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1/4/2018 Lorsque la psyché est le reflet du corps. Une nouvelle alliance entre les neurosciences et la psychothérapie | Cairn.

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Lorsque la psyché est le reflet du corps. Une nouvelle


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alliance entre les neurosciences et la


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par Luigi Onnis [ 2] Sommaire du numéro

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familiale et de

pratiques de
« Il y a plus de raison dans ton corps que dans la meilleure sagesse »
réseaux

Nietzsche (1985)
2009/2 (n° 43)

Pages : 274

ISBN : 9782804102555
“L’âme respire par le corps et la souffrance, provenant de la peau ou d’une image

DOI : 10.3917/ctf.043.0065

mentale, a lieu dans la chair”


Éditeur : De Boeck Supérieur

Damasio (1999)
À propos de cette revue

Site de la revue

Introduction : unités retrouvées

Alertes e-mail

1
Sommaire des nouveaux e discours sur la relation corps-esprit et sur ses implications en

numéros
L psychothérapie présente aujourd’hui des tonalités particulières ; en effet,

Votre e-mail suite au développement récent et extraordinaire des neurosciences, l’exigence

Voir un exemple S'inscrire ➜ d’une conception unitaire de l’être humain s’est imposée de plus en plus.

2
De fait, la culture occidentale dans son ensemble, de Platon à Descartes

jusqu’aux sciences modernes, s’est construite sur des fragmentations et des

dichotomies, à commencer par la séparation fondamentale entre l’âme et le

corps. En effet, le courant prédominant de pensée a considéré depuis la

philosophie grecque jusqu’à aujourd’hui, la “psyché” comme le lieu de

reconnaissance de l’ “identité” du sujet. Toutefois, ce lieu d’identification

contient en lui le principe de séparation car en tant que conscience de soi, la

“psyché” est d’abord pensée pour soi et implique donc la séparation de sa propre

corporéité (Galimberti, 1983)

3
On a dès lors réduit le corps à un “objet”, une pure agglomération d’organes :

c’est avec ce regard “objectivant” que les sciences médicales l’ont donc considéré,

lui et ses manifestations, en écartant toute explication n’évoquant pas de simples

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accidents biologiques et en excluant définitivement le rapport du corps avec son

monde et donc avec ses modalités d’existence (Onnis, 1985).

4
Cependant, ces quinze dernières années ont vu apparaître une authentique

révolution scientifique portée par de nombreuses études, en particulier dans le

domaine des neurosciences : elles ont conduit à l’exigence de dépasser les

séparations et les dichotomies entre psyché et soma, non pas sur la base

d’évaluations abstraites fondées sur des principes de l’“inséparable unité

psychosomatique de l’individu”, mais en s’appuyant sur des données

scientifiquement établies.

5
En analysant dans cette perspective la relation corps-esprit, il devient toutefois

nécessaire de se réinterroger sur le sens que l’on attribue au concept d’esprit.

Dans le langage courant, l’“esprit” est associé aux facultés intellectuelles

supérieures, à la pensée, et en particulier à ce que nous appelons « raison ».

Cependant, écrit Damasio (1995), l’un des auteurs qui a le plus contribué à cette

révolution scientifique, “dans la raison coopèrent les régions cérébrales de “haut”

niveau et les régions cérébrales de “bas” niveau, allant du cortex préfrontal

jusqu’à l’hypothalamus et le tronc cérébral. Dans l’édifice neural de la raison, les

niveaux plus bas règlent l’élaboration des émotions et des sentiments ainsi que

les fonctions somatiques nécessaires à la survie de l’organisme. Ces niveaux

maintiennent tout à la fois des relations directes et mutuelles avec presque tous

les organes du corps: ceci a lieu directement à l’intérieur de la chaîne d’opérations qui

génèrent les conquêtes plus hautes du raisonnement, de la décision et, par extension, du

comportement social et de la créativité” (Damasio, 1995, p. 20).

6
La conception de Damasio qui évoque à ce sujet l’“erreur de Descartes”, n’a rien

de spéculative : elle est fondée sur une observation attentive de patients

présentant des atteintes neurologiques, chez qui s’associe à la perte des

capacités décisionnelles, une évidente altération de la capacité d’éprouver des

sentiments.

7
Loin d’être des antagonistes ou des intrus dans le monde de la raison, l’émotion,

le sentiment et la régulation biologique ont au contraire un rôle dans le

fonctionnement de l’esprit humain lequel se nourrit d’eux et a ses racines dans le

corps et dans ses contacts avec l’environnement.

8
C’est ce qui a conduit Damasio à affirmer que les “processus physiologiques que

nous appelons “esprit” dérivent d’un ensemble structurel et fonctionnel plutôt

que d’un seul cerveau: ce n’est que dans le contexte de l’interaction d’un

organisme, c’est-à-dire de l’entièreté du corps avec l’environnement, qu’on peut

comprendre les phénomènes mentaux” (Damasio, 1995, p. 24).

9
Nous pouvons remarquer combien cette conception fondée scientifiquement est

proche de l’évaluation anticipatrice de Bateson (1984) qui considérait le concept

d’“esprit” comme le résultat d’“un continuum circulaire soma-psyché-

environnement”.

10
Mais en avant-plan, c’est bien la centralité du corps en tant que siège des

émotions et moyen de connexion avec l’environnement, qui est mise en

évidence, car elle constitue un cadre de référence indispensable pour les

processus neuraux que nous définissons comme étant l’“esprit”.

11
Lorsqu’on parle de cerveau et d’esprit, ajoute Damasio, il n’est pas courant de se

référer aux organes. “Face à l’évidence que l’esprit découle du fonctionnement

des neurones, l’on ne discute que d’eux, comme si leur fonctionnement pouvait

être indépendant de celui du reste du corps. Mais, lorsque j’étudiais les troubles

de la mémoire, du langage et de la raison chez des êtres humains atteints de

lésions cérébrales, l’idée que l’activité mentale, dans ses aspects plus simples

comme dans ses aspects plus élevés, nécessitait à la fois du cerveau et du corps,

s’est imposée de plus en plus. Le corps offre à mon avis au cerveau beaucoup plus

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qu’un simple support ou qu’une simple modulation : il fournit la matière de base

pour les représentations cérébrales. L’âme respire à travers le corps, et la souffrance,

qu’elle provienne de la peau ou d’une image mentale, a lieu dans la chair” (Damasio 1995,

p. 25).

12
Les termes et les expériences rapportés par Damasio ne peuvent être plus clairs

pour souligner l’existence de liens inséparables entre l’esprit et le corps. Cette

association est confirmée et approfondie par d’autres recherches menées dans le

domaine des neurosciences.

13
Nous aimerions les aborder dans cet article en mettant en évidence que là où l’on

touche à la question délicate des processus mentaux, les neurosciences

pénètrent dans des territoires habituellement entretenus par la psychologie et la

psychothérapie. Elles traitent cette fois des thèmes qui ne sont pas en

dissonance avec les autres disciplines, mais paraissent au contraire apporter

confirmation et soutien au niveau neurobiologique des expériences cliniques, et

aux résultats empiriques de la psychologie du développement, de l’infant research

et de la dynamique du processus psychothérapeutique.

