Vous êtes sur la page 1sur 31

Thème 7

La modification de la

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
culture organisationnelle

^•^CTElIfstS CtSlT^vfeS :>E 4<lîCCf:S

On sait que les caractéristiques de la culture d'une organisation agis-


sent directement sur les attitudes et les comportements du per-
sonnel et, par voie de conséquence, affectent leur performance. En
fait, c'est à partir de cette culture organisationnelle que les employés
adaptent leur façon d'être à l'environnement interne et externe de
l'organisation. C'est aussi en fonction de cette culture que se fait la
socialisation, c'est-à-dire l'intégration de chaque employé au sein de
son groupe de travail. Cela étant, il devient souvent impérieux que
les responsables de la fonction ressources humaines interviennent
pour entraîner et coordonner un renouveau de la culture, afin de
l'adapter aux nouvelles réalités de l'organisme. Par exemple, ces
réalités peuvent prendre la forme d'une fusion de deux entités, ou,
encore, émaner de la nécessité de maintenir ou d'améliorer la
performance et le bien-être des employés.
La modification d'une culture organisationnelle est
II devient souvent impérieux
une opération assez complexe qui demande un temps que les responsables de la
certain. En effet, il faut toujours prévoir plusieurs fonction ressources humaines
interviennent pour entraîner et
mois, sinon quelques années, avant d'être en mesure coordonner un renouveau de
de constater des résultats tangibles. On parle ici de la culture, afin de l'adapter
aux nouvelles réalités de
planifier un développement évolutif plein d'actions
l'organisme.
échelonnées à court, moyen et long terme. De plus,

125
ce plus ou moins long processus exige beaucoup de cohésion
et de détermination de la part des dirigeants. Les facteurs critiques
de succès associés à cet accomplissement majeur sont nombreux.

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
Ceux-ci touchent directement les assises du changement, le
soutien de la haute direction et la communication.
Premièrement, pour ce qui est des assises du changement, les
dirigeants doivent d'abord analyser la culture en place et comprendre
pourquoi elle ne permet plus de mener à bien les stratégies orga-
nisationnelles. De fait, il s'agit de poser un diagnostic réaliste sur
l'état actuel de la culture, sur son adéquation avec la réalisation de
la mission et l'atteinte des objectifs de l'organisation. L'apport
d'une analyse externe plus objective peut être très utile pour réa-
liser cette tâche. Par ailleurs, elle peut faciliter l'appropriation des
résultats par l'ensemble des dirigeants de l'organisation. Il importe
ensuite ^identifier clairement les éléments que l'on veut changer et
savoir par quoi on veut les remplacer. En clair, cela veut dire qu'il
faut déterminer précisément les caractéristiques désirées pour la
nouvelle culture organisationnelle. Pour ce faire, il faut notam-
ment inventorier, clarifier et, au besoin, revoir les mesures de
performance en vigueur dans l'organisation. Certes, plus il y aura de
gens impliqués dans cette opération, plus l'appropriation des
résultats sera grande, et plus les changements à opérer seront
acceptés. Toutefois, alors que la présence d'une culture organisa-
tionnelle forte apparaît comme une condition sine qua non, il ne
faut pas nier et essayer défaire disparaître complètement la présence de
sous-cultures au sein de l'organisation. La fonction vitale de ces
sous-cultures consiste souvent à assurer une cohésion entre les
valeurs propres à certains individus ou à certains groupes d'em-
ployés et celles qui sont présentes dans la culture organisationnelle.
Deuxièmement, une stratégie claire, concise et articulée doit être
conçue afin d'opérer ce changement. Il est évident que les com-
posantes de cette stratégie doivent être en rapport avec l'ampleur
du changement culturel à apporter. Chaque personne touchée par
le changement à accomplir doit en reconnaître le bien-fondé, et
comprendre les liens qui existent entre les moyens utilisés et le but

126
à atteindre. C'est à cette étape qu'il convient de s'assurer que la
structure en place est compatible avec la nouvelle culture à implanter
et, s'il y a lieu, de procéder aux modifications nécessaires. Il est

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
aussi primordial d'orienter lespolitiques et les pratiques organisation-
nelles dans le sens de la nouvelle culture que l'on veut implanter.
Pour exécuter cette stratégie, le soutien et la participation active de
la haute direction deviennent alors essentiels. Pour ce faire, il importe
que les responsables de la fonction ressources humaines se rapprochent
et appuient la direction. D'abord, cette opération de changement de
culture doit devenir une priorité pour les hauts dirigeants, car elle
ne peut se faire sans drainer beaucoup des ressources autant
humaines que financières. De plus, la période de transition de
l'ancienne à la nouvelle culture organisationnelle peut provoquer
une détérioration du climat de travail et une réduction de la
performance générale du personnel.
Les hauts dirigeants de l'organisation doivent faire en sorte
d'être très visibles à tous les niveaux de l'organisation, et être dis-
posés à passer de la parole aux actes. Pour les employés, la présence
de modèles et d'exemples à suivre venant des hautes instances de la
hiérarchie est fondamentale dans l'amorce d'un changement
de culture organisationnelle. Un autre facteur de succès d'un chan-
gement de culture est la constance, c'est-à-dire que les initia-
teurs du changement ne doivent pas changer de cible en cours de
route.
Troisièmement, il est primordial de communiquer à chaque
personne concernée par le changement le contexte qui nécessite la mise
en place d'une autre culture organisationnelle. Car, plus l'appropria-
tion de cette réalité s'accomplit chez les individus, plus le chan-
gement s'accepte et s'intègre facilement. L'amorce d'un tel
remaniement de la culture organisationnelle doit aussi toujours
être précédée d'une réflexion, la plus large possible, sur la mission de
l'organisation et sur l'impact qu'a la culture sur sa réalisation. De
plus, les changements culturels se font tant du haut vers le bas que
du bas vers le haut. Les cadres intermédiaires ont donc un rôle clé à
jouer dans cette dynamique. En conséquence, ils doivent recevoir

127
une formation leur permettant de maîtriser et d'utiliser
Dans le cas spécifique d'une
fusion d'organisations, il faut efficacement le processus de socialisation et d'accul-
d'emblée travailler à l'émer- turation du personnel.
gence d'une nouvelle culture

