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COMME SI C'ÉTAIT POSSIBLE,
« WITHIN SUCH LIMITS »...
Jacques DERRIDA
(1) «Le dernier mot», puis «Le tout demier mot», (à propos de Kafka in L'amitié,
Gallimard, 1971) et «Le dernier mot», in Après coup (1935-36), Minuit, 1983:«... l'écho
du mot il y a. 'Voilà sans doute le dernier mot', pensai-je en les écoutant.» (p. 66).
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(2) Notamment dans Politique de l'amitié, Galilée 1994, Ch. 2 et 3, dans le sillage de
ce «dangereux peut-être» dont Nietzsche disait qu'il était la pensée des philosophes de
l'à-venir. Par exemple (et je souligne donc certains mots tout en prenant, d'entrée de jeu,
une précaution : les citations qu'il m'arrivera de faire de certains de mes textes ne sont ici
destinées qu'à ouvrir l'espace d'une discussion. Je souhaite seulement prolonger celle-ci
au-delà de certaines limites dans lesquelles elle doit rester ici, faute de place, contenue et
contrainte. Ces citations que je m'oblige à faire contre mon goût et au risque délibérément
couru d'être accusé de complaisance, ce ne sont dans mon esprit ni arguments d'autorité ou
exhibitions abusives ni des rappels aux auteurs des articles ici publiés. Ils n'en ont nul
besoin. Je voudrais donc seulement, de façon brève et économique, m'adresser ainsi, par
ces citations ou références, à un lecteur qui, soucieux de poursuivre l'échange engagé,
voudrait se reporter aux textes concernés) : « Or la pensée du "peut-être" engage peut-être
la seule pensée possible de l'événement. De l'amitié à venir et de l'amitié pour l'avenir.
Car pour aimer l'amitié, il ne suffit pas de savoir porter l'autre dans le deuil, il faut aimer
l'avenir. Et il n'est pas de catégorie plus juste pour l'avenir que celle du «peut-être». Telle
pensée conjoint l'amitié, l'avenir et le peut-être pour s'ouvrir à la venue de ce qui vient,
c'est-à-dire nécessairement sous le régime d'un possible dont la possibilisation doit gagner
sur V impossible. Car un possible qui serait seulement possible (non impossible), un pos
sible sûrement et certainement possible, d'avance accessible, ce serait un mauvais possible,
un possible sans avenir, un possible déjà mis de côté, si on peut dire, assuré sur la vie. Ce
serait un programme ou une causalité, un développement, un déroulement sans événement.
La possibilisation de ce possible impossible doit rester à la fois aussi indécidable et donc
aussi décisive que l'avenir même.» (p. 46) «Sans l'ouverture d'un possible absolument
indéterminé, sans le suspens radical que marque un peut-être, il n'y aurait ni événement ni
décision. Certes. Mais rien n'arrive et rien ne se décide jamais qu' à lever le peut-être en en
gardant la possibilité «vivante», en mémoire vive. Si aucune décision (éthique, juridique,
politique) n'est possible qui n'interrompe la détermination en s'engageant dans le peut
être, en revanche la même décision doit interrompre cela même qui est sa condition de pos
sibilité, le peut-être même » (p. 86 et passim).
Les guillemets autour du mot « vivante » signalent le lien nécessaire entre cette aporé
tique chanceuse du possible im-possible et une pensée de la spectralité (ni vive ni morte,
mais vive et morte).
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COMME SI C'ÉTAIT POSSIBLE, « WITHIN SUCH LIMITS »... 499
A toutes les études qu'on vient de lire, leurs auteurs le savent, j'ai
trop longtemps tardé, moi, à répondre. Est-ce pardonnable?
Or j'en demande pardon. Sincèrement. Mais non sans m'engager de
nouveau à répondre. Je promets ainsi de faire quelque chose qu'on
appelle «répondre», et de le faire, comme toujours devrait le faire,
croit-on, une réponse, à savoir en parlant. Non pas en joignant le
geste à la parole, comme on dit dans le langage ordinaire, mais en
faisant quelque chose avec des mots, selon la formule d'Austin.
