Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
LIVRE DIX-SEPTIÈME
L'espèce humaine a eu des monstres qui ont émis sur les dieux
immortels des opinions impies et mensongères ; elle a produit aussi
des hommes assez prodigieusement insensés (et de ce nombre sont
Gallus Asinius et Largius Licinius, auteurs d'un ouvrage connu sous ce
titre incroyable : Ciceromastiae, (Le Fouet de Cicéron) pour oser
écrire que le style de M. Cicéron manque de pureté, de justesse et de
réflexion. Ce reproche, non plus que tant d'autres qu'ils lui ont faits,
ne mérite aucune attention. Examinons seulement, s'il vous plaît, une
de leurs critiques où ils se flattent de s'être surpassés dans l'art subtil
de peser les mots.
Suivant eux, se repentir n'est pas le mot propre ; c'est presque une
ineptie. Nous ne nous repentons, disent-ils, que lorsque ce que nous
avons fait ou ce qui a été fait par notre ordre ou notre conseil, vient à
nous déplaire, et que nous changeons d'avis. Mais c'est mal parler
que de dire : « Je me repens d'être né ; je me repens d'être mortel ;
je me repens de m'être heurté et blessé », parce que rien de tout
cela ne dépend de notre volonté ; tout cela nous arrive malgré nous,
d'après les lois invincibles de la nature. Ainsi, continuent-ils, il n'a
certes pas dépendu de M. Célius de naître avec telle ou telle figure,
pourquoi dire que Célius ne se repent pas de celle qu'il a reçue de la
nature, comme s'il y avait là matière à repentir ? » Tel est donc le
sens qu'ils attribuent à ce verbe : on ne peut se repentir que d'un
acte volontaire et libre. Cependant des écrivains antérieurs ont donné
au verbe paenitet une autre signification, le faisant dériver de paene,
presque, et de paenuria, pénurie mais je n'ai pas à m'occuper ici de
son étymologie, et j'en parlerai ailleurs. Pour le moment, je dirai que,
dans le sens le plus usuel, loin d'être une ineptie, l'expression de M.
Cicéron a de l'enjouement et de la grâce. En effet, les ennemis et les
détracteurs de M. Célius, pour le calomnier dans ses mœurs,
l'interpellaient sur sa beauté. Cicéron se joue d'un système
d'accusation aussi absurde qui fait un crime à son client des
avantages qu'il tient de la nature, et feignant de partager l'erreur
dont il se moque : « M. Célius, dit-il, ne se repent pas, non paenitet,
de n'être pas né difforme. » C'était bien, par une expression
ingénieuse, confondre les ennemis de Célius, et leur montrer combien
il était ridicule de lui faire un crime de sa beauté, comme s'il avait eu
le choix de naître avec telle ou telle figure.
Illatebrant est un verbe poétique qui n'est pas déplacé là, et n'a rien
qui blesse.
- Ea dum fiunt, Latini subnixo animo,( cependant les Latins, dont le
courage s'anime).
Subnixo, c'est à-dire sublimi, élevé, et supra nixo, appuyé sur, est
une expression pittoresque et recherchée. Elle exprime bien le réveil
de l'âme, qui s'appuie sur elle-même, pour s'élever et se grandir.
- Domus suas quemque ire iubet et sua omnia fruisci, (il ordonne
qu'on se retire chacun chez soi pour jouir de tous ses biens).
Illi vero omni iure atque honestate interdicti, ego neque aqua neque
igni careo et summa gloria fruiscor,(la justice et l'honnêteté leur sont
interdites ; pour moi, je ne suis privé ni de l'eau ni du feu, et je jouis
d'une grande gloire).
(Ce qu'ils ont acquis avec tant de peine, ils ne peuvent en jouir : celui
qui n'a pas fait d'épargnes a joui).