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
intégrée. Dans le cas spécifique d'une fusion d'organisations,
il faut d'emblée travailler à l'émergence d'une nou-
velle culture intégrée. Les facteurs critiques de succès
identifiés ci-dessus s'appliquent tous, mais avec quelques spécifi-
cités. Ainsi, dès que la décision de fusionner est prise, il convient
de s'inspirer des valeurs organisationnelles en place dans les entités à
fusionner pour établir les modalités de cette fusion. Pour ce faire, il
faut amasser des informations sur les valeurs, les comportements, les
croyances et les caractéristiques du personnel des organisations encore
distinctes. Dans l'analyse de la culture visée, il convient de con-
sidérer les particularités inhérentes à chaque organisation, et
surtout de faire ressortir les éléments potentiellement compatibles
entre elles. Dans la mesure du possible, il faut instaurer une culture
intégrative, c'est-à-dire comportant le plus d'éléments possibles de
celle de chacune des organisations fusionnées.
Finalement, pour minimiser l'onde de choc éventuelle produite
par le processus de fusion et favoriser la communication, il
importe d'organiser le plus tôt possible des activités à l'intention
des gestionnaires des différentes organisations. Ces activités indui-
sent des échanges intéressants pour que les uns et les autres se
familiarisent davantage avec la réalité et les cultures propres aux
diverses organisations.

128
7.1fusion desS
de sainte-meuntst
et de val

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
Mise en situation
Au début des années 1990, le gouvernement produisait un guide
qui faisait état de la nouvelle politique gouvernementale en matière
de regroupement des municipalités. Le gouvernement recomman-
dait que le tout se fasse sur une base volontaire, après une
rigoureuse analyse de la situation et en s'assurant que la population
serait informée en première ligne.
Au milieu des années 1990, voyant que très peu de municipalités
avaient envisagé un regroupement, le ministre des Affaires munici-
pales de l'époque rendait publique la politique de consolidation des
communautés locales.
Par cette politique, qui sous-tendait l'efficacité, l'efficience et
l'équité, le gouvernement souhaitait inciter davantage les munici-
palités à évaluer les avantages de la fusion. Quatre grands objectifs
avaient été identifiés. Une fusion devait améliorer la capacité
financière et administrative des municipalités, viser un meilleur
partage des ressources et des coûts, favoriser une utilisation optimale
des ressources du milieu et du gouvernement, et appuyer les efforts
de développement économique et de prise en charge pour lesquels
le gouvernement les avait conviées. Cette politique touchait
particulièrement les ensembles de village-paroisse ou communautés
naturelles et les petites agglomérations de dix mille habitants et
moins. La fusion de la paroisse de Sainte-Marguerite et du village
Val-des-Champs est imminente. Il y a donc beaucoup à faire.

Sur la rive sud de Québec, en bordure de la route 132, se situe


la charmante petite paroisse de Sainte-Marguerite. Ses 3 320
citoyens, vaillants et fiers, sont réputés pour la qualité de leur
production de petits fruits. Les gens partent de loin pour venir y
faire l'autocueillette des fraises. Après tout, les producteurs de
Sainte-Marguerite ont le souci de faire de la culture biologique.
Chez eux, les fraises ont le goût des fraises !
Il y a un an, des élections ont eu lieu à Sainte-Marguerite. Une
importante page d'histoire a alors été tournée puisque le pouvoir,
qui avait été détenu depuis 20 ans par un agriculteur, venait de

129
passer aux mains d'un citadin, Pierre Lafleur. Si on voulait brosser
un portrait de la paroisse, il faudrait souligner que la vocation
rurale avait été vivement défendue, et que cette mentalité était
maintenant profondément ancrée chez les citoyens. Tout, même le

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
logo, mettait en évidence l'importance du caractère rural de l'orga-
nisation. Aussi, l'ancien maire avait vigoureusement alimenté la
saga des villages qui dépensent trop. On peut donc comprendre
que les citoyens tenaient à garder leur identité propre.
Pierre Lafleur s'était fait élire sur la promesse de maintenir la
paroisse belle et rurale. Lors de son discours d'investiture, il avait
donc confirmé à ses concitoyens qu'il continuerait à promouvoir
avec force et fierté la vocation rurale de Sainte-Marguerite en
disant : « Foi de Pierre Lafleur, c'est pas demain la veille que Sainte-
Marguerite va disparaître de la carte. S'il y a de quoi, on va juste
prendre plus de place sur la carte ! » II était loin de se douter qu'il
serait rapidement appelé à élargir les limites de sa belle paroisse.
Pendant la campagne électorale, Charlotte Lortie, mairesse de
Val-des-Champs, tricotait serré un projet de fusion entre son
village et la paroisse de Sainte-Marguerite. Elle caressait ce projet
depuis quelque temps, mais l'ancien maire avait toujours fait la
sourde oreille à ses propositions. Elle espérait avoir plus de succès
avec Pierre Lafleur. Dans sa tête, il n'existait pas de meilleure
solution pour ces deux entités. Historiquement, le village avait
déjà abrité les bureaux administratifs de la paroisse ; les citoyens de
la paroisse étaient encore fortement rattachés au village, car ils y
trouvaient plusieurs services, publics et privés ; les organismes
locaux fonctionnaient au sein de structures uniques (Caisse popu-
laire, Fabrique, Chambre de commerce). Les groupes commu-
nautaires de la paroisse étaient peu influents, alors que ceux de
Val-des-Champs étaient très dynamiques. La population du
village vivait avec le sentiment de payer pour des services dont la
paroisse bénéficiait largement. Au sein de l'organisation du village
on remarquait la présence d'employés syndiqués et une gestion
participative qui attestait une capacité à gérer les deniers publics.
Les objectifs à court terme de cette organisation étaient justement

130
de faire la fusion et de maintenir la taxation basse, le tout dans un
souci d'assurer la qualité des services.
Cinq mois après l'élection, à la veille du congé de Noël, Pierre