L’un des objectifs de cet article est justement de souligner combien, à partir du

moment où l’on peut retrouver l’unité corps-esprit perdue depuis trop

longtemps, il devient possible de récupérer une autre unité: celle qui réunit la

psychologie, la psychothérapie et les neurosciences.

Si, après les tentatives généreuses mais vaines de Freud dans son “Esquisse pour

une psychologie scientifique” (1895), les neurosciences ont été considérées

comme antagonistes aux disciplines du psychisme, vu la prédominance dans

tous les domaines d’une épistémologie réductionniste, aujourd’hui au contraire,

resurgissent les présupposés d’ “une nouvelle alliance” entre neurosciences et

psychothérapie. Nous tenterons d’en mettre en évidence certains des aspects.

Nous décrirons d’abord dans les grandes lignes les principaux éléments des

recherches des neurosciences et nous en discuterons ensuite les implications en

psychothérapie, et en particulier dans l’approche systémique.

Les neurosciences et l’étude de l’esprit

14
Les recherches récentes sur les processus mentaux ont été grandement facilitées

grâce aux techniques de neuro-imagerie (en particulier, la Résonance

Magnétique Fonctionnelle ou FMRI = Functional Magnetic Resonance Imaging)

qui ont permis une étude du cerveau in vivo.

15
Un élément significatif transversal qui émerge de la plupart des recherches est la

mise en évidence du rôle de la psychothérapie dans l’induction de changements

structurels au niveau du cerveau par le biais de la formation de nouvelles

connexions synaptiques. La parole, et donc certainement toutes les composantes

émotionnelles qui l’accompagnent, induit des modifications biochimiques dans

le cerveau, alors qu’auparavant, cet effet était généralement réservé à la

pharmacothérapie. La “parole comme médicament”, donc ! (cf. Kandel, 1999).

C’est ce que les psychothérapeutes, conscients du pouvoir curatif des mots, ont

toujours soutenu, mais qui trouve actuellement une démonstration évidente,

ôtant ainsi son support à la critique qui stigmatisait la psychothérapie en tant

qu’ “inconsistance scientifique” par rapport à la pharmacothérapie à laquelle on

la pensait soumise.

Les recherches de Kandel et LeDoux: la “mémoire

implicite”

16
Eric Kandel, prix Nobel de médecine en 2000, a orienté ses recherches

essentiellement sur les processus d’apprentissage et de mémorisation. En

étudiant les réponses données à des stimuli nociceptifs induits chez des

mollusques marins, il a distingué une “mémoire à court terme” et une mémoire

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mollusques marins, il a distingué une mémoire à court terme et une mémoire

“à long terme” ; de plus, il a mis en évidence que le passage de l’une à l’autre n’est

pas lié uniquement à la répétition prolongée du stimulus et donc au simple

“renforcement” des connexions neurales déjà existantes, mais est dû au fait qu’il

y a une activation pour constituer des connexions synaptiques tout à fait

nouvelles. Ce phénomène, situé à des niveaux de complexité majeure, se

retrouve aussi dans le cerveau des mammifères supérieurs et de l’être humain. A

partir de ces données sur les modalités de “stockage stable des souvenirs”,

Kandel distingue chez l’homme deux types de mémoire:

la mémoire implicite qui est essentiellement une mémoire affective,

émotionnelle, liée à des perceptions somatiques ; elle a son siège dans le

système limbique et en particulier, dans l’amygdale. Elle accompagne

l’apprentissage de l’enfant dès la naissance, et est la seule présente durant les

deux premières années de sa vie ; elle est dite implicite car elle ne s’associe pas

à la conscience de se remémorer;

la mémoire explicite qui est, par contre, une mémoire déclarative et

sémantique ; elle élabore des informations en provenance de l’hippocampe,

une structure intégrative cérébrale connectée avec le cortex et dont la

maturation n’a lieu que vers l’âge de 18 mois.

LeDoux (1998 et 2003) revient sur ces thématiques dans ses études sur le “cerveau

émotionnel” : il souligne que la mémoire implicite est essentiellement influencée

par des événements et par des expériences émotionnelles dont le souvenir – qui

est un souvenir affectif – gouverne la conduite sans une conscience explicite de

l’expérience et de l’apprentissage passés. Ces souvenirs affectifs vont au-delà de

la conscience car ils sont stockés sous forme de réseaux d’associations en

structures sub-corticales comme l’amygdale en particulier, qui est, selon LeDoux

“le cœur émotionnel” du cerveau. Elle est le siège de la mémoire implicite qui,

seule mémoire existant jusqu’à l’âge de deux ans, fournit la base pour les

apprentissages successifs ; étant plastique, elle peut se modifier au courant de la

vie. Ce type de mémoire a une justification phylogénétique au travers des

expériences de survie de l’espèce: les connexions subcorticales – la voie basse –

entre l’amygdale et le thalamus (centre de repère des stimuli sensoriels) sont

d’ailleurs plus rapides et directes, même si elles produisent des réponses moins

précises que celles d’origine corticales – la voie haute –, qui sont élaborées, mais

plus lentes ; elles permettent donc, selon LeDoux, “ de commencer à répondre

aux stimuli potentiellement dangereux avant de savoir exactement de quoi il

s’agit. Cette voie directe peut être à l’origine de réponses émotionnelles que sur

le moment même, nous ne comprenons pas” (LeDoux 1998).

17
Lorsque le souvenir est stocké dans la mémoire implicite, il faut que les réseaux

associatifs auxquels il est lié atteignent un certain seuil d’activation pour qu’il

réapparaisse, comme c’est le cas pour des expériences analogues et d’intensité

suffisante qui se répètent dans le temps.

18
Avançons dès maintenant quelques brèves considérations auxquelles nous

reviendrons plus en détail par la suite: d’abord, il est possible de considérer la

centralité de l’émotion comme un pont authentique entre la biologie et les

influences de l’environnement, entre la nature et la culture.

19
Les émotions nous permettent en outre d’interpréter l’activité mentale

inconsciente en élargissant la notion d’inconscient freudien, lieu du

refoulement, à un inconscient non refoulé, préverbal, présymbolique qui

s’associerait en particulier aux premières expériences de vie.

Les recherches sur la mémoire implicite fournissent une base neurobiologique à

la “connaissance relationnelle implicite” étudiée dans le domaine de l’infant

research et que les psychologues du développement (en particulier, Daniel Stern)

voient comme essentielles dans les premières expériences interpersonnelles de

l’enfant (à commencer par celles traitées dans les modèles de l’attachement) car

elles sont à la base de la construction de son monde intérieur.

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Les recherches d’Edelman : le “présent remémoré”

20
Edelman, prix Nobel de médecine en 1972, concentre lui aussi son attention sur

le problème de la mémoire. Pour cet auteur (1991), la mémoire ne doit pas être

considérée comme un lieu d’archivage où sont déposés des souvenirs selon une

organisation et une codification données, car les souvenirs ne conservent pas

une forme intégrale mais des traces significatives.

21
Les recherches montrent l’existence de fragments de souvenirs qui, lors de leur

remémoration dans le présent, s’intègrent en un processus présentant des

connotations particulières selon le contexte interactif du moment. Nous

pouvons donc affirmer que la mémoire a son siège dans les interactions

interpersonnelles. C’est ainsi que nous soutenons avec Edelman que

paradoxalement, c’est le présent et non pas le passé que nous sommes attentifs à

reconnaître et à rappeler (“le présent remémoré”).