Pourquoi nommer ici l'inventeur bien connu d'une distinction désor
mais familière? Telle paire de concepts (performatif/constatif) peut
être d'origine assez récente, elle est devenue canonique. Malgré
l'entêtement amusé de son auteur à ne se régler que sur le «langage
ordinaire», elle aura changé tant de choses dans le langage moins
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(3) Cf. par exemple How to do things with words, 1962 tr.fr. G. Lane, Quand dire,
c'est faire, Seuil, 1970, p. 119-120. De cette impureté, entendue autrement, j'ai aussi tenté
de tirer quelques conséquences (dans Limited Inc et ailleurs). Je pourrais, si le temps et
l'espace de cet exercice m'étaient donnés, y reconduire à peu près tout ce que j'ai pu tenter
de penser jusqu'ici.
(4) J.L. Austin, «Λ Plea for Excuses», in Philosophical Papers, Oxford, 1961, p. 185.
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voire écrit les textes qui précèdent ici le mien — c'est-à-dire quelques
ouvrages antérieurs dont ils traitent eux-mêmes, par exemple,
excusez du peu, ceux de la grande et canonique tradition, de Platon
et Aristote à Kant, Hegel, Husserl ou Heidegger, etc., dans leur
rapport à la science, mais aussi ceux qui en descendent aujourd'hui
plus ou moins légitimement et sur le mode mineur, dont les miens,
par hypothèse: nous sommes tous ici liés par le contrat que nous a
proposé le Directeur de la Revue Internationale de Philosophie. Un tel
contrat, tout lecteur est supposé l'accepter, comme ceux dont les
noms apparaissent au sommaire.
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COMME SI C'ÉTAIT POSSIBLE, « WITHIN SUCH LIMITS »... 505
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(6) Par exemple dans Le pardon, Aubier Montaigne, 1967 p. 204 et «Nous a-t-on
demandé pardon ?» in L'imprescriptible (1948-1971), Seuil, 1986, p. 47 sq.
(7) «... la déconstruction la plus rigoureuse ne s'est jamais présentée comme étrangère
à la littérature, ni surtout comme quelque chose de possible [...] elle ne perd rien à
s'avouer impossible, et ceux qui s'en réjouiraient trop vite ne perdent rien pour attendre. Le
danger pour une tâche de déconstruction, ce serait plutôt la possibilité, et de devenir un
ensemble disponible de procédures réglées, de pratiques méthodiques, de chemins acces
sibles. L'intérêt de la déconstruction, de sa force et de son désir, si elle en a, c'est une
certaine expérience de l'impossible [...] l'expérience de l'autre comme invention de
l'impossible, en d'autres termes comme la seule invention possible.» «Psyché, Invention
de l'autre» in Psyché ... Galilée, 1987, p. 26-27.
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comme si c'était possible, « within such limits » 509
(8) «We should be more radical than deconstruction, and completely leave the realm
of propositionalism. Derrida's thought invites us to do so». Je viens de souligner deux
mots.
1. Je souligne d'une part le mot «invite» pour des raisons qui s'éclairciront, je l'es
père, plus tard. L'hospitalité inconditionnelle, l'hospitalité à la fois pure et im-possible,
devra-t-on dire qu'elle répond à une logique de l'invitation (quand l'ipséité du chez-soi
accueille l'autre dans son horizon à elle, quand elle pose ses conditions, prétendant alors
savoir qui elle veut recevoir, attendre et inviter, et comment, jusqu'à quel point, qui il lui
est possible d'inviter, etc. ?) ou bien à une logique de la Visitation (l'hôte alors dit oui à la
venue ou à l'événement inattendu et imprévisible de qui vient, à n'importe quel moment,
en avance ou en retard, dans l'anachronie absolue, sans être invité, sans se faire annoncer,
sans horizon d'attente: comme un messie si peu identifiable et si peu anticipable que le
nom même de messie, la figure du messie, et surtout du messianisme, révéleraient encore
une hâte à donner le pas à l'invitation sur la Visitation). Comment se conformer au sens de
ce qu'on appelle un événement, à savoir la venue inanticipable de ce qui vient et de qui
vient, le sens de l'événement n'étant autre alors que le sens de l'autre, le sens de l'altérité
absolue? L'invitation garde le contrôle et reçoit dans les limites du possible; elle n'est
donc pas pure hospitalité; elle économise l'hospitalité, elle appartient encore à l'ordre du
juridique et du politique ; la Visitation, elle, en appelle au contraire à une hospitalité pure et
inconditionnelle qui accueille ce qui arrive comme im-possible. La seule hospitalité pos
sible, comme pure hospitalité, devrait donc faire l'impossible. Comment cet im-possible
serait-il possible ? Comment le deviendrait-il ? Quelle est la meilleure transaction —
économique et anéconomique — entre la logique de l'invitation et la logique de la Visita
tion? Entre leur analogie et leur hétérologie? Qu'est-ce alors que l'expérience, si elle est
ce devenir-possible de l'impossible comme tel ? Je ne suis pas sûr d'avoir pratiqué ou
préféré l'invitation, plutôt que l'attente sans attente de la Visitation, mais je ne jurerai de
rien.