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
Lafleur se rendait à Québec en compagnie de Charlotte Lortie,
mairesse de Val-des-Champs, le village voisin. Ils s'en allaient
rencontrer le conseiller du ministère des Affaires municipales
chargé de leur dossier de fusion. Ce dernier devait leur présenter
ses recommandations suite à l'analyse des résultats d'une étude
menée au cours de la dernière année. Sur la route qui les menait à
Québec, Pierre regardait défiler le paysage et se rappelait, comme
si c'était hier, le moment où il avait commencé, bien malgré lui, à
évaluer les enjeux d'une fusion.
Ce jour-là, comme à tous les jours, Pierre Lafleur s'était présenté
tôt à son bureau. Il aimait commencer sa journée de bonne heure.
Bien qu'il eût été élu avec une faible majorité, il était confiant et
croyait pouvoir accomplir de grandes choses avec son équipe. Son
café à la main, il s'apprêtait à entreprendre la lecture des quoti-
diens, quand il constata que L'Hebeto de Val-des-Champs était sur
son bureau. Il décida donc de commencer par celui-ci. Pierre se
retrouva en état de choc ! L'Hebdo titrait à la une : « Si tout se
déroule selon mes plans, le projet de fusion avec Sainte-Marguerite
sera sur le bureau du ministre avant la fin de l'année ! » C'était
signé : Charlotte Lortie, mairesse de Val-des-Champs.
Fébrile, Pierre lut l'article au complet. On y rapportait un
résumé d'une conférence donnée par la mairesse au déjeuner des
Toast Master. Chacune des phrases était ponctuée d'un «Non
mais ça se peut pas ! », « Tu parles d'un culot ! », «Attends que je lu
parle ! » Bien sûr, il savait que la mairesse de Val-des-Champs
murmurait dans les coulisses quelle avait en tête un projet de
fusion, mais jamais il n'aurait cru que ces murmures prendraient
forme aussi rapidement auprès du public. Soucieux d'être bien
informé, il communiqua avec le directeur des Toast Master dans le
but d'obtenir le texte intégral de la communication. Ce dernier
l'assura qu'il n'y avait pas de problème et qu'il le recevrait par
télécopieur dans les minutes qui suivaient.

131
Pierre Lafleur était nerveux. Il devait prendre connaissance de ce
document et étudier la question sous toutes ses coutures. De plus,
il devait rapidement se faire une idée sur le sujet, car les membres
de son équipe ne manqueraient pas de l'interroger sur la façon

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
dont il entendait réagir. La discussion risquait d'être animée,
houleuse, voire émotive. Aussi, les journalistes allaient-ils sûrement
vouloir le rencontrer pour obtenir ses commentaires. Il lui fallait
donc prévoir une réponse bien articulée qui se ferait rassurante
pour la population, mais qui lui laisserait une marge de manœu-
vre. En politique, il faut être prêt à toute éventualité !
Il demanda donc à sa secrétaire de convoquer une réunion
extraordinaire de ses plus proches conseillers pour midi le jour
même ; il fit annuler tous ses rendez-vous et exigea de ne pas être
dérangé. Dans son for intérieur, Pierre se sentait traqué. Lui qui
s'était fait élire sur la promesse de garder la paroisse belle et rurale
allait devoir se prêter aux tractations de cette Charlotte Lortie. Il
s'entendait encore déclarer avec fierté que Sainte-Marguerite
n'était pas prête à disparaître de la carte. Mais comme il est un
homme ambitieux, Pierre ne pouvait s'empêcher de se demander
s'il n'y avait pas quelque avenir dans ce projet de fusion. Peut-être
avait-il prononcé une phrase déterminante la fois où il avait
affirmé que, s'il se passait quelque chose, Sainte-Marguerite ne
prendrait que plus de place sur la carte du Québec ?
Tout à coup, le signal sonore du télécopieur le ramena à la
réalité. Il regarda défiler le texte intégral de la communication.
« Diable ! c'est une thèse de maîtrise qu elle leur a présentée !
s'écria-t-il en constatant l'ampleur du document. Immédiatement,
il se mit à la tâche et analysa le contenu de la communication.
D'entrée de jeu, Madame Lortie affirmait que la fusion de
Sainte-Marguerite et de Val-des-Champs procurerait un essor
important à la région. Elle affirmait aussi qu'elle pouvait compter
sur l'appui de ses concitoyens qui croyaient fermement que la
politique de consolidation des communautés locales proposée par
le gouvernement pourrait produire des retombées positives pour
leurs milieux respectifs. Elle rappela qu'historiquement, les deux

132
collectivités ne faisaient qu'une, et que c'est la vocation rurale qui
avait entraîné la dissolution. Il ne lui paraissait donc pas impossible
de faire marche arrière en préservant les valeurs des deux parties.

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
Après tout, les deux communautés partageaient encore beaucoup
de services et quelques institutions comme la Fabrique, la Caisse
populaire et la Chambre de commerce, pour ne mentionner que
ceux-là. Elle souligna que ce type de fonctionnement est répertorié
sous l'appellation «communauté à un seul clocher», faisant ici
référence au noyau du village. Elle reconnaissait bien sûr qu'il
existait des disparités fiscales importantes entre les deux muni-
cipalités, mais elle était convaincue que son organisation, forte
d'une approche de gestion participative, possédait la capacité pour
bien gérer les deniers publics et d'en arriver à un partage équitable
des ressources et des coûts.
Dans le but de démontrer le sérieux de son projet, Charlotte
Lortie avait invité sa fille à venir présenter les résultats d'une
recherche théorique qu'elle venait de terminer sur la fusion des
communautés. De cette recherche, Pierre apprit qu'il existe
des modèles théoriques qui visent à faciliter la réalisation de la
fusion. Ces modèles tiennent compte du fait qu'une fusion
engendre de profonds changements culturels. Ils prennent donc
en compte les valeurs, les croyances et les comportements des
différents acteurs.
Assis sur le bord de sa chaise, Pierre se rendit compte qu'il avait
attaqué ce document sans vraiment avoir pris le temps de s'instal-
ler. Il décida de prendre une pause pour assimiler ce qu'il venait de
lire, ce qu'il venait de découvrir. Il se prépara un autre café et ses
pensées se bousculèrent dans sa tête. Se pourrait-il que Charlotte
Lortie dise vrai et que la fusion engendre des retombées intéres-
santes pour Sainte-Marguerite ? Peut-être la paroisse y trouverait-
elle son compte ? Comment pourrait-il aborder la question sans
trop avoir l'air de changer d'option? Pourrait-il accéder à une
administration plus importante ? Son avenir politique prendrait-il
une tournure plus dynamique ? Pierre était excité. Tout allait trop
vite dans sa tête.

