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Communique - Comptoir4 Retenues Collinaires - 5juin2012 PDF
Communique - Comptoir4 Retenues Collinaires - 5juin2012 PDF
A ce jour, la question des retenues collinaires à vocation agricole ne s’est pas posée avec acuité en Drac
et Romanche, puisque le territoire ne compte encore aucun ouvrage.
Soucieuse d’anticiper tout conflit d’usage, la Commission Locale de l’Eau Drac-Romanche (la CLE)
souhaite néanmoins que les acteurs de l’eau se penchent sur la question.
Son objectif : créer pour les retenues à vocation agricole un schéma de conciliation des usages, à l’instar
du schéma finalisé en 2011 pour les retenues d’altitude sur la fabrication de neige de culture.
Pour cette quatrième édition des « Comptoirs de l’Eau », une formule conviviale de débat entre élus et
acteurs de l’Eau, la CLE a proposé aux élus et acteurs de l’eau en Drac et Romanche d’échanger avec les
intervenants suivants :
La création de retenues est soumise au régime de déclaration ou d’autorisation selon plusieurs critères :
le mode d’alimentation (cours d’eau ou ruissellement de surface)
la zone d’implantation (zones humides, lit mineur/lit majeur)
la hauteur de la retenue et le volume d’eau stocké
les travaux d’entretien (vidanges)
Le rapport de compatibilité avec les SDAGE impose le principe général de non dégradation de l’état des
masses d’eau.
Il faut justifier l’économie du projet, limiter ses impacts sur les masses d’eau et retenir la meilleure option
environnementale
Le remplissage de la retenue doit être réalisé en période de hautes eaux et les impacts compensés
Un suivi des habitats/espèces doit être réalisé après installation de la retenue
Un plan de gestion (entretien, fonctionnement, suivi milieu) doit être défini.
Le projet doit être analysé au regard de sa compatibilité avec le PAGD (Plan d’Aménagement et de Gestion
Durable de la ressource en eau) et de sa conformité avec le règlement
Le contexte
En 2010, un recensement a été réalisé dans toute la France, qui permet d’avoir une photographie précise des
retenues à vocation agricole.
Dans la région Rhône-Alpes, les surfaces irriguées ont diminué ces 10 dernières années, une tendance que l’on
observe dans toute la France.
Les cultures concernées sont majoritairement le maïs semences, les fruits et légumes, les autres céréales et
fourrages, y compris l’herbe et le maïs ensilage.
Les retenues se répartissent principalement dans la partie ouest de la Région Rhône-Alpes, en rive droite du
Rhône, qui ne comporte ni fleuves ni grandes nappes. Il existe notamment plusieurs milliers de petits ouvrages
dans le Rhône, pour la plupart utilisés par des exploitations individuelles.
Nous allons lancer une concertation au niveau régional, qui intégrera les Chambres d’Agriculture et la FRAPNA.
Ce cadre sera décliné dans chaque département d’ici l’été 2012.
Intervention de Mme Nathalie Jury, Chargée de mission Irrigation,
Chambre d’Agriculture de l’Isère : Besoins de l’agriculture et enjeux
économiques en Isère et en Drac-Romanche.
L'agriculture en Isère :
6 302 exploitations agricoles
241 265 ha de surface agricole, soit 17 % de la surface régionale
180 431 UGB*
23 500 ha irrigués (9 % de la SAU**)
1 600 exploitations irrigantes
plus de la moitié des surfaces irriguées (13073 ha) sont occupées par des cultures
de maïs (fourrage, grain)
la montagne ne représente que 8% des surfaces irriguées
674 préleveurs et1 628 points de prélèvements, principalement concentrés hors du périmètre Drac-Romanche
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entre 20 et 60 Mm consommés selon la saison
les prélèvements en eaux superficielles représentent 57%, sur lesquels 84% proviennent de grosses
ressources
* Unité de gros bétail (UGB), unité employée pour pouvoir comparer ou agréger des effectifs d’animaux d’espèces ou de catégories différentes.
** La Surface Agricole Utilisée (SAU) correspond aux terres labourables, aux superficies toujours couvertes d’herbe, aux cultures permanentes
(vignes, vergers…), aux jardins familiaux et aux cultures sous serres
L'agriculture en Drac-Romanche :
618 exploitations
33 089 ha de surface agricole
24 926 UGB
1 902 ha irrigués (6 % de la SAU du territoire)
92 exploitations irrigantes
sur les terres labourables (12 377 ha), 1 356 ha sont irrigués
sur les surfaces toujours en herbe, (20 667 ha), 546 ha sont irrigués
Les retenues collinaires constituent donc des solutions intéressantes pour stocker l'eau en période de
hautes eaux, mais il existe des freins et Interrogations :
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Coût élevé : de l'ordre de 4 à 8 €/m stocké
Financement ?
