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L’économie du Benin sous Talon:

Miracles ou Mirages

Trois ans après l’arrivée au pouvoir de Monsieur Talon et son


gouvernement de “rupture”, quel est l’état réel de l’économie
béninoise ? Faut-il croire les déclarations lénifiantes du président
Mirage : Apparence séduisante et
dans son discours du 31 Décembre 2018 sur l’État de la Nation ?
trompeuse
Les affirmations péremptoires du jeune ministre des finances
Miracle: Hasard merveilleux, chance décrivant le Benin comme l’économie la plus performante de la
exceptionnelle
sous-région sont-elles conformes à la réalité des statistiques
fiables ? Que penser du ballet des “experts” dont on nous assure
qu’ils vantent tous les bonds spectaculaires de l’économie
béninoise. Comment se fait-il que le vécu des travailleurs et des
couches populaires est si éloigné des certificats de bonne santé
délivrés urbi et orbi au gouvernement de la rupture et repris
comme paroles d’évangile par la presse du gouvernement et celle
rémunérée a coup de contrats de communication “normée” ?

Autant de questions que se posent les béninois et auxquelles le


présent article tentera de répondre.
Statistiques ou Propagande
Le président dans son allocution sur l’état de la nation affirmait
“En témoigne l’évolution du taux de croissance, passé de 2,1% en
2015 à 6,5% au moins en 2018.” Il est particulièrement surprenant
qu’avant la clôture de l’année fiscale, le président dispose déjà du
taux de croissance de l’économie. En réalité le taux de croissance
de l’économie béninois en 2018 ne sera pas connu avant Juillet ou
Septembre 2019. Les estimations de la banque mondiale et de la
Banque africaine de développement sont de 6%. Mais qu’à cela ne
tienne, le gouvernement de la rupture engage un soit disant expert
de l’UEMOA pour venir claironner a la présidence que la
TAUX DE CROISSANCE DU PIB
croissance est de 6,8% en 2018 alors que ni la BCEAO, ni
PAYS DU CONSEIL DE L’ENTENTE l’UEMOA n’ont publié de taux de croissance de l’économie
béninoise pour 2018, les derniers chiffres publies étant de 5,8%
pour 2017. Mais le président ne se contente pas de gonfler les
chiffres de 2018, il se transforme en prêtre du Fa pour nous
15 16 17 16-17 annoncer une croissance de 7% en 2019 sans aucune réserve sur le
contexte économique mondial (le Benin étant une économie
BENIN 2,1 4,0 5,8 4,9
dominée pour l’essentiel) et régional … “ Cette tendance
BURKINA 3,9 5,9 6,3 6,1 haussière irréversible permettra indubitablement (souligné par
nous) à notre pays de franchir, en 2019, le seuil de 7%, nécessaire
COTE 8,8 8,0 7,7 7,85
D’IVOIRE pour engager durablement une réduction de la pauvreté.” (sic).

NIGER 4,3 4,9 4,9 4,9 On peut penser que 0,5% ou 0,8% d’exagération sont sans
conséquence… Peut-être, mais rappelons que 0,5% de croissance
TOGO 5,7 5,1 4,4 4,75 en plus équivaut a plus de 200 milliards de CFA (+ ou - selon le
taux de change $-CFA retenu) de richesses produites dans le
pays… soit plus de 10% du budget de l’état…

Le ministre des finances embouche la même trompette et nous


annonce sans aucune base que le Benin affiche l’une des
YAYI TALON meilleures performances économiques de la sous-région.

CROISSANCE PIB (Source La réalité est que pour 2017, le Benin avec 5,8% est 3ème sur 5 en
Banque Mondiale) termes de croissance économique parmi les pays du conseil de
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l’entente derrière le Burkina et la Cote d’Ivoire. Pour 2016 le
Benin , avant dernier avec 4,6%, fait à peine mieux que le
TOGO en pleine crise politique… Y va-t-il vraiment de quoi
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pavoiser quand nos populations croupissent dans la misère ?