133
Pierre se ressaisit. Il devait demeurer vigilant, surveiller de près
les intérêts de sa paroisse et de son avenir politique. Attention, pas
question de changer de nom! Sainte-Marguerite est sur la carte
pour y rester !

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
Pierre se rassit et termina la lecture du document. En con-
clusion, Charlotte Lortie s'adressait aux gens en réitérant sa ferme
intention de procéder à des négociations actives pour que le projet
de fusion s'enclenche rapidement. Sainte-Marguerite et Val-des-
Champs avaient beaucoup de points en commun, et il lui
apparaissait incontournable de procéder à cette fusion qui ne
pouvait être que bénéfique aux deux parties.
À la lecture de la dernière phrase, Pierre éclata de rire. La
mairesse concluait en disant : «Je sais que l'ortie représente quelque
chose d'irritant dans le monde de la fleur, mais je demeure con-
vaincue que Lafleur de Sainte-Marguerite pourra très bien
s'épanouir dans les champs de Lortie. » Pierre était obligé de
reconnaître que madame la mairesse a toujours eu la répartie facile.
Il en a coulé de l'eau sous les ponts au cours de la dernière
année. Bien sûr, Pierre a procédé à une sérieuse évaluation de la
question avec ses conseillers, puis ils ont finalement décidé
d'entreprendre des pourparlers avec la mairesse de Val-des-
Champs. Chaque partie a exprimé clairement les acquis qu elle
souhaitait conserver puis, avec l'aide d'un conseiller du ministère
des Affaires municipales, les étapes de fusion ont été entreprises
conformément au plan prévu par la politique gouvernementale :
étude de faisabilité, négociation des conditions, consultation de la
population, demande commune des municipalités, et approba-
tion gouvernementale. Il y avait beaucoup de chemin de par-
couru, mais les dés n'étaient pas encore jetés. Chez les employés
des deux municipalités, même si plusieurs avantages avaient été
clairement démontrés, plusieurs craintes étaient encore présentes :
les employés craignaient de perdre leur emploi; un certain
snobisme était clairement exprimé chez les employés du village qui
ne souhaitaient pas travailler avec des employés de la paroisse;
d'autres, par contre, voyaient miroiter la possibilité d'une augmen-

13*
ration de salaire en raison du fait que la taille de la nouvelle muni-
cipalité serait plus grande. Chez les citoyens, la crainte d'une
hausse de taxes était vivement appréhendée. Les maires, bien qu'ils

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
aient travaillé ensemble, vivaient intérieurement une lutte sans
merci dans la quête du pouvoir.
Tout à coup, Charlotte vint tirer Pierre de sa rêverie en lui disant
à quel point elle était fière de ce qu'ils avaient accompli au cours
des derniers mois. Pierre abonda dans le même sens, mais il se
permit un commentaire additionnel: «Chère Madame Lortie,
bien que nos deux municipalités se soient engagées dans ce projet
de fusion, n'allez pas croire pour autant que tout soit gagné pour
Val-des-Champs. Je crois que nos deux organisations auront
encore des concessions à faire, en ce sens, que diriez-vous d'appeler
la nouvelle entité, Sainte-Marguerite-des-Champs ? » Pierre
essayait à son tour de tirer un coin de la couverture !

La fusion de Sainte-Marguerite et de Val-des-Champs est immi-


nente. L'intégration de deux entités est toujours lourde de consé-
quences pour l'organisation et les employés. Les échecs sont
nombreux, et pour plusieurs raisons : mauvaise évaluation des
forces et complémentarités réelles, conflits de pouvoir entre les
dirigeants, sous-estimation des difficultés de mise en œuvre... la
liste est longue, mais l'insuffisance ou l'absence de prise en compte
du facteur humain y figure en bonne place. Comment donc faut-
il gérer efficacement les ressources humaines lors d'une fusion de
deux cultures organisationnelles ?

135
7.2 UN FKMFNKDNKLFNGKDNMGKDFNMGKFXMNGF,FNM,.FMDSFK.MDFF
ïLli CAS £H-* ft'K^V&AU .:>ï^-:*S'-":Vi-f'<:.

Mise en situation

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
Le Nouveau Ministère est né de la fusion de quatre organismes
gouvernementaux de trois ordres de gouvernement : le fédéral, le
provincial et le municipal. Il s'agit d'un regroupement qui touche
plus de 7 500 employés. Des objectifs gigantesques ont été fixés
pour cette fusion. Dix-huit mois plus tard, plusieurs objectifs ont été
réalisés, mais il faut encore relever de nombreux défis, dont celui de
l'unification des cultures.

Les membres du comité de direction s'étaient réunis d'urgence :


le grand quotidien de la région titrait à la une : « Le Nouveau
Ministère est un dinosaure : les structures sont lourdes, la popu-
lation est insatisfaite de ses services, les employés ne s'y retrouvent
plus eux-mêmes ! » La réunion avait été longue et houleuse.
Mathieu referma la porte de son bureau. Les membres du
comité, à qui il venait de présenter un état de la situation des
ressources humaines suite à la fusion qui avait mené à la création
du Nouveau Ministère, étaient tendus. Que d'énergies ils avaient
dû consacrer à cette fusion depuis dix-huit mois, depuis que
l'entente entre le Canada et le Québec avait été signée ! Quant à
Mathieu, il lui restait encore tant à faire en qualité de vice-prési-
dent aux Ressources humaines.
Le Nouveau Ministère était né de la fusion de quatre organismes
relevant de trois ordres de gouvernement : le fédéral, le provincial et
le municipal. Il s'agissait donc du regroupement de missions et de
cultures très différentes qui touchaient directement plusieurs
milliers d'employés, issus d'organisations qui avaient vécu, peu de
temps avant la fusion, des réorganisations internes importantes.
Aussi, au moment de la fusion, le contexte de l'administration
publique était très difficile : les compressions budgétaires répétées,
l'impopularité de la fonction publique dans la population et la dété-
rioration des conditions de travail avaient grandement menacé la
mobilisation des fonctionnaires. Et comme si ce n'était pas assez, la
Loi 82 sur la modernisation de la fonction publique venait imposer

