterminer ses valeurs propres ainsi que leur ordre de multiplicité.

Solution : Sous forme factorisée on a P (λ) = λ3 (λ + 1)2 . Les valeurs propres sont
donc 0 et -1. Le facteur λ correspondant à la valeur propre 0 apparaı̂t 3 fois dans le
polynôme caractéristique, on dit que l’ordre de multiplicité de 0 est 3. Le facteur (λ + 1)
correspondant à la valeur propre -1 apparaı̂t deux fois dans le polynôme caractéristique,
l’ordre de multiplicité de la valeur propre -1 est donc 2.
 
3 0 4
Exemple 9.2.3. On pose A = 2 −1 2. Déterminer le polynôme caractéristique de
1 7 0
A. Dire si les scalaires -3, -2, -1 et 6 sont des valeurs propres de A.

Solution : On a
� �
�3 − λ 0 4 �� � � � �
� �−1 − λ 2 � �2 −1 − λ�
PA (λ) = �� 2 −1 − λ 2 �� = (3 − λ) �� � + 4� �
� 1 � 7 −λ� �1 7 �
7 −λ
= (3 − λ)(λ + λ2 − 14) + 4(14 − (−1 − λ))
= 3λ + 3λ2 − 42 − λ2 − λ3 + 14λ + 56 + 4 + 4λ
= −λ3 + 2λ2 + 21λ + 18.
Le polynôme caractéristique de A est donc PA (λ) = −λ3 + 2λ2 + 21λ + 18. On vérifie que
PA (−3) = PA (−1) = PA (6) = 0 tandis que PA (−2) = 13 �= 0. Donc -3, -1 et 6 sont des
valeurs propres de A mais −2 n’est pas valeur propre de A.
9. VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES, DIAGONALISATION 91

Théorème 9.2.4. Les valeurs propres d’une matrice triangulaire sont les coefficients de sa
diagonale principale.
� �
Proof: Si A est une matrice triangulaire de diagonale
� a11 a22 · · · ann alors
� A−
λI est aussi une matrice triangulaire de diagonale a11 − λ a22 − λ · · · ann − λ et on
déduit du théorème 7.2.1 que

PA (λ) = det(A − λI) = (a11 − λ)(a22 − λ) · · · (ann − λ).

Les seules racines de PA (λ) sont donc les coefficients a11 , a22 , · · · , ann . D’où le théorème.

9.3 Diagonalisation
Si A et B sont deux matrices de même taille n × n, on dit que A et B sont des matri-
ces semblables s’il existe une matrice inversible P telle que P −1 AP = B ou de façon
équivalente A = P BP −1 .

Théorème 9.3.1. Deux matrices semblables ont même polynôme caractéristique, donc les
mêmes valeurs propres (avec leur ordre de multiplicité).

Proof: Soit P une matrice inversible telle que A = P BP −1 . On a

A − λI = P BP −1 − λI = P BP −1 − λP P −1 = P (B − λI)P −1 ,

d’où
det(A − λI) = det(P ).det(B − λI).det(P −1 ) = det(B − λI),
car detP.detP −1 = det(P P −1 ) = detI = 1. D’où le théorème.

Definition 9.3.2. On dit qu’une matrice carrée A est diagonalisable si elle est semblable
à une matrice diagonale, c’est-à-dire s’il existe une matrice diagonale D et une matrice
inversible P telles que A = P DP −1 .

Théorème 9.3.3 (Théorème de diagonalisation). Soit A une matrice n × n. Alors A est


diagonalisable si et seulement si elle admet n valeurs propres linéairement indépendants.
Plus généralement, on a A = P DP −1 , où D est une matrice diagonale, si et seulement
si les colonnes de P forment une base de Rn constituée de vecteurs propres de A. Dans ce
cas, les coefficients diagonaux de D sont les valeurs propres de A associées respectivement
aux colonnes de P .
 