Claudius dit encore :
- Sole occaso, (le soleil couché) : cette expression n'est pas sans
grâce pour une oreille qui n'est ni obtuse ni hébétée. On trouve ce
mot dans les Douze Tables :
In Gallos est plus pur et plus simple que cum Gallis ou contra Gallos,
constructions lourdes et vulgaires.
(sa beauté, ses hauts faits, son éloquence, sa dignité, sa vivacité, son
assurance, tout l'élevait au-dessus des autres en sorte qu'il était aisé
de comprendre qu'il avait en lui et en dehors de lui de grandes
ressources pour renverser la République.
(Car M. Manlius, qui sauva le Capitole assiégé par les Gaulois, comme
je l'ai raconté plus haut, et qui, sous la dictature de M. Furius, a si
bien mérité de la République par sa valeur extraordinaire et
incomparable contre ce peuple, ne le cédait à personne en noblesse
et en vertus militaires).
Apprime est plus usité, cumprime plus rare ; il dérive de cumprimis,
qui a précédé in primis, avant tout.
(Car la plus grande injustice des dieux, c'est d'accorder une longue
vie aux méchants, et de laisser à peine séjourner ici-bas l'homme de
bien).
Diurnare pour diu vivere, vivre longtemps n'est pas usité ; il est
formé comme perennare, être durable.
et
(ils pensaient que ceux qui étaient dans la citadelle entretenaient des
communications et des intelligences avec le dehors).
Apollodore ajoute, dans le même ouvrage, que sur ces cent cinq
pièces, huit seulement remportèrent le prix.
Voici les raisons et les paroles qu'il met dans la bouche de C. Lélius,
ce sage qui avait été l'intime ami de P. Scipion l'Africain : « Quel
besoin avait de moi Scipion l'Africain ? moi-même je n'avais pas
besoin de lui. Mon admiration pour son courage et la bonne opinion
peut-être qu'il avait de mes mœurs augmentèrent les liens qui nous
unirent. Notre amitié s'accrut par cela même. Si nous y avons trouvé
de grands avantages, ce ne fut pas cet espoir qui la fit naître. On
n'est pas bienfaisant et libéral en vue de la reconnaissance : car un
bienfait n'est pas lié à l’intérêt, et la libéralité est l'effet d'un penchant
naturel ; de même dans l'amitié nous ne devons nous proposer
d'autre avantage que celui de l'amitié même et du plaisir d'aimer. »
VII. Ces paroles de la loi Atinia : quod subruptum erit, eius rei
aeterna auctoritas esto, un objet e été volé, que le droit sur cet objet
soit éternel, ont paru à P. Nigidius et à Q. Scaevola regarder le passé
aussi bien que l'avenir.
Quod subruptum erit, eius rei aeterna auctoritas esto, (un objet a été
volé, que le droit sur cet objet soit éternel).
Pour lui, il ne trouve pas, non plus, que le temps soit déterminé avec
précision ; mais sa dissertation est fort laconique et obscure : il
semble qu'il se soit proposé de prendre des notes pour aider sa
mémoire, plutôt quo pour instruire les lecteurs.
Voici cependant quelle paraît être son opinion : esse, être; erit, il
sera ; isolés, ils conservent leur temps ; joints à un participe passé,
ils perdent leur signification propre, et marquent le passé. En effet,
quand je dis in campo est, in comitio est, il est dans le camp, il est
dans le comitium, j'indique le présent ; de même que quand je dis in
campo erit, il sera dans le camp, je désigne le temps futur ; mais
quand je dis factum est, scriptum est, subreptum est, il e été fait, il a
été écrit, il a été dérobé, bien que ce soit le présent du verbe esse, il
s'assimile au participe passé, et cesse d'être un présent. De même,
dans la loi, séparez les deux mots subreptum et erit, et entendez-les
comme certamen erit, il y aura un combat, ou sacrificium erit, il y
aura un sacrifice, la loi n'aura statué que pour l'avenir. Au contraire,
recueillez-les dans une seule et même pensée, de manière que les
verbes subreptum erit n'en forment plus qu'un, dans une même
conjugaison passive, la loi dès lors désigne aussi bien le passé que
l'avenir.