22
Il est dès lors évident que si les recherches actuelles sur la mémoire

autobiographique (cf. Neisser & Winograd, 1988 ; Rosenfeld 1988) suggèrent que

la quasi totalité des souvenirs sont reconstruits sous l’influence du contexte

présent où ils sont rappelés, nous devons déduire comme l’a clairement souligné

Stern (2006a), que “la mémoire se construit dans l’interface entre

l’intrapsychique (la représentation) et l’interaction présente” et que donc, c’est

dans l’échange dynamique entre intrapsychique et interactif que nous devons

rechercher les racines des processus mentaux.

En fait, nous pouvons oser parler de l’ “extension” relationnelle de l’activité de

l’esprit et pré-annoncer une question essentielle à laquelle nous reviendrons

ultérieurement : à quel point, si l’intensité émotionnelle est adéquate, le contexte

interactif spécifique de la relation thérapeutique favorise-t-il la présentification

des souvenirs et leur réélaboration.

Les recherches de Siegel: l’“esprit relationnel”

23
Pour ce qui concerne les aspects relationnels de l’esprit, les recherches de Siegel

nous aident à aller plus loin car elles partent du présupposé que l’esprit se définit

dans les interactions entre les processus neurophysiologiques et les relations

interpersonnelles.

24
L’ensemble de ses recherches a donné naissance à une approche scientifique très

intéressante, connectée au domaine de la psychothérapie et des sciences

relationnelles : la “neurobiologie interpersonnelle”

25
Dans cette perspective, les relations interpersonnelles assurent depuis les

premières phases de la vie une fonction déterminante dans l’orientation du

développement des activités mentales de l’enfant et des structures neurales

associées. C’est en ce sens que Siegel parle de l’“esprit relationnel”.

26
Ses recherches confirment sur un plan scientifique une intuition prémonitoire

de Bateson (1984) qui concevait l’esprit comme une “métafonction” organisant

les processus vitaux et s’alimentant dans la relation avec l’environnement au

travers d’une dynamique continue d’inter-influences réciproques. Encore une

fois, si nous repensons à la psychothérapie, ces études renvoient à un processus

thérapeutique fondamentalement basé sur l’échange relationnel entre des

“esprits qui se rencontrent” (Aron 2004).

Les recherches de Damasio: une nouvelle synthèse entre

émotions et rationalité

27
Les recherches de Damasio évoquées dans l’introduction, mettent en évidence

que les émotions constituent une nourriture fondamentale pour la rationalité, et

sont pour l’esprit un élément d’ancrage vis-à-vis du corps dans sa totalité et dans

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sont pour l esprit un élément d ancrage vis à vis du corps dans sa totalité et dans

son environnement.

28
L’“erreur de Descartes”, selon Damasio, a été de subordonner l’esprit à la

régulation des fonctions neurobiologiques sans tenir compte de la circularité qui

conduit les fonctions à influencer et alimenter l’esprit même. C’est ainsi que

dans la logique cartésienne, la Raison est séparée du Corps.

Les recherches de Rizzolatti: les “neurones-miroirs”

29
Le groupe de recherche de l’Institut de Neurophysiologie de l’Université de

Parme, conduit par Giacomo Rizzolatti, a fait vers le début des années ‘90 une

extraordinaire découverte pour la compréhension des processus mentaux: celle

des “neurones miroir” (“mirror neurons”).

30
Les neurones miroirs, décelés au départ dans le cortex prémoteur des macaques

(Rizzolatti et al., 1996 ; Gallese et al., 1996), s’activent lorsque des actions finalisées

sont exécutées, mais aussi lorsque nous observons les mêmes actions exécutées

par d’autres (évidemment, dans cette deuxième situation, l’inhibition de l’acte

moteur est associée).

31
Des études neurophysiologiques successives sur base de différentes méthodes

expérimentales (en particulier l’IRMf ou Imagerie par Résonance Magnétique

Fonctionnelle), ont démontré que le cerveau humain est aussi doté d’un système

de neurones miroirs localisé dans les régions corticales pariétales et pré-

motrices, avec deux fonctions fondamentales: contrôler l’exécution des actions

et surtout, en permettre la compréhension. L’apprentissage et la compréhension

des actions des autres se font donc grâce à un processus d’imitation.

32
En outre, des résultats expérimentaux indiquent que les mêmes chaînes de

neurones miroirs sont impliquées non seulement dans la reconnaissance de

l’action de l’autre, mais aussi dans le “pourquoi” de l’action, c’est-à-dire dans

l’intention qui l’a motivée. Ces processus “cognitifs” ne sont pas simplement liés

entre eux (comme l’affirme la science cognitive classique), mais sont structurés

sur la base de circuits qui font “comme s’il n’est possible de comprendre le sens

et les intentions de l’autre dans ce qu’il fait que si l’on imite et reproduit dans

notre corps son action (Rizzolatti & Sinigaglia, 2006).

33
C’est ce processus que Gallese désigne comme une “simulation incarnée”

(embodied simulation”) (Gallese 2005b ; Gallese et al., 2006).

34
Toutefois, d’autres phénomènes importants sont rendus possibles grâce à ce

magnifique mécanisme de la simulation incarnée dû aux neurones miroirs.

35
Le premier concerne la compréhension linguistique: contrairement à l’hypothèse

classique selon laquelle la signification d’une expression linguistique se

comprend grâce à l’activation d’une représentation mentale symbolique,

certaines recherches indiquent qu’elle se base sur des mécanismes “incarnés”,

donc liés au corps. Ainsi, les structures nerveuses qui veillent à l’organisation de

l’exécution motrice des actions ont aussi un rôle dans la compréhension

sémantique des expressions linguistiques qui les représentent (Glember &

Robertson, 2000 ; Gallese & Lakoff, 2005).

36
Le deuxième phénomène concerne le fait de vivre en reflet les émotions et les

sensations d’autrui, ce qui, comme nous verrons plus loin, a des implications

essentielles en psychothérapie. Les recherches sur les neurones miroirs

montrent que lorsque nous observons une expression faciale d’une autre

personne, nous sommes capables d’en saisir l’état émotionnel (par exemple de

dégoût ou de plaisir) : “son émotion est reconstruite, expérimentée et incarnée,

et donc comprise directement grâce à une simulation incarnée qui produit un

état corporel partagé par l’observateur” (Gallese et al., 2006). Il s’agit d’un

phénomène de résonance que Rizzolatti appelle “résonance viscéro-motrice”

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phénomène de résonance que Rizzolatti appelle résonance viscéro-motrice

(2006) et que Goldman & Sripada (2004) nomment “résonance sans médiation”.

37
Donc, lorsque nous observons un état émotionnel chez quelqu’un d’autre, par

exemple un visage en souffrance, nous pouvons le comprendre en nous mettant

à sa place car nous partageons, dans notre corps, la même douleur.

38
Ceci signifie, écrit Gallese, que “nous expérimentons un état spécifique de

syntonie intentionnelle, générant une qualité particulière de familiarité avec les

autres individus”, car “par le biais d’un état fonctionnel partagé par deux corps

différents qui cependant obéissent aux mêmes règles fonctionnelles, l’ “autre

objet” devient, d’une certaine manière, un autre soi-même” (Gallese et al., 2006).