4 Cet embellissement des performances gouvernementales, à la


veille des élections, après deux ans ou le peuple a été invite à se
2 serrer la ceinture, apparait beaucoup plus comme une
manœuvre de propagande.
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11 12 13 14 15 16 17
Croissance et Appauvrissement
YAYI TALON La croissance de l’économie sous le gouvernement de la “rupture”
est néanmoins réelle. Il n’est pas exceptionnel compare aux
REVENU PAR TETE (methode
Atlas - Source Banque Mondiale)
performances économiques des gouvernements précédents, si on a
l’honnêteté intellectuelle de comparer des séries et non une année
975 isolée. Le tableau ci-contre illustre les taux de croissance des cinq
dernières années du gouvernement YAYI et des deux premières
900 années du gouvernement TALON. En moyenne sur 5 ans le taux
de croissance de l’économie sous YAYI fut de 4,68% avec un pic
825 à 7,2% en 2014. En deux de gouvernement Talon, le taux de
croissance moyen est de 4,9% avec un pic à 5,8%.Sous l’un
750 comme l’autre les populations n’a cessé de s’appauvrir. Le revenu
par tète habitant donne une autre perspective. Le revenu par tête
675 d’habitant a baissé continuellement de 2014 à 2017, passant de
11 12 13 14 15 16 17 $930 à $820, puis a $800 en 2017. Ces chiffres confirment ce que
nos populations ressentent tous les jours, la situation empirant
sous le gouvernement de la rupture avec un revenu par tête
d’habitant en 2017 descendu au niveau qu’il avait en 2011. Les
statistiques des indices de pauvreté ne sont pas publiées par
l’INSAE depuis 2015, mais il est fort probable que la baisse du
YAYI TALON
revenu moyen par tête se traduira par un accroissement du nombre
TAUX D’INSCRITION AU
PRIMAIRE (Source Banque de pauvres et une aggravation de la pauvreté.
Mondiale)
Les données sur le taux d’inscription des enfants au cours primaire
135 confirment cet appauvrissement croissant. Les parents démunis ne
132.5 peuvent inscrire les enfants à l’école et les y maintenir, avec des
130 difficultés croissantes à faire face aux frais de scolarité et autres
127.5 faux frais de l’”École gratuite et obligatoire”

125 Comment se fait-il qu’on nous chante la croissance tous les jours,
122.5 et que nous nous appauvrissons continuellement ?
120 Plusieurs explications peuvent être avancées :
117.5
11 12 13 14 15 16 17 Croissance du PIB et cours du Coton
Une des sources de la croissance affichée réside dans la variation
des cours du coton sur le marché international, Comme aiment à le
répéter nos dirigeants, “l’or blanc” est la principale source de
“richesse” du Benin.

Le cours du coton sur le marché international au cours des trois


dernières années est passe de $1,44 le kilo en Mars 2016 à $1,79
en Juillet 2016, puis à $1,95 en Mai 2017, avant d’atteindre un pic
de $2,15 en Juin 2018. Cette variation temporaire des prix à la
hausse (près de 50% entre le pic et le plancher des cours sur 2 ans)
pour ce produit d’exportation crée une augmentation des recettes
et donc du PIB, plus encore que l’augmentation claironnée de la
production. De la même façon, l’orientation des cours à la baisse
qui a commencé en Juin 2018 et se poursuit (le cours de Janvier
est de $1,82) aura des répercussions sur la croissance future.

La dépendance de notre économie à cette culture d’exportation


nous rend vulnérable à ces variations de cours, mais au-delà la
répartition de la plus-value et des profits de cette culture
d’exportation en dit long sur qui s’enrichit et qui s’appauvrit au
Benin quand il y a “croissance”

Partage de la plus-value sur le coton


On ne peut faire dans le cadre de cet article une analyse détaillée
du partage de la plus-value dans le secteur du coton mais on peut
dire que les paysans qui produisent ont la plus petite part pendant
que les distributeurs d’intrants ( semences, engrais, pesticides…),
les égreneurs, et les banquiers fournisseurs de crédits sans risque (
paiement garanti par l’état et prélèvement à la source) se partagent
les profits and un système qui est une véritable caricature du
capitalisme libéral, avec un cartel -l’AIC- a sa tête. Dans ce
capitalisme à la sauce béninoise, les producteurs de coton sont
obligés de vendre toute leur production aux égreneurs, et l’état
béninois finance la recherche agricole, garantit les prêts aux
distributeurs d’intrants, tout cela sans contrepartie, et l’AIC réalise
un transfert “légal” des ressources publiques vers le patrimoine
prive des amis, parents et partenaires du président regroupes dans
ce cartel, et ce depuis plus de 25 ans !