136
de nouvelles contraintes, comme celles de la responsabilisation et de
l'imputabilité des résultats pour juger les gestionnaires.
Des objectifs gigantesques ont été fixés pour le Nouveau Minis-

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
tère : assurer la continuité des services, réviser en profondeur et
harmoniser les programmes et mesures par une réorganisation
complète des structures administratives et partenariales ; optimiser
l'arrimage des processus, des systèmes et des technologies, et
même saisir l'occasion pour intégrer de nouvelles technologies de
l'information.
La nouvelle structure comprend dix-sept directions régionales et
plus de 150 centres locaux de service. Elle est complétée par une
direction générale des politiques et des unités centrales de soutien
administratif et opérationnel. Le Nouveau Ministère compte plus
de 7 500 employés, dont près de 400 gestionnaires répartis aux
niveaux central, régional et local.
Pour favoriser une fusion harmonieuse, le Nouveau Ministère a
créé le BIQUO (Bureau d'intégration des quatre organisations).
Le BIQUO est dédié exclusivement à la gestion de cette fusion, et
son rôle est exercé à la fois en modes matriciel et hiérarchique. Le
cadre de gestion comprend le comité exécutif de la mise en place,
l'établissement de chantiers de conception et de développement
chapeautés par un comité de planification et de suivi, des équipes
régionales d'implantation supervisées par un comité de direction
de l'implantation, des équipes centrales de soutien à l'implantation
et des comités consultatifs. Le directeur du BIQUO occupe ses
fonctions à plein temps, et il est assisté par une dizaine de
personnes issues de différentes unités administratives du ministère.
Le BIQUO poursuit cinq objectifs : élaborer la planification glo-
bale de la fusion et assurer la réalisation de la réorganisation;
assurer l'examen de l'ensemble des éléments essentiels à une fusion
harmonieuse ; assurer l'implantation des nombreux changements
pour chacune des entités administratives ; faciliter l'adaptation aux
changements des ressources humaines; intervenir auprès de la
direction et des gestionnaires sans exercer de pression indue sur la
continuité des services.

137
Certaines nouvelles valeurs de gestion ont déjà été énoncées :
l'association étroite du personnel à la mise en place des change-
ments ; la mobilisation du personnel devant cohabiter harmonieu-

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
sement ; le respect et l'équité pour tout le personnel ; la
bonification de la qualité des services rendus ; la transmission
continue de l'information pertinente au personnel et aux
partenaires.
On n'a pas non plus tardé à mettre en chantier tous les
domaines de la nouvelle organisation: la configuration géogra-
phique des réseaux de service ; les politiques et les programmes ;
l'organisation générale des directions régionales et des centres
locaux de service ; l'organisation du travail et des processus ; les
ressources humaines, dont l'organisation administrative et la
gestion des changements; les technologies de l'information; les
communications externes ; les ressources humaines et financières.
En matière de gestion des ressources humaines, plusieurs
chantiers ont été réalisés par la direction des Ressources humaines.
Le processus de planification des ressources humaines a permis de
dresser le portrait des ressources actuelles dans l'ensemble des
quatre organisations, et de prévoir les besoins quantitatifs et quali-
tatifs en main-d'œuvre pour le Nouveau Ministère. L'exercice de
planification a débouché sur un plan intégré et sur un ensemble de
principes et de critères de répartition des ressources administratives
et opérationnelles pour l'ensemble du ministère. Un autre chan-
tier, celui concernant l'intégration du personnel provenant des
organisations hors fonction publique et leurs conditions de travail,
avait pour but d'assurer l'intégration harmonieuse des différentes
catégories de personnel. Un groupe de travail a été mis sur pied, et
a négocié et conclu, avec les six syndicats impliqués, une entente
de transfert de 2 ooo employés au Nouveau Ministère.
La direction des Ressources humaines a aussi élaboré la struc-
ture administrative supérieure et intermédiaire, en concertation
avec les autorités ministérielles, déterminé les niveaux de tous les
emplois d'encadrement, et proposé des stratégies de dotation pour
le redéploiement de l'ensemble du personnel. Ces actions ont

138
donné lieu, entre autres, à l'élaboration du plan d'organisation
administrative supérieure, à la description et l'évaluation de près
de 400 emplois d'encadrement des unités de directions centrale,

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
régionale et locale, au déploiement de cadres dans les postes de
direction supérieure, à l'ouverture d'une trentaine de concours
pour les postes non pourvus par affectation, et à la dotation
d'environ 270 postes cadres dans les structures régionale et locale.
Parallèlement aux chantiers précédents, d'autres chantiers ont
été mis en marche : celui de la prise en charge de la rémunération
et des avantages sociaux de plus de 2 ooo nouveaux employés et
celui de la santé et de la sécurité au travail.
La préoccupation majeure de l'ensemble des responsables du
ministère concernait toutefois la gestion des impacts humains
reliés aux changements. Dans le but de favoriser une intégration
progressive et harmonieuse de tous au Nouveau Ministère, diffé-
rentes actions ont donc été entreprises. Elles comprenaient quatre
volets : l'intégration et la mobilisation des gestionnaires ; l'accueil et
l'intégration du personnel ; la formation du personnel ; et les com-
munications internes.
L'intégration et la mobilisation des gestionnaires a précédé celle
de l'ensemble des employés. Quelques mois après l'annonce de la
fusion, tous les directeurs généraux, centraux et régionaux, soit
une centaine de personnes, ont été conviés à une rencontre
d'information de deux jours pour faire le point sur la mise en place
du Nouveau Ministère. La direction des ressources humaines a
également organisé, en collaboration avec le Secrétariat du Conseil
du Trésor et l'École nationale d'administration publique, des
activités de formation portant sur l'environnement gouvernemen-
tal et sur des aspects de la gestion des ressources humaines, finan-
cières et matérielles.
Le plan d'action de l'accueil et de l'intégration prévoyait
d'abord l'intégration administrative, suivie de l'intégration
physique des employés sur une période de douze mois, et d'une
intégration sociale et psychologique progressive. Des documents
ont été préparés pour l'accueil, des rencontres d'information ont

139
été tenues par la direction et plusieurs gestionnaires, et un soutien
téléphonique centralisé était accessible à tous les employés pendant
les heures d'ouverture.
La formation du personnel a visé, entre autres, une formation

