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Category Drama

De guerre en fils
Guns in the Family
By François Pérache
Directed by Sabine Zovighian et Samuel Hirsch

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De guerre en fils

Une fiction sonore de François Pérache en 6 épisodes


Texte : François Pérache et Sabine Zovighian
Musique : Samuel Hirsch
Réalisation : Samuel Hirsch et Sabine Zovighian
Avec : François Pérache, Sylvie Thénault, Valentine Joubin, Médine, Stéphanie Daniel, Marc Barbé,
Franck Chevallay, Patrick Pesnot, Jacques Bonnaffé, Antoine Sastre, Jean-Christophe Freche,
l'aimable participation de Marie-Sophie Ferdane.

Le 2 octobre 1961, en pleine guerre d'Algérie, le policier Georges Pérache est abattu à Paris par le
FLN. Le 17 octobre, la police réprime une manifestation pacifique et tue près de deux cent Algériens.
Le 13 novembre 2015, François Pérache, petit-fils du policier tué, veut aller manger un bobun au
Petit Cambodge...
À la fois enquête intime, fiction documentée et tragi-comédie, De guerre en fils joue du feuilleton
radio pour ouvrir la boîte aux secrets. Ceux de l’Histoire comme ceux d’une famille.

Une fiction sonore en 6 épisodes :

Sur les pavés le sang – 1/6 – 9 min15


Le soir du 13 novembre 2015, François veut manger un bobun au restaurant Le Petit Cambodge
(Paris X). Les coups de feu des massacres réveillent un souvenir tragique lié à son histoire familiale et
à celle de la guerre d'Algérie.

Parlez avec le bip – 2/6 – 13min48


François se réveille avec la gueule de bois et l'envie de reprendre l'enquête sur son grand-père.

Le téléphone arabe – 5/6 – 14min39


D'un interlocuteur à l'autre, le portrait de Georges Pérache se trouble. Héro ou salaud ?

Les fins maux de l'histoire – 6/6 – 17min


François cherche le fin mot de l'histoire.

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Guns in the Family

A radio drama by François Pérache in six episodes


Text: François Pérache & Sabine Zovighian
Music: Samuel Hirsch
Directed by Samuel Hirsch & Sabine Zovighian
Featuring: François Pérache, Sylvie Thénault, Valentine Joubin, Médine, Stéphanie Daniel, Marc
Barbé, Franck Chevallay, Patrick Pesnot, Jacques Bonnaffé, Antoine Sastre, Jean-Christophe Freche,
and special guest Marie-Sophie Ferdane.

2nd October, 1961. As the Algerian War rages, police officer Georges Pérache is shot dead in Paris by
the Algerian FLN, the National Liberation Front. On 17th October, Paris police repress a peaceful
march, killing nearly 200 Algerians. On 13th November, 2015, François Pérache, the grandson of the
assassinated officer, decides to eat noodles at Le Petit Cambodge...
In turn, personal investigation, documented fiction and tragicomedy, Guns in the Family plays on
radio drama tropes to open a box of secrets—the secrets of history, and those of a family.

Submitted episodes:

Sur les pavés le sang (Blood on the Streets) – 1/6 – 9'15"


On 13th November, 2015, François goes for a noodle supper at Le Petit Cambodge restaurant in
Paris's 10th arrondissement. The gunfire of the terrorist attacks arouses a tragic memory linked to his
family's history and the Algerian War.

Parlez avec le bip (Talk with the Beep) – 2/6 – 13'48"


François wakes up with a hangover and the urge to resume his investigation into his grandfather's
death.

Le telephone arabe (On the Grapevine) – 5/6 – 14'39"


The deeper François delves, the muddier the waters. Georges Pérache, hero or villain?

Les fins maux de l'histoire (The Long and Short of History) – 6/6 – 17'
François seeks closure.

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CONTEXTE HISTORIQUE :

Guerre d’indépendance Algérienne (1954-1962)


Une partie importante de la fiction De guerre en fils se déroule à Paris à l’automne 1961.
Depuis 1830, l’Algérie est une colonie française avec un statut de Département. À partir de 1954,
différents mouvements armés dont le FLN (Front de Libération National algérien) mènent des
combats et des actions violentes en Algérie et en France métropolitaine pour obtenir l’indépendance
du pays. Le Gouvernement, sous la présidence du Général Charles de Gaulle, ne reconnaît pas la
situation de guerre mais parle de simples « événements d’Algérie ».
À l’automne 1961, De Gaulle et le FLN savent que l’indépendance de l’Algérie est devenue inévitable
(elle sera d’ailleurs signée l’année suivante en 1962), mais les deux camps veulent négocier
l’armistice en position de force : le FLN multiplie les attentats tandis que le Gouvernement renforce
la répression. C’est une période de grande tension en France : entre juillet et octobre 1961, plus de
10 policiers français sont tués par le FLN.

Massacre du 17 octobre 1961


À l’automne 1961, le FLN algérien mène des actions de plus en plus nombreuses et violentes contre
le Gouvernement français. Le Préfet de Police de Paris, Maurice Papon, renforce de son côté la
répression contre les Algériens qui subissent des intimidations, des interrogatoires et parfois des
tortures et des assassinats pendant toute la « guerre ». En réponse aux attentats du FLN, le Préfet
Papon ordonne le 5 octobre 1961 un « couvre- feu » : interdiction pour les Algériens de sortir le soir
et de fréquenter les cafés. En réponse à cette interdiction, le FLN appelle à une grande manifestation
« pacifique » le 17 octobre 1961, malgré l’interdiction de la Préfecture.

Dans la nuit du 17 octobre, des milliers d’Algériens (qui habitent souvent des bidonvilles de banlieue)
viennent manifester à Paris. La police réprime dans le sang les manifestants : des milliers d’entre eux
sont arrêtés, de plusieurs dizaines à plusieurs centaines sont tués à coup de feu ou de matraque et
jetés à la Seine. Le bilan chiffré exact fait toujours l’objet d’une polémique en France. C’est, quoi qu’il
en soit, le plus important massacre perpétré par la Police française depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale.

Chronologie :
1954 : début de la Guerre d’Algérie.
Eté - Automne 1961 : regain de tension en France entre les autorités et le FLN algérien.
28 septembre 1961 : un policier (Jean Demoen) est tué par le FLN. C’est le 10ème mort dans les
rangs de la Police depuis l’été 1961.
2 octobre 1961 : obsèques du policier Demoen, en présence du Préfet Papon. Le jour même le
policier Georges Perache est abattu par le FLN. C’est le dernier mort dans les rangs de la Police.
5 octobre 1961 : obsèques de GEORGES PERACHE en présence du Préfet PAPON. À l’issue des
obsèques, le Préfet PAPON ordonne un « couvre-feu » contre les Algériens.
17 octobre 1961 : manifestation du FLN contre le couvre-feu et violente répression policière :
plusieurs milliers d’Algériens arrêtés. Plusieurs dizaines à plusieurs centaines de morts algériens en
plein Paris.
19 mars 1962 : Cessez-le-feu en Algérie (indépendance reconnue le 3 juillet 1962)
2006/2007 : François Pérache a 30 ans. Il mène une longue enquête sur la mort de son grand-père
Georges Pérache.
13 novembre 2015 : François échappe de peu à un attentat à Paris. Il reprend son enquête sur la
mort de son grand-père et décide d’en faire une fiction radio.

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BACKGROUND HISTORY :

The Algerian War of Independence (1954-1962)


Much of the action in Guns in the Family is set in Paris in autumn 1961. Algeria had been a French
colony since 1830, and was incorporated as part of mainland France. Starting in 1954, various armed
factions, including the FLN (National Liberation Front) fought for independence, carrying out attacks
in Algeria and France. The French government, led by General Charles de Gaulle, refused to
acknowledge the war, referring only to "the troubles" in Algeria.
By the autumn of 1961, General de Gaulle and the FLN knew that Algerian independence was
inevitable (and became a reality in 1962), but both sides wanted to negotiate the armistice from a
position of strength. The FLN launched a wave of attacks while the government intensified
repression. This was a period of great tension in France: in four months, between July and October
1961, ten police officers were killed by the FLN.

The October '61 Massacre


In the autumn of 1961, the FLN stepped up its campaign of increasingly violent attacks on French
government targets. In turn, Maurice Papon, the Paris Police Chief, increased repression of Algerians.
Throughout the war, they were subjected to intimidation, interrogation, and occasionally torture and
extra-judiciary execution, but in response to the FLN's latest wave of attacks, on 5th October, 1961,
Papon imposed a curfew on Algerians, banning them from cafés, and from the streets at night. The
FLN countered by calling for a peaceful protest march on 17th October, 1961, despite the authorities'
refusal to authorize the demonstration.

On the night of 17th October, thousands of Algerians, many of whom lived in shanty towns on the
outskirts of Paris, came to Paris. The police attacked the marchers, arresting thousands. Dozens,
maybe even hundreds, were shot or beaten to death, or thrown into the River Seine and left to
drown. The exact death toll has been a source of bitter controversy in France. Whatever the number
of casualties, it was the biggest massacre perpetrated by French police since World War Two.

Timeline
1954: The Algerian War breaks out.
Summer-autumn 1961: increased tension in France between the authorities and the FLN.
28 September 1961: a police officer (Jean Demoen) is killed by the FLN, the 10th officer to die in Paris
since the summer of '61.
2 October 1961: Police Chief Papon attends Officer Demoen's funeral. The same day, Georges
Pérache is assassinated by the FLN—the last casualty within the ranks of the police.
5 October 1961: Police Chief Papon attends Georges Pérache's funeral, after which he announces a
curfew aimed specifically at Algerians.
17 October 1961: at a march organized by the FLN to protest the curfew and police violence, several
thousand Algerians are arrested. Dozens, maybe even hundreds, were killed in Paris itself.
19 March 1962: Ceasefire announced in Algeria (independence granted on 3 July 1962).
2006-2007: Aged 30, François Pérache conducts an extensive investigation into the death of his
grandfather, Georges Pérache.
13 November 2015: François nearly dies in a terrorist attack in Paris. He resumes his investigation
into his grandfather's death, and decides to make a radio drama out of it.

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PRINCIPAUX PERSONNAGES :

François Pérache
Le narrateur de l’histoire. Fils de Jean-Pierre Pérache et petits-fils de Georges Perache. François
mène en 2006-2007 une enquête approfondie sur la mort tragique de son grand-père. Dix ans plus
tard, le 13 novembre 2015, François dîne par hasard juste à côté du restaurant parisien « Le Petit
Cambodge » où 15 personnes seront abattues par les kalachnikovs des terroristes djihadistes. Le soir-
même, il rentre chez lui et cauchemarde la mort de son grand-père. Il décide de relancer son
enquête sous forme d’une fiction radio.
François a 40 ans au moment de son récit. Il est ingénieur de formation, reconverti depuis 10 ans
comme comédien et scénariste.

Georges Pérache
Grand-père du narrateur. Né en 1914 et tué lors d’un attentat le 2 octobre 1961 à Paris. Georges
Perache a été très actif dans la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale en fabriquant
notamment des faux-papiers dans la région de Grenoble.
Après la guerre, il subit plusieurs échecs professionnels et familiaux et part travailler en Afrique. Il en
revient vers 1959 pour travailler comme policier à la Préfecture de Police de Paris. Il travaille dans un
service intitulé « SAT-FMA » qui, sous couvert d’aider les Algériens dans la leurs démarches
administratives, fait du renseignement contre le FLN (Front de Libération National algérien), principal
mouvement indépendantiste.
Georges est menacé puis exécuté par un commando FLN le 2 octobre 1961. Il est le dernier policier
français tué avant la répression organisée par la Préfecture le 17 octobre 1961.

Maurice Papon
Haut-Fonctionnaire français, Maurice Papon a notamment été Secrétaire général de la Préfecture de
Gironde (Bordeaux) où il est impliqué dans la déportation de plusieurs milliers de juifs français (il sera
condamné pour complicité de crime contre l’Humanité en 1998). Après la seconde guerre mondiale,
Maurice Papon a poursuivi une brillante carrière de fonctionnaire et devient notamment Préfet de
Police de Paris durant la guerre d’Algérie. Il emploie des méthodes très violentes de lutte contre les
indépendantistes algériens. Il est, de fait, le supérieur hiérarchique de Georges Pérache au moment
de sa mort. Il assistera à ses obsèques et lui remettra à titre posthume plusieurs décorations.

Abbé Pierre
Henri Grouès, dit « l’Abbé Pierre », est né 1912 et mort en 2007. Prêtre catholique français, figure de
la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale dans la région de Grenoble (Alpes) où il rencontre
Georges Pérache, l’Abbé Pierre devient député après la guerre et fonde notamment le mouvement
« Emmaüs » qui lutte contre l’exclusion, la pauvreté et le mal-logement.
L’Abbé Pierre est une figure morale importante de la France. Il est régulièrement classé parmi les
« personnalités préférées des Français ». Le narrateur, François, l’a interviewé en 2006 dans le cadre
de son enquête, quelques mois avant sa mort.

Patrick Pesnot
Journaliste français à la retraite depuis 2015, Patrick Pesnot a animé pendant près de 20 ans une des
émissions les plus célèbres de la chaîne publique France Inter : « Rendez-vous avec X ». Son
générique à l’accordéon et l’expression « N’allons pas trop vite » sont particulièrement familiers aux
auditeurs francophones.
Patrick Pesnot interrogeait toutes les semaines dans cette émission un certain « Monsieur X. »,
ancien agent des services secrets, pour raconter le dessous des affaires liées à l’espionnage. Pour
« DE GUERRE EN FILS », Patrick Pesnot sort de sa retraite et participe avec François à une vraie-
fausse émission de « Rendez-vous avec X. » autour de la mort de Georges Pérache.

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MAIN CHARACTERS

François Pérache
The narrator of the story. Son of Jean-Pierre Pérache, grandson of Georges Pérache. In 2006-7,
François conducted an in-depth investigation into his grandfather's violent death. Ten years later, on
13th November 2015, François was dining opposite a Parisian restaurant, Le Petit Cambodge, when
fifteen people died there in a hail of bullets fired from the Kalashnikovs of Jihadists. Later that night,
François had nightmares about his grandfather's death. He decided to resurrect his investigation in
the form of a radio drama.
François is 40 when he begins his tale, ten years after this trained engineer left his job to become an
actor and writer.

Georges Pérache
The narrator's grandfather, born in 1914, and killed in an attack on 2nd October 1961 in Paris.
Georges Pérache was very active in the Resistance during WW2, notably making forged identity
papers near Grenoble. After the War, and the failure of his marriage and various business ventures,
he went to work in Africa. He resurfaced in 1959, as an officer with the Paris Police Department,
working in an office of SAT-FMA, a covert operation that gathered intelligence on the FLN, the
leading Algerian independence movement, while claiming to help individual Algerians in their
dealings with the authorities.
Georges received threats before being executed by FLN commandos on 2nd October 1961. He was
the last French police officer to be killed before the repression organized by the Paris Police
Department on 17th October 1961.

Maurice Papon
During World War Two, Maurice Papon was Secretary General of the Prefecture of the Bordeaux
region, where he was implicated in the deportation of several thousand French Jews (he was
convicted of complicity in crimes against humanity in 1998). After the war, Maurice Papon continued
his high-flying career in public service, culminating in his appointment as head of the Paris Police
Department during the Algerian War. He employed very violent methods in the fight against Algerian
independence fighters operating in Paris. As police chief at the time of Georges Pérache's death,
Maurice Papon attended the officer's funeral, and awarded him several posthumous decorations.

Father Pierre (l’abbé Pierre)


Henri Grouès, aka l’abbé Pierre (Father Pierre), was born in 1912 and died in 2007. This Catholic
priest was a wartime Resistance leader in the region around Grenoble in the French Alps, where he
met Georges Pérache. Father Pierre was elected to parliament after WW2, and founded the Emmaüs
movement to combat discrimination, poverty and homelessness.
Father Pierre was France's conscience, regularly topping lists of "France's favourite personalities". In
2006, a few months before the priest's death, François, the narrator, interviewed him for his
investigation.

Patrick Pesnot
A French journalist who retired in 2015, for nearly twenty years Patrick Pesnot hosted one of the
most famous programmes aired by public broadcaster France Inter, Rendez-Vous avec X. The
accordion theme tune and Pesnot's catchphrase, Let's not get ahead of ourselves, are particularly
familiar to French listeners. Every week, Patrick Pesnot questioned a man named X, a former secret
service agent, to reconstitute prominent espionage cases. For Guns in the Family, Patrick Pesnot
came out of retirement to participate with François in a mock Rendez-Vous avec X, concerning the
death of Georges Pérache.

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Medine
Médine est un rappeur français d’origine algérienne. Tirant ses textes de son vécu comme de sujets
historiques, il explore les rapports conflictuels entre la France et l’Algérie. Pour le feuilleton, il
interprète a cappella deux raps : « 17 octobre » et « Alger pleure ».
En usant parfois de la provocation, Médine aborde les sujets brûlants de la société française comme
l’Islam, la laïcité, l’identité et l’histoire des Arabes de France.

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Médine
Médine is a French rapper with Algerian roots. Drawing his inspiration from personal experience and
historical events, he explores the love-hate relationship between France and Algeria. For Guns in the
Family, he performs two tracks unaccompanied: 17th October and Algiers Weeps.
Never afraid to court controversy, Médine confronts the hot topics in French society, such as Islam,
secularity, identity, and France's relationship with its Arab citizens.

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Episode 1
Sur les pavés le sang

Une gifle

FRANCOIS
Quand j’étais petit, j’ai pris très peu de claques.