Au cours des deux dernières années, pendant que le cours du coton


sur le marché international augmentait de près de 50% o $0,71 soit
400F CFA, le prix payé au producteur était royalement augmente
de …5F CFA…soit moins de 2% pour s’établir à 265f CFA pour
la qualité supérieure… (215 FCFA pour le 2ème choix, l’AIC
étant juge de la qualité…).

Et l’AIC - Association Interprofessionnelle du Coton- dirigée par


les amis et parent du président ? Elle s’octroie royalement 5F
CFA d’augmentation, passant de 10F CFA le kilo a 15 F CFA le
kilo soit 50% d’augmentation, pour ses “fonctions critiques”…

On voit clairement à qui profite la “croissance”, les amis,


partenaires, et parents du président, réunis dans le cartel de
l’AIC, voient leur revenus augmenter de 50%, les paysans de
1,8% quand les cours varient à la hausse… générant une
croissance artificielle du PIB…

Le paysan de Banikoara est encouragé à s’éreinter pour produire


toujours plus de coton au détriment des produits qui peuvent
nourrir lui et sa famille, à exposer sa famille aux méfaits des
engrais et pesticides soupçonnés de causer toutes sortes de
maladies et pour ça on le gratifie de 5F CFA d’augmentation par
kilo ! Les terres consacrées à la culture du coton atteignent jusqu’à
60% et plus des terres arables dans certaines communes du
septentrion, laissant peu d’opportunités de diversification aux
pays, transformes en véritables ouvriers agricoles de l’AIC !

A-t-on besoin de détourner les maigres fonds publics, quand un tel


système vous assure des rentes garanties de centaines de millions
sans effort ?

Au-delà, notre économie dominée souffre de l’échange inégal et


les entreprises transnationales du centre capturent une part encore
plus importante de la valeur créée par nos pays. Une balle de coton
soit environ 225kg est payée environ $100 au paysan béninois.
Cette balle permet de fabriquer 1200 T-shirt qui sont vendus entre
$1 et $10 au détail, soit $1200 a $12000… Cette plus-value de
plus 1000% échappe complètement au paysan béninois et au
Benin.

Mirage de l’émergence
On ne peut discuter dans le cadre de cet article, tous les
mécanismes par lesquels nos gouvernants et leurs maitres
étrangers nous maintiennent dans la misère, à travers les politiques
fiscales, monétaires, agricoles, industrielles, et militaires.

Dans les conditions des gouvernements de bourgeois nationaux


soumis à l’étranger et profitant de cette soumission pour s’enrichir
aux dépens de nos populations, toute spéculation sur l’émergence
apparait comme un mirage.

La croissance de l’économie, quand elle a lieu, ne profite qu’a la


petite couche de dirigeants, qui s’approprie les fruits de notre
travail, soit par des détournements et des actes évidents de
corruption, soit par des mesures plus sophistiquées de drainage des
richesses produites vers parents, amis et partenaires locaux et
étrangers.

Le miracle économique ne se réalisera que lorsque nous nous


serons débarrassé cette couche de profiteurs et instaure une
véritable démocratie avec un contrôle effectif de la société sur la
production et la distribution des richesses. Alors seulement
l’accroissement nécessaire de la productivité du travail pourra
générer une amélioration des conditions de vie de nos populations.

Toute autre voie n’est que mirage, illusion de changement, de


rupture, portée par ceux la mêmes qui en sont les obstacles.

Jean Folly, MBA

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