IX. Des abréviations que l'on remarque dans les lettres de C. César,
et autres stratagèmes de correspondance dont il est fait mention
dans l'histoire ancienne. Ce que c'était que la lettre appelée scytale à
Lacédémone.
Nous avons un recueil des lettres du C. César à C. Oppius et Balbus
Cornélius, chargés du soin de ses affaires en son absence. Dans ces
lettres, on trouve, en certains endroits, des fragments de syllabes
sans liaison, caractères isolés, qu'on croirait jetés au hasard : il est
impossible d'en former aucun mot. C'était un stratagème dont ils
étaient convenus entre eux : sur le papier une lettre prenait la place
et le nom d'une autre ; mais le lecteur restituait à chacune son nom
et sa signification ; ils s'étaient entendus, comme je viens de le dire,
sur les substitutions à faire subir aux lettres, avant d'employer cette
manière mystérieuse de correspondre. Le grammairien Probus a
même publié un commentaire assez curieux pour donner la clef de
l'alphabet employé dans les lettres de C. César. Jadis, à Lacédémone,
quand l'État adressait à ses généraux des dépêches secrètes qui
devaient rester inintelligibles à l'ennemi au cas où elles seraient
interceptées, on recourait à ce stratagème : on avait deux bâtons
ronds, allongés, de même grosseur et de même longueur, polis et
préparés de la même manière ; l'un était remis au général à son
départ pour l'armée, l'autre restait confié aux magistrats, avec les
tables de la loi et le sceau public. Quand on avait à écrire au général
quelque chose de secret, on roulait sur ce cylindre une bande de
médiocre largeur et de longueur suffisante, en manière de spirale ;
les anneaux de la bande, ainsi roulés, devaient être exactement
appliqués et unis l'un à l'autre. Puis on traçait les caractères
transversalement, les lignes allant de haut en bas. La bande, ainsi
chargée d'écriture, était enlevée du cylindre et envoyée au général au
fait du stratagème ; après la séparation, elle n'offrait plus que des
lettres tronquées et mutilées, des corps et des têtes de lettres,
divisés et épars : aussi la dépêche pouvait tomber au pouvoir de
l'ennemi sans qu'il lui fût possible d'en deviner le contenu. Quand elle
était arrivée à sa destination, le général, qui connaissait le procédé,
roulait la bande sur le cylindre pareil qu'il avait, depuis le
commencement jusqu'à la fin. Les caractères, que ramenait au même
point l'égalité de volume du cylindre, correspondaient de nouveau, et
présentaient l'ensemble d'une lettre complète et facile à lire. Les
Lacédémoniens appelaient ζθπηάιε cette espèce de lettre. J'ai encore
lu, dans une vieille histoire de Carthage, qu'un personnage illustre de
cette ville (je ne me souviens pas s'il s'agit d'Hasdrubal ou d'un autre)
recourut à l'expédient qui suit pour dissimuler une correspondance
sur des secrets importants : il prit des tablettes neuves, qui n'étaient
pas encore enduites de cire; il écrivit sur le bois, puis étendit la cire
par-dessus selon l'usage, et envoya les tablettes, où rien ne semblait
écrit, à son correspondant, qui, prévenu, gratta l'enduit, et lut
aisément la lettre sur le bois.
Écoutez maintenant, dit-il, les vers que Virgile a faits, ou, pour mieux
dire, ébauchés :
Et d'abord Pindare s'est tenu plus près de la vérité ; il dit, ce qui est
exact, ce qui est ordinaire, ce que les yeux peuvent observer, que
l'Etna jette le jour de la fumée, et la nuit des flammes.