39
Il paraît évident que ces mécanismes de “simulation incarnée” par la médiation

des neurones miroirs représentent la base neurophysiologique essentielle, d’une

part de l’intersubjectivité et d’autre part, de l’empathie, même si ils ne sont pas

les seuls responsables de leur complexité. Nous reviendrons plus loin sur ces

concepts.

Nous tenons à souligner combien ces découvertes neurophysiologiques qui

mettent en évidence l’importance de la rencontre avec l’autre en tant que base de

l’activation des processus mentaux, confirment les intuitions des auteurs

inspirés par la phénoménologie.

Ce qu’écrit Merleau Ponty dans “Phénoménologie de la Perception” (1945) nous

paraît ici significatif : “La communication et la compréhension des gestes a lieu

par la réciprocité des intentions et des gestes d’autrui, de mes gestes et de mes

intentions compréhensibles dans le contexte des autres personnes. C’est comme si

l’intention de l’autre habitait dans mon corps et la mienne dans le sien”

Implications pour la psychothérapie systémique

40
Mais quelles sont les implications de ces importantes découvertes dans le

domaine des neurosciences pour les psychothérapies systémiques? Elles sont

nombreuses et très intéressantes. Nous allons en présenter les principales.

La fonction irremplaçable de la relation

41
Il est évident que les neurosciences apportent des preuves solides à l’un des

postulats fondamentaaux de la psychothérapie systémique: l’importance et la

fonction irremplaçable de la relation.

42
Dans l’approche systémique, la relation est non seulement le niveau essentiel de

tout acte communicationnel, mais elle est aussi la matrice contextuelle qui

permet toute attribution de sens et tout processus mental.

43
La conception de l’esprit proposée par Bateson (1984) n’implique pas seulement

l’ancrage de celui-ci dans le corps en tant que principe organisateur de toutes les

fonctions du système-organisme ; elle le relie aussi par des réseaux relationnels

complexes, à l’environnement avec lequel des liens circulaires sont tellement

inévitables que contrairement aux idées traditionnelles, l’unité de survie n’est

pas l’organisme mais l’organisme dans son environnement (Bateson 1976).

44
La matrice relationnelle de l’apprentissage et des processus de connaissance en

général constitue également un concept fondamental de l’approche systémique,

car elle ne peut être indépendante des références au contexte interpersonnel.

45
Laing (1968) qui pourtant n’est pas un auteur strictement systémique, mais qui

s’inspira entre autres, de la phénoménologie et de la psychanalyse, a affirmé il y a

déjà quarante ans, que “la biochimie d’un être humain est hautement sensible aux

circonstances sociales et interpersonelles”.

46
Les découvertes des neurosciences nous offrent l’image d’un homme

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biologiquement prédisposé à l’intersubjectivité et à la « relationnalité ».

47
Le système des neurones miroirs selon Rizzolatti “montre à quel point est ancré

et profond le lien qui nous unit aux autres, c’est-à-dire à quel point il est étrange

de concevoir un je sans un nous” (Rizzolatti & Sinigaglia, 2006, p. 4).

48
Les activités mentales de base nécessitent une trame de relations, mais

l’émergence de la conscience aussi. “ La conscience commence lorsque le cerveau

acquiert le pouvoir de raconter une histoire sans mots, qui a lieu dans les limites

du corps, l’histoire de la vie qui rythme le temps et des états de l’organisme

vivant qui sont continuellement altérés par la rencontre avec les objets et avec les

événements de l’environnement” (Damasio, 2000, p. 47).

Du côté de la psychologie du développement, Daniel Stern souligne de manière

encore plus nette la dimension relationnelle des processus mentaux : “Les

neurosciences démontrent que l’esprit humain n’existe pas seul. L’esprit humain

est créé grâce à l’interaction avec les souhaits, les pensées, les actions et les

croyances des autres. Sans cela, il n’y a ni langage, ni moralité, ni conscience.

Nous savons quelque chose de l’esprit humain uniquement lorsque nous

interagissons car il n’existe pas si nous n’interagissons pas“ (Stern, 2006b, p. 31).

L’importance de la “connaissance relationnelle

implicite”

49
Toutefois, ces interactions activatrices des processus mentaux, outre qu’elles

constituent la nourriture et la motivation, ne se développent pas uniquement

dans le domaine du conscient : elles incluent une gamme élargie d’expériences et

d’apprentissages qui seraient inconscients. Ils sont définis par les psychologues

du développement sous le terme de “connaissance relationnelle implicite”.

50
C’est à cette dernière que se réfèrent par exemple les modèles opérationnels internes

de Bowlby (1973), les trames relationnelles de Trevarthen (1992) et les schémas de

l’être avec de Stern (1995).

51
Pour ce qui concerne l’approche systémique, la dimension implicite traverse en

général tout le champ relationnel car dans tout acte communicationnel, on

distingue deux niveaux : celui du contenu qui est déclaratif et explicite, mais

aussi celui de la relation qui s’exprime par le non-verbal, l’analogique et

l’émotionnel.

52
Au cours des périodes précoces du développement, jusqu’à l’âge 18 mois au

moins, l’enfant n’utilise que la connaissance relationnelle implicite dans ses

interactions avec les personnes de référence (cf. Stern, 1995). Ses éléments

d’apprentissage correspondent essentiellement à des souvenirs émotionnels et

affectifs qui sont stockés dans ce que les neurophysiologistes définissent comme

la “mémoire implicite” dont le siège neurobiologique se trouve dans les noyaux

sous-corticaux et en particulier, dans l’amygdale.

53
La mémoire implicite, seule forme de mémoire existant dans les phases initiales

de la vie, continue toutefois à fonctionner même après l’acquisition du langage

et donc après l’apparition de la mémoire explicite.

54
Voilà pourquoi aujourd’hui, sur la base de ces évidences neuroscientifiques, nous

savons que la connaissance relationnelle implicite se développe parallèlement à

la connaissance explicite et qu’ensemble, elles grandissent sur des voies

parallèles durant le restant de la vie.

55
Comme l’écrit Stern (2006b, p. 29), “Maintenant, nous avons réalisé que la

connaissance implicite est l’une des plus larges zones de la connaissance dont

nous disposons, et qu’elle inclut tout ce qui est important d’un point de vue

social et émotionnel entre les personnes. Nous la considérions comme une

connaissance plus primitive par rapport à la connaissance explicite,

https://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2009-2-page-65.htm 8/19
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actuellement nous croyons qu’il s’agit d’une connaissance également riche, mais

différente”.

56
Cette connaissance projette une nouvelle lumière sur le concept d’inconscient

qui, selon les théories freudiennes, est “le lieu du refoulé”, le produit d’un

processus de refoulement que les défenses mettent en place devant ce qui n’est

pas tolérable pour la conscience.

57
La mémoire implicite et la connaissance relationnelle implicite montrent qu’il

existe aussi un “inconscient non refoulé” au sein duquel se déposent les

émotions, les expériences et les souvenirs qui n’ont pas pu accéder à l’élaboration

de la conscience.