2. D'autre part, je souligne aussi le mot radical, à savoir le puissant motif métaphysi
que de la radicalité dont ce mot rappelle la nécessité. On pense aux figures de la racine, de
la profondeur, de l'origine dite radicale, etc., d'Aristote (pour qui les causes sont des
«racines») à Husserl — et à tous les «fondationalismes», comme on dit dans le monde de
la pensée anglo-saxonne au cours de débats auxquels je n'ai jamais pu, je l'avoue, ajuster
mes prémisses. Car me sentant fondationaliste et anti-fondationaliste, d'un contexte
problématique à l'autre, d'une stratégie interrogative à l'autre, je ne sais donc me servir de
ce « mot » en général : en général je suis et reste « gnaM-fondationaliste ». Ce motif de la
radicalité, comme figure et comme injonction irrécusable, n'est-il pas justement ce qui est
soumis à la turbulence d'une déconstruction? Celle-ci n'a jamais prétendu au radicalisme
et en tous cas n'a jamais consisté en une surenchère de radicalité. Il reste qu'un excès à cet
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510 JACQUES DERRIDA
égard peut certes ne pas faire de mal (le radicalisme est en effet recommandable à toute
philosophie, il est sans doute la philosophie même) mais il risque de ne pas changer de
terrain, de ne pas changer le terrain soumis à la turbulence sismique dont je viens de
parler. C'est pourquoi, juste au-dessus, là où cette note est appelée, je souligne ces encom
brants «quasi» dont je me suis si souvent chargé. Sur déconstruction et radicalité et par
simple souci de brièveté, within such limits, je me permets de renvoyer, parmi les textes
les plus récents, à Spectres de Marx, Galilée 1993, p. 148 sq.
(9) Notamment dans The Tain ofthe Mirror, Derrida and the Philosophy of Reflection,
Harvard, 1986; tr. fr. Le tain du miroir..., tr. et intr. par Marc Froment-Meurice, Galilée,
1995, notamment p. 293.
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COMME SI C'ÉTAIT POSSIBLE, « WITHIN SUCH LIMITS » 511
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512 JACQUES DERRIDA
(12) Dire ou écrire, c'est à la fois assumer l'héritage de la langue naturelle et du lan
gage ordinaire tout en les formalisant, en les pliant à cette abstraction formalisante dont ils
portent originairement le pouvoir: l'usage d'un mot ou d'une phrase, aussi simples et
ordinaires soient-ils, la mise en œuvre de leur pouvoir, c'est déjà, par identification de mots
itérables, une idéalisation formalisante ; il n'y a donc pas plus de langage purement ordi
naire qu'il n'y a de langage purement philosophique, formel ou, en quelque sens que ce
soit, extraordinaire. En ce sens, s'il est vrai qu'il n'y a pas de «dernier mot», comme le dit
Austin, il est difficile de dire, comme il le fait, que le langage ordinaire est le «premier
mot», un mot simplement et indivisiblement «premier».