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
de base de deux jours sur le nouvel environnement organisation-
nel, et une formation spécifique sur les programmes, les processus
et les systèmes. Tout le personnel a eu accès à la formation de base,
tandis que la formation spécifique, d'une durée de 12 à 18 jours, a
été suivie par le personnel des opérations. Au total, environ
30 ooo jours-personnes ont été consacrés à la formation du
personnel sur une période de cinq mois.
Enfin, les communications internes ont été assurées par deux
directions, celle des Ressources humaines et celle des Commu-
nications. Plusieurs moyens de communication ont été élaborés et
mis en place : journal télévisé interne, nouveau journal écrit, mes-
sages du ministre et du sous-ministre, papillons d'information
annexés au chèque de paie, boîte téléphonique et ligne 1-800,
vidéocassette et outils d'information pour faire du Jour I une
journée d'accueil réussie.
C'est un an après l'annonce de la fusion qu'ont officielle-
ment commencé les activités du Nouveau Ministère, et que les
employés hors fonction publique sont devenus officiellement ses
employés. Le regroupement physique des employés et l'in-
tégration des technologies de l'information ont débuté en même
temps.
Dix-huit mois plus tard, le Nouveau Ministère a encore de
nombreux défis à relever. Le Comité de gestion avait été clair là-
dessus, ce matin. Il faillait rapidement voir : à l'ouverture de nou-
veaux centres locaux de service ; à l'achèvement des arrimages
administratif et opérationnel interréseaux par la finalisation de la
mise en place des infrastructures technologiques ; au déploiement
du personnel cadre aux niveaux régional et local ; à la conservation
des acquis en ce qui concerne, par exemple, l'intégration des
cultures organisationnelles, la synergie des équipes de travail et de
gestion, et la concertation avec les partenaires du Nouveau

14.0
Ministère ; à l'accélération de l'utilisation des nouvelles technolo-
gies par la clientèle et les partenaires ; et à la contribution de
milliers de personnes provenant des quatre organisations, tout en

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
assurant un service de qualité amélioré.
Malgré la mise en place de tous ces chantiers, Mathieu savait
que le moral de certains employés était affecté. Si plusieurs avaient
bien réagi à la fusion, d'autres ressentaient encore beaucoup
d'inquiétude qui se manifestait, entre autres, par une augmen-
tation du taux d'absentéisme dans certains services, une hausse du
degré général de nervosité et d'agressivité, et des attitudes non
coopératives qui nuisaient au rendement au travail. Certains
avaient peur de perdre leur identité et valorisaient encore les
méthodes de leur organisation d'origine. Mathieu savait bien que,
faute de contribuer de façon constante à la création de la nouvelle
culture du Nouveau Ministère, résultat positif du métissage des
quatre apports, on pourrait constater, dans plusieurs années, l'exis-
tence de bastions autonomes reconstruits par les anciens des
quatre organisations qui avaient fait l'objet de la fusion.
En fixant la carte géographique sur le mur qui faisait face à son
bureau, Mathieu se dit que bien des employés qui s'étaient impli-
qués sérieusement dans la fusion avaient, comme lui, grandement
besoin de vacances. En ce qui le concernait, ce projet allait être
remis à plus tard. Avec les contraintes bureaucratiques à respecter
et la coordination des travaux des divers comités et chantiers, la
gestion de plus de 7 ooo employés dans un contexte de change-
ments organisationnels majeurs lui laissait encore beaucoup de
travail en perspective !
Quelqu'un qui frappa à sa porte vint le tirer de ses pensées. Sa
secrétaire venait l'informer que le vice-président du Service à la
clientèle demandait à le rencontrer pour discuter des actions à
mettre en œuvre le plus rapidement possible, et que le directeur
des Approvisionnements voulait lui parler au sujet des discussions
animées qu'il continuait d'avoir avec les ex-employés du fédéral sur
le temps requis pour obtenir le matériel dont ils avaient besoin
pour leur travail. Le vice-président Capital Humain voulait

ifci
également discuter avec lui de l'harmonisation des cultures
fédérale, provinciale et municipale de formation des employés.

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
Évaluez la démarche qui a été entreprise jusqu'à maintenant pour
la concrétisation d'une culture propre au Nouveau Ministère, et
expliquez comment Mathieu devrait s'y prendre pour réussir l'uni-
fication des cultures des quatre organisations d'origine.

11*2
Thème 8

Liï <£C$tiO'n d^ c&iïWïntlifè

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
ORGANOSATIONSNEL

FA€TE^$t$4 €^!Y1€?IJ:HS ?"li;

Tout le monde s'entend pour dire qu'au cours des dernières


années, les organisations publiques, plus que toutes les autres, ont
vécu des changements majeurs. Ces changements ont atteint une
importance et une fréquence telles que les administrations publi-
ques ne sont plus guère aujourd'hui ce quelles étaient. Présente-
ment, aucune diminution du rythme ou de l'ampleur de ces
changements ne semble poindre à l'horizon. Le changement est
devenu en quelque sorte la réalité la plus permanente qui caracté-
rise les administrations publiques.
Par conséquent, la gestion du changement est maintenant une
activité stratégique régulière des gestionnaires du secteur public.
Elle implique la planification, l'organisation, la direction d'une
séquence d'activités destinées tantôt à transformer uniquement
l'environnement physique, les procédures, la culture ou les pro-
grammes et les services d'une organisation, tantôt une combi-
naison de ces différents éléments.
Lorsque des transformations organisationnelles se
Le changement est devenu en
produisent, elles affectent l'organisation du travail, le
quelque sorte la réalité la plus
rôle des travailleurs et leurs acquis en termes de for- permanente qui caractérise les
mation et d'expérience. Ces derniers n'ont alors administrations publiques.
d'autre choix que d'accepter le changement et le trau-

143
matisme du « choc du futur » que celui-ci engendre. C'est pour-
quoi, les responsables de la fonction ressources humaines doivent
s'impliquer directement auprès du personnel et accorder une
grande attention à la gestion du changement. En effet, si on laisse