Minuterie.

En tout cas, bien moins que ce que j’aurais pu mériter : je repoussais toujours les limites.

De l’eau en ébullition.

Mais derrière mes petites lunettes rondes, j’avais l’art de faire passer toutes mes bêtises pour des
expériences scientifiques.

... éclaboussure.

J’ai eu une période bombe à eau,

Sirène de pompier

LA MERE :
« François! »

Ensuite, une assez longue période pyromane,

Puis une courte – mais intense - période de canulars téléphoniques :

Tonalité de téléphone.

VOIX D’ENFANTS :
« -Allo, c’est la police. On a vu le slip de votre mari sur le bord du trottoir, devant l’arrêt de bus.
« - Et il a pété tellement fort que, il s’est envolé dans les airs ! »

Tonalité de téléphone. Enfants qui pouffent.


Une mélodie fredonnée à la guitare.

Mais ma période, la plus créative et qui engloutissait une bonne partie de mon argent de poche, ça a
été la période « pétards ».
Les pétards réunissaient deux de mes passions : le feu et le bruit.

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Episode 1
Blood on the Streets

A slap

FRANCOIS
As a kid, I rarely got smacked.

Timer.

Most likely, less than I deserved. I constantly pushed the envelope.

Simmering water.

Behind my little round glasses,


I had a knack for passing my pranks off as science experiments.

...Splashes.

I had a water bomb phase.

Fire engine siren.

FRANÇOIS'S MOTHER
“François!”

A prolonged pyromaniac phase.

Then a brief but intense prank call phase :

Telephone dialling.

CHILDREN
“- Hello, this is the police. We found your husband's underpants near the bus stop.
“- He farted so hard, they blew off!”

Telephone rings. Children giggle.


Hummed tune, guitar strums.

My most creative phase, which guzzled up my pocket money, was my "firecracker" phase.
Firecrackers united two of my passions: fire and noise.

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Pétards
Rires d’enfants

VOIX D’ENFANT :
« Chuuut.. »

Générique :

DE GUERRE EN FILS

Un feuilleton de François Pérache.

Épisode 1

FRANCOIS
J’avais accumulé dans une cachette connue de moi seul, au fond du jardin familial, un arsenal
complet. Mais de toute la gamme, mes préférés, c’était les pétards mitraillettes.

Mèche de pétard qui se consume

Un assemblage d’une dizaine de pétards de taille modeste mais qui étaient reliés entre eux par une
mèche unique. Mèche qui assurait…

La combustion s’interrompt

Euh.. ou pas ! Là résidait tout le charme…


La combustion reprend

une série d’explosions en rafale.

Explosion de pétards en rafale

VOIX D’ENFANTS :
« Faut tout jeter! Pétards mitraillettes ! »

Les pétards mitraillettes, donnaient au mot même de « pétard », toute sa saveur explosive,

VOIX D’ENFANT :
« Pétard mitraillette ! »

avec son « P » et ses « T », dont la prononciation seule mettait en joie.

Ligne de basse

Enfin tout ça pour dire qu’en matière de pétards, on ne me la fait pas.


Alors, ce soir-là, quand mon copain Jean-Christophe m’a dit « ça doit être des pétards », j’ai dit « je
ne crois pas, non ».

Douze coups de kalachnikov


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Firecrackers.
Children laugh

CHILD
“Sssh...”

Opening Credits:

DE GUERRE EN FILS (Guns in the Family)

A radio drama by François Pérache.

Episode 1

FRANCOIS
In a secret stash at the bottom of the garden, I accumulated a complete arsenal.
Of the whole range, my favourites were firecracker strips.

Crackling fuse.

A dozen firecrackers of average size connected up by a fuse.


A fuse which caused a --

The fuse fizzles out.

Or not. That was half the appeal.

Fuse crackles again.

A barrage of explosions.

Firecrackers explode.

CHILDREN
Throw all of them! Firecrackers!

Those firecracker strips gave the word "firecracker" its explosive flavour.
BOY
Firecrackers!

With those Fs and Ks—just saying them was a delight.

Bass plays.

So, firecracker-wise, there's no fooling me. When my boyfriend Jean-Christophe said to me that
night, Sounds like firecrackers, I said, I don't think so, no.

Twelve Kalashnikov rounds

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JEAN-CHRISTOPHE :
« Ça doit être des pétards. »

FRANCOIS :
« Je ne crois pas, non. »

TRAGEDIENNE (Andromaque)
« Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle
Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle. »

FRANCOIS
On était allés voir un chef d’œuvre quelconque dans un petit théâtre de Belleville.

TRAGEDIENNE (Andromaque)
« Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants,
Entrant à la lueur de nos palais brûlants,
Sur tous mes frères morts se faisant un passage,
Et de sang tout couvert échauffant le carnage. »

FRANCOIS
La pièce avait commencé tôt,
Rumeur de la ville.

et en sortant, on avait pu se mettre en quête d’un resto dès 21H.


Il faisait très doux à Paris ce soir-là. Et naturellement, on s’est dirigés vers le canal.
Je peux assez facilement vous décrire l’itinéraire.
Depuis Belleville,

Un feutre dessine l’itinéraire sur du papier.

on descend sur 500 mètres la rue du Faubourg du Temple. Elle mène droit au canal Saint-Martin. On
croise, sans s’arrêter, la rue Saint-Maur, l’avenue Parmentier, la petite rue d’Aix puis, à droite… la rue
Bichat.

Acouphène grave.

Donc au bout de la rue Bichat, une patte d’oie. Au carrefour, deux bar-restaurants se font face :

Vibration d’un verre.

à gauche « Le Carillon », à droite, une de nos cantines favorites,

De la vaisselle tombe et se brise.

les excellents Bobun du « Petit Cambodge ».


Y’avait une table pour deux qui était libre en terrasse, c’était inespéré un vendredi soir. Sauf que ce
soir-là, parce qu’on avait insisté beaucoup, une copine avait fini par accepter de nous accompagner
au théâtre.

La rumeur de la ville se distord.

On était trois, elle, mon copain Jean-Christophe et moi.

- 14 -
JEAN-CHRISTOPHE
“Sounds like firecrackers”.

FRANCOIS
“ I don't think so, no”.

ACTRESS (Andromaque)
“Dream, Céphise, of that night so cruel
That for a whole people was a night eternal.”

FRANCOIS
We'd seen some masterpiece or other at a theatre in Belleville.

ACTRESS (Andromaque)
“Imagine, Pyrrhus, with dazzling eyes,
Entering by the light of the flames in our palace
Over my dead brothers forcing a passage
Covered in blood and provoking carnage”.

FRANCOIS
The play had started early.
Urban buzz.

By 9, we were looking for a restaurant.


It was a balmy night in Paris. Naturally, we headed for the canal.
Our itinerary is quite easy to describe.
From Belleville --

Marker pen draws on paper.

Five hundred metres down Faubourg du Temple to Canal Saint-Martin, passing without pause Rue
Saint-Maur, Avenue Parmentier, the tiny Rue d’Aix. Then, right on Rue Bichat.

Dull hum.

At the end of Rue Bichat, a five-point intersection with two restaurants on opposite corners.

Glass vibrates.

On the left, Le Carillon. On the right, one of our favourite eateries.

Tableware falls, smashes.

The noodle shop, Le Petit Cambodge.


There was a table-for-two free outside—unimaginable on a Friday evening. But that night, we'd bent
a friend's ear until she agreed to go to the theatre with us.

Urban buzz distorts.

So, three for dinner—her, Jean-Christophe, and me.

- 15 -
FRANCOIS (écho distordu) :
« On était trois, elle, mon copain Jean-Christophe et moi. »

Et il ne restait qu’une table pour deux en terrasse du Petit Cambodge ce vendredi 13 novembre 2015
à 21h10.
On s’est donc installés quelques mètres plus loin.

Clochettes
Au « Café Clochette ».

Ambiance bar.
Match de foot France - Allemagne diffusé en fond.

Vibration d’un verre.


De la vaisselle tombe et se brise.

21H25.
Une rafale.
Une deuxième.

JEAN-CHRISTOPHE :
« Une troisième ? »

L’AMIE:
« Je sais plus. Un hurlement de femme. »

FRANCOIS :
« Une table qui se renverse »

L’AMIE ET FRANÇOIS :
« Puis le silence. »

FRANCOIS :
« Total. »

Acouphène grave et lancinant

JEAN-CHRISTOPHE :
« Ça doit être des pétards »

FRANCOIS :
« Je ne crois pas non. »

Vibration d’un verre. Sonnerie texto.

TRAGEDIENNE (Andromaque) :
« Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants,
Dans la flamme étouffée, sous le fer expirant. »

- 16 -
FRANCOIS (distorted)
“So, three for dinner—her, Jean-Christophe, and me.”

And it was a table-for-two outside Le Petit Cambodge that Friday, 13th November 2015 at 9:10.
So we headed across the street.

Bell rings.
To Café Clochette.

Bar atmosphere.
France v. Germany football match on TV in the background.

Glass vibrates.
Tableware falls, smashes.

9:25 pm.
One burst of gunfire.
Then a second.

JEAN-CHRISTOPHE
“And a third?”

FRIEND
“Not sure. A woman screaming.”

FRANCOIS
“A table knocked over.”

FRIEND AND FRANÇOIS


“Then silence.”

FRANCOIS
“Total silence.”

Dull throbbing.

JEAN-CHRISTOPHE
“Sounds like firecrackers.”

FRANCOIS
“I don't think so, no.”

Glass vibrates. Incoming text beeps

ACTRESS (Andromaque)
“Think of cries of triumph, think of the screams of the dying
Suffocated in flames, run through by steel.”

- 17 -
FRANCOIS
La suite de la soirée, je ne la raconterai pas.

Générique de chaîne d’info en continu, tonalités de téléphone, sirène de pompiers, pneus qui crissent.

D’ailleurs, vous la connaissez déjà l’histoire : c’est celle de milliers de parisiens ce soir-là.
Une nuit hallucinée entre SMS, Facebook, BFMTV, alcools forts et Xanax.

TRAGEDIENNE (Andromaque), murmuré :


« Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle
Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle. »

La musique et l’ambiance sonore saturent.

Silence

FRANCOIS
On oublie vite. On oublie vite que ce n’est pas le premier massacre dans Paris et que l’Histoire a
souvent vu couler le sang sur les trottoirs de la capitale.

Mais je digresse, j’ai ouvert la « boîte à chagrins » et je digresse.

MUSIQUE - THEME DE L’ENQUETE DE FRANCOIS

Ce que je dois vous raconter, c’est un autre épisode de terreur et de coups de feu.

Un épisode qui a plus de 50 ans et dont tout le monde se fout.

DISCOURS SARKOZY :
« On ne construit rien, en demandant aux enfants d’expier les fautes de leurs pères »

Une histoire de la France et de ses colonies.

DISCOURS SARKOZY :
« Ils n’ont pas à se repentir »
Acclamation du Public.

Disons les mots qui fâchent :

une histoire de la France avec ses Arabes.

LA MERE (épuisée):
« Ah non non non non non non non…. »

FRANCOIS
Ouais, je sais, je sais c’est fatiguant...
Le 13 novembre et Sarkozy, c’est un peu rude pour un premier épisode.
Mais il faut que je la raconte cette histoire.

INTRO Édith Piaf - Non, je ne regrette rien

.
- 18 -
FRANCOIS
The rest of the evening needs no telling.

24-hour news jingle, telephone beeps, fire engine sirens, screeching tyres.

Anyway, you've heard it already—same as thousands of Parisians that night.


A night of disbelief, texts, Facebook, CNN, booze and Xanax.

ACTRESS (Andromaque)
Dream, Céphise, of that night so cruel
That for a whole people was a night eternal

Music and ambient sound saturate.

Silence.

FRANCOIS
People have short memories. We forget that it's not the first massacre in Paris,
that the capital has often seen blood shed on its streets.

But I digress. I've opened the "box of sorrows", and I digress.

MUSIC - FRANÇOIS'S INVESTIGATION THEME

Instead, I should tell you about another episode of terror and gunfire.

An episode over 50 years old that nobody cares about anymore.

SARKOZY SPEECH
“You don't build anything by asking children to atone for their father's sins.”

A tale of France and its colonies.

SARKOZY SPEECH
“They have no reason to repent.”
Crowd cheers.

Let's push some people's buttons --

A tale of France and its Arabs.

FRANCOIS'S MOTHER (exhausted):


“Oh no, no, no, no, no, no, no, no...”

FRANCOIS
Yeah, I know. Too much.
The 13th November and Sarkozy—a bit harsh for the first episode.
But I have to tell this story.

INTRO Edith Piaf - Non, je ne regrette rien.

- 19 -
C’était il y a plus de 50 ans.
Et la guerre d’Algérie ne disait pas encore son nom.

Édith Piaf - Non, je ne regrette rien / Beats

MEDINE
Alger, capitale, au commencement des « sixties » Les pieds noirs quittent le navire, les colons
dératisent.

FRANCOIS
C’était un de ces moments de l’Histoire où l’on persiste à minimiser, à se convaincre qu’il n’y a ni
attaque, ni défense, ni résistance, ni combats mais juste des « évènements ».

MEDINE
1961, période estivale, c'est la guerre d'Algérie et son festival.

FRANCOIS
Et pourtant les combats faisaient rage sur le territoire algérien.

Piano et Cut Killer – Nique la police : « Assassin de la police »

Et presque tous les jours, en métropole, notamment au cœur de Paris, la police française et les
militants du Front de Libération National algérien…
Enfin bref, les flics et les militants FLN se tiraient dessus en plein jour, dans la rue, dans le métro, à la
sortie des cinémas.
A l’automne 1961, quand commence notre histoire, les deux camps savent que l’indépendance est
inévitable.

DISCOURS DE GAULLE, 1958 :


« Je vous ai compris !»

Acclamation du public .

FLN d’un côté, Gouvernement français de l’autre, chacun met une pression maximale pour peser
dans les ultimes négociations.
En quelques semaines, entre août et octobre 1961, plus de dix policiers parisiens sont abattus par
ceux qu’on appelait déjà les « terroristes ».

Archive INA: journal radio du 2 octobre 1961 / Inter Actualités

SPEAKERINE
« Au chapitre, au triste chapitre du terrorisme, il nous faut encore rappeler, Jean Lanzy, un attentat
connu depuis ce matin, un attentat FLN, qui est la cause d’une vive émotion à Paris. »

- 20 -
It was over 50 years ago.
And the Algerian War still wasn't a war.

Édith Piaf - Non, je ne regrette rien / Percussion

MEDINE
Capital Algiers in nineteen-sixty
Settlers jump ship, racists run riot in the city.

FRANCOIS
One of those moments in history that people insist on downplaying, convincing themselves there are
no attacks, no resistance, no conflict, just "troubles".

MEDINE
1961, it's the summer
Algeria racked by a festival of war.

FRANCOIS
Yet conflict was raging all over Algeria.

MUSIC: Piano & Cut Killer – Sound of da Police.

Almost every day in mainland France, in the heart of Paris especially, French police and Algerian
independence activists—in other words cops and FLN activists—were blazing away at each other in
broad daylight, in the streets, the Métro,
outside cinemas...
By the autumn of '61, when our story begins, both sides knew independence was inevitable.

DE GAULLE SPEECH, 1958:


“I have heard you!”

Crowd cheers.

FLN and French government faced off, going all-out to impact on the final negotiations.
In a few weeks, between August and October 1961, over ten Parisian police officers were shot dead
by men identified even then as "terrorists".

Archive news bulletin 2nd October, 1961.

RADIO ANNOUNCER
“In the sad roll call of terrorism, we must add an attack that took place this morning—
an FLN attack—that has provoked great emotion in Paris.”

- 21 -
FRANCOIS
Cet automne-là, la dernière victime dans cette série d’attentats, le dernier mort dans les rangs de la
police, a été tué de six balles le 2 octobre 1961. Il s’appelait Georges Pérache et c’était mon grand-
père.

JEAN LANZY
« Un officier de police, Georges Pérache a été tué ce matin par trois terroristes Nord-Africains et cela
à l’heure même où à la Préfecture de Police, on célébrait les obsèques d’un autre gardien de la paix,
victime lui aussi de tueurs FLN, Jean Demoen. »

SPEAKERINE
« Les attentats contre les policiers deviennent en effet presque quotidiens à Paris. »

JEAN LANZY
« Celui de ce matin s’est déroulé dans un bureau d’assistance technique aux travailleurs nord-africain,
rue du colonel Monteil. Trois musulmans sont entrés et sans dire un mot ont déchargé chacun leurs
revolver sur trois hommes qui se trouvaient là. Georges Pérache donc, tué sur le coup, un
fonctionnaire Florent Pecqueur et un gardien de la paix, Marcel Fournier, tous deux grièvement
blessés. Leur forfait accompli, les trois terroristes ont pu prendre la fuite. »

MUSIQUE - THEME DE L’ENQUETE DE FRANÇOIS.

FRANCOIS
J’ai rien vu ou presque le 13 novembre 2015. Mais dans les nuits qui ont suivi, je me projetais en
boucle un mauvais film. Un mauvais film où l’image et le son n’étaient pas raccord.

Tirs de Kalachnikov.

SPEAKERINE
« Je crois, Jean Lanzy, que c’est la quatrième fois qu’un attentat est commis contre des membres des
services d’assistance aux travailleurs nord-africain. »

FRANCOIS
Je voyais la mort de mon grand-père, en entendant les tirs de Kalachnikov de la rue Bichat.
Contrairement à ce que je pensais, je n’en avais donc pas fini avec cette histoire familiale.