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COMME SI C'ÉTAIT POSSIBLE, « WITHIN SUCH LIMITS »... 513
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514 JACQUES DERRIDA
«Ce sont, disais-je alors, par naissance et pour une fois au moins, des
problèmes qui sont posés à la philosophie comme problèmes qu'elle
ne peut résoudre.
Peut-être même ces questions ne sont-elles pas philosophiques, ne
sont-elles plus de la philosophie. Elles devraient être néanmoins les
seules à pouvoir fonder aujourd'hui la communauté de ce que, dans le
monde, on appelle encore les philosophes par un souvenir, au moins,
qu'il faudrait interroger sans désemparer [...] Communauté de la
question, donc, en cette fragile instance où la question n'est pas
encore assez déterminée pour que l'hypocrisie d'une réponse se soit
déjà invitée sous le masque de la question, pour que sa voix se soit
déjà laissé articuler en fraude dans la syntaxe de la question [...]
Communauté de la question sur la possibilité de la question. C'est
peu — ce n'est presque rien — mais là se réfugient et se résument
aujourd'hui une dignité et un devoir inentamable de décision. Une
inentamable responsabilité.
Pourquoi inentamable? Parce que l'impossible a déjà eu lieu [...] il y
a une histoire de la question [...] la question a déjà commencé [...]
Demeure fondée, tradition réalisée de la question demeurée question
[...] correspondance de la question avec elle-même [...]».
Qu'on me pardonne aussi cette longue citation d'un texte ancien.
Dirai-je que je m'en excuse moi-même, encore? Au-delà de la
faiblesse dont on pourrait m'accuser, je voulais d'abord reconnaître
une trajectoire qui croise, au moins, depuis si longtemps, bien des
motifs « problématologiques » élaborés par Michel Meyer, surtout
quand il écrit justement que «Problematicity is historicity ». Mais,
surpris moi-même (puis-je l'avouer sans avoir l'air trop naïf ou bête
ment rassuré au regard ce qui pourrait n'être qu'immobilisme et
monotonie?) par l'insistance ou la constance du propos et par la
continuité du déplacement, je voulais surtout localiser les motifs
nouveaux qui, sans rupture, parce qu'ils ne cessent de m'occuper dans
mes séminaires des dernières années, n'ont pas encore été abordés, ici
même, dans l'ensemble des textes. J'avais annoncé en effet que je
souhaitais, plutôt que répondre à tous les essais de ce volume,
correspondre avec eux en situant plutôt certaines difficultés de mon
travail en cours. Les mots soulignés dans la citation que je viens de
faire, ce sont d'abord des indications à cet égard, et des pistes pour
moi; ils font signe vers les thèmes et problèmes qui m'assiègent
aujourd'hui : une autre manière de penser la limite du philosophique
au regard de questions comme Y hospitalité (invitation/visitation, et
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COMME SI C'ÉTAIT POSSIBLE, « WITHIN SUCH LIMITS »... 515
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516 JACQUES DERRIDA
(19) Ibid., p. 63
(20) « Invention de l'autre » in Psyché, Inventions de l'autre, Galilée, 1979, p. 59
(21) Flammarion, 1980, cf. surtout p. 133, 135, 517.
(22) P. 517.
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COMME SI C'ÉTAIT POSSIBLE, « WITHIN SUCH LIMITS »... 517
(23) P. 30
(24) P. 87sq.
(25) La Carte Postale..., p. 430 sq.
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518 JACQUES DERRIDA
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COMME SI C'ÉTAIT POSSIBLE, « WITHIN SUCH LIMITS »... 519
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520 JACQUES DERRIDA
(26) Sur cette impossible possibilité, cette /m-possibilité comme pervertibilité, comme
perversion toujours possible de la promesse en menace, cf. «Avances», Préface à S.
Margel, Le tombeau du Dieu artisan, Minuit, 1995.