Contraintes réglementaires
Opposition environnementale
Intervention de M. Bernard Rivoire, Conseiller en hydraulique
agricole, Chambre d’Agriculture de la Loire
Évolution climatique et conséquences pour le stockage de l’eau
à vocation agricole. L’exemple de la Loire
Le contexte pédo-climatique et l’irrigation dans le département de la Loire
Sols peu profonds (20 à 40 cm) à dominante sableuse (de 45 à plus de 70 %
de sables)
Des sols avec une faible capacité de rétention
La réserve facilement utilisable varie de 20 à 30 mm
ETP* moyenne de juillet 4,6 mm par jour
Après 7 à 10 jours sans précipitation, les plantes commencent à subir un
stress hydrique.
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Les irrigants appliquent 5 à 7 doses d’irrigation de 20 à 25 mm par saison soit 1 000 à 1 800 m d’eau par
hectare suivant l’année climatique et suivant la culture.
*Évapo-Transpiration Potentielle
Les irrigants
750 irrigants « en collectif »
300 irrigants à partir de retenues collinaires individuelles
150 irrigants à partir de cours d’eau et de puits
Soit environ 1 200 irrigants
(soit en moyenne 9 ha irrigués par irrigant)
En agriculture, l’édification de retenues collinaires constitue une solution intéressante pour le stockage
de l’eau en période excédentaire :
Cette eau peut ainsi être utilisée pour différents usages (ressource en eau pour l’irrigation, alimentation en
eau d’abreuvement, lavage, protection incendie).
Les retenues d’eau modifient le biotope qui héberge une flore et une faune spécifique ; elles entraînent le
développement d'une flore et d'une faune de zone humide différente de celle présente avant le projet; c'est le
cas sur leur pourtour ou dans l’eau.
Elles attirent la faune sauvage lors des périodes estivales déficitaires en eau.
Lors de la conception du projet l’observation permet de détecter l’éventuelle présence d’espèces protégées.
Ces petits barrages permettent d’accroître les ressources en eau disponibles et contribuent au
développement de l’espace rural.
Ces ouvrages sont soumis à une procédure et sont réalisées en conformité avec les exigences de la Loi sur
l’Eau.
La plupart des retenues sont en régime de déclaration.
Quelques retenues, soumises à autorisation, n’interceptent qu’une partie de l’eau et laissent passer un débit
réservé lors de leur remplissage.
Mais l'implantation d'une retenue collinaire n'est pas neutre pour son environnement.
Son impact peut être positif ou néfaste si l’on n’y prenait pas garde, sur la ressource en eau, le milieu
aquatique et piscicole, l’écoulement des eaux, la qualité des eaux.
Diminution même si elle est faible de la quantité d’eau à l’aval.
Risque de réchauffement de l’eau (les réserves étant basses en été, le risque sur le milieu aval est très
faible).
Lors des vidanges (problème de la maîtrise des matières minérales et organiques : mise en place de bassins
de décantation).
Modification de la faune présente (elle peut aussi être enrichie autour de la retenue et dans les hauts fonds de
la retenue (grenouilles, libellules, avifaune, etc…).
Changement dans le paysage : introduction d’un miroir d’eau, cicatrices après travaux.
Sécurité : le principal danger est le phénomène de crues. Risque de rupture si non respect des règles de l’art
pour la réalisation de l’ouvrage.
Les retenues collinaires, les retenues de substitutions et les retenues tampon peuvent permettre de
diminuer notablement les prélèvements directs dans le milieu durant la période estivale.
Mesures correctrices
Pêcherie.
Bassin de décantation.
Pierres dans le coursier.
Débit de restitution (notamment par les drains filtres).
Mesures compensatoires
Replantation de haies.
Enherbement.
Mise en place de mare.
Mise en place de zones humides.
Mise en place de vasques étanches.
Un exemple : l’abandon du projet collectif de l’ASA du Jarez
Irrigation d’arbres fruitiers, fruits rouges et cultures légumières.
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Troisième projet collectif en 30 ans, troisième échec : projet de retenue de 160 000 m pour 40 exploitants et
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90 ha irrigués (dont 20 000 m proposés en soutien d’étiage par les agriculteurs)
Projet en altitude permettant de tout irriguer en aval sans pompage
55 réunions pour préparer le projet, 530 000 € de dépenses (CRRA, CG, Etat, Agriculteurs) (foncier, études,
indemnité aux entreprises etc….)
Echec suite à attaque au TA de la décision d’autorisation donnée par l’Etat D des agriculteurs abandonnent
leur exploitation, certains ne peuvent plus réaliser leur conversion en bio, de jeunes agriculteurs ne veulent
plus ou ne peuvent plus s’installer.
Déprise foncière, abandon de vergers récemment plantés.
Achat de fruit et légumes sur le marché de gros de Saint Etienne (bilan CO2 !!!)
Découragement évident de la profession meurtrie par cet échec.