JEAN LANZY
« En effet, et il faut signaler que chaque fois, la victime est connue pour son dévouement envers les
musulmans qui trouvent aide et assistance au sein de cet organisme. »

FRANCOIS
C’est par les oreilles que l’assassinat de mon grand-père m’est revenu en pleine poire.

MEDINE
« À suivre...
FRANCOIS
C’est par les oreilles que je vais la raconter.

MEDINE
Sur ARTE Radio.com . »
- 22 -
FRANCOIS
That autumn, the final victim of that wave of attacks, the last police officer to be killed,
was shot six times on 2nd October 1961.
His name was Georges Pérache. He was my grandfather.

NEWSCASTER
“A police officer, Georges Pérache, was killed this morning by three North African terrorists,
at the same time as a ceremony began at Police HQ in honour of another officer,
another victim of FLN assassins, Jean Demoen.”

RADIO ANNOUNCER
“Attacks on police officers are almost daily events in Paris now.”

NEWSCASTER
“This morning's attack took place at the offices of a support unit for North African workers. Three
Muslims came in and, without a word, opened fire with revolvers on the three men there.
Georges Pérache died immediately, while a public official, Florent Pecqueur, and another officer,
Marcel Fournier, were seriously wounded.
Their grisly mission accomplished, the three terrorists made their getaway.”

MUSIC – FRANÇOIS'S INVESTIGATION THEME.

FRANCOIS
I saw nothing, or practically nothing, on 13th November 2015. But for nights after, a bad movie played
on a loop in my head. A bad movie, with picture and sound out of sync.

Kalashnikov fire.

RADIO ANNOUNCER
“I believe this is the fourth attack
against members of the support group for North African workers.”

FRANCOIS
I saw my grandfather's death, while hearing the Kalashnikov gunfire on Rue Bichat.
It turns out, unexpectedly, that I wasn't done with this family story.

NEWSCASTER
“We should point out that all these victims were known for their commitment to the Muslims who
come to their offices for assistance.”

FRANCOIS
Through my ears, my grandfather's assassination slapped me in the face again.

MEDINE
“To be continued...
FRANCOIS
And through your ears, I'll tell it.

MEDINE
On ARTE Radio dot com.”
- 23 -
Episode 2
Parler avec le bip

Jingle « Inter Actualités » 1961


Archive INA journal du 2 octobre.

SPEAKERINE
« A Paris, ce matin, il nous faut signaler Jean Lanzy un nouvel attentat du FLN.
Il s’est produit dans le XIV ème arrondissement et il a causé la mort d’un officier de police. »

JEAN LANZY
« A 9H donc ce matin, trois terroristes se sont présentés au Bureau d’Assistance
Technique aux Travailleurs Musulmans Algériens qui est situé 8 rue du Colonel
Monteil. A peine entrés dans ce bureau, les trois Nord-Africains sortirent leur revolver et abattirent
Monsieur Pérache, officier de police. Continuant à tirer les tueurs blessèrent alors un agent du bureau
et un autre Gardien de la
Paix. Tous deux ont été transportés dans un état grave à la maison de santé des Gardiens de la Paix
tandis que les deux agresseurs réussissaient à prendre la fuite. »

Générique :

DE GUERRE EN FILS

Un feuilleton de François Pérache.

Épisode 2

Une boucle de musique jazz au combiné d’un téléphone.

VOIX STANDARD TELEPHONIQUE


« Préfecture de Police de Paris ne quittez pas, nous allons donner suite à votre appel. »

FRANCOIS
Là, je crois que je vais avoir le temps de vous faire un petit résumé de l’épisode précédent :
« Monsieur Pérache, officier de police »,

JEAN LANZY
Monsieur Pérache, officier de police

celui qui vient de se faire buter par trois « Nord-Africains », c’est mon grand-père.

JEAN LANZY :
« Les trois Nord-Africains sortirent leur
Revolver et abattirent Monsieur Pérache, officier de police »

FRANCOIS
Ça c’est un extrait du journal de France Inter. Ça date du jour-même de son assassinat : le 2 octobre
1961.
- 24 -
Episode 2
Speak with the Beep

News bulletin jingle, 2nd October 1961


INA Archives.

RADIO ANNOUNCER
“We must report another FLN attack in Paris this morning.
It took place in the 14th arrondissement and resulted in the death of a police officer.”

NEWSCASTER
“At 9 o'clock this morning, three terrorists entered the offices
of the Support & Assistance Team for Muslim Algerian Workers at 8, Rue du Colonel Monteil. The
three North Africans drew their revolvers and fatally shot Officer Pérache.
Still firing, his killers wounded a member of staff and another police officer.
Both were rushed to hospital while the attackers were able to make their getaway.”

Opening credits:

DE GUERRE EN FILS (Guns in the Family)

A radio drama by François Pérache.

Episode 2

Jazz hold music plays on a phone.

TELEPHONE RECEPTIONIST
“Paris Police Department, please hold for your call to be answered.”

FRANCOIS
Looks like I've got time to recap Episode 1.
“Georges Pérache, the police officer --“

NEWSCASTER
Georges Pérache, the police officer...

Who just got shot dead by three "North Africans" was my grandfather.

NEWSCASTER
“The three North Africans drew their revolvers
and fatally shot Officer Pérache.”

FRANCOIS
That's a clip from the radio news bulletin on the day of his assassination, 2nd October 1961.

- 25 -
VOIX STANDARD TELEPHONIQUE
« Préfecture de Police de Paris ne quittez pas, nous allons donner suite à votre appel. »

FRANCOIS
C’était l’époque où, concernant la situation algérienne, on ne parlait pas encore de guerre mais
d’«événements ».

Tirs de Kalachnikov

En fait, pour moi, tout a commencé -ou plutôt tout a recommencé- la nuit des attentats du 13
novembre 2015 à Paris.

MUSIQUE - THEME DE L’ENQUETE DE FRANCOIS

Je dinais rue Bichat ce soir-là et, comme mon grand-père 50 ans plus tôt, j’ai bien failli me faire
canarder dans les rues de Paris.

Tirs de kalachnikov

Extraits de « Mauvais rêves » (Arte Radio) :


« Je m’étends par terre, j’ai l’impression que je veux protéger quelqu’un, mais je crois qu’il n’y a
personne. »
« Mon cheval a très peur, moi j’ai très peur. »
« Et là je chute »
« On monte dans l’avions, l’avion décolle et il explose en plein vol »

FRANCOIS
Des tas de gens ont fait des cauchemars cette nuit-là.

Extrait de « Mauvais rêves » (Arte Radio) :


« Je baisse les yeux et je me rends compte que mon cheval porte une ceinture d’explosifs... »

Kalachnikov distordus.

FRANCOIS
Moi, j’ai rêvé de mon grand-père.

FRANCOIS
« Il est sur scène, assis derrière son bureau, on le mitraille »

LA PSY
« Hum, hum... »

FRANCOIS
« J’entends pas de bruit mais je vois qu’on le mitraille »

LA PSY
« Hum, hum... »

FRANCOIS
« Et il tombe à la renverse, au milieu de tous ses papiers qui volent »

- 26 -
TELEPHONE RECEPTIONIST
“Paris Police Department, please hold for your call to be answered.”

FRANCOIS
Back then, the Algerian situation was not referred to as a war,
simply "troubles".

Kalashnikov gunfire.

Actually, for me, everything began, or rather began again,


on the night of the 13th November attacks in Paris.

MUSIC – FRANCOIS'S INVESTIGATION THEME

Out for dinner on Rue Bichat that night,


I was nearly shot to death on the streets of Paris, like my grandfather 50 years earlier.

Kalashnikov gunfire.

Clips from the radio doc Bad Dreams (ARTE Radio)


“- I lie flat out, feeling like I wanted to protect someone, but it's like there's no one there.”
“ My horse is very scared. I'm very scared.”
“ And I fall”.
“ We board the plane, it takes off, and it explodes in flight.”

FRANCOIS
Lots of folks had nightmares that night.

Clips from the radio doc Bad Dreams (ARTE Radio)


“ I look down and see that my horse is wearing an explosive belt- - “

Distorted Kalashnikov fire.

FRANCOIS
I dreamed of my grandfather.

FRANCOIS
“He's on stage, at a desk, and he's riddled with bullets.”

SHRINK
“Hmm, hmm.”

FRANCOIS
“No sound, but I see him being riddled with bullets.”

SHRINK
“Hmm, hmm.”

FRANCOIS
“He falls backwards, with papers flying around him.”

- 27 -
LA PSY
« On va s’arrêter là pour aujourd'hui. »
FRANCOIS
Un grand-père auquel je ne pensais presque plus, qui était mort 15 ans avant ma naissance. Je me
suis réveillé le lendemain avec la gueule de bois.
La gueule de bois et une forte envie de reprendre l’enquête.

Une boucle de musique jazz reprend au combiné d’un téléphone.


Bruit de clé dans une serrure

Une enquête que j’avais laissée en plan depuis 10 ans.

VOIX STANDARD TELEPHONIQUE


« Préfecture de Police de Paris, ne quittez pas… ».

FRANCOIS
Il y a dix ans donc, en 2006, j’ai voulu enquêter sur les circonstances de l’assassinat de mon grand-
père paternel.

VOIX STANDARD TELEPHONIQUE


« … nous allons donner suite à votre appel ».

FRANCOIS
Je ne savais presque rien de lui. Personne n’en parlait : ni ma famille, ni les autorités. Automne 1961 :
une très sale période pour la police parisienne.

VOIX STANDARD TELEPHONIQUE


« Préfecture de Police de Paris, je vous déconseille de vous aventurer sur ce terrain-là. »

FRANCOIS
En fait, je ne savais pas ce que je cherchais. Je ne pensais rien trouver ou presque. Je n’imaginais
vraiment pas que ça m’occuperait à quasi-plein temps pendant 18 mois.
Silence.

Donc là, au début de ce deuxième épisode, on est remonté dix ans en arrière. On est en 2006, au
moment où j’ai commencé mon enquête, comme on commence toute chose : par la fin.
Touches de clavier d’ordinateur.

Puisque mon grand-père était mort en service, j’ai envoyé un simple mail à la Préfecture.

FRANCOIS
« Madame, Monsieur, je me permets de.. »

Sans savoir encore que des mails comme ça, j’en enverrais des dizaines par la suite.

VOIX DES DESTINATAIRES QUI SE SUPERPOSENT :

« Madame, Monsieur,
Je me permets de vous contacter dans le cadre de recherches personnelles que j’effectue
actuellement autour de la mort de mon grand-père, Georges Pérache, officier de police à la
Préfecture de Paris, tué lors d’un attentat du FLN algérien à l’automne 1961... »

- 28 -
SHRINK
“Let's call it a day there.”
FRANCOIS
A grandfather I hardly ever thought about anymore, who died 15 years before I was born. I woke up
next day with a hangover.
A hangover and an urge to resume my investigation.

Jazz hold music.


Key in a lock.

An investigation I'd dropped ten years before.

TELEPHONE RECEPTIONIST
“Paris Police Department, please hold...”

FRANCOIS
Ten years ago, in 2006, I decided to investigate my paternal grandfather's assassination.

TELEPHONE RECEPTIONIST
“...for your call to be answered.”

FRANCOIS
I knew almost nothing about him. Nobody mentioned him.
Neither my family, nor the authorities. Autumn 1961: tough times for the Paris police.

TELEPHONE RECEPTIONIST
“Paris Police Department, I advise you leave that stone unturned.”

FRANCOIS
I'd no idea what I was looking for. I didn't expect to find anything, or much.
I never thought I'd be at it almost full-time for 18 months.
Silence.

So, this second episode begins with us going ten years back in time to 2006,
as I begin my investigation the same way everything starts—by the end.
Computer keyboard.

Since my grandfather died on duty, I sent an email to the Police Department.

FRANCOIS
“Dear Sir or Madam, I am writing to you...”

Little did I know I'd send dozens of similar emails.

VOICES OF EMAIL RECIPIENTS

“Dear Sir or Madam,


I am writing to you in relation to personal enquiries I am making
about the death of my grandfather, Georges Pérache, an officer with Paris Police Department,
killed in an attack by the Algerian FLN in autumn 1961...”

- 29 -
FRANCOIS
Le soir même, j’avais une réponse du service des archives, qui m’indiquait que je pouvais les appeler
quand je voulais.

C’est ce que j’ai fait le lendemain matin.


VOIX STANDARD TELEPHONIQUE
« Préfecture de police de Paris, ne quittez pas.

Et c’est là que les ennuis ont commencé.

VOIX STANDARD TELEPHONIQUE


… nous recherchons votre correspondant. »

Sonneries et tonalités dans le combiné téléphonique.

L’ARCHIVISTE / Jacques BONNAFFE (fort accent du sud-est, au téléphone)


« Ola, allô? Oui monsieur Pérache ? C’est… Oui, c’est monsieur Pérache ? Excusez-moi… On a du mal
à avoir la ligne. »

FRANCOIS
Lui, c’est l’archiviste de la Préfecture de Police.

Tonalité de téléphone

L’ARCHIVISTE / Jacques BONNAFFE (au téléphone)


« Ouiiii, C’est Rémi (biiiiip) »

FRANCOIS
Rémi « Bip », a été le premier à m’ouvrir une porte pour les recherches.

Bip Bip.
FRANCOIS
Enfin, vous aurez compris que c’est pas vraiment lui qui parle : les fonctionnaires ont un devoir de
réserve.

L’ARCHIVISTE / Jacques BONNAFFE (au téléphone)


« C‘est incroyable ! Incroyaaable !C’est hypppeer intéressant ! »

FRANCOIS
Là, c’est Jacques Bonnaffé.

L’ARCHIVISTE / Jacques BONNAFFE


« C’est bien là ? »

FRANCOIS
Il est comédien.

L’ARCHIVISTE / Jacques BONNAFFE


« C’est mieux l’accent ? »

FRANCOIS
« Ouais, c’est super Jacques. Mais juste tu peux quand même essayer l’accent ch’ti pour voir ? »

- 30 -
FRANCOIS
That very evening, the Archives department replied, telling me to call whenever I wanted.

I wanted to next morning.


TELEPHONE RECEPTIONIST
“Paris Police Department, please hold.”

That's when the trouble began.

VOIX STANDARD TELEPHONIQUE


“We are trying to connect you”.

Telephone tones and ringing.

ARCHIVIST/Jacques BONNAFFE (strong southern accent, on the phone)


“Hello, Mr. Pérache? This is... Yes, is this Mr. Pérache? Sorry, trouble getting a line.”

FRANCOIS
That's the Police Department archivist.

Telephone tones.

ARCHIVIST/Jacques BONNAFFE (on the phone)


“Yes, this is Rémi. (Beep)”

FRANCOIS
Rémi “Beep” was the first to open the door to my questions.

Beep beep.

FRANCOIS
Obviously, you realise that's not his voice. Public officials have a duty of confidentiality.
ARCHIVIST/Jacques BONNAFFE (on the phone)
“Amazing! Amaaazing! Suuuper interesting!”

FRANCOIS
That's Jacque Bonnaffé.

ARCHIVIST/Jacques BONNAFFE
“How was that?”

FRANCOIS
He's an actor.

ARCHIVIST/Jacques BONNAFFE
“Was the accent better?”

FRANCOIS
“That's great, Jacques. But how about you try a northern accent?”

- 31 -
L’ARCHIVISTE / Jacques BONNAFFE
« Ah. Ch’ti. Tu préfères l’accent du nord ? J’veux dire un peu fatigué, c’est mieux … Parce que les gens
qui sont trop en forme, il faut qu’ils aillent sur Europe 1. »

Tonalité puis sonnerie de téléphone

L’ARCHIVISTE / Jacques BONNAFFE (de nouveau au téléphone)


« Euh, vous notez l’adresse :
On est au 4 ! Hein ? C’est deux fois deux ! 4 rue de la Montagne Sainte-Geneviève dans le 5ème
arrondissement de Paris. Vous venez directement à mon bureau ! Vous avez qu’à demander Rémi,
tout’ façon c’est moi là. »

Bip Bip.

« Voilà. Bon ! A tout de suite monsieur Pérache ! »

Tonalité du téléphone.

FRANCOIS
Et c’est comme ça qu’un beau vendredi après-midi de RTT, je me suis retrouvé au service des
archives de la Préfecture de Police de Paris.

Scanner et photocopieuse

VOIX DE L’ADMINISTRATION
« J’ai l’honneur de vous faire connaître que, par dérogation aux dispositions de la loi du 3 janvier
1979 sur la protection des archives, les dossiers suivants peuvent être consultés :

- Le dossier de victime du devoir de M. Georges Pérache

Tampon sur dossier.

- Le dossier d’enquête de la brigade des agressions et violences, N°61/66 5264, référencé dans le
carton H-D-1 »

Tampon sur dossier amplifié.

(Dans le bureau de l’archiviste )

L’ARCHIVISTE
Donc ça c’est la photocopie complète du rapport d’enquête de police judiciaire qui a été faite suite à
la mort de votre grand-père. La photocopie, c’est pour vous, c’est cadeau !

VOIX DE SYNTHESE :
« C’est pour vous, c’est cadeau ! »

MUSIQUE - THEME DE L’ENQUETE DE FRANCOIS

FRANCOIS
La page de garde est barrée d’un tampon « ASSASSINAT », en rouge sur l’original.

Pages que l’on feuillette.

- 32 -
ARCHIVIST/Jacques BONNAFFE
“You prefer a northern accent? I mean, is that better, eh?
People who are fizzing, their place is on private radio.”

Telephone tones and ringing.