58
Pour ce qui concerne la psychothérapie systémique, cette perspective permet

d’avancer de nouvelles hypothèses interprétatives sur les aspects profonds et

latents de la vie affective familiale (“une espèce d’inconscient familial partagé”)

que nous pouvons associer au niveau des “mythes familiaux” (cf. Onnis et al.,

1994a). Ce niveau mythique, ciment émotionnel profond de la famille, apparaît

de plus en plus au centre des développements épistémologiques de la pensée

systémique (cf. Onnis 1994, 2007).

Nous pouvons considérer que les souvenirs émotionnels d’expériences non

élaborées au niveau conscient seront stockés dans la mémoire implicite

(amygdale). Toutefois, dans cette situation partagée par les membres de la

famille, la connaissance relationnelle implicite requiert l’intervention des

neurones miroirs qui activent un processus de « miroitement réciproque » des

émotions et des états mentaux de chacun.

Une connaissance relationnelle implicite et partagée est également sollicitée

dans l’expérience particulière de la relation psychothérapeutique en permettant,

grâce à des “moments de rencontre”, ce “quelque chose en plus” qui est, pour

Stern, l’élément déclencheur de l’action qui se transforme en psychothérapie.

L’utilité du langage implicite en psychothérapie

59
Actuellement, la pratique clinique de la psychothérapie montre clairement que le

recours aux différentes formes de langage implicite qui dépassent la médiation

verbale ou du moins la pensée logique, est efficace car il permet d’approcher plus

directement la sphère émotionnelle.

60
Nous connaissons bien l’utilité de la métaphore ou, pour ce qui est de la

psychothérapie systémique, des objets métaphoriques comme les “objets

flottants” de Caillé & Rey (2005) ou les “Sculptures du temps familial” (S.T.F.)

élaborées par notre groupe de recherche, où, au lieu d’être sollicités à formuler

un discours descriptif, les membres de la famille sont invités à construire une

représentation analogique et non verbale dans l’espace thérapeutique (Onnis et

al., 1990, 1994b ; Onnis, 1992, 1996, 2004).

61
Les images qui en ressortent sont souvent remarquables du fait de leur intensité

émotionnelle et des significations implicites qu’elles proposent. Tout aussi

marquant est le fait, qu’après cette expérience des Sculptures, les membres de la

famille arrivent à expliciter de manière verbale une première réélaboration des

vécus émotionnels suscités par la représentation analogique.

62
Mais, qu’est-ce qui rend efficaces les méthodes recourant aux langages

métaphoriques et implicites? En général, on a avancé des explications

linguistiques et psychologiques pour répondre à cette question : ainsi, en se

plaçant sur le plan linguistique, Lotman (1980) considère que la métaphore est

“un point de conjonction”, une interface entre le langage analogique de

l’imagination et le langage affectif. Elle permettrait donc la circulation de

communications ouvertes aux affects et aux émotions. En outre, d’un point de

vue psychologique, la métaphore thérapeutique peut cibler plus directement les

f ll h h l d d d ff
https://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2009-2-page-65.htm 9/19
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significations émotionnelles en touchant chez les individus des zones affectives

en grande partie inconscientes (Ricœur 1986). À ce niveau préverbal et

inconscient, du fait de son pouvoir évocateur (et non explicatif), la métaphore a

l’avantage de faire allusion sans vouloir expliquer ou expliciter, tout en ouvrant

des espaces de plus grandes liberté et créativité (Onnis, 1996, 2006).

63
Toutefois aujourd’hui, nous pouvons déduire des neurosciences des indications

essentielles pour la compréhension des mécanismes neurophysiologiques qui

sont à la base du fonctionnement de la métaphore et des langages implicites en

psychothérapie.

64
Nous savons que l’être humain possède une mémoire implicite où se déposent

des souvenirs et des traces mnésiques fortement émotionnelles et liées aux

perceptions corporelles. Voyons maintenant comment l’activation de cette

mémoire peut être facilitée par l’utilisation de langages aptes à se syntoniser à

ses caractéristiques, c’est-à-dire des langages utilisant l’émotion et le corporel.

65
Selon Rizzolatti, le cerveau humain a une extraordinaire capacité car il “résonne

à la perception des visages et des gestes d’autrui” en les codifiant

automatiquement en termes viscéro-moteurs qui fournissent le substrat neural

de la participation empathique (Rizzolatti & Sinigaglia, 2006, p. 182).

66
Nous sommes depuis peu informés de la fonction essentielle des neurones

miroirs qui enregistrent et reflètent toutes les composantes implicites

(gestuelles, mimiques, émotionnelles) présentes dans la relation thérapeutique

et qui, lorsque nous travaillons avec la famille, constituent des trames encore

plus articulées et complexes.

67
Si nous reconsidérons les Sculptures du Temps Familial, nous pouvons les

concevoir comme un outil préférentiel vu leur capacité de faire ressortir par le

biais des scénarios représentés, la dimension “mythique” de la famille; ceci ne

nous étonne pas puisque les “mythes familiaux”, ciment émotionnel de la

famille, s’inscrivent surtout dans la mémoire implicite.

68
Cependant, ce qui est surprenant, c’est la cohérence de la “narration implicite”

qui se déroule au cours de la succession des différentes sculptures, comme s’il

s’agissait d’une authentique “syntonisation” affective entre les membres de la

famille.

69
Une nouvelle clef interprétative surgit par le biais de l’activation des neurones

miroirs dont le mécanisme de miroitement implique non seulement la relation

avec le thérapeute, mais aussi la relation entre les membres de la famille.

70
Tout se passe comme si la capacité du cerveau de “faire du miroitement face à la

perception des gestes et des visages des autres” (selon Rizzolatti), permet un

partage réciproque des affects (ce qui n’exclut pas, évidemment, des manières de

percevoir différentes) qui va activer des “reflets croisées”, lesquels il y a déjà

longtemps, avaient conduit à la formation des mythes familiaux dans la

mémoire implicite.

71
Toutefois un vécu émotionnel intense et partagé peut aussi être favorisé par

l’utilisation de langages implicites en thérapie, lesquels permettent l’accès à un

autre niveau où la mémoire implicite s’ouvre en partie vers une mémoire

explicite et plus consciente. Nous constatons cela en écoutant les commentaires

sur leurs vécus, livrés par des membres de la famille à propos de leurs sculptures.

Nous ne savons pas si cette émergence inattendue d’états émotionnels à un

niveau déclaratif conscient est l’équivalent d’un “insight” (même si il n’y a pas de

doute que ce dernier puisse naître d’une “relation partagée implicite”, ainsi que

le démontre Stern (2004) lorsqu’il décrit les “moments de rencontre”).

Il semble cependant qu’il existe des données psychologiques, relationnelles et

neurophysiologiques qui nous permettent de ne plus considérer comme

aléatoire l’hypothèse selon laquelle une utilisation cohérente et avisée de

https://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2009-2-page-65.htm 10/19
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aléatoire l hypothèse selon laquelle une utilisation cohérente et avisée de

langages implicites et métaphoriques représenterait une forme d’autothérapie :

de nombreux reflets croisés peuvent s’activer sans pour autant que chacun ne

soit qu’un reflet de l’autre ; au contraire, chaque miroitement est capable

d’introduire aussi quelque chose de différent et de neuf, ce qui est à la base du

changement thérapeutique.