4 2 2
Exemple 9.3.4 (Exercice 12, p.311). Diagonaliser, si possible, la matrice A = 2 4 2.
2 2 4
9. VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES, DIAGONALISATION 92

Solution :
Etape 1 : On cherche d’abord les valeurs propres de A. Le polynôme caractéristique de A
est
� � � � � �
�4 − λ 2 2 � � 8 − λ 8 − λ 8 − λ� �1 1 1 �
� � � � � �

PA (λ) = � 2 4−λ �
2 �=� 2 � 4−λ � �
2 � = (8 − λ) �2 4 − λ 2 ��
� 2 2 4 − λ� � 2 2 4 − λ� �2 2 4 − λ�
� �
�1 1 1 ��


= (8 − λ) �0 2 − λ 0 �� = (8 − λ)(2 − λ)2 .
�0 0 2 − λ�

On déduit que les valeurs propres de A sont 2 et 8, d’ordre de multiplicité respectif 2 et


1.
Etape 2 : On cherche, si cela est possible, trois vecteurs propres linéairement indépendants
de A. On a    
2 2 2 1 1 1
A − 2I = 2 2 2 ∼ 0 0 0 .
2 2 2 0 0 0
   
−1 −1
Donc la solution générale de l’équation (A − 2I)x = 0 est x = x2  1  + x3  0 . Une
0 1
base de E2 est donc (u, v), avec
   
−1 −1
u =  1  et v =  0  .
0 1
 
1
Par ailleurs, on vérifie très facilement que w = 1 est un vecteur propre associé à la valeur
1
propre 8. La famille (u, v, w) est libre et forme une base de R3 constituée des vecteurs
propres de A. Il résulte du théorème 9.3.3 que A est diagonalisable, avec A = P DP −1 ,
pour    
2 0 0 −1 −1 1
D = 0 2 0 et P =  1 0 1 .
0 0 8 0 1 1
Théorème 9.3.5. Toute matrice n × n admettant n valeurs propres distinctes est diago-
nalisable.

Proof: D’après le théorème 9.1.8 les n vecteurs propres associés aux n valeurs propres
distinctes sont linéairement indépendants, et donc forment une base de Rn . Il résulte du
théorème 9.3.3 que A est diagonalisable.
9. VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES, DIAGONALISATION 93

 
−1 4 −2
Exemple 9.3.6. Dire si la matrice A = −3 4 0  est diagonalisable.
−3 1 3

Solution : On a
� � � � � �
�−1 − λ 4 −2 � �1 − λ 4 −2 � �1 4 −2 �
� � � � � �

det(A − λI) = � −3 4−λ � �
0 � = �1 − λ 4 − λ � �
0 � = (1 − λ) �1 4 − λ 0 ��
� −3 1 3 − λ� � 1 − λ 1 3 − λ� �1 1 3 − λ�
� �
�1 4 −2 �� � �
� −λ 2

= (1 − λ) �0 −λ �
2 � = (1 − λ) = (1 − λ)(λ2 − 5λ + 6)
�0 −3 5 − λ� −3 5 − λ

d’où
det(A − λI) = −(λ − 1)(λ − 2)(λ − 3),
et les valeurs propres de A sont 1, 2 et 3. Puisque ces valeurs propres sont trois et distinctes,
on déduit du théorème 9.3.5 que la matrice A est diagonalisable.

Théorème 9.3.7. Soient A une matrice n × n et λ1 , · · · , λp ses valeurs propres distinctes.

a. Pour 1 ≤ k ≤ p, la dimension du sous-espace propre associé à λk est inférieure ou


égale à la multiplicité de la valeur propre λk .

b. La matrice A est diagonisable si et seulement si la somme des dimensions des sous-


espaces propres est égale à n, ce équivaut à dire que :

(i) le polynôme caractéristique se factorise en facteurs du premier dégré et


(ii) pour chaque valeur propre λk , la dimension du sous-espace associé est égal à
l’ordre de multiplicité.

c. Si A est diagonalisable et si pour chaque k, Bk est une base du sous-espace associé à


la valeur propre λk , alors la famille obtenue en réunissant B1 , · · · , Bp est une base de
Rn constituée des valeurs propres de A.
 
2 4 3
Exemple 9.3.8. Diagonaliser, si possible, la matrice A = −4 −6 −3, sachant que
3 3 1
son polynôme caractéristique est PA (λ) = −(λ − 1)(λ + 2) . 2

Solution : La condition suffisante pour que A soit diagonalisable est que la dimension du
sous-espace propre associé à la valeur propre -2 soit égal à l’ordre de multiplicité de cette
valeur propre qui est 2. On a
   
4 4 3 1 1 0
A − (−2)I = A + 2I = −4 −4 −3 ∼ 0 0 1 .
3 3 3 0 0 0
9. VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES, DIAGONALISATION 94

 
1
On en déduit E−2 est dimension 1 et admettant le vecteur −1 comme base. Puisque
0
la dimension du sous-espace propre est différente de la multiplicité de la valeur propre, le
théorème 9.3.7 implique que la matrice A n’est pas diagonalisable.

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