ARCHIVIST/Jacques BONNAFFE (on the phone again)


“Take down the address.
We're at no. 4 -- two times two!
4, Rue de la Montagne Sainte-Geneviève in the 5th arrondissement.
Come straight to my office. Ask for Rémi, that's me!”

Beep beep.

“Right, see you shortly, Mr. Pérache!”

Telephone tones.

FRANCOIS
So I took Friday afternoon off, and wound up in the Archives of the Paris Police Department.

Scanner and Xerox machine.

ADMINISTRATIVE VOICE
“It's my honour to inform you that, as per your exemption from the 1979 law
on archive protection, the following files may be consulted:

- The file of Mr. Georges Pérache, killed in the line of duty”.

Stamp on a file.

“- The investigation file of the Brigade of Attacks and Violence, N°61/66 5264, in box H-D-1.”

Amplified stamp on a file.

(In the Archivist's office)

ARCHIVIST
“So that's a complete copy of the report of the investigation
conducted into your grandfather's death. It's your copy. For free!”

SYNTHETIC VOICE:
“ It's your copy. For free!”

MUSIC - FRANCOIS'S INVESTIGATION THEME

FRANCOIS
The original file's title page is stamped Assassination in red.

Turning pages.

- 33 -
L’ARCHIVISTE
J’ai vérifié : comme on n’a pas retrouvé les assassins de votre grand-père à l’époque, moi je suis bien
habilité à vous communiquer le dossier.

FRANCOIS
Les assassins de mon grand-père sont peut-être encore en vie. Et même probablement en vie. Ils
avaient quoi ? Vingt ans à l’époque?

L’ARCHIVISTE
Euh ce rapport-là, c’est confidentiel hein, c’est sûr ? C’est pour un usage strictement privé : vous n’en
parlez à personne ! Vous ne le montrez à personne !

FRANCOIS
Non non, évidemment, évidemment !

L’ARCHIVISTE
Bon.
C’est génial! Vous savez, quand on m’a transmis votre courriel, je n’en revenais pas ! Le petit-fils de
Georges Pérache : mais c’est génial !
Non mais, pour vous dire, je le connais parfaitement ce dossier parce que c’est moi qui ai classé
toutes les archives de la Préfecture pour la période « Papon » .

Tampon sur dossier.


Les bottes de Maurice Papon claquent.

MUSIQUE - THEME DE l’ENQUETE DE FRANCOIS

FRANCOIS
Maurice Papon.
FRANÇOIS (écho) :
Maurice Papon..

C’était la première fois qu’il apparaissait dans cette histoire.

DES VOIX QUI SE SUPERPOSENT :

Maurice Papon
Maurice Papon
Maurice Papon
Maurice Papon

FRANCOIS
L’homme de Vichy. Responsable bordelais des rafles d’enfants juifs. Avec une belle carrière
préfectorale et une paisible retraite avant d’être condamné pour complicité de crimes contre
l’humanité. Aujourd’hui, le nom de flic le plus haï de l’histoire de France.
Il était Préfet de Paris à l’automne 1961. Mon Grand-Père travaillait donc sous ses ordres au moment
de sa mort.

MUSIQUE - FIN DU THEME DE L’ENQUETE DE FRANÇOIS.

- 34 -
ARCHIVIST
I checked. As we didn't find your grandfather's assassins at the time,
I am authorized to give you the file.

FRANCOIS
My grandfather's assassins could still be alive. In fact, probably are alive.
How old were they? Twenty, back then?

ARCHIVIST
That report is confidential, right? It's for personal use only.
Tell no one. Show no one.

FRANCOIS
No, no, of course!

ARCHIVIST
Good.
Awesome! When your email came through, I couldn't believe it.
George's Pérache's grandson. Awesome!
To tell the truth, I know that file by heart
because I filed all the Department's archives from the Papon period.

Stamp on a file.
Maurice Papon's heels click.

MUSIC - FRANCOIS'S INVESTIGATION THEME

FRANCOIS
Maurice Papon.
FRANÇOIS (echo):
Maurice Papon...

First time he cropped up in the story.

OVERLAPPING VOICES:

Maurice Papon
Maurice Papon
Maurice Papon
Maurice Papon

FRANCOIS
Vichy's man. The man in charge of rounding up Jewish children in Bordeaux. A stellar career in public
service, and a peaceful retirement until he was convicted for complicity in crimes against humanity.
Now the most hated cop ever in the history of France.
Paris Police Chief in autumn 1961.
My grandfather was under his command at the time of his death.

MUSIC - INVESTIGATION THEME TUNE FADES OUT.

- 35 -
(Dans le bureau de l’archiviste)

L’ARCHIVISTE
Bon alors, ne vous affolez pas, Monsieur Pérache : je vous explique un peu les acronymes - les sigles si
vous préférez . Que vous compreniez bien et que vous puissiez vous repérer un peu. Alors, dites-moi,
est-ce qu’il a des choses pas claires ?

FRANCOIS
Euh oui, déjà là l’entête, c’est quoi la « Bave » ?

VOIX DE SYNTHESE :
« FAUX ! Répète après moi ! »

L’ARCHIVISTE
Ah. Alors, on dit plutôt la B, A, V : Brigade des Agressions et des Violences : c’est le service qui
enquêtait quand un policier était tué. Et ils avaient du boulot à l’époque ! Et là, l’autre sigle que vous
lirez partout dans le rapport c’est « SAT-FMA. »

VOIX DE SYNTHESE :
« Répète après moi. »

L’ARCHIVISTE
« SAT-FMA » : ça veut dire « Service d’Assistance Technique aux Français Musulmans d’Algérie ».

VOIX DE SYNTHESE :
« Français Musulman d’Algérie. »

L’ARCHIVISTE
C’est le service où travaillait votre grand-père.

FRANCOIS
En quoi ça pouvait bien consister son boulot ? Comme ça, « Service d’Assistance Technique », ça
pourrait sonner comme une entreprise philanthropique.

VOIX DE SYNTHESE :
« Faux ! »
FRANCOIS
Hein?

VOIX DE SYNTHESE :
« Essaye encore ! »

FRANCOIS
Non ?...

L’ARCHIVISTE
Le SAT-FMA, c’est là où votre grand-père a été abattu.

VOIX DE SYNTHESE :
O.P.A., D.C.D

FRANCOIS
Et ces lettres là, ça veut dire quoi ?

- 36 -
(in the Archivist's office)

ARCHIVIST
Now don't panic, Mr. Pérache. I'll run through the acronyms with you
Decipher the ciphers, if you will. So you know where you're going.
Tell me, does anything seem unclear?

FRANCOIS
Sure, the heading to start with. What's “BAV”?

AUTOMATED VOICE
“WRONG! Repeat after me.”

ARCHIVIST
Actually, it's B-A-V: the Brigade of Attacks and Violence.
They used to investigate police officer deaths. They were kept busy.
The other acronym all over the report is “SAT-FMA.”

AUTOMATED VOICE
“Repeat after me.”

ARCHIVIST
“SAT-FMA”, that means “Support & Assistance Team for French Muslims of Algeria.”

AUTOMATED VOICE
“French Muslims of Algeria.”

ARCHIVIST
That's where your grandfather worked.

FRANCOIS
What could his job possibly involve?
"Support & Assistance Team"—sounds like philanthropy.

AUTOMATED VOICE
“Wrong!”
FRANCOIS
Huh?

AUTOMATED VOICE
“Try again!”

FRANCOIS
No?

ARCHIVIST
“SAT-FMA, that's where your grandfather was shot.”

AUTOMATED VOICE
A.P.O., D.O.A.

FRANCOIS
Those letters? What do they mean?

- 37 -
L’ARCHIVISTE
« OPA », c’est le grade de votre grand-père, il était Officier de Police Adjoint

VOIX DE SYNTHESE ( Écho ) :


O.P.A.

L’ARCHIVISTE
Et « D.C. D. », ça veut dire qu’il est décédé !
C’est le code radio de la police quand il y a un mort : D / C / D : « Delta, Charlie, Delta ».

VOIX DE SYNTHESE ( Écho ):


D.C.D.

L’ARCHIVISTE
Bon, je vous laisse deux minutes, je vais vous photocopier le dossier de protocole des obsèques. Je
reviens de suite, Monsieur Pérache.

(en partant, pour lui)

Le petit-fils de Georges Pérache, mais c’est génial !…


Vous vous rendez compte vous ? Vous savez, assassiné à peine quelques jours avant le du massacre
du 17 ! C’est génial ! Je reviens tout de suite monsieur Pérache. Ah c’est génial !

Silence.

FRANCOIS
Je suis resté seul, avec 120 pages de rapport d’enquête devant moi.

Pages que l’on feuillette.

De quoi j’avais peur au juste ?


Tampon sur dossier

OUVERTURE DU RAPPORT D’ENQUETE :

POLICIER MAHIEU
Lundi 2 octobre 1961.

Machine à écrire
Puis, MUSIQUE - LE THEME DES POLICIERS .

Nous, Jean MAHIEU, commissaire principal du quartier de Plaisance, sommes informés que ce jour à
8h50, un attentat vient d'être commis au siège d'assistance technique aux Français musulmans du
sixième secteur. Nous demandons à l’OPA CASTAING de procéder à toutes recherches utiles dans le
but de découvrir des traces papillaires.

FRANCOIS, chez le psy :


Il est sur scène, assis derrière son bureau.

- 38 -
ARCHIVIST
A.P.O., that was your father's rank—Auxiliary Police Officer.

AUTOMATED VOICE (echo)


A.P.O.

ARCHIVIST
And “D.O.A.”, that means he's dead!
It's police code when they bring in a dead body. D.O.A.—“Death On Arrival”.

AUTOMATED VOICE (echo)


D.O.A.

ARCHIVIST
Just a minute, I have to make a copy of the funeral protocol file.
Be right back, Mr. Pérache.

(sets off, to himself)

Georges Pérache's grandson. Awesome!


Just think, assassinated barely days before the massacre on the 17th.
Awesome! I'll be right back, Mr. Pérache. So awesome!

Silence.

FRANCOIS
I was left there, with a 120-page report in front of me.

Flicking through pages.

What was I scared of in fact?


Stamp on a file.

OPEN INVESTIGATION REPORT:

POLICE OFFICER MAHIEU


Monday, 2nd October 1961.

Typewriter.
MUSIC—POLICE THEME FADES IN .

We, Jean Mahieu, commissioner of the Plaisance precinct, were informed at 8:50 today
of an attack committed at the offices of the Assistance Team to French Muslims in the 6th sector. We
asked A.P.O. Castaing to conduct enquiries to discover any papillary traces.

FRANCOIS, at the shrink's:


He's on stage, at a desk --

- 39 -
ENQUETEUR CASTAING
Dans la salle de réception du public et le bureau occupé par l’OPA PERACHE nous notons les 6 points
d’impact suivants :
- premier impact

FRANCOIS, chez le psy :


« On le mitraille. Je n’entends pas de bruit mais je vois qu’on le mitraille. »

ENQUETEUR CASTAING
- Deuxième impact

POLICIER MAHIEU
Nous chargeons le commissaire adjoint DELPECH de procéder aux constatations sur le corps de l’OPA
PERACHE et sur les vêtements des victimes.

ENQUETEUR CASTAING
- Troisième impact

ENQUETEUR DELPECH
« Nous relevons sur le corps les blessures suivantes :
- une plaie circulaire située sur la tempe gauche
- une plaie circulaire située sur la tempe droite, semblant être l’orifice d’entrée ou de sortie d’une
balle. »

ENQUETEUR CASTAING
« Nous découvrons sur le sol au pied de l’appareil de chauffage, une paire de lunettes de soleil dont
une des branches a été arrachée et tordue. »

FRANCOIS, chez le psy :


“Et il tombe à la renverse. Au milieu de tous ses papiers qui volent . »

ENQUETEUR CASTAING
« Cette paire de lunettes est couverte de sang. »

FIN MUSIQUE - DU THEME DES POLICIERS.

FRANCOIS
C’est un des seuls documents que je n’ai jamais transmis à mon père. Je l’ai lu. Souvent. Avidement.
Compulsivement. Et plus je l’ai lu, plus j’ai compris que cette litanie des blessures - avec leurs
emplacements, leurs diamètres, les dégâts occasionnés - cette litanie ne racontait rien. Rien sur mon
grand-père. Rien sur sa vie. Et presque rien sur sa mort.
Il y en avait encore des pages et des pages, pour la seule journée des constatations du 2 octobre.
Visiblement, l’affaire dépassait un peu le petit commissaire local.

POLICIER MAHIEU
Tu sais ce qu’il te dit le petit commissaire ? Démerdez-vous !

Tampon sur dossier

FERMETURE DU RAPPORT D’ENQUETE.

Des pages que l’on feuillette.

- 40 -
DETECTIVE CASTAING
In the reception room and office occupied by A.P.O. Pérache,
we observe the following six points of impact:
Point of impact #1 --

FRANCOIS, at the shrink's:


“Riddled with bullets. No sound, but I see him being riddled with bullets.”

DETECTIVE CASTAING
Point of impact #2 –

POLICE OFFICER MAHIEU


We ask Detective Delpech to examine the body of A.P.O. Pérache, and the victims' clothes.

DETECTIVE CASTAING
Point of impact #3 --

DETECTIVE DELPECH
“We observe the following wounds on the body:
- a circular lesion on the left temple;
- a circular lesion on the right temple, apparently the entry or exit hole of a bullet.”

DETECTIVE CASTAING
“We uncover on the floor at the foot of the radiator,
a pair of sunglasses with one arm broken off and twisted.”

FRANCOIS, at the shrink's:


“He falls backwards, with papers flying around him.”

DETECTIVE CASTAING
“The pair of glasses is covered in blood.”

MUSIC—POLICE THEME FADES OUT.

FRANCOIS
That's one of the only documents I never passed onto my father. I read it. Often. Avidly.
Compulsively. The more I read it, the more I understood that the litany of wounds—positions,
diameters, damage caused. That litany said nothing.
Nothing about my grandfather. Nothing about his life. Almost nothing about his death.
There were pages and pages of it, for just one day's "observations" on 2nd October.
Clearly, the Precinct Commissioner was out of his depth.

POLICE OFFICER MAHIEU


Know what? The Precinct Commissioner says, It's all yours, wiseguy!

Stamp on a file.

CLOSE INVESTIGATION REPORT

Flicking through pages.

- 41 -
(Dans le bureau de l’archiviste)

ARCHIVISTE (qui revient)


Voilà ! Désolé, j’étais un peu long : y’avait la queue à la photocopieuse. Ça, c’est la copie du dossier de
protocole des obsèques de votre grand-père. On est d’accord ?

VOIX DE SYNTHESE :
« C’est pour vous »

ARCHIVISTE
C’est pour vous.

VOIX DE SYNTHESE :
« C’est cadeau »

ARCHIVISTE
Cadeau !

Pages que l’on feuillette.

ARCHIVISTE
Ça va monsieur Pérache ? Ah ça, vous avez l’air tout chose.

FRANCOIS (ému)
Non...je ne suis pas… Ils ont mis 2 « R » à « Pérache »; il y a un seul « R »...

ARCHIVISTE
Ah bon ? On va corriger ça hein.

FRANCOIS
J’ai quitté la Préfecture.
Ambiance extérieur.

J’ai marché le long de la Seine. J’ai acheté tous les livres disponibles en rapport avec la guerre
d’Algérie que l’Archiviste m’avait conseillé.

Tonalité touches de téléphone.

FRANCOIS
Et j’ai appelé mon père.
LE PERE
Allô, Monsieur Pérache ?

FRANCOIS
Oui, bonjour Monsieur Pérache.

LE PERE
Comment va Monsieur Pérache ?

FRANCOIS
Et vous ?

- 42 -
(in the Archivist's office)

ARCHIVIST (reappears)
Here we go! Sorry it took so long—there was a queue for the photocopier.
Here's your copy of your grandfather's funeral protocol, okay?

AUTOMATED VOICE:
“It's yours.”

ARCHIVIST
It's yours.

AUTOMATED VOICE:
“For free!”

ARCHIVIST
Free!

Flicking through pages.

ARCHIVIST
Feeling okay, Mr. Pérache? You look a little peaky.

FRANCOIS (moved)
No, I'm just... They spelt Pérache with two Rs. There's only one R.

ARCHIVIST
Really? We'll correct that.

FRANCOIS
I left Police HQ --
Exteriors.

I walked along the Seine. I bought every available book about the Algerian War that the Archivist
recommended.

Telephone keypad.

FRANCOIS
And I called my father.
DAD
Hello? Mr. Pérache.

FRANCOIS
Yes, hello, Mr. Pérache.

DAD
How's Mr. Pérache?

FRANCOIS
And you?

- 43 -
LE PERE
Et bah moi ça va. Je suis avec Anne-Marie. On est à Pinsac.

FRANCOIS
Bon merveilleux.

LE PERE
Et voilà...

FRANCOIS
Merveilleux.

LE PERE
Merveilleux, tranquillou, voilà.

FRANCOIS
Bah écoute super.

LE PERE
Quelles nouvelles pour toi ?

FRANCOIS
À l’extérieur, le soir commençait à tomber. La séance de cinéma à laquelle j’avais prévu d’assister
était finie depuis belle lurette.
Tic tac de l’horloge

Je n’ai pas fait de cauchemar cette nuit-là et pour cause, j’ai pas fermé l’œil de la nuit.

Nuit : notes de piano éparses.

Mais pourquoi ils l’on buté ?


( chuchoté )
Pourquoi ils l’on buté ?

Pourquoi l’archiviste trouve cette histoire géniale ?