L’empathie et la résonance dans la relation

thérapeutique

72
L’importance de la relation thérapeutique dans les processus de transformation

impliquant le patient et le thérapeute est depuis longtemps un objet de

réflexions en psychothérapie.

73
L’approche systémique a mis en évidence le rôle de ce lien dans le cadre de son

développement épistémologique qui l’a menée du concept de “systèmes

observés” à celui de “systèmes observants ou auto-observants” ; il y a eu ainsi

passage de la première cybernétique à celle que Von Foerster, en 1987, appella la

“cybernétique de deuxième ordre” : l’observateur participe à son champ

d’observation et l’influence. Ainsi, le thérapeute est partie intégrante du

“système en thérapie” (individu, couple, famille) dès le moment de la rencontre

et de la constitution d’un système plus vaste qui inclut et transforme tous ses

membres.

74
Ayant ainsi défini l’inévitable circularité de la relation thérapeutique, on peut se

demander quelles sont les qualités essentielles nécessaires pour consolider cette

dernière et en faire une alliance thérapeutique fertile en potentialités

transformatrices?

75
De nombreuses expériences cliniques d’orientations variées indiquent que de

telles qualités ne proviennent pas uniquement de l’application correcte de

techniques thérapeutiques, de la validité des interprétations ou de la capacité de

répondre adéquatement aux patients ; elles naissent plutôt du “quelque chose en

plus” dont parle Stern (1998, 2004), c’est-à-dire du rapport émotionnel existant

entre le thérapeute et le patient, donc de l’empathie. Souvent, ce lien est canalisé

dans des discours relationnels implicites au sein desquels circulent des messages

affectifs : “Le niveau plus profond des événements psychodynamiques est, selon

Stern, le niveau des petites interactions entre les personnes, ce qu’elles font avec

leur corps, le ton de leur voix, l’expression de leur visage, et aucune

interprétation ou narration sur la vie de ces personnes ne peut aller au-delà de

ces aspects-là” (Stern, 2006b, p. 33).

76
Mais si l’empathie est une composante essentielle de l’alliance thérapeutique,

même si elle n’est pas la seule à y contribuer, quels sont les mécanismes

neurophysiologiques qui la rendent possibles?

77
Pour répondre à cette question, nous allons aussi nous appuyer sur le rôle

essentiel joué par le système des neurones miroirs.

78
Comme nous l’avons décrit plus haut, les neurones miroirs sont le système

neuronal à travers lequel se créent les reflets non seulement des actions, mais

aussi des émotions et des états affectifs de l’autre : ici donc nous nous référons

au concept de “simulation incarnée” proposé par Gallese (2005b, 2006). Cet

auteur explique que l’observateur se met non seulement à la place de l’autre en

éprouvant ses sentiments (douleur, joie, rage, dégoût), mais il les éprouve

directement par le biais des neurones miroirs, dans son propre corps, il les

inscrit dans sa “chair”.

79
De tels mécanismes de “simulation incarnée” qui sont à la base de l’empathie,

constituent le fondement de l’intersubjectivité. Ceci semble correspondre à une

prédisposition innée de l’être humain car des recherches ont montré que dès

quelques heures après la naissance les nouveau nés sont capables de reproduire

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quelques heures après la naissance, les nouveau-nés sont capables de reproduire

les mouvements de la bouche ou du visage des adultes qui les regardent

(Meltzoff & Moore, 1997, 1998). Ce processus intersubjectif qui présente

beaucoup d’analogies avec le “mirroring maternel” de Winnicott (1967) et avec la

“syntonisation affective” de Stern (1987), se maintient durant toute la vie.

80
Pour ce qui est de la relation thérapeutique, l’intersubjectivité et l’empathie sont

rendues possibles grâce aux mécanismes de “simulation incarnée” des neurones

miroirs et suscite un état où “l’esprit de chacun se sent compris par l’esprit de

l’autre” (Siegel, 2001). Le verbe sentir est très important et ne peut être remplacé

par le verbe penser.

81
En effet, le processus mis en place est purement émotionnel et dépend, comme

l’écrit Rizzolatti, “du partage des réponses viscéro-motrices qui participent à la

définition des émotions” (Rizzolatti & Sinigaglia, 2006, p. 180). Ce mécanisme de

base est fondamental.

82
“Il est possible, explique encore Rizzolatti, que les émotions puissent être

comprises aussi sur la base d’une élaboration en reflet des aspects sensoriels

reliés à leur manifestation. Mais cette élaboration dépourvue de résonance

viscéro-motrice resterait une pâle perception, privée d’une couleur émotionnelle

spontanée ” (ibid, p. 181).

83
Le concept de “résonance viscéro-motrice” de Rizzolatti renvoie à une autre

notion de “résonance” traitée dans le champ de la psychothérapie systémique (cf.

Elkaïm, 1989). Elle se réfère alors à un phénomène d’amplification d’éléments

communs et semblables aux différents systèmes en interaction qui, pour ce qui

est de la relation thérapeutique, sont représentés par le thérapeute et la famille

en thérapie, chacun avec leur bagage affectif provenant de leurs histoires

personnelles et de leurs familles d’origine. La “résonance” en tant qu’évocation

partagée de dénouements émotionnels semblables, naît donc à l’intersection

entre de nombreux niveaux systémiques. Elle requiert un travail d’élaboration

cognitive et émotionnelle pour ne pas devenir un handicap, mais pour constituer

une opportunité de transformation.

Il n’y a cependant aucun doute qu’elle aussi, de même que l’échange empathique,

ancre ses racines dans la dimension des affects et dans les substrats neuraux qui

les gouvernent; elle active la “mémoire implicite” (à ce sujet, nous vous

renvoyons aux travaux intéressants de Chouhy, 2008), mais aussi la fonction des

neurones miroirs. Il est probable que l’effet-seuil dont parle Elkaïm(1989), c’est-

à-dire le niveau d’intensité émotionnelle nécessaire afin que la résonance

apparaisse, coïncide avec la résonance viscéromotrice à laquelle fait référence

Rizzolatti.

Nous assistons encore une fois ici à l’entrecroisement de processus

psychologiques ou relationnels avec des phénomènes neurophysiologiques qui

sont en lien et s’entrecroisent.

Une nouvelle conception du changement thérapeutique

84
Pendant longtemps, les éléments fondamentaux du changement thérapeutique

ont été considérés comme liés à l’élaboration cognitive et à l’augmentation du

niveau de conscience de soi. Pour la psychanalyse freudienne par exemple,

l’objectif du processus thérapeutique est d’amener à la conscience ce qui niche

dans l’obscurité de l’inconscient et du refoulement.

85
De façon assez proche, la psychothérapie systémique s’est appuyée longtemps

(lorsque la première cybernétique séparait l’“observateur” de l’“observé”) sur une

“théorie prônant le changement” qui, selon Ruggiero (2007), proposait des

attitudes thérapeutiques animées par une sorte d’obsession de l’action qui

excluait les espaces de silence et les temps d’écoute.