Les sujets infâmes, ou, si l'on aime mieux, insoutenables, appelés par
les Grecs thèses paradoxales, ont exercé les sophistes et même les
philosophes anciens. Notre Favorinus aimait beaucoup à traiter ces
sortes de matières, qu'il jugeait propres à éveiller l'esprit, à lui
donner de la souplesse, à l'aguerrir contre les difficultés. Ainsi, par
exemple, il fit l'éloge de Thersite et l'apologie de la fièvre quarte ; sur
ces deux sujets il trouva des idées ingénieuses et originales, qu'il a
consignées dans ses ouvrages.
Ce vers signifie qu'on ne peut pas être toujours bien ; qu'on est bien
un jour, mal un autre : « Donc, ajouta-t-il, si, dans les choses
humaines, le bien et le mal reviennent tour à tour, combien une
fièvre qui ne revient qu'à un intervalle de deux jours n'est-elle pas
une chose heureuse ! Deux mères et une marâtre ! »
il n'est pas douteux que M. Tullius ne soit le plus éloquent de tous les
Orateurs ; autre encore dans la phrase suivante, où elle est au
contraire négative :
si je les mentionne ici en dernier lieu, ce n'est pas qu'ils ne soient des
peuples pleins de droiture et de valeur.
Neque satis habuit, quod eum in occulto vitiaverat, quin eius famam
prostitueret,
Je n'ignore pas que l'on peut dire franchement qu'il n'y a pas là de
difficulté, que quin, dans les deux endroits, a été mis pour ut ; et tout
s'aplanit si l'on écrit :
et encore :
Publius a écrit des mimes qui lui ont mérité d'être placé à côté de
Labérius. Caïus César était tellement choqué de l'esprit satirique et
insolent de ce dernier, qu'il déclarait hautement que les mimes de
Publius lui paraissaient plus agréables et d'un plus grand mérite que
ceux de Labérius. La plupart des pensées de Publius sont charmantes,
et très bien disposées pour l'agrément de la conversation. Je choisis
les suivantes, renfermés chacune dans un vers : c'est un véritable
plaisir pour moi de les transcrire.
Celui à qui l'on permet plus qu'il ne convient, veut plus qu'il ne lui est
permis.
Vis avec ton ami comme si tu pensais qu'il puisse devenir ton ennemi.
Q. Ennius se vantait d'avoir trois cœurs, parce qu'il savait parler grec,
osque et latin. Mithridate, le célèbre roi du Pont et de Bithynie, qui fut
vaincu par Cn. Pompée, possédait à fond les langues des vingt-cinq
peuples soumis à son empire. Jamais il ne se servait d'interprète pour
s'entretenir avec les habitants de ces différentes contrées; mais,
changeant de langue selon les personnes auxquelles il s'adressait, il
parlait à chacune son idiome national, aussi bien que s'il eût été de
son pays.
Πᾶζα γὰξ πξᾶμηο ὧδε ἔρεη · αὑηὴ ἐθ' ἐαπηῆο πξαηηνκέλε νὔηε θαιὴ νὔηε
αἰζρξά · νἷνλ λῦλ ἡκεῖο πνηνῦκελ, ἢ πίλεηλ ἢ ἄδεηλ ἢ δηαιέγεζζαη. Οὐθ
ἔζηη ηνύησλ αὐηὸ θαζ' αὑηὸ , θαιὸλ νὐδέλ · ἀιι' ἐλ ηῇ πξάμεη, ὡο ἄλ
πξαρζῇ, ηνηνῦηνλ ἀπέβε · θαιῶο κὲλ γὰξ πξαηηόκελνλ θαὶ ὀξζῶο
θαιὸλ γίγλεηαη, κὴ ὀξζῶο δὲ αἰζρξόλ · νὕησ δὲ θαὶ ηὸ ἐξᾶλ θαὶ ηὸ ἔξνο
νὐ πᾶο ἔζξη θαιὸο νὐδὲ ἄμηνο ἐγθσκηάδεζζαη, ἀιι' ὁ θαιῶο πξνηξέπσλ
ἐξᾶλ.