( chuchoté )
Il n’est peut-être pas mort par hasard ? Comme on l’a toujours dit.

En quoi ça consistait son travail ? C’était quoi ce lien dont il a parlé, entre sa mort et le massacre du
17 octobre ?

( chuchoté )
Qu’est-ce que je vais déterrer ? Merde.

Et puis quel massacre d’abord ?


( chuchoté )
Quel massacre d’abord ?

Putain. Qu’est-ce que Maurice Papon vient foutre là-dedans ?


( chuchoté )
merde, merde, merde…

- 44 -
DAD
Okay, I guess. I'm with Anne-Marie. In Pinsac.

FRANCOIS
Yeah, marvellous.

DAD
Right.

FRANCOIS
Marvellous.

DAD
Marvellous, cool, right.

FRANCOIS
That's great.

DAD
What's your news?

FRANCOIS
Outside, night was falling. The film I'd planned to see had been over for ages.

Clock tick-tocks.

No nightmares that night. For good reason, I didn't get a wink of sleep.

Night. Random piano notes.

But why did they shoot him?


(whispers)
Why did they shoot him?

Why did the Archivist find the story so awesome?

(whispers)
Maybe his death wasn't random, like everybody always said.

What did his work involve? What was that link, between his death and the 17th October massacre?

(whispers)
What am I going to unearth? Shit!

And what massacre anyway?


(whispers)
What massacre anyway?

Fuck. What's Maurice Papon got to do with this?


(whispers)
Shit, shit, shit…

- 45 -
Page que l’on feuillette.

MUSIQUE - LE THEME DES POLICIERS

OUVERTURE DU RAPPORT D’ENQUETE :

POLICIER MAHIEU
« La police municipale procède actuellement à des patrouille aux fins d’interpellation de suspects
éventuels. »

POLICIER MONGIER
« Etant toujours au siège du SAT FMA, nous chargeons immédiatement Monsieur ROUSSEL et les
officiers de son groupe de procéder à une minutieuse enquête de voisinage à l’effet de retrouver et
d’identifier tout témoin utile à la présente enquête.

Sirènes de police.

Etant toujours sur place, on nous précise que 11 FMA ont été interpellés par les services de police
municipale.

Voiture qui dérape.


Il s’agit des nommés :
Randane, Mohamed, Mouloud... »

FRANCOIS
Mohamed, Mouloud, Akli, Amrane, Mamar, Rabah, Kaddour, Mohamed..

Des pas dans un escalier.

MEDINE
À suivre, sur ARTE Radio point com.

On tambourine violemment à une porte.

- 46 -
Pages turning over.

MUSIC – POLICE OFFICER THEME

OPEN INVESTIGATION REPORT:

OFFICER MAHIEU
“Municipal police officers are currently patrolling to bring in the potential suspects.”

OFFICER MONGIER
“At the SAT-FMA offices, we immediately assigned Mr. Roussel and officers from his group
to proceed with door-to-door investigations to find and identify any persons of interest
in the present investigation.

Police sirens.

Still at the scene, we were informed


that 11 FMA had been apprehended by municipal police.

Car skids.
They were, by name --
Randane, Mohamed, Mouloud... “

FRANCOIS
Mohamed, Mouloud, Akli, Amrane, Mamar, Rabah, Kaddour, Mohamed..

Steps on the stairs.

MEDINE
To be continued on ARTE Radio dot com.

Hammering on the door.

- 47 -
Résumé épisode 3 - J’ai la mémoire qui planche :

Pour comprendre pourquoi son grand-père a été ciblé par le FLN, François se plonge dans les
archives de l’automne 1961. Il découvre l’état d’esprit des policiers français. Dépassé par la violence
de ses découvertes, François bénéficie de l'aide d'un spécialiste des secrets de l’histoire. Patrick
Pesnot - connu pour sa célèbre émission radio Rendez-Vous avec X sur France Inter - quitte sa
retraite et va aider François à y voir plus clair.

Résumé épisode 4 : 17 octobre sans rendez-vous

François et Patrick Pesnot en arrivent au point culminant de l’enquête : le massacre du 17 octobre


1961.
Deux semaines plus tôt, Georges Pérache est « le mort de trop » dans les rangs de la police. Ses
collègues réclament des mesures fortes de la part de leur chef, Maurice Papon. Le préfet décrète un
couvre-feu pour tous les Algériens. En riposte, les Algériens de Paris et de la banlieue organisent une
manifestation pacifique. Elle sera violemment réprimée : deux cents Algériens sont tués par la police
française, certains sont noyés dans la Seine.

Le même jour, le FLN publie un rapport justifiant les attentats de l’automne, et qui précise que
« Seuls les policiers tortionnaires sont châtiés ».

Georges Pérache y est cité nommément.

- 48 -
Summary of episode 3 – Firing memory blanks

Investigating why his grandfather was targeted by the FLN, François delves into police archives for
autumn 1961, and discovers the French police's state of mind. Overwhelmed by the brutality of his
discoveries, François receives the help of a specialist in historical secrets, famous for his Rendez-Vous
avec X series on public radio: Patrick Pesnot comes out of retirement to contribute his expertise to
François's investigations.

Summary of episode 4 - 17th October, come as you are

François and Patrick Pesnot reach the climax of their investigation: the 17th October massacre in
1961. Two weeks before the march, Georges Pérache's murder is "a murder too far" in the ranks of
the police. His fellow officers demand strong measures from their Chief, Maurice Papon, who
imposes a curfew on Algerians. The Algerian community in Paris and its suburbs organizes a protest
march that is brutally repressed—200 Algerians killed by police officers, some drowned in the Seine.

The same day, the FLN publishes a report justifying the assassinations and specifying, "only police
torturers will be punished". Georges Pérache is mentioned by name.

- 49 -
Episode 5
Le téléphone arabe

LAURE (au téléphone)


Et ton truc pour Arte il serait pour quand ?

FRANCOIS
Elle, c’est Laure.

FRANÇOIS (au téléphone)


On aimerait qu’il soit prêt, diffusable, en octobre.

FRANCOIS
L’ainée de mes trois sœurs.

LAURE
D’accord.

FRANCOIS
Parce que notre grand-père il est mort début octobre 61…

LAURE
Oui.

FRANCOIS
Et en fait, c’est en prélude à un événement qui a eu lieu le 17 octobre 1961.

LAURE
Ouais, c'est les morts qui sont passés par-dessus le truc là ?

FRANCOIS
C’est ça y’a eu deux…

LAURE
C’est les dix-sept mecs qui sont passés par-dessus dans le Canal Saint-Martin ?

FRANCOIS
Il y a quelques années, j’étais un peu comme elle. J’ignorais tout ou presque de notre grand-père. Et
du contexte historique et politique qui entourait son assassinat.

FRANCOIS
Euh non pas 17, non : il y en a eu plus de 200.

LAURE
Ah oui, d’accord.

FRANCOIS
Qui ont été massacrés par les policiers dans la cour de la Préfecture.

LAURE
..200 ? Putain !...

- 50 -
Episode 5:

On the Grapevine
LAURE (into the phone)
When's your thing for ARTE for?

FRANCOIS
This is Laure.

FRANÇOIS (into the phone)


It needs to be ready to air in October.

FRANCOIS
The eldest of my three sisters.

LAURE
Okay.

FRANCOIS
Because our grandfather died in early October '61.

LAURE
Yes.

FRANCOIS
It was a prelude to something that happened on 17th October 1961.

LAURE
With people dying after being thrown over --

FRANCOIS
Right, there were two --

LAURE
The 17 guys thrown into Canal Saint-Martin?

FRANCOIS
A few years ago, I was like her. I knew practically nothing about our grandfather,
and the historical and political context around his assassination.

FRANCOIS
No, not 17. Over 200.

LAURE
Alright.

FRANCOIS
Massacred by police in the courtyard at Police HQ.

LAURE
200? Jeez!

- 51 -
FRANCOIS
Oui, au moins ouais.

LAURE
Ah ouais ! Ah ouais…

FRANCOIS
Je ne savais pas encore que sa mort, avait été, sinon l’élément déclencheur, du moins un catalyseur
de ce massacre. Je m’épargnais par la même un certain masochisme.

LAURE
Ah ouais…

Générique :

DE GUERRE EN FILS

Un feuilleton de François Pérache.

Épisode 5

Une gifle
Chat qui miaule

MEDINE
« Seuls les policiers tortionnaires sont châtiés. »

FRANCOIS
Certaines phrases vous sautent à la gueule et vous attrapent à la gorge comme un chat enragé.

VOIX DE SYNTHESE :
Tortionnaire: du latin médiéval tortionarius, de tortio, torture.

MEDINE (chuchoté)
Tortionnaires.

VOIX DE SYNTHESE :
Personne qui torture pour arracher des aveux

MEDINE (chuchoté)
Châtiés.

VOIX DE SYNTHESE :
Ou par pur sadisme.

MEDINE
« Seuls les policiers tortionnaires sont châtiés. »

MUSIQUE - THEME DES ALGERIENS

- 52 -
FRANCOIS
Yeah, at least.

LAURE
Yeah, okay.

FRANCOIS
I didn't know then that his death was, if not the trigger, the catalyst for that massacre.
My ignorance spared me a kind of masochism.

LAURE
Okay...

Opening credits:

DE GUERRE EN FILS (Guns in the Family)

A radio drama by François Pérache.

Episode 5

A slap.
Cat meows.

MEDINE
“Only police torturers will be punished.”

FRANCOIS
Some sentences jump up and claw at your throat like a rabid cat.

AUTOMATED VOICE
Torturer: from Medieval Latin, tortionarius. From tortio—torture.

MEDINE (whispers)
Torturers.

AUTOMATED VOICE
Person who tortures to obtain forced confessions.

MEDINE (whispers)
Punished.

AUTOMATED VOICE
Or out of sheer sadism.

MEDINE
“Only police torturers will be punished.”

MUSIC – ALGERIANS THEME.

- 53 -
FRANCOIS
Ces mots étaient tout droit sortis d’un rapport interne envoyé par le responsable FLN de Paris au
Comité Fédéral. C’est eux qui dirigeaient l’organisation dans la clandestinité depuis Berlin.
Dans un communiqué publié le jour-même de la manifestation du 17, le FLN Parisien justifiait le choix
des policiers et des services visés.

MEDINE
« Il faut être naïf pour croire que les SAT FMA aient été instituées pour aider les algériens »

FRANCOIS
Il citait en particulier le SAT-FMA où travaillait mon grand-père.

MEDINE
« Quant à l’officier de police Pérache, ‘5ème fonctionnaire du SAT’ exécuté par nos commandos, nous
devons informer l’opinion qu’il s’occupait davantage de renseigner la police sur les activités du FLN
que de trouver du travail à nos compatriotes. »
« Plusieurs mises en garde avaient été adressées à Georges Pérache. En vain. »

FRANCOIS
A la question de savoir si mon grand-père pouvait avoir été abattu « par hasard »..

Machine à écrire

POLICIER 1
On ne peut a priori exclure que l’OPA Pérache pouvait être seul visé…

FRANCOIS
La réponse semblait être non.

POLICIER 1
Et que ses collègues n’ont été abattus que pour supprimer des témoins gênants.

FRANCOIS
C’est ce qu’en disait le rapport d’enquête de police.

MUSIQUE - THEME DES POLICIERS

POLICIER 2
On peut également penser que le FLN en réussissant un ‘coup de main’ contre un centre SAT, sans
distinction de personnalité, a voulu provoquer aussi bien auprès des FMA que des français
métropolitains le choc psychologique recherché depuis le début de la rébellion.

POLICIER 1
On peut également le penser.

SILENCE

FRANCOIS
Moi, je ne sais plus quoi penser de Georges Pérache.
Il m’est arrivé de scruter les 3 photos en papier jauni que j’ai de lui.

Une pellicule qui démarre.

- 54 -
FRANCOIS
Those words come from the internal report sent by the FLN's Paris commander to the Federal
Committee that ran the underground organization from Berlin. In a communiqué published the day
of the 17th October march, the FLN justified the targeting of certain police officers and departments.

MEDINE
“You must be naïve to think the SAT-FMA were created to help Algerians.”

FRANCOIS
It made specific mention of the SAT-FMA where my grandfather worked.

MEDINE
“As for Officer Pérache, the 5th SAT staffer executed by our commandos,
we must inform public opinion he was busier informing the police of FLN activities
than finding work for our compatriots.
Several warnings were sent to Georges Pérache. In vain.”

FRANCOIS
As for whether my grandfather had been shot "at random" --

Typewriter.

POLICE OFFICER #1
It is not inconceivable that A.P.O. Pérache was the sole target.

FRANCOIS
The answer would seem to be no.

POLICE OFFICER #1
And that his colleagues were only shot to eliminate witnesses.

FRANCOIS
According to the report of the police investigation.

MUSIC – POLICE OFFICERS THEME

POLICE OFFICER #2
One might also conclude that by striking an SAT office, without targeting a person in particular, the
FLN sought to provoke in the minds of FMA and mainland French the psychological shock it had
aimed for since the start of the rebellion.

POLICE OFFICER #1
One might also conclude that.

SILENCE

FRANCOIS
I don't know what to think about Georges Pérache anymore.
I've often peered at the three yellowing photos I have of him.

Film rolls.

- 55 -
Jusqu’à avoir l’impression qu’elles s’animent.
Trois photos, pas une de plus.
Pour essayer de me faire une idée de mon grand-père.

La pellicule tourne.

FRANCOIS
Là, c’est lui en Guinée. Il est en short, il lit son journal en fumant la pipe.
C’est tout ce qu’il me reste cette photo de 5 cm sur 8, c’est tout ce qu’il me reste de son séjour de
plusieurs années passées en Afrique.
La pellicule s’arrête.

Mon grand-père y était parti, juste après son divorce vers 1950, il a occupé plusieurs postes dans
l’administration coloniale.

Avion qui décolle.

Il avait laissé mon père en France, où il sera élevé par sa grand-mère.

FRANCOIS
Oui, allo ?

SABINE
Ouais François, c’est Sabine ça va ?

FRANCOIS
Ouais, ça va.

SABINE
Dis-moi, on est avec Sam, on bosse sur l’épisode 5 là et on en est au moment où tu dis que Georges a
occupé plusieurs postes dans l’administration coloniale.

FRANCOIS
Ouais.

SABINE
On se disait que tu pourrais peut-être développer, enfin c’est un peu obscur. Tu sais un peu ce qu’il
fabriquait en Afrique ?

FRANCOIS
En fait ce que je sais si tu veux, c’est qu’en 1958, il s’est retrouvé comptable du port de Conakry. Il
n’avait rien à y faire. Et 58 c’est précisément l’année de l’indépendance de la Guinée. Donc le plus
probable, c’est ce que me disaient les historiens, c’est qu’il devait être l’équivalent tu vois, de ce que
l’on appelait un correspondant du SDECE qui était l’ancêtre de la DGSE. Une espèce de barbouzard
africain quoi, si tu veux voilà.

SABINE
Ok.

FRANCOIS
Et après il va rentrer en 1960, pour partir bosser à la préfecture de Paris.

- 56 -
Until I feel them coming to life.
Three photos, no more.
To get a handle on my grandfather.

Film keeps rolling.

FRANCOIS
There he is in Guinea. In shorts, reading his newspaper, smoking his pipe.
This 5 x 8 cm photo is all that has come down to me of the many years he spent in Africa.

Film stops.

My grandfather went there after his divorce in 1950, to work for the colonial administration.

Plane takes off.

He left my father behind in France, to be raised by his grandmother.

FRANCOIS
Yes, hello?

SABINE
François, it's Sabine. How are you?

FRANCOIS
Yeah, great.

SABINE
I'm with Sam, working on episode 5, and we've got to the bit where you say
Georges went to work for the colonial administration.

FRANCOIS
Yeah.

SABINE
We thought maybe you could make it less cryptic.
Any idea what he was doing in Africa?

FRANCOIS
All that I know is that in 1958, he was working in accounts for Conakry Port Authority.
It sounds so improbable. And 1958 was the year Guinea won independence.
Most likely, according to historians, he must have been the equivalent of what was called
a correspondent of the SDECE, the precursor of the DGSE, French intelligence.
Our man in Africa, if you like.

SABINE
Okay.

FRANCOIS
And he came back in 1960 to work at Paris Police Department.

- 57 -
SABINE
Ok, bon bah on va essayer de caler ça quelque part.

Le téléphone raccroche, tonalité

FRANCOIS
Georges rentrait parfois à Grenoble pour voir son fils, mon père. Et du souvenir de ces rares séjours,
je n’ai pu obtenir que trois anecdotes. Pas une de plus.

FRANCOIS
Pas une de plus.

Voiture qui démarre

1956. Mon père, Jean-Pierre, accompagne son père Georges à la Gare.


Sur le parvis, un automobiliste est en panne.

La voiture cale.

AUTOMOBILISTE:
Et meerde!

Mon grand-père l’aide en poussant sa voiture…

Voiture qui ne démarre pas


Râles d’énervement

Qui finit par redémarrer.

La voiture démarre

Mon père est très fier.


Klaxon

Georges est très fier aussi.

GEORGES PERACHE
«Vous voyez, vous ne pourrez pas dire qu’on n’est pas sympas dans la Police ! »

FRANCOIS
1959.

De l’eau qui coule du robinet.


Mon grand-père est en train de se raser.

Georges sifflote sur l’air d’un film noir.


Rasoir.

Mon père, qui a une dizaine d’années à l’époque, en profite pour attraper l’arme de service de son
père. Il joue à se mettre par défi le canon du pistolet sur la tempe.
Pensant l’arme déchargée, mon père arme le chien du Manhurin 9mm et vise cette fois le plancher
plutôt que sa tempe.