86
Toutefois le renouvellement épistémologique de ces vingt dernières années a

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86
Toutefois, le renouvellement épistémologique de ces vingt dernières années a

radicalement fait changer l’ensemble de ces conceptions, autant dans les

courants “relationnels” et “intersubjectifs” de la psychanalyse que dans les

orientations systémiques inspirées par les paradigmes constructivistes et

autoréférentiels.

87
Le changement au sein de la relation thérapeutique constitue un facteur et un

outil essentiels pour ces approches et implique, comme nous l’avons déjà évoqué,

de l’empathie et des éléments émotionnels issus préalablement des langages

implicites.

88
Stern (1998, 2004) a désigné comme lieu de changement, la “relation

émotionnelle implicite” par rapport à laquelle ne sont réellement efficaces que

des interventions allant au-delà des techniques (qui gardent cependant toute

leur importance) et qui touchent à la capacité émotionnelle d’ “être avec” l’autre

dans le “moment présent” de la relation.

89
Les psychothérapeutes systémiques valorisent également les aspects

empathiques de la relation entre le thérapeute et le système familial, et

privilégient à ce niveau l’utilisation des langages analogiques à la fois pour

véhiculer des tensions émotionnelles grâce à la relation thérapeutique, et pour

d’autre part activer la créativité de la famille par le biais d’une recherche

commune de solutions de changement.

90
De manière similaire, nous pouvons émettre l’hypothèse que dans ces processus,

les neurones miroirs ont une fonction fondamentale en permettant au niveau

biologique, la constitution de reflets, base de l’empathie et maillon essentiel des

changements. Mais, pour que ce mécanisme ait lieu, la simple activation de

reflets ne suffit pas, il faut aussi de quelque chose de nouveau soit introduit, qui

puisse modifier et améliorer la perception de Soi dans l’autre. Selon Gallese,

Migone & Eagle (2006), ce processus présente des analogies avec ce qui se passe

dans la relation mère-bébé. Si la mère imite trop fidèlement en miroir le

comportement de l’enfant, il est probable qu’ainsi, elle ne facilite ni sa

croissance, ni le développement de ses compétences de régulation affective, ni sa

capacité à signifier des états mentaux. L’imitation en miroir doit introduire de

nouveaux éléments par rapport à la configuration initiale. Toujours selon ces mêmes

auteurs, il est plus que vraisemblable que ce changement ait lieu également en

thérapie où idéalement le thérapeute ne renvoie pas à la lettre les états

émotionnels du patient, mais propose des réponses empathiques congruentes

qui permettent à ce dernier de se retrouver lui-même et de réfléchir pour transformer son

vécu (Gallese et al., 2006).

91
Ces considérations ont de nombreuses implications cliniques. En reprenant le

point de vue de Stern à propos du changement thérapeutique qu’il décrit comme

le fruit d’ “une relation implicite partagée”, on peut penser que les “now

moments” qu’il évoque, sont des événements inattendus et imprévisibles qui

perturbent, déstabilisent et rendent particulièrement “chaud” le moment

présent en ouvrant des pistes pour un changement dans la mesure où ils sont

exploités par le thérapeute et le patient (Stern, 1998, 2004) ; alors en effet, des

éléments nouveaux et inattendus émergent dans l’entrelacement des reflets

réciproques existant au sein de la relation thérapeutique.

92
De manière similaire, lorsqu’en psychothérapie systémique, nous utilisons les

méthodes et langages analogiques (comme les “Sculptures du Temps Familial”

par exemple), l’intervention du thérapeute qui propose des restitutions

métaphoriques analogues aux métaphores données par la famille, introduit des

éléments métaphoriques nouveaux qui activent d’abord une transformation de

la manière de se percevoir au sein du système familial (chaque membre de la

famille se “perçoit” dans la relation avec l’autre à l’intérieur du système familial)

et, ensuite de la façon de concevoir les significations de l’expérience vécue.

défi i i d i i d fl i d i l hé
https://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2009-2-page-65.htm 13/19
1/4/2018 Lorsque la psyché est le reflet du corps. Une nouvelle alliance entre les neurosciences et la psychothérapie | Cairn.info
93
En définitive, ce processus de constitution de reflets introduit par le thérapeute,

fait émerger quelque chose de nouveau et de différent qui favorise un processus

de changement dont la famille est l’auteur ; elle découvre en elle-même des

ressources qui lui permettent de choisir de manière créative et autonome les

directions de sa propre transformation.

Une magnifique métaphore de Karl Jaspers décrit cette situation : “lorsque nous

admirons la splendeur d’une perle, nous ne pensons jamais qu’elle provient

d’une lésion du coquillage”. La perle représente ici cette extraordinaire capacité

de l’esprit humain à engendrer des processus autothérapeutiques, qui a de toute

évidence des corrélats neurophysiologiques : en effet, la plasticité du cerveau est

capable de produire de nouvelles synapses (Kandel, 1999, 2008) au terme du

processus psychothérapeutique qu’on commence à identifier grâce aux

techniques de neuro-imagerie.

Nous ne pouvons alors que partager la belle métaphore de Giuseppe Ruggiero

(2006) à propos du rôle du thérapeute systémique : créer une “synapse entre

l’esprit et le cœur” même si en réalité (et ceci ne fait que renforcer les processus

d’intégration), le cœur bat déjà dans l’esprit.

Réflexions critiques

94
Les considérations développées jusqu’ici illustrent la solidité des découvertes

récentes des neurosciences qui montrent la manière dont les processus mentaux

sont soutenus par des substrats neurobiologiques. Comme nous l’avons évoqué

dans l’introduction, ces recherches ont permis de dépasser les antagonismes

entre les neurosciences d’un côté, et la psychologie et la psychothérapie de

l’autre, en établissant entre elles une nouvelle alliance, conséquence logique de

l’unité retrouvée entre le corps et l’esprit.

95
Il nous suffira de penser, pour ne citer que quelques exemples, à la fonction de

miroir traditionnellement considérée dans les disciplines psychologiques et

psychothérapeutiques, qui s’étendent des théories de Winnicott (1967) à la

psychologie du Soi de Kohut (1986), des conceptions de Lacan (1936) à la

psychanalyse intersubjective.

96
De fait, ces théorisations et les expériences cliniques qui les confirment,

trouvent aujourd’hui un extraordinaire support dans la fonction équivalente sur

le plan biologique du substrat neural constitué par les neurones miroirs. La

récupération, sur base de données scientifiques, d’un principe unitaire

d’intégration, apparaît donc aujourd’hui évidente.

97
Toutefois, il y a lieu de rester attentif aux risques de nouveaux glissements vers

des “pièges réductionnistes”. La découverte de mécanismes neurophysiologiques

de base qui soutiennent certains processus mentaux ne signifie pas que ces

mécanismes expliquent entièrement l’esprit ; nous ne devons pas sous-évaluer la

complexité de ce dernier, ni mésestimer l’influence de l’histoire existentielle et

du contexte socioculturel des personnes.

98
Intégrer ne signifie pas ratifier ou réduire, mais introduire une autre

complexité.

99
Pour revenir à l’empathie, soulignons qu’elle ne peut avoir lieu en l’absence de

l’essentielle fonction des neurones miroirs mais que toutefois, elle n’explique ni

ne justifie tout ce qui est en cause dans l’implication empathique ; en effet, cette

dernière dépend de la qualité et de l’“histoire” de la relation.