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
à eux-mêmes les employés en colère ou perturbés émotionnelle-
ment par le changement qui leur est imposé, la qualité de leur
travail peut grandement en souffrir; ils peuvent, s'ils sont en
relation directe avec les citoyens, causer un tort irréparable à la
réputation de l'organisation.
Les facteurs critiques de succès relatifs à cette activité touchent la
culture organisationnelle, la préparation du changement et la
période de transition. Dans le cas de la culture, on l'a vu, le chan-
gement est omniprésent et permanent au sein des organisations
publiques modernes. // est donc important que la culture organi-
sationnelle supporte cette réalité. En ce sens, la flexibilité, l'adap-
tabilité, l'amélioration continue et le sens de l'innovation sont
autant de valeurs qui doivent être véhiculées par la culture orga-
nisationnelle. Ces qualités permettent aux employés d'acquérir ou
de développer une attitude positive face au changement, en
l'acceptant comme un phénomène continu faisant partie inté-
grante de la réalité et de l'activité de l'organisation.
En second lieu, la confiance mutuelle entre les divers groupes
d'acteurs organisationnels doit aussi être une valeur supportée par la
culture organisationnelle. En effet, l'existence d'un climat de
confiance entre la haute direction, les cadres, les employés et les
représentants syndicaux est d'un précieux secours pour surmonter
la charge émotive qu'un changement organisationnel peut drainer.
Si l'employé a confiance en ses patrons tout autant qu'en son orga-
nisation, il lui sera alors plus facile d'accepter les transformations
organisationnelles qui lui sont imposées et de s'y
La confiance mutuelle entre adapter.
les divers groupes d'acteurs Cela étant dit, la phase de préparation est une étape
organisationnels doit aussi être
cruciale dans la réussite d'une transformation orga-
une valeur supportée par la
culture organisationnelle. nisationnelle. Un des premiers éléments à considérer,
avant même d'amorcer un changement, consiste à

1*4
bien identifier les raisons qui le justifient. C'est-à-dire qu'il faut
savoir exactement quelle situation on veut changer etpourquoi il faut
la changer. Certes, ce type de justification ne peut se fonder sur le

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
seul désir d'un haut dirigeant ou encore juste pour suivre la vague
de changements « à la mode » dans les organisations publiques.
De cette justification doit aussi découler la fixation des objectifs
poursuivis par le changement à amorcer. Dès ce moment, il
importe de prévoir l'impact que celui-ci peut avoir sur le personnel
de l'organisation. En effet, plus un changement affecte des élé-
ments majeurs pour les employés, plus les objectifs initiaux
doivent être conçus de manière à susciter leur collaboration. C'est
également lors de cette étape qu'il convient de s'assurer que le
changement va véritablement rapporter des bénéfices qui sont
jugés supérieurs à l'énergie et aux ressources qu'il nécessitera et aux
inconvénients qu'il aura sur la dynamique organisationnelle.
Troisièmement, l'efficacité d'un changement est souvent propor-
tionnelle au degré d'implication des membres de l'organisation dans
l'identification de la situation problématique et du choix des correctifs
à appliquer. Pour ce faire, il faut susciter la participation des gens à
la planification du changement, notamment en leur faisant miroi-
ter les bénéfices individuels qu'ils peuvent en retirer, tout autant
que les conséquences directes que ce changement aura sur leur
environnement de travail. Pour être plus pragmatique, disons qu'il
s'agit de répondre à l'avance à trois questions fondamentales que se
pose chaque employé face à un changement: Qu'est-ce que j'ai à
gagner dans ce changement? Qu'est-ce que j'ai à perdre? Quel
effort devrai-je déployer pour m'adapter dans l'exercice de mes
fonctions ? La réponse de l'employé à ces trois questions le conduit
à adopter un comportement différent, pouvant aller de l'accepta-
tion au retrait total, en passant par la résistance active au change-
ment envisagé. Une telle participation est aussi un bon moyen de
donner l'occasion et le temps au personnel de se désengager
émotivement de la situation actuelle. La direction de l'organisation
doit cependant être consciente que la participation implique des
coûts en temps et en argent, qu'elle peut créer des conflits internes

1*5
et qu'elle peut mener à un partage de son contrôle sur le change-
ment avec le personnel.
Arrive la phase de transition, c'est-à-dire le passage d'un état à
un autre, ce qui représente la période la plus difficile pour le per-

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
sonnel. Dans la plupart des cas, pour ne pas dire dans tous, la
contribution active des employés est essentielle à la réussite de cette
transition, alors qu'ils ont en même temps à en subir les impacts
souvent négatifs. D'entrée de jeu, la haute direction aussi bien que
tous les gestionnaires doivent être pleinement conscients que gérer une
transition requiert du temps, des efforts, des ressources et de l'attention
de leur pan. Il y a toujours un prix à payer pour évoluer d'une
situation à une autre. La gestion d'une transition ne ressemble en
rien à la gestion routinière. En toute occasion, il faut éviter de
minimiser le changement, de promettre mer et monde ou de
laisser se développer toutes sortes de rumeurs. Pour bien faire, les
gestionnaires donnent toujours l'heure juste aux employés. Au gré
des interventions, ils rendent explicites le genre et la quantité de
ressources qui sont disponibles pour réaliser la transition. Cela veut
aussi dire que la haute direction doit s'entourer de gens compé-
tents dans ce domaine, en mettant notamment à contribution les
responsables de la fonction ressources humaines.
Le personnel doit toujours sentir cpïun leadership éclairé effort
guide ce changement. À ce titre, il convient qu'un haut dirigeant
s'impose comme responsable et maître de la situation. De plus,
tant la haute direction que les gestionnaires doivent adopter une
attitude qui témoigne de ce leadership. En effet, leur comportement
fait foi de leur volonté de supporter le changement, en donnant des
signaux clairs, en fournissant du soutien à ceux qui en ont besoin et en
récompensant les comportements qui vont dans le sens du changement.
Ils doivent servir de modèle en offrant une vision claire et positive
de l'avenir.
Une stratégie de surcommunication doit aussi être élaborée et
exécutée. Ce superlatif signifie particulièrement qu'il faut que les
mêmes messages clés soient communiqués deux, trois, quatre et
même cinq fois aux employés par le biais de différents médias et de

14.6
diverses méthodes. Par exemple, cela peut prendre la forme de
réunions d'information, de rencontres individuelles, de groupes de
réflexion, de documents écrits, etc.