- 58 -
SABINE
Let's try to squeeze that in somewhere.

Phone hangs up.

FRANCOIS
Georges occasionally went back to Grenoble to see his son, my father.
Of these rare visits, I only obtained three anecdotes. Not a single one more.

FRANCOIS
Not a single one more.

Car engine starts.

1956. My father, Jean-Pierre, sees his father, Georges, off at the station.
Outside, a car has broken down.

The engine splutters.

CAR DRIVER
Shit!

My grandfather helps to push the car.

Car refuses to start.


Annoyed grunts.

Which eventually starts up.

The engine starts again.

My father's very proud.


Horn.

Georges is very proud, too.

GEORGES PERACHE
See? Don't go saying we're not nice in the police!

FRANCOIS
1959.

Running tap.
My grandfather is shaving.

Georges whistles a film noir theme tune.


Razor scrapes.

My father, aged ten at the time, picks up his father's service revolver,
and plays at holding it to the side of his head.
Thinking it's unloaded, my father cocks the Manhurin 9mm,
and takes aim at the floor, rather than his temple.

- 59 -
Coup de feu

GEORGES PERACHE
Jean-Pierre !

Chien qui aboie.

FRANCOIS
1960
Métro démarre.

Dans le métro parisien, un probable militant FLN montre à mon grand-père un morceau de tissu aux
couleurs du drapeau national algérien, morceau de tissu qu’il tient au creux de sa main.

MEDINE (chuchoté)
« Algérie en vert et blanc, étoile et croissant »

Mon grand-père aurait alors écarté le pan de sa veste pour laisser voir son arme de service en lui
disant :

GEORGES PERACHE
« Vous avez de la chance, vous vous mouchez dans de la soie ».

Sonnerie du métro, puis la porte se ferme.

FRANCOIS
Trois anecdotes, pas toutes glorieuses, et trois photos en tout, pour éclairer une vie entière.
Rien qui ne mette en lumière les raisons précises de son assassinat.
Il restait une personne qui pouvait m’apporter sa part de vérité sur cette période et sur un éventuel
souvenir du cas de Georges Pérache.

De bottes qui claquent.


Des voix chuchotent : « Maurice Papon »

Son chef. Maurice Papon.

MUSIQUE- LE THEME DE L’ENQUETE DE FRANÇOIS

FRANCOIS
C’était il y a dix ans et Maurice Papon, 95 ans, condamné en 1998 à 10 ans de réclusion criminelle
pour complicité de crime contre l’humanité puis libéré pour état de santé en 2002, finissait ses jours
dans la petite ville de Seine-et-Marne où il était né.

Oiseaux qui chantent à la campagne


Sifflotement sur un l’air de « J’ai la mémoire qui flanche ».

Assigné à résidence dans un modeste pavillon de la rue Arthur Papon, du nom de son père, maire de
la commune avant lui.
Voiture passe sur la route de campagne.

C’est un jeu d’enfants de joindre l’avocat de Maurice Papon.

Enfants qui rigolent, tonalité de téléphone

- 60 -
Gunshot.

GEORGES PERACHE
Jean-Pierre!

Dog barks.

FRANCOIS
1960.
Métro train rattles past.

In the Paris Métro, a probable FLN activist


flashes a scrap of fabric in the colours of the Algerian national flag in the palm of his hand.

MEDINE (whispers)
“Algeria in green and white, star and crescent.”

Supposedly, my grandfather opened his jacket to reveal his service revolver, saying --

GEORGES PERACHE
“Lucky you, you blow your nose on silk.”

Doors closing signal. Doors slam shut.

FRANCOIS
Three anecdotes, not all glorious, and three photos—all there is to shed light on a lifetime.
Nothing to illuminate the real reasons for his assassination.
There was one person left who could give his version of events of the period, particularly with regard
to Georges Pérache.

Heels click.
Voices whisper: Maurice Papon.

His boss. Maurice Papon.

MUSIC – FRANCOIS'S INVESTIGATION THEME.

FRANCOIS
It was ten years ago, and Maurice Papon, aged 95, sentenced in 1998 to ten years in jail for
complicity in crimes against humanity, then released for health reasons in 2002, was whiling away his
days in the market town where he had been born.

Birdsong in the countryside.


Whistling the tune of My Memory's Playing Tricks Again.

Under house arrest in the humble Rue Arthur Papon,


named after his father, the town's mayor before him.
Car drives past.

Contacting Maurice Papon's lawyer is child's play.

Children laugh, telephone tone.

- 61 -
Il faut juste un téléphone.

Téléphone qui sonne

SECRETAIRE
Cabinet de maitre (BIIIIIIP) bonjour.

FRANCOIS
Oui, je souhaiterais parler à maitre (BIIIIIP) c’est pour une demande personnelle, merci.

Musique de standard téléphonique.

L’assistante doit penser que je suis un client fortuné en instance de divorce et elle transmet mon
appel à l’avocat sans poser de questions.

On décroche.

L’avocat est aimable. Il me demande de préciser l’objet de ma demande.


Je victimise un peu.

Grommelots de la conversation sur le paragraphe suivant.

Je lui explique en deux phrases être le petit-fils d’un policier tué dans un attentat FLN en octobre 61,
que mon grand-père a été décoré lors de ses obsèques par Maurice Papon et que j’aimerais savoir si
l’ex-Préfet a le moindre souvenir de cet événement.
L’avocat est aimable, il accepte de transmettre un courrier de ma part à l’ancien Préfet.
L’avocat est très aimable.
L’avocat est vraiment très aimable.
Avant de raccrocher il a ces mots :

AVOCAT (au téléphone)


« Monsieur Papon, si son état de santé le lui permet, vous répondra sans doute avec plaisir dans la
mesure où son passage à la Préfecture de Police de Paris a été une des périodes les plus heureuses de
sa vie » !

Le téléphone raccroche.

FRANCOIS
Mon courrier restera sans réponse.
Tonalité.

EXTRAIT INTERVIEW DE MAURICE PAPON - ARCHIVE INA 19 JANVIER 1983

LE JOURNALISTE :
Un dernier mot monsieur Papon. Face à l’histoire, face à vous-même,
le matin ou le soir devant votre miroir vous êtes contents de vous?

MAURICE PAPON :
On n’est jamais content de soi parce qu’on n’a jamais fini de faire son devoir sur cette terre, telle
qu’elle est, et avec les hommes tels qu’ils sont. Mais si j’avais à refaire ce que j’ai fait, je le referais !

- 62 -
All you need is a telephone.

Telephone rings.

SECRETARY
Offices of (beep), Attorney-at-Law.

FRANCOIS
I'd like to talk to (beep). It's a personal matter, thank you.

Hold music.

The Secretary must think I'm a rich client in divorce proceedings. She puts me through without
questions.

Phone picks up.

The lawyer is amiable. He asks me my business.


I play the victim.

Snippets of their conversation --

I keep it short. I'm the grandson of an officer killed in an FLN attack in October '61.
My grandfather was posthumously decorated at his funeral by Maurice Papon. I wonder if the ex-
Police Chief has any recollection of the event.
The lawyer is amiable. He agrees to forward a letter for me.
The lawyer is very amiable.
The lawyer is really very amiable.
Before hanging up, he adds --

LAWYER (telephone)
Health permitting, Mr. Papon will most likely be delighted to reply, in the sense that his time running
the Paris Police Department was one of the happiest of his life.

Phone hangs up.

FRANCOIS
My letter never received a reply.
Tone.

CLIP INTERVIEW WITH MAURICE PAPON – INA ARCHIVES, 19th JANUARY 1983

JOURNALIST
Finally, Mr. Papon, with regard to history and yourself,
morning and evening, when you look in the mirror, are you pleased with yourself?

MAURICE PAPON
One can never be pleased with oneself because, with the earth as it is, and mankind as it is,
one's duty is never done. But if I had my time over, I'd do it all again.

- 63 -
FRANCOIS
Maurice Papon mourra quelques mois plus tard et sera enterré dans le cimetière de Gretz-
Armainvilliers, avec sa légion d’honneur, qui lui avait pourtant été retirée suite à sa condamnation.

Musique : « la Marseillaise » par les Chanteurs de la Croix de Bois.


« La Marseillaise » sifflée (Match France-Algérie)

Dans les relations père-fils, la haine et l’amour coexistent souvent.


Vis-à-vis de sa patrie, le rapport peut être tout aussi ambigu.
Parce que l’amour de la patrie peut nous pousser au meilleur comme au pire.
Avant la période Papon, il y avait eu une face brillante à la vie de mon grand-père.
La légende familiale voulait que Georges Pérache ait appartenu pendant la seconde guerre mondiale
à un important réseau de résistants, lorsqu’il vivait à
Grenoble.

La Marseillaise termine en fanfare.

Il était alors en lien avec un certain Henri Grouès qui assurait en moto la liaison avec les maquis en
montagne.
Tonalité de téléphone

FRANCOIS
Bonjour, c’est à nouveau François Pérache à l’appareil.

MONSIEUR
Oui.

FRANCOIS
Je re-tentais ma chance pour essayer de parler à l’abbé au sujet de mon grand-père.

FRANCOIS
Henri Grouès était entre temps devenu l’abbé Pierre.
MONSIEUR
Oui, rappelez-moi le nom de votre grand-père ?

FRANCOIS
Georges Pérache.

MONSIEUR
Ah c’est ça, ne quittez pas.

Musique de standard téléphonique.

FRANCOIS
C’était il y a dix ans.
ABBE PIERRE
Allo ?

FRANCOIS
Oui, bonjour Monsieur.

ABBE PIERRE
Oui bonjour.

- 64 -
FRANCOIS
Maurice Papon died a few months later and was buried in Gretz-Armainvilliers cemetery with his
Legion of Honour, despite being stripped of the decoration after his conviction.

La Marseillaise, sung by Les Chanteurs de la Croix de Bois.


La Marseillaise, booed at a France v. Algeria football match.

Father-son relationships are often love-hate.


Your relationship with your country can be equally ambivalent.
Love of your country can bring out the best and worst in you.
Before Papon, there had been a brilliant phase in my grandfather's life.
If family history is to be believed, Georges Pérache worked for a major Resistance network
during World War Two, when he lived in Grenoble.

La Marseillaise comes to a rousing conclusion.

His contact was one Henri Grouès, who liaised by motorcycle with fighters hiding in the mountains.

Telephone tone.

FRANCOIS
This is François Pérache again.

MAN
Yes?

FRANCOIS
Trying to talk to the Abbot again, about my grandfather.

FRANCOIS
Since then, Henri Grouès had become Father Pierre.
MAN
What was your grandfather's name again?

FRANCOIS
Georges Pérache.

MAN
Of course. Please hold.

Hold music.

FRANCOIS
This was ten years ago.
FATHER PIERRE
Hello?

FRANCOIS
Hello, sir.

FATHER PIERRE
Yes, hello.

- 65 -
FRANCOIS
Mon nom est François Pérache

ABBE PIERRE
Oui.

FRANCOIS
Et je suis le petit-fils d’un monsieur qui s’appelait Georges Pérache...

ABBE PIERRE
Et qu’on appelait « Laplume ».

FRANCOIS
J’ai toujours cru que c’était une légende…

ABBE PIERRE
Non, c’est bien vrai. Je n’ai pas eu avec lui à travailler, j’allais dire quotidiennement.
Il est devenu un des piliers autour desquels se réalisaient beaucoup d’actions dans lesquelles il était
compétent quand il s’agissait de faire de faux papiers, passeports ou cartes d’identité dont les
modèles vierges originels étaient dérobés par des fonctionnaires amis Résistants dans la préfecture
ou dans certains commissariats de Police. Donc le rôle de celui que nous appelions « Laplume » entre
nous, parce que je crois, mais je ne suis pas très sûr, mais autant que…

L’Abbé Pierre devient inaudible

FRANCOIS
Il m’a parlé pendant près de 20 minutes.

Fond sonore : l’Abbé Pierre inaudible

De la boutique près de la cathédrale de Grenoble, où Georges vendait du matériel de bureau et où il


fabriquait clandestinement de faux-papiers.
De la façon dont les choses s’organisaient autour de lui.
La mémoire d’Henri Grouès était intacte et d’une vivacité étonnante.
Elle apportait un peu de lumière dans mon enquête à un moment où je dois l’avouer, le moral en
prenait un coup.

Une aspirine effervescente qui tombe dans un verre d’eau


MUSIQUE - THEME DE L’ENQUETE DE FRANCOIS

Mais plus j’avançais, plus le portrait de mon grand-père, au lieu de se préciser, se troublait.
Homme à abattre pour les indépendantistes algériens et pourtant, lui-même résistant à une autre
époque.
Héros et salaud.
On était…
LA PSY
Hmmm hmm.

- 66 -
FRANCOIS
My name is François Pérache

FATHER PIERRE
Yes.

FRANCOIS
I'm the grandson of a man called Georges Pérache.

FATHER PIERRE
Better known as "Quill".

FRANCOIS
I always thought it was a myth.

FATHER PIERRE
No, it's true. We never worked together on a daily basis.
He became one of the pillars around which lots of operations happened that depended on his
competence in forging documents, passports or identity cards modelled on originals pilfered from
headquarters or stations by police officers who were friends of the Resistance. So the role of the man
we knew as "Quill", I believe, although I can't be categorical...

Father Pierre becomes inaudible.

FRANCOIS
He talked for nearly twenty minutes.

Father Pierre, inaudible in the background.

About the store near Grenoble cathedral,


where Georges sold office supplies, and secretly forged identity papers.
About the way things were organized around him.
Henri Grouès's memory was intact and surprisingly vivid.
It illuminated my investigation at a time when, I confess, morale was slipping.

Soluble Aspirin fizzes in a glass.


MUSIC – FRANCOIS'S INVESTIGATION THEME.

As I investigated, instead of taking shape, the portrait of my grandfather became blurrier.


A target for Algerian freedom fighters, after himself resisting oppression in another era.
Hero. And villain.
We were...

SHRINK
Hmm, hmm.

- 67 -
FRANCOIS

…comme prisonniers d’un labyrinthe, Maurice Papon, l’Abbé Pierre, mon grand-père et moi.

LA PSY
Un labyrinthe...
FRANCOIS
Je savais plus comment en sortir il me fallait quelqu’un qui puisse me donner une clé de lecture de ce
parcours paradoxal.

LA PSY
Une clé…
FRANCOIS
Ouais, j’aurais pu en parler à ma psy.
LA PSY
Hmmm hmm.
FRANCOIS
Mais j’ai préféré appeler Sylvie.

Tonalité de téléphone

SYLVIE THENAULT
Oui

FRANCOIS
Oui Bonjour,

SYLVIE THENAULT
Bonjour

FRANCOIS
C’est François Pérache à l’appareil.

FRANCOIS
Euh, je passe un peu ma vie au téléphone en ce moment.

SYLVIE THENAULT
Oui ? Ah oui oui oui ! Bonjour, ça va ?

FRANCOIS
Oui très bien.

SYLVIE THENAULT (rires)


Sur le coup je me suis dit : « qui c’est ? » mais oui, mais je me souviens de toi. Bien sûr. Ça va ?

FRANCOIS
Bah très bien. Et toi ?

SYLVIE THENAULT
Ben ouais, ça va. Qu’est-ce que tu deviens ?

FRANCOIS
Justement, tu devines que si je t’appelle c’est que j’ai besoin toi...

- 68 -
FRANCOIS
...trapped in a labyrinth—Maurice Papon, Father Pierre, my grandfather and me.

SHRINK
A labyrinth.
FRANCOIS
There was no way out. I needed someone to give me the key to this paradoxical journey.

SHRINK
A key.
FRANCOIS
Yeah, I could have discussed it with my shrink.

SHRINK
Hmm, hmm.
FRANCOIS
Instead, I called Sylvie.

Telephone rings.

SYLVIE THENAULT
Yes?

FRANCOIS
Yes, hello.

SYLVIE THENAULT
Hello.

FRANCOIS
François Pérache speaking.

FRANCOIS
Feels like I spend my whole life on the phone right now.

SYLVIE THENAULT
Oh, yes! Hello, how are you?

FRANCOIS
Just fine.

SYLVIE THENAULT (laughs)


I thought, who's that? But of course I remember you. How are you?

FRANCOIS
Just fine. And you?

SYLVIE THENAULT
Great, sure. What's new?

FRANCOIS
You guessed it. I'm calling because I need your help.

- 69 -
FRANCOIS
C’est Sylvie qui m’a permis de remonter le fil d’Ariane.
Sylvie Thénault. Professeur d’Histoire contemporaine à l’ENS, chercheuse au CNRS, spécialiste de la
guerre d’Algérie.

SYLVIE THENAULT
Euh… Voilà! Alors raconte-moi un peu.

FRANCOIS
Ouais, bah non faudrait que j’te rappelle à un autre moment où j’t’e dérange pas trop, mais l’idée euh
j’te la fais courte…

FRANCOIS
Et un peu comme la première fois où je l’ai rencontrée, un peu comme un étudiant d’Histoire en
première année, je me suis perdu en circonvolutions.

SYLVIE THENAULT
Oui et l’idée c’est plutôt de dire, ce n’est pas de faire l’historienne experte qui raconte l’histoire, c’est
plutôt de dire comment moi je suis intervenue là-dedans ? Comment on est entrés en contact ?
Comment comme historienne je me situe par rapport à ça ? C’est ça l’idée ?

FRANCOIS
Ca ça peut être parfait, c’est-à-dire qu’après on verra, je pense qu’il y aura peut-être une petite mise
en scène tu vois.
Genre, on s’enregistrerait, on rencontre, on se fait la bise pour montrer qu’on se connaît...