100
Rizzolatti, le chercheur qui a découvert des “neurones miroirs”, a lui-même émis

cette critique : “La compréhension immédiate par soi-même des émotions des

autres est rendue possible par le mécanisme des neurones miroirs qui

représente le prérequis nécessaire au comportement empathique qui sous-tend

en large partie nos relations interindividuelles. Partager au niveau viscéro-

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moteur l’état émotionnel d’une autre personne, est une chose toutefois différente du

fait d’éprouver une implication empathique vis-à-vis d’elle. Si par exemple, nous

appréhendons une expression de douleur, nous ne sommes pas

automatiquement induits à éprouver de la compassion ; même si cela arrive

fréquemment, les deux processus sont distincts car le second implique le

premier, mais l’inverse n’est pas vrai. En outre, la compassion dépend d’autres

facteurs liés à la reconnaissance de la douleur, comme par exemple de qui est

l’autre et de quelles relations nous avons avec lui ; elle est influencée par notre

éventuelle capacité de nous mettre à sa place, de notre motivation à prendre en

charge ses vécus émotionnels, ses souhaits et ses attentes envers l’autre”

(Rizzolatti & Sinigaglia, 2006, p. 181).

101
Ainsi, pour ce qui en est du concept de résonance en psychothérapie systémique,

il est clair qu’il est en correspondance avec une base neurobiologique sans

laquelle le miroitement n’aurait pas lieu, mais cet aspect n’est pas exhaustif car il

n’inclut pas la richesse des éléments émotionnels provenant des histoires

singulières des individus et des systèmes interpersonnels. Pour ces raisons-là,

les récentes découvertes des neurosciences ne nous autorisent à aucune

simplification des processus mentaux, mais elles posent de manière de plus en

plus marquée des exigences d’intégration dans une optique unitaire tout en

introduisant plus de complexité.

Dans cette perspective, Gallese (Gallese et al., 2006, p. 539) relève qu’« un objectif

de recherche future consistera à déterminer dans quelle mesure la simulation

incarnée fondée sur l’expérience, qui représente probablement l’un des plus

anciens mécanismes au niveau évolutif, est à la base de formes plus

sophistiquées et linguistiquement élaborées de notre aptitude à interpréter les

conduites d’autrui en termes d’états mentaux. Il est possible que les mécanismes

de simulation incarnée aient un rôle crucial durant le long processus

d’apprentissage qui nous conduit à devenir compétents dans l’utilisation

d’attitudes declaratives envers l’autre. La narration d’histoires, à laquelle nous

sommes confrontés depuis la naissance joue vraisemblablement un rôle important

dans ce processus d’acquisition ».

Les découvertes scientifiques donnent cependant accès à de vastes territoires de

recherche sur les processus mentaux car elles en reconnaissent la complexité

faite de zones d’ombre et de mystère (cf. Damasio, 2000).

Conclusions

102
Au-delà de la perspective stimulante de développements et de recherches

futures, il nous semble que le processus scientifique en cours décrit dans cet

article a permis d’obtenir déjà un résultat fondamental : la recomposition

définitive de l’unité longtemps perdue du soma avec le psyché, la restitution au

corps de sa pleine et noble signification de “maison de l’âme”.

103
Ainsi se confirment les extraordinaires prémonitions de la Phénoménologie de la

perception de Merleau-Ponty: “Le corps, dans la mesure où il suit des

configurations comportementales, est cet étrange objet qui utilise ses propres

éléments comme un système général de symboles dans le monde grâce auquel

nous pouvons, par conséquence, « être à la maison » dans le monde, « le

comprendre » et y trouver du sens”

104
Objet stigmatisé dans la tradition dualiste et dichotomique de la culture et de la

science moderne, le corps retrouve dans cette perspective, sa valeur, et l’individu

y regagne son intégrité.

105
Comme l’écrit Damasio (2000), “il est probable que, après avoir considéré

comment la conscience se produit dans ce morceau de chair que nous appelons

cerveau, nous vénérerons plus la vie et respecterons plus les êtres humains, et

non moins”.

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Notes

[1] Traduction de Carlotta Romano

[2] Professeur de Psychiatrie et de Psychothérapie auprès de l’Université “La Sapienza” –

Roma.

Directeur Didactique IEFCOS (Roma). Président IEFCOSTRE (Cagliari).

Résumé

Français L’auteur relève les apports importants des développements récents des

neurosciences qui permettent de réintégrer l’esprit et le corps en considérant

que l’esprit n’est pas seulement lié à la structure neuronale du cerveau mais aussi

au corps tout entier en tant que médiateur des échanges avec le monde

extérieur. De plus, certaines découvertes signifiantes des neurosciences, telles

que la nature essentiellement « relationnelle » de l’esprit, la « mémoire

implicite » et en particulier les « neurones miroirs », soutiennent et confirment

plusieurs observations expérimentales et cliniques de la psychologie du

développement et de la psychothérapie à propos de l’importance de la

« connaissance implicite relationnelle » (“implicit relational knowledge”) et des

langages analogiques et métaphoriques, de l’empathie dans la relation

thérapeutique et de la dynamique du changement thérapeutique. L’auteur fait le

lien entre ces points et la psychothérapie systémique, et souligne que nous

pouvons parler aujourd’hui de « nouvelles alliances » entre les neurosciences et la

psychothérapie.

Mots-clés unité corps-esprit neurosciences mémoire implicite neurones miroirs

psychothérapie systémique langages analogiques empathie relation thérapeutique

changement Thérapeutique

English When psyche is reflecting the body. New alliance between neurosciences and

psychotherapy

The author underlines how the recent important developments of

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neurosciences, today allow a full re-integration of the mind-body unity,

proposing mind as linked not only to the brain neuronal structure, but to the

total body, as mediator of the exchanges and connections with the external

world. Moreover some meaningful neurosciences discoveries, as the nature

essentially “relational” of mind, the “implicit memory” and particularly the

“mirror neurons” give neurophysiologic supports and confirmations to many

experimental and clinical issues of developmental psychology and

psychotherapy, concerning the importance of the “implicit relational knowledge”

and the analogical and metaphorical languages, the empathy in therapeutic

relationship, the dynamics of therapeutic change.

The Author take into account these implications with a particular reference to

systemic psychotherapy and underlines how, in the light of these considerations,

We can speak today about a “new alliance” between neurosciences and

psychotherapy.

Keywords mind-body unity neurosciences implicit memory mirror neurons

systemic psychotherapy analogical languages empathy therapeutic relationship

therapeutic change

Plan de l'article

Introduction : unités retrouvées

Les neurosciences et l’étude de l’esprit

Les recherches de Kandel et LeDoux: la “mémoire implicite”

Les recherches d’Edelman : le “présent remémoré”

Les recherches de Siegel: l’“esprit relationnel”

Les recherches de Damasio: une nouvelle synthèse entre émotions et rationalité

Les recherches de Rizzolatti: les “neurones-miroirs”

Implications pour la psychothérapie systémique

La fonction irremplaçable de la relation

L’importance de la “connaissance relationnelle implicite”

L’utilité du langage implicite en psychothérapie

L’empathie et la résonance dans la relation thérapeutique

Une nouvelle conception du changement thérapeutique

Réflexions critiques

Conclusions

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