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
En fait, la transition est initialement préparée par les hauts diri-
geants, qui à leur tour fournissent aux gestionnaires et au personnel
l'information préalable, de façon à maintenir une consistance dans
le discours, car rien ne crée plus d'instabilité que des messages
ambigus ou contradictoires. Les gestionnaires doivent toujours
être en mesure d'expliquer clairement et concrètement les raisons
du changement. La gestion du changement implique le dévelop-
pement d'un climatpsychologique favorable résultant de la qualité et
du nombre de renseignements fournis sur les étapes à venir, et de la
mise en place d'une politique de traitement équitable des individus
impliqués.
Avant et pendant la transition, il faut constamment évaluer le
moral des troupes et en tenir compte. Il importe que les gestionnaires
de tous les niveaux hiérarchiques engagent ouvertement la discussion
avec le personnel et qu'ils encouragent les gens à exprimer leurs
émotions et leurs préoccupations sans gêne et sans appréhension. Le but
principal de cette ouverture est de vaincre les résistances. Il est aussi
souvent bénéfique d'organiser certains rituels, telle une cérémonie
d'adieu envers l'ancienne situation, pour aider les employés à faire
leur deuil du passé.
En tout temps, il vaut mieux présenter une évaluation objective
du changement, en faisant ressortir tout autant les avantages que
les inconvénients. Il est recommandé de trouver le moyen de rendre
le changement adaptable, et ne pas craindre de le modifier en cours
de route. À point nommé, une formation adéquate dispensée aux
travailleurs leur permet de faire face à leur réadaptation aux tâches et
peut contribuer à réduire leur niveau d'anxiété.
Alors même que les gestionnaires gèrent l'insta- II vaut mieux présenter une
bilité créée par le changement, il est essentiel de évaluation objective du
changement, en faisant ressortir
remonter le moral du personnel en rappelant que
tout autant les avantages que
l'objectif de la transition consiste justement à recons- les inconvénients.
truire la stabilité. Trop d'incertitude peut créer un

147
excès d'anxiété et des réactions défensives. L'organisation doit
toujours maintenir et faire ressortir certains ancrages pour créer un sens
de stabilité à l'intérieur du contexte de transition. Les gestionnaires
parlent donc non seulement des choses qui changent, mais tout

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
autant de celles qui ne changent pas, par exemple, la raison d'être
de l'organisation.
// est finalement impérieux d'obtenir de la rétroaction de la part des
employés, afin d'analyser l'évolution de la transition, de même que
mesurer l'état de leur moral. Il faut mettre en place différents canaux
pour obtenir cette rétroaction, tels que des entrevues, des groupes
de discussion, des sondages, etc. De plus, il ne faut surtout jamais
ignorer les canaux informels qui sont des sources d'information
précieuse.

148
'£L \ €«^J&:''H"f6:^-~~f?>n ':«• (:.'ïfi£ ^Y-llk^TIx^A^ :.kf"«
£T ^C^ilTSISV ••*.".$$ ï/îVsrH-, l^v'^S

Mise en situation

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
La reconnaissance des problèmes psychosomatiques associés au
milieu de travail est un fait récent au Québec. À ce jour, il y a peu
d'études et de recherches gouvernementales qui portent sur le
sujet. Pourtant, on entend de plus en plus parler de personnes qui
supportent mal la pression au travail, l'obligation de produire
davantage, la compétitivité, les changements administratifs et
organisationnels, bref, le cumul de diverses contraintes.
Le témoignage qui suit illustre bien la problématique vécue par
un homme qui, progressivement, a fait une descente aux enfers.
Pour lui, il est clair que les impacts organisationnels qui ont modifié
ses conditions de travail et fait augmenter la pression, l'ont conduit
tout droit à la dépression. Dans son cas, le virage ambulatoire et la
réforme du secteur hospitalier ont marqué le début d'une grande
détresse psychologique.

On m'a dit que vous vouliez m'entendre raconter mon histoire.


C'est curieux que quelqu'un comme vous vienne jusqu'ici pour
m'écouter. Enfin...
J'ai commencé à travailler à l'hôpital du Doux-Jésus, au nord de
la ville, il y a 20 ans. J'ai toujours travaillé comme préposé aux
bénéficiaires à l'unité des soins palliatifs. Avant les compressions
budgétaires dans les hôpitaux, je devais m'occuper de 15 à 20
personnes âgées. Actuellement, celui qui me remplace en a de 30 à
35 à laver, à faire manger et à habiller, tous les jours. Juste à y
penser, les cheveux me dressent sur la tête ! Vous avez sans doute
compris que je ne travaille plus. Depuis six mois...
L'hôpital du Doux-Jésus compte 145 lits et dessert une popu-
lation de 12 ooo habitants. Actuellement, avec ses 402 employés, il
est l'employeur principal dans une région défavorisée. La popu-
lation, dont près de la moitié vit de l'aide sociale, compte aussi
plusieurs familles monoparentales et une proportion assez élevée
de personnes âgées.
Au cours des trois dernières années, l'hôpital a subi d'impor-
tantes compressions budgétaires, à commencer par son budget de

1W
19 millions de dollars qui fut amputé de 3,8 millions. Le temps de
le dire, tous les services ont été touchés par les restrictions. De 564
employés permanents et occasionnels, on est passé à 402, dont 80
ont été remerciés en même temps l'an dernier. En plus, 22 per-

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
sonnes ont accepté le programme de retraite anticipée proposé par
le gouvernement.
À Doux-Jésus, les réductions de personnel et les départs à la
retraite se sont surtout concentrés à la Direction des services infir-
miers (DSI) et à la Direction des services professionnels et hos-
pitaliers (DSPH). À la DSI, le nombre de cadres intermédiaires est
passé de sept à trois, et les postes de chefs d'équipe ont été abolis.
En tout, 67 infirmières sur j6 ont été supplantées pour se retrou-
ver avec de nouvelles tâches, dans de nouveaux postes. Les infir-
mières auxiliaires furent remplacées dans les postes de soins aigus
par des infirmières diplômées et des préposés aux bénéficiaires.
Pour vous donner un exemple, la tâche quotidienne d'une infir-
mière s'est tellement diversifiée qu'elle doit maintenant tout aussi
bien administrer des médications par voie intraveineuse, donner
des bains, refaire des pansements, et même changer des couches.
Du côté de la DSPH, les réductions de personnel ont