Intervention de M. Jacques Pulou, pilote du Réseau Eau de la
Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature (FRAPNA)
Les enjeux environnementaux des retenues collinaires.
Les effets directs des retenues collinaires sur l’environnement
Effet thermique
Dans les retenues, l’eau s’échauffe plus rapidement que sur les cours d’eau. La
température moyenne des cours d’eau à l‘aval s’élève.
Risques d’eutrophisation
Les eaux calmes sont beaucoup plus exposées aux risques d’eutrophisation
(« indigestion ») que les eaux courantes. Effet renforcé si assainissement imparfait, trop d’intrants (N,P)…et
températures élevées. Baisse de la teneur d’oxygène dissous à la restitution en aval des retenues.
Perturbations hydrologiques : prélèvements, évaporation, malgré les débits réservés, renforcement et
prolongation des étiages. Prélèvements dans les rivières en hiver alors que les crues hivernales sont un
phénomène naturel nécessaire à la fertilisation des sols et au maintien de la biodiversité, risque
d’assèchement des ZH
Obstacles à la migration piscicole : barrage, prise d’eau,…
Perturbations géomorphologiques : perturbation du transit sédimentaire avec des phases de stockage complet
(risque incision à l’aval) éventuellement entrecoupées d’épisodes de relargages massifs de sédiments
(chasses et vidanges).
Destruction de milieux remarquables par ennoyage. Or, les lieux favorables aux retenues sont souvent des
réservoirs de biodiversité : ZH de thalweg, cuvettes naturelles ou de bas-fond,…
Conclusion : garder en tête les impacts et les limites, raisonner au cas par cas en se méfiant des effets
cumulatifs, prendre acte de l’état des connaissances et du retour d’expérience.
Débat
- Sur une question de l’assistance «Pourquoi limiter la question à l’agriculture et non envisager le soutien
d’étiage ? » M. Germain précise que le document en cours d’élaboration a pour cible les agriculteurs, et a
pour vocation de les aider à monter de bons projets. Les déclinaisons dans les départements associent les
Conseils généraux et les parties prenantes (par exemple, dans le Rhône, un syndicat mixte).
- Sur une question relative à la prise en compte de ces questions par les politiques et par le SCOT, M.
Germain répond que rien n’empêche la déclinaison du document au niveau du SCOT, d’autant que le
document met en avant l’articulation avec les SAGE et les Contrats de rivières.
M. Pulou ajoute que c’est au niveau des SAGE que se font les études, il y a donc un bouclage juridique des
outils, y compris au niveau du SDAGE auquel participent les (mêmes) élus.
- Sur une question relative au réchauffement climatique, M. Seigle-Vatte précise qu’au-delà de 28°C, l’herbe
ne peut pas pousser. Il y a donc nécessité de rechercher des cultures décalées destinées à éviter les pics de
sécheresse.
- Y a-t-il beaucoup de projets sur le territoire Drac-Romanche? Réponse : Quelques projets ont vu le jour dans
le Trièves, mais n’ont pas abouti, à cause de plusieurs freins, notamment l’éparpillement des exploitations
(alors que le département aide plutôt les projets collectifs), et la consommation de foncier.
- Quelle conciliation des usages de l’eau avec le gaz de schiste. Réponse : le territoire Drac-Romanche n’est
pas concerné.
- Quelles conséquences en cas d’une rupture de digue ? M. Rivoire précise qu’une étude géotechnique est
réalisée avant chaque projet, et qu’a l’exception d’un épisode pluvieux exceptionnel qui a totalement effacé
une retenue (180 mm en 3 h), les ouvrages se sont bien comportés.
- Question d’une exploitante à Tréminis : Aura-t-on un jour des retenues individuelles ? Nous avons de gros
problèmes d’infiltration, et nous avons eu un PV parce que le débit qui retournait au ruisseau n’était pas
suffisant. Et faire une retenue collective à Tréminis, c’est très compliqué. M. Rivoire fait remarquer la difficulté
de réaliser une retenue, compte tenu du flou autour de la définition d’un cours d’eau (la réglementation interdit
désormais la réalisation de retenues dans les lits des cours d’eau).
- Intervention de Mme Brigitte Locatelli, responsable du secrétariat de la CLE : la CLE a pour vocation de
mettre en présence les différents partenaires, comme lors de ce « comptoir de l’eau » et de mettre sur la table
les enjeux environnementaux et économiques. Mme Aurélie Campoy ajoute que, sur la question du cumul de
retenues sur un même territoire, la CLE a l’avantage d’une vision d’ensemble, comme elle l’a montré sur la
problématique des retenues d’altitude, qui ont donné lieu à un schéma de conciliation..
- Conclusion de M. Seigle-Vatte : ne pas oublier qu’en montagne, l’agriculture et le tourisme s’appuient l’un sur
l’autre pour contribuer au développement économique, et qu’il faut raisonner dans une logique de co-
construction.