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COMME SI C'ÉTAIT POSSIBLE, « WITHIN SUCH LIMITS » 521
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522 JACQUES DERRIDA
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COMME SI C'ÉTAIT POSSIBLE, « WITHIN SUCH LIMITS » 523
dans les deux cas qu'on a plutôt affaire, je le crois et le suggérais déjà
plus haut, à un rapport d'homonymie et non de figuralité ou de syno
nymie. C'est à partir de cette conviction que, à tort ou à raison, j'ai
traité khora, dans le Timée, comme un quasi nom propre. Si khora se
soustrait à toute métaphore, ce n'est pas pour rester inaccessible dans
sa propre propriété, dans son ipséité, dans le soi-même de ce qu'elle
est. Plutôt, plus tôt, parce que ce qu'il y a là, ce n'est pas khora elle
même. Il n'y a pas de khora elle-même (comme le soupçonne si juste
ment John Sallis quand il précise « if there be a khora itself »). Cela
paraît très déroutant, je le concède. Cette unicité sans propriété met en
crise, par exemple, ici et non nécessairement ailleurs, toute distinction
entre figure et non-figure, et donc cette distinction entre «literal
reading » et «figurai reading», que Michel Meyer a sans doute raison,
dans d'autres cas, de dissocier comme deux «steps». Il y a là, dans le
cas singulier de khora (mais aussi de ses analogues qui restent pour
tant absolument singuliers et différents) un nom sans réfèrent, sans
référent qui soit une chose ou un étant ni même un phénomène appa
raissant comme tel. Cette possibilité désorganise donc tout le régime
de la question de type philosophique (ontologique ou transcendantal)
sans céder à un empirisme pré-philosophique. Elle ne s'y annonce que
sous la figure de l'impossible qui n'est plus une figure et dont j'ai
essayé de montrer qu'il n'apparaît jamais comme tel (28). Il met en
déroute le «comme tel», et lui ôte son statut de critère phénoméno
ontologique. J'essaie de m'expliquer sur la nécessité de cette nomina
tion singulière, sur sa contingence aussi, et sur ce dont nous héritons
là, à savoir d'un nom de la langue naturelle dans son usage ordinaire
{khora), un nom à la fois remplaçable et irremplaçable. Etre rempla
çable dans son irremplaçabilité même, c'est ce qui arrive à toute
singularité, à tout nom propre, même et surtout quand ce qu'il nomme
«proprement» n'a pas un rapport de propriété indivisible à soi, à
quelque self qui serait proprement ce qu'il est comme tel, à quelque
ipséité intacte. Prothèse du nom propre qui en vient à signifier, à
appeler (sans aucun référent ontique, sans rien qui apparaisse comme
tel, sans objet ni étant correspondant, sans un sens qui soit dans le
(28) «L'aporie ultime, c'est l'impossibilité de l'aporie comme telle.» Apories, Galilée
1993, p. 137. Autre façon de souligner qu'il n'y a pas de question sans problème, mais pas
de problème qui ne se dissimule ou protège derrière la possibilité d'une réponse.
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524 JACQUES DERRIDA
monde ou hors du monde) quelque «chose» qui n'est pas une chose
et qui est sans aucun rapport d'analogie avec quoi que ce soit. Cette
nomination est un événement (à la fois impossible et décisoire, dont
nous pouvons ou non décider d'hériter). Mais toute nomination inau
gurale n'est-elle pas un événement? La donation du nom, n'est-ce pas
le performatif par excellence ?
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COMME SI C'ÉTAIT POSSIBLE, « WITHIN SUCH LIMITS »... 525
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526 JACQUES DERRIDA
gique. Le réel, c'est cet im-possible non négatif, cette venue ou cette
invention im-possible de l'événement dont la pensée n'est pas une
onto-phénoménologie. Il s'agit là d'une pensée de l'événement (sin
gularité de l'autre, dans sa venue inanticipable, hic et nunc) qui résiste
à sa réappropriation par une ontologie ou une phénoménologie de la
présence comme telle. Je tente de dissocier le concept d'événement et
la valeur de présence. Ce n'est pas facile mais j'essaie de démontrer
cette nécessité, comme celle de penser l'événement sans l'être. Rien
n'est plus «réaliste», en ce sens, qu'une «déconstruction». Elle est
(ce) qui arrive. Et il n'y a là aucune fatalité devant le fait accompli : ni
empirisme ni relativisme. Est-ce être empiriste ou relativiste que de
prendre sérieusement en compte ce qui arrive, et les différences de
tous ordres, à commencer par celle des contextes ?