SYLVIE THENAULT
D’accord.

FRANCOIS
Et que l’idée je pense, on est en train de l’écrire, ce serait de te faire intervenir avec moi peut-être au
tout dernier épisode, pour justement un peu boucler tout ça…

SYLVIE THENAULT
D’accord.

MAURICE PAPON
A suivre..

FRANCOIS
Boucler l’histoire avec une historienne, c’était plutôt une bonne idée.

MAURICE PAPON
Sur arteradio.com

FRANCOIS
Sauf qu’elle n’arrête jamais de s’écrire, l’Histoire.

- 70 -
FRANCOIS
Sylvie was my Ariadne, whose thread I could follow out of the labyrinth.
Sylvie Thénault, professor of contemporary history at ENS, and specialist in the Algerian War.

SYLVIE THENAULT
Okay, let's hear it.

FRANCOIS
No, I'll have to call you back when you're not so busy,
but basically the idea is to...

FRANCOIS
Like the first time we met, like a first-year History undergraduate,
I tangled myself up in knots.

SYLVIE THENAULT
Yes, so the idea is not to come off a the great historical expert telling the story,
but to explain how I got involved in this? How we contacted each other?
My relationship with all that, as a historian? Is that the idea?

FRANCOIS
That could be perfect. We'll see, maybe we'll stage something after,
like maybe we'd be taping when we meet and cheek-kiss, like we know each other.

SYLVIE THENAULT
Okay.

FRANCOIS
And the idea, as we're writing it now, would be to bring you in with me maybe,
in the last episode, to round it all off.

SYLVIE THENAULT
Okay.

MAURICE PAPON
To be continued...

FRANCOIS
A historian rounding off the story—sounds like a good idea.

MAURICE PAPON
On ARTE Radio dot com.

FRANCOIS
Except history never ends.

- 71 -
Episode 6
Les fins maux de l’histoire

Journal radio / 21 juin 2016


« Les opposants à la loi travail vont-ils pouvoir manifester jeudi à Paris ? L’incertitude plane toujours
à 48h de l’échéance, hier le préfet de police a rejeté le parcours proposé par les syndicats et brandit
une menace. Soit ils acceptent un rassemblement statique place de la Nation, soit le défilé sera
purement et simplement interdit. Les autorités mettent en avant le risque de nouveaux
débordements. Les syndicats dénoncent une remise en cause du droit de manifester. »

FRANCOIS
L’histoire ne se répète pas.

Journal radio / 21 juin 2016


C’était il y a un peu plus d’une semaine, un couple de policier tué au couteau chez eux, à Magnanville
dans les Yvelines. Hier trois proches du tueur, Larossi Abballa ont été arrêté. Ils sont soupçonnés
d’avoir repéré des policiers dans plusieurs communes des Yvelines. Un double assassinat qui avait été
revendiqué par le groupe État Islamique.

FRANCOIS
L’histoire ne se répète pas, mais il arrive qu’elle bégaye.

Journal radio / 21 juin 2016


Il faudra désormais l’appeler Quai Branly Jacques Chirac, dix ans après son ouverture, le musée des
arts d’Afrique, d’Océanie et des Amériques, est officiellement rebaptisé aujourd’hui.

François éteint la radio.

Générique :

DE GUERRE EN FILS

Un feuilleton de François Pérache.

Épisode 5

LE PERE (au téléphone)


Quelles nouvelles pour toi ?

FRANCOIS
Quelles nouvelles pour moi… Bah ça va, c’est la fin de l’année, bien chargée, mais j’ai bien l’occasion
de penser à toi ces jours-ci là. Parce que je suis en train de finir le feuilleton à la radio sur ton père.

LE PERE
Ouais.

FRANCOIS
Donc voilà, je pense à toi un peu tous les jours.

- 72 -
Episode 6
The Long and the Short of History

Radio news, 21st June 2016


Will a protest march against new labour laws be allowed in Paris on Thursday?
With 48 hours to go, uncertainty hangs over the event, after the Police Department issued an
ultimatum. Either organizers accept a static protest at Place de la Nation,
or the demonstration will be banned. While the authorities cite the risk of more violence,
unions denounce a restriction of the right to protest.

FRANCOIS
History doesn't repeat itself.

Radio news, 21st June 2016


Slightly over a week ago, a couple of police officers were stabbed to death in their home near Paris.
Yesterday, three acquaintances of the killer, Larossi Abballa, were arrested,
on suspicion of tracking various police officers in the area.
Responsibility for the double murder was claimed by ISIS.

FRANCOIS
History doesn't repeat itself, but it stutters occasionally.

Radio news, 21st June 2016


Now called Quai Branly Jacques Chirac, ten years after it opened,
the Museum of African, Oceanic and American Art officially changes its name today.

François switches off the radio.

Opening credits:

DE GUERRE EN FILS (Guns in the Family)

A radio drama by François Pérache.

Episode 6

FRANCOIS'S DAD (telephone)


So, what's new?

FRANCOIS
What's new? Well, it's a busy end to the year. I've been thinking about you a lot recently,
because I'm finishing off the radio series about your father.

DAD
Yeah.

FRANCOIS
Yup. So I think of you every day.

- 73 -
LE PERE
Bah c’est bien.

FRANCOIS
Ouais…

LE PERE
Mais quand tu dis un feuilleton sur mon père, c’est sur la période, il y a mon père dedans, mais ce
n’est pas consacré à mon père. Si ?

FRANCOIS
Bah tu verras.

LE PERE
Ah! je verrais.

FRANCOIS
Bah si si, on parle beaucoup, si si bien sûr.

LE PERE
Ah ouais, d’accord.

FRANCOIS
C’est le dernier épisode.
LE PERE
Ah oui d’accord bien sûr.

MUSIQUE - LE THEME DE L’ENQUETE DE FRANÇOIS.

FRANCOIS
Et au moment de conclure mon enquête, je me revois dix ans plus tôt, quand je croyais en avoir fini
avec ce travail de mémoire. C’est ce que j’ai cru longtemps. Je l’ai cru jusqu’au 13 novembre 2015.
Aujourd’hui, dix ans plus tard, je me retrouve avec la même difficulté. Comment mettre un point
final à cette histoire ?

MUSIQUE - LE THEME DES ALGERIENS

MEDINE
Le plus dur dans une guerre c'est de la terminer
Que la paix soit une valeur entérinée
Les vieux ennemis nourrissent une rancœur pour l'éternité
Si l'Algérie s'enrhume c'est que la France a éternué.

Alors ont dialogue en se raclant la gorge


En se rappelant les morts avec le tranchant du bord
On marque le score à chaque nouvelle écorche
On compte les corps à chaque nouvel effort.
Du martyr au harki du colon jusqu'au natif
Qui s'battirent pour sa patrie ? Et qui pour ses actifs ?

Du pied noir au maquisard on est tous en mal d’histoire.

- 74 -
DAD
That's great.

FRANCOIS
Yeah.

DAD
When you say a series about my father, you mean about the period,
featuring my father, not all about my father. Right?

FRANCOIS
You'll see.

DAD
I'll see?

FRANCOIS
Sure, we talk about him a lot. You bet.

DAD
Ah, alright.

FRANCOIS
The last episode.
DAD
Alright, sure.

MUSIC – FRANCOIS'S INVESTIGATION THEME.

FRANCOIS
As I completed my investigation, I pictured myself ten years earlier, when I thought I was done
digging up the past. I kept thinking that so long.
I thought it up until 13th November 2015.
Now, ten years later, I face a familiar problem—how to conclude this story?

MUSIC – ALGERIANS' THEME

MEDINE
The hardest part of a war is ending it
Making peace a value that's worth it
Old enemies hold a grudge for eternity
Algeria catches cold when France spreads its malady

Dialogue is preceded by clearing the throat


Remembering the dead with the blade of a knife
Keeping score, taking every chance to gloat
Counting the victims of never-ending strife
Martyrs and settlers, natives and vets
Fighting for a country? Or its assets?

Partisan, collaborator, whatever you be, we need a shot of history

- 75 -
Sur le parvis des studios d’ARTE.

FRANCOIS
Salut, ça va ?

SYLVIE THENAULT
Salut François ça va?

FRANCOIS
Oui et toi?

SYLVIE THENAULT
Ouais, très bien.

FRANCOIS
Tu as trouvé sans problème ?

SYLVIE THENAULT
Ouais sans problème.

FRANCOIS
Malgré les grèves ?

SYLVIE THENAULT
Ouais…

La conversation en fond sonore

FRANCOIS
Sylvie Thénault est historienne. C’est une grande spécialiste de la guerre d’Algérie. Elle m’a
accompagné depuis le début dans mes recherches.

FRANCOIS
On fait ça en studio finalement ça vous va?

SYLVIE THENAULT
Très bien. Je vous suis.

FRANCOIS
Allez c’est parti.

FRANCOIS
La radio, elle connaît.
Elle est assez sollicitée par les médias ces derniers temps à cause de l’actualité.
On l’interroge souvent sur la notion d’Etat d’Urgence. Elle a étudié de près ce régime d’exception,
créé en 1955, en pleine guerre d’Algérie, suite à une vague d’attentats du FLN.

Au moment de finir mon enquête, c’est naturellement elle que j’ai appelé pour m’aider à faire le
point.

- 76 -
Outside ARTE's studio.

FRANCOIS
Hey there.

SYLVIE THENAULT
Hi, François, how are you?

FRANCOIS
Great, and you?

SYLVIE THENAULT
Yes, fine.

FRANCOIS
No trouble finding it?

SYLVIE THENAULT
Sure, no problem.

FRANCOIS
Despite the strikes?

SYLVIE THENAULT
Yeah...

Conversation continues in the background.

FRANCOIS
Sylvie Thénault is a historian and specialist on the Algerian War.
She's helped me throughout my investigation.

FRANCOIS
Okay with you?

SYLVIE THENAULT
Great, whatever.

FRANCOIS
Okay, let's go.

FRANCOIS
She's done lots of radio.
She does a lot of media work with all that's going on now.
She's often asked about the state of emergency. She has studied this extraordinary power that made
it onto the statute books in 1955, during the Algerian War, after a wave of FLN attacks.

At the end of my investigation, it seemed natural to call her to help wrap it up.

- 77 -
SYLVIE THENAULT
Tu deviens quoi ?

FRANCOIS
Je deviens quoi ? Eh bien je fais ma petite vie de comédien. Et puis donc y’a cette histoire qui m’est
remontée…

SYLVIE THENAULT
Ouais.

FRANCOIS
Qui m’est remontée au nez avec les attentats du 13. Donc ça ne me lâche pas tu vois. Ça fait dix ans
et ça ne me lâche pas.

REALISATEUR STUDIO
Ok François ça tourne.

FRANCOIS
Sur cette histoire de mon grand-père, Je n’arrive pas à faire le lien en fait…
Je n’arrive pas à faire le lien entre le héros et le salaud quoi…

SYLVIE THENAULT
Hum. En fait, dans un parcours de vie, il y a des morceaux dans lesquels on peut essayer de mettre
de la cohérence à postériori.
Mais ce n’est pas forcément évident que la Résistance, pendant la seconde guerre mondiale, allait
conduire à des positions anticolonialistes pendant la guerre d’Algérie.
Mais les résistants au moment de la guerre d’Algérie, ils adoptent des positions extrêmement
diverses.
Si on prend Salan ou Massu, c’était des grands résistants et pourtant ils ont défendu l’Algérie
française jusqu’au bout. Salan allant jusqu’à fonder et diriger l’OAS.
Et eux, leur fil conducteur, c’est le nationalisme.
Et donc quand on a résisté au nom de la grandeur de la France, au moment de la guerre d’Algérie, on
peut se retrouver du mauvais côté du manche.
Mais ça c’est nous qui pouvons le dire. Il ne faut pas céder à ceux que les chercheurs appellent
l’illusion biographique qui consiste précisément à essayer de reconstruire des parcours en fonction
de jugement de valeur que nous, nous pouvons porter aujourd’hui.
Les acteurs en situation peuvent se sentir démunis pour savoir quelle est la bonne cause et quelle est
la bonne cause pour eux. Et puis il ne faut pas négliger non plus dans les parcours de vies, des
données tout à fait prosaïques, du type il faut gagner sa vie. Sans que ce soit forcément politique.
On peut aussi être un policier qui fait son travail et ne pas être non plus convaincu de la nécessité de
l’Algérie française. Mais on fait son travail et on gagne sa vie.

FRANCOIS
Une des inquiétudes que j’ai eues, c’était de comprendre ce que faisait mon grand-père exactement.
J’ai bien compris comment il avait été tué, mais je n’ai pas le pourquoi, vraiment. En gros est-ce que
mon grand-père est mort par hasard ? C’est ça ma vraie angoisse.

SYLVIE THENAULT
Non je ne pense pas qu’il soit mort par hasard. Vraiment pas. Euh, en fait ce qu’il faut bien voir, c’est
que sur le territoire français, il y a une guerre d’abord. Ça on l’oublie souvent. On a l’image de la
guerre d’Algérie, ses parachutistes à Alger où ils crapahutent dans le bled...

- 78 -
SYLVIE THENAULT
What's new?

FRANCOIS
What's new? Not much, I'm still acting.
And then, this whole story came back to me.

SYLVIE THENAULT
Yes.

FRANCOIS
It whacked me in the face with the attacks of 13th November, and it won't let me go.
Ten years now, it won't let me go.

REALISATEUR STUDIO
François, we're taping.

FRANCOIS
In terms of my grandfather, I can't make the link...
The link between hero and villain.

SYLVIE THENAULT
Basically, in any person's lifetime, there are patterns we can piece together after the fact.
That doesn't make it inevitable that resistance during World War Two will lead to anti-colonialist
positions during the Algerian War.
When war broke out in Algeria, former Resistance fighters adopted a wide variety of positions.
Generals Salan and Massu, for example, were resistance leaders in WW2, but fought to the bitter
end to keep Algeria French. Salan even founded and led the renegade OAS.
Their common thread was nationalism.
Fighting in the Resistance for the glory of France could put you on the wrong side of history in
Algeria. But that's easy for us to say.
You can't give in to what scholars call "biographical illusion"—trying to reconstruct a life depending
on moral judgments we might make today.
In the heat of the action, protagonists may be unable to identify the good cause, or the good cause
for them...
And, in terms of people's lives, don't forget the prosaic aspects, like having to earn a living. Without
it being a political issue. You can do your job as a police officer without believing that Algeria must
remain French. You get on with your job to earn a living.

FRANCOIS
One of my concerns was trying to grasp what my grandfather did exactly.
I understood how he was killed, but I didn't have the why.
Basically, was my grandfather's murder completely random? That's what nags at me.

SYLVIE THENAULT
No, I don't think his murder was random. Truly. The essential thing to see is that there was a war
raging in France. People often forget that. The Algerian War brings to mind paratroopers in Algiers,
or landing in tiny villages.

- 79 -
Mais il y a une guerre sur le territoire français, qui est d’une nature très particulière parce qu’il y a du
terrorisme FLN. Mais la principale mission de la Fédération de France du FLN, c’est d’organiser
l’immigration algérienne, de la mobiliser pour la cause de l’indépendance.
Donc le FLN en France, c’est une organisation clandestine qui en gros essaye de se fondre dans la
masse.
Et du coup, du point de vue policier et français, pour lutter contre le FLN, il faut pénétrer
l’immigration algérienne. Ça veut dire qu’il faut identifier les gens, il faut les ficher et il faut aussi les
connaitre de visu. Et une des missions du SAT-FMA c’est d’assurer, d’être une sorte de guichet
administratif où tous les algériens vont venir faire leurs démarches.
Mais du coup, quand ils viennent faire leurs démarches, on les identifie, on les connait. Globalement
l’idée du SAT FMA, c’est de faire un travail administratif qui va servir le travail policier d’identification
des militants et des cadres de la Fédération de France du FLN.
Ce qui n’exclue pas, par ailleurs, une part de violence avec des interrogatoires qui peuvent être
violents dans certains cas.

FRANCOIS
C’est ce que j’allais te demander aussi, qui est très délicat pour moi… Dans le cadre de mon grand-
père, il y a une phrase qui est revenue c’est « seul les policiers tortionnaires seront châtiés ».

SYLVIE THENAULT
Ouais.

FRANCOIS
En citant tout le monde, dont mon grand-père.

SYLVIE THENAULT
Ouais.
(Rires)
Euh, l’historienne prudente en l’absence de preuves se gardera bien de trancher sur la question de
savoir si ton grand-père éventuellement… peut être considéré comme un tortionnaire.
Euh.. Mais c’est évident que les lieux d’encadrement et de service administratif sont aussi des lieux
d’interrogatoires. Donc potentiellement, il peut y avoir, effectivement pratique de violence, c’est de
l’ordre du plausible absolue.

Une nappe musicale.

FRANCOIS
C’est de l’ordre du plausible absolu.
Plausible.
J’ai voulu en avoir le cœur net.
J'ai traqué ceux qui avaient décidé et organisé l'assassinat de mon grand-père.
50 ans, après les faits, j'ai finalement réussi à remettre la main sur l'assistante du chef du FLN
parisien à l'époque.
Autant dire qu'elle n’avait pas une envie folle de parler avec un petit-fils de flic.

Ambiance restaurant.

Assistante du chef du FLN


Hmmm.
FRANCOIS
Mais elle a quand même fini par accepter de diner avec moi.
Assistante du chef du FLN
Hmmm.

- 80 -
But the war on French soil was different. There was FLN terrorism, but the FLN's major aim in France
was to organize Algerian immigration and encourage agitation for independence.
The FLN in France was an underground organization trying to merge in with the crowds.
So, French police saw infiltration of Algerian immigration as part of the struggle against the FLN. In
other words, identifying and keeping a file on people, and being able to recognize them visually. SAT-
FMA offices were intended to be a place where Algerians came to complete administrative
procedures.
So when they went in, they were identified for future reference. The point of SAT-FMA was to turn
administrative procedures into a means of identifying FLN activists and leaders in France.
Which didn't exclude the possibility of brutality, with interrogations turning violent occasionally.

FRANCOIS
That's what I wanted to ask—and this is tricky for me... With regard to my grandfather, the sentence
that kept coming back was, Only police torturers will be punished.

SYLVIE THENAULT
Yeah.

FRANCOIS
Naming names, including that of my grandfather.

SYLVIE THENAULT
Yeah.
(laughs)
In the absence of proof, this prudent historian will dodge the issue of whether your grandfather
could be considered a torturer.
Clearly, administrative and public offices were also places of interrogations. Potentially, there was a
likelihood of violence. It's perfectly plausible.

Musical segway.
FRANCOIS
It's perfectly plausible.
Plausible.
I had to know one way or the other.
I tracked down the people behind my grandfather's killing.
Fifty years on, I finally got hold of the assistant to the FLN's Paris chief back then.
For obvious reasons, she wasn't crazy about talking to a cop's grandson.

Restaurant atmosphere.

FLN LEADER'S PA
Hmm.
FRANCOIS
Even so, she agreed to dinner with me.

FLN LEADER'S PA
Hmm.

- 81 -
FRANCOIS
Ça a été un beau diner.
Assistante du chef du FLN
Hm, hm.

FRANCOIS
Mais évidemment…
Assistante du chef du FLN
Hmmmm. Hum. Hum.
FRANCOIS
Elle a prétendu n'avoir aucun souvenir du cas de mon grand-père...
Assistante du chef du FLN
Non je... hum.
FRANCOIS
Alors j’ai posé la question directement à son patron, Ali Haroun.

MUSIQUE - THEME DES ALGERIENS

Ali Haroun était un des 5 membres du « Comité Fédéral » du FLN : c’est l’instance suprême de
direction du mouvement, installée dans la clandestinité à Berlin.
Dans son livre La 7ème Wilaya qui est connu pour donner des informations sur l’organisation du FLN
à l’époque, il fait mention du cas de mon grand-père.

Touches clavier d’ordinateur.

FRANCOIS
Je me permets de contacter dans le cas de recherches personnelles que j’effectue dans le cadre de la
mort de mon grand-père.…

FRANCOIS
Et il m’a répondu dans une longue lettre, pleine de détails, mais où il disait n’avoir aucuns souvenirs
de Georges Pérache.
ALI HAROUN (MEDINE)
Quelle pouvait être… Comment l’appelait-on ?
FRANCOIS
Est ce qu’il avait réellement oublié?
ALI HAROUN (MEDINE)
Quelle était son nom ?
FRANCOIS
Je ne le saurais jamais.
ALI HAROUN (MEDINE)
« Avant de terminer, je voudrais vous dire que ces ‘évènements d'Algérie’ reconnus aujourd'hui
officiellement comme ‘guerre d'Algérie’ se sont déroulés dans la plus grande et la plus inutile des
violences. Certes, des actes barbares ont été commis de part et d'autre, mais avec cette circonstance
absolutoire pour le peuple algérien qui, avec les moyens rudimentaires dont il disposait, poursuivait le
but honorable auquel tendent tous les peuples épris de liberté : son indépendance. »

MUSIQUE Le scooter - Mahieddine BENTIR

FRANCOIS
On peut vivre bien sans connaître son histoire familiale.
On peut vivre bien sans connaître son histoire familiale, mais j’ai décidé un jour de vivre mieux, sans
cadavre dans le placard.

- 82 -
FRANCOIS
It was a fine dinner.
FLN LEADER'S PA
Hmm, hmm.
FRANCOIS
Obviously...
FLN LEADER'S PA
Hmm. Hum. Hum.

FRANCOIS
...she claimed to have no recollection of my grandfather's case.
FLN LEADER'S PA
No, I... Hmm.
FRANCOIS
So I asked her boss, Ali Haroun.

MUSIC – ALGERIANS' THEME.

Ali Haroun was one of the five members of the FLN's Federal Committee—the movement's
underground executive leadership, based in Berlin.
In his book, The Seventh Wilaya, he describes the FLN's organization at the time—and mentions the
case of my grandfather.

Computer keyboard.

FRANCOIS
I'm contacting you as part of my private research into my grandfather's death.

FRANCOIS
And he replied with a long, detailed letter,
explaining that he had no recollection of Georges Pérache.
ALI HAROUN (MEDINE)
What could be... What was he called?
FRANCOIS
Had he really forgotten?
ALI HAROUN (MEDINE)
What was his name?
FRANCOIS
I would never know.
ALI HAROUN (MEDINE)
To conclude, I'd like to say that the "troubles" in Algeria, now officially known as The Algerian War,
were characterized by excessive and pointless violence.
Sure, barbaric acts were committed on both sides, but with absolutory circumstances for the Algerian
people that, with the rudimentary means at its disposal, pursued the honourable aim of all freedom-
loving peoples. Independence!

MUSIC - Le scooter, Mahieddine Bentir

FRANCOIS
Life can be good, without knowing your family history.
Life can be good, without knowing your family history,
but I wanted a better life, without skeletons in the cupboard.

- 83 -
VOIX D’ENFANT
Chuuuuuut

SYLVIE THENAULT
L’idée d’un tabou pour moi elle doit toujours être précisément située. Là où elle n’est pas discutable,
c’est évidement au niveau individuel ou au niveau familial.

FRANCOIS
Au beau milieu de mon enquête, j’ai ressenti le besoin d’interroger mon père. De savoir ce qu’il
pensait de cette histoire, lui qui n’en parlait jamais tout en prétendant que le sujet n’était pas tabou.

SYLVIE THENAULT
Clairement je pense que la famille est le milieu du tabou par excellence, mais je ne suis pas sûr que
ce ne soit valable qu’historiquement.

FRANCOIS
Je lui ai demandé de me raconter les souvenirs qu’il lui restait de son père à lui. C’était il y a dix ans,
mes relations avec lui n’était pas au beau fixe.
C’était il y a dix ans, j’allais avoir 30 ans et c’était un cap qui passait mal.
Du fait de mon homosexualité, je savais en tant que seul garçon de la fratrie, que je serais le dernier
Pérache de la ligné.
Et la perspective de cette extinction m’angoissait beaucoup.
Je vous préviens le son est pourri, je l’ai enregistré sur un petit dictaphone. J’aurais pu le ré-
enregistrer avec du bon matériel, mais je n’ai pas eu le courage de lui imposer ça.

François allume le dictaphone

FRANCOIS
D’autant qu’il n’avait pas l’air très enthousiaste à l’idée que je ressorte cette histoire familiale.

JEAN-PIERRE PERACHE (2006)


« Et mais surtout, surtout, j’ai le souvenir de, moi qui aimait beaucoup mon père pour ses faiblesses et
son destin pas très heureux.»

FRANCOIS
Ce jour-là, il m’a parlé pendant une heure et demie.
Il a parlé de ce dont on n'avait jamais parlé et qu'il n'avait peut-être jamais raconté à personne.
Il m’a parlé des obsèques, du corps de Georges exposé dans la cour, de la sonnerie aux morts, des
grandes pompes et du décorum.
Mais surtout il s’est revu lui, marchant derrière le cercueil.

JEAN-PIERRE PERACHE
Mais à ce moment-là ce qui m’a le plus frappé c’est que, naturellement à un moment donné, derrière
le cercueil de mon père, je lui ait dit « je t’aime, je t’aime ». Rien que d’y penser si tu veux c’est le
résumé de… de l’amour inconditionnel quoi, d’un père à son fils, d’un fils à son père. Bon! Et c’est ça
c’est… magnifique.

François éteint le dictaphone.

- 84 -
CHILD
Ssssh!

SYLVIE THENAULT
For me, a taboo must be precisely grounded.
The most indisputable context is of course at the individual level or family level.

FRANCOIS
Halfway through my investigation, I felt the urge to question my father.
To know what he thought of the whole story, which he never mentioned, while claiming it wasn't
taboo.
SYLVIE THENAULT
Obviously, for me, the family is the ultimate taboo environment,
but I'm not sure that's only true historically.

FRANCOIS
I asked him for any recollections he had of his father. It was ten years ago.
Our relationship was rocky. Ten years ago, turning 30 was a major bump in the road for me.
As a homosexual, and the only boy in the family,
I knew I was the last Pérache in the bloodline.
This prospect of extinction freaked me out.
I should warn you the sound's rotten. I recorded him on a small Dictaphone. I could have re-recorded
it with good equipment, but I couldn't face asking that of him.

François starts the Dictaphone

FRANCOIS
Especially as he didn't seem very enthusiastic about me reviving this family story.

JEAN-PIERRE PERACHE (2006)


Above all, more than anything, I remember loving my father a lot
for his flaws and his unfortunate fate.

FRANCOIS
That day, he talked to me for an hour and a half.
He talked about stuff we'd never talked about, stuff he'd never told anyone maybe.
He talked about the funeral—Georges's body lying in the courtyard,
the last post, the pomp and protocol.
Above all, he pictured himself walking behind the coffin.

JEAN-PIERRE PERACHE
At that moment, what struck me most was that, at some point, quite naturally,
behind my father's coffin, I said to him, I love you. I love you. Thinking about it, it sums up the
unconditional love, of a father for his son, of a son for his father.
And that's... That's magnificent.

François switches off the Dictaphone.

- 85 -
FRANCOIS
Euh…
Je n’arrive pas à finir cette histoire de mon grand-père.

SYLVIE THENAULT
Euh ouais. (Rires) Non mais là je ne peux pas t’aider.

FRANCOIS
Non, mais j’allais te demander, pour ce que tu sais, pour ton métier…

SYLVIE THENAULT
Ouais.

FRANCOIS
…ton expertise, on en est où en France en 2016 sur le question algérienne, de la guerre d’Algérie ?

SYLVIE
Ça dépend qui. Il y a des gens pour qui ça n’est rien. Ça n’a jamais rien été. Ça c’est quelque chose
que je tiens toujours à rappeler, quoi…
Évidemment tous les anciens combattants, tous les ex-harkis, tous les algériens vivants en France. Il y
a un nombre de gens concernés dans la société française qui est vraiment énorme et qui ont souvent
le sentiment que rien n’est réglé, que ce n’est pas fini, que la guerre continue, qu’ils ne vont pas s’en
sortir etc…

MUSIQUE - Hymne des Français d’Algérie.

« C’est nous les français d’Algérie


C’est nous les pieds noirs, les harkis
Qui attendons reconnaissance
De ce qu’on a fait pour la France
C’est nous les français d’Algérie
C’est nous les pieds noirs, les harkis

L’HYMNE SE DISTORD.

MEDINE ( fredonne « Où c’est que j’ai mis mon flingue » - RENAUD )


« La marseillaise même en reggae ça m’a toujours fait dégueuler. »

SYLVIE
Moi je me suis souvent posé la question de ce qui pourrait penser les plaies, et en fait je ne vois pas
de réponse.

FRANCOIS
J’ai effectué une dernière démarche pour mon grand-père. Faire reconnaitre officiellement son
statut de mort pour la France.

VOIX STANDARD ADMINISTRATIF


« Par courrier reçu le 11 avril 2005 dans nos services, vous souhaitez que la date et le lieu de décès de
Georges, Joseph, Eugène Pérache soit rectifié (...) »

FRANCOIS
Et à cette occasion, sur son acte de décès, j’ai encore découvert d’autres informations.

- 86 -
FRANCOIS
Uh…
I can't end this story about my grandfather.

SYLVIE THENAULT
Yeah. (laughs) I can't help you there.

FRANCOIS
No, I was going to ask you, for your knowledge, professionally...

SYLVIE THENAULT
Yes.

FRANCOIS
Your expertise. Where is France at now, in 2016, on the Algerian issue? The Algerian War?

SYLVIE
It depends who. Some people are oblivious. Always were.
That's something I always point out. Of course, all those veterans, the Algerians living in France, the
Algerians who collaborated with France. There's a huge number of people affected by this issue, who
often sense that nothing is settled.
It's not over, the war goes on, it will never be over for them...

MUSIC - French Algerian Anthem.

We are the French of Algeria


We are the Harkis, the Pieds Noirs
We expect recognizance
Of all we did for France
We are the French of Algeria
We are the Harkis, the Pieds Noirs

THE ANTHEM DISTORTS.

MEDINE (hums Where'd I Put My Gun by Renaud)


La Marseillaise, even as reggae, always made me sick

SYLVIE
I've often wondered what might heal those wounds, and I never came up with an answer.

FRANCOIS
I undertook one last task for my grandfather—official recognition that he had fallen for the nation.

BUREAUCRATIC VOICE
“By letter received by our department on 11th April, 2005, you requested
that the date and place of death of Georges, Joseph, Eugène Pérache be rectified...”

FRANCOIS
When his death certificate arrived, it brought more information.

- 87 -
Notamment qu’il aurait épousé une certaine Henriette, dont il aurait divorcé, avant de l’épouser à
nouveau quelques années plus tard.
Mais enfin... ça c’est une autre histoire.

Rires de femme sur une mélodie de Jeanne Moreau.

HENRIETTE
Oh Georges…

VOIX ADMINISTRATION
Au vu des documents que vous avez transmis, j’ai l’honneur de vous faire savoir que les modifications
ont été effectuées. Ces corrections seront portées sur le Mémorial de la guerre d’Algérie (...) situé
Quai Branly à Paris »

FRANCOIS
Cette histoire n’est pas terminée. Depuis 2001, sur le pont Saint-Michel, à quelques pas de la
Préfecture de Police, on peut lire une toute petite plaque :

VOIX ADMINISTRATION
« A la mémoire des nombreux algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation
pacifique du 17 octobre 1961 »

FRANCOIS
Voilà c’est ce que dit le marbre.

L’eau de la Seine.
La bille d’une bombe de peinture.

FRANCOIS
Mais 40 ans plus tôt…

Bombe de peinture que l’on agite

FRANCOIS
…quelques jours après la manifestation du 17 octobre 1961, exactement au même endroit…

Aérosol de bombe de peinture

FRANCOIS
…on pouvait lire une autre inscription, peinte à la hâte sur la pierre grise du pont :

«ICI ON NOIE LES ALGERIENS »


FRANCOIS
Juste en face de la préfecture.
«ON NOIE LES ALGERIENS »
FRANCOIS
Il a rapidement été effacé.
«LES ALGERIENS »

FRANCOIS
Il n’en reste qu’une photo.
«RIEN »
Aérosol

- 88 -
In particular, that he married a woman named Henriette, before divorcing her, and remarrying her a
few years later.
Anyway, that's another story.

Woman's laugh.

HENRIETTE
Oh Georges…

BUREAUCRATIC VOICE
In the light of the documents you provided, it is my honour to inform you
that the amendments have been made.
These corrections will be replicated on The Algerian War memorial, at Quai Branly in Paris.

FRANCOIS
The story isn't over. Since 2001, on St. Michel Bridge, a short walk from Police Headquarters, the
following tiny plaque reads --

BUREAUCRATIC VOICE
“In memoriam of the many Algerians killed during the brutal repression
of their peaceful march on 17th October 1961.”

FRANCOIS
So says the marble.

Seine flows by.


Spray paint can.

FRANCOIS
But forty years earlier...

Shaking spray paint can.

FRANCOIS
…a few days after the march on 17th October 1961, at the exact same place...

Spray paint.

FRANCOIS
…another message could be read, hastily painted on the bridge's grey stone.

“WE DROWN ALGERIANS HERE”


FRANCOIS
Right opposite Police HQ.
“WE DROWN ALGERIANS”
FRANCOIS
It was hastily removed.
“DROWN ALGERIANS”

FRANCOIS
There's only a photo of it.
“DROWN”
Spray paint

- 89 -
FRANCOIS
Prise pour l'éternité par Jean Texier.
Feux d’artifices.

FRANCOIS
Quand j’étais petit, j’ai pris très peu de claques.
Trop peu de claques diraient certains.
Depuis je me suis bien rattrapé : la « Vie » m’a balancé mon lot de gifles, de torgnoles, de tataouïnes,
j’en passe et des mandales...
Mais j’ai jamais pris autant de claques, ni aussi violentes, que depuis que je me suis penché sur
l’histoire de mon grand-père.
Des mois de recherches, des rencontres improbables et des heures de lecture à compter les morts
dans les deux camps, à voir et entendre les horreurs commises de part et d’autre, la torture, les
massacres, et les plaies qui restent béantes 60 ans après.

Feux d’artifices et cris d’enfants

ARTE Radio . com

- 90 -
FRANCOIS
Taken for eternity by Jean Texier.
Fireworks.

FRANCOIS
As a kid, I rarely got smacked.
I was under-smacked, some might say.
I've been catching up since.
Life has thrown me my share of knocks, thwacks, cracks, and a bop more besides.
But I've never been knocked back so often and so brutally
as I have since I started poking my nose into my grandfather's story.
Months of research, unlikely encounters, and hours of reading roll calls of the dead on both sides, of
seeing and hearing of tit-for-tat atrocities, torture, massacres, and wounds that still gape wide open
sixty years on.

Fireworks and shouting children.

ARTE Radio dot com.

- 91 -

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