Sans vouloir y réduire toute sa richesse et toutes les voies de ses
démonstrations, je trouve aussi remarquable que, suivant lui aussi ce
fil de l'analogie sans analogie, Christopher Johnson écarte d'abord le
mot de « métaphore » (« The metaphor of writing, as it is articulated
with the genetic and the biological in Derrida's texts, is not simply
metaphor.»). Après avoir proposé «a more discriminating vocabu
lary», ici le mot d'«isomorphisme», il réoriente de façon à mes yeux
très lucide et très sûre la prémisse même de ce choix vers une autre
logique ou vers une autre structure, celle de la « catastrophe métapho
rique » qui change toute la scène et oblige à reconsidérer la structure
d'une inversion sémantique ou d'une classification conceptuelle. Par
exemple : « not only is the term a germ, but the germ is, in the most
général sense, a term» (Analyse qu'il serait peut-être fécond de
croiser avec celle de Karel Thein autour des «germes» «forts» ou
«faibles» et du sperma athanaton). Que cette remarquable analyse
trouve son horizon privilégié dans les sciences dites de la vie, la
biologie et la cybernétique (mais sans céder au vitalisme, comme le
souligne justement Johnson), il faut sans doute en tenir compte. Mais
est-ce là seulement le choix de Johnson (ce qui ne l'a pas empêché
d'ouvrir un champ de questionnement riche et diversifié)? Ou bien,
compte tenu de ce qu'il dit en fin de parcours du système «ouvert» et
de sa limite, de la nécessité d'inclure son propre discours comme un
exemple du système décrit («et plus qu'un exemple», ajoute-t-il, et
j'aurais eu envie de lui demander de m'aider à penser ce «plus qu'un
exemple»), peut-on alors étendre ce qu'il démontre à d'autres
sciences, à des sciences qui ne seraient plus des sciences du vivant?
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COMME SI C'ÉTAIT POSSIBLE, « WITHIN SUCH LIMITS »... 527
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528 JACQUES DERRIDA
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COMME SI C'ÉTAIT POSSIBLE, « WITHIN SUCH LIMITS »... 529
poser pour marquer et passer ces frontières : les passer dans le sens
où passer, c'est excéder et passer de l'autre coté, excéder la limite en
la confirmant, en la prenant en compte, mais aussi où passer, c'est
ne pas se laisser arrêter à une frontière, ne pas tenir une frontière
pour une frontière, pour une infranchissable opposition entre deux
domaines hétérogènes. Cette double «logique» de la limite, voilà ce
que j'aurais voulu essayer ici de formaliser à travers les «réponses»
que j'ébauche, d'une séquence aphoristique l'autre. Je crois ainsi que
les ordres de la pensée et de la philosophie, s'ils ne se laissent pas
réduire à l'ordre du savoir scientifique, ne lui sont pourtant pas
simplement extérieurs, à la fois parce qu'ils en reçoivent l'essentiel et
parce qu'ils peuvent, depuis l'autre côté de la limite, avoir des effets
dans le dedans du champ scientifique (J'ai essayé ailleurs d'y articuler
aussi l'ordre de la «foi») (33). Les progrès ou les inventions scienti
fiques répondent aussi à des questions de «type» philosophique. C'est
pourquoi ces limites différentielles ne signifient jamais des limites
oppositionnelles ou des exclusions. C'est pourquoi je ne dirai jamais
«la science ne pense pas». Comment ne pas être très reconnaissant à
Johnson, Norris et Plotnitsky, de l'avoir non seulement compris, argu
menté, élaboré, mais d'avoir déployé ce geste de façon chaque fois
inédite? Comme l'ont fait tous les auteurs de cet ensemble, il en ont
porté et exploré la nécessité bien au-delà du point où je pourrais
jamais y prétendre moi-même.
(33) Cf. «Foi et savoir. Les deux sources de la "religion"aux limites de la simple
raison», in La Religion, ed. J. Derrida et G. Vattimo, Seuil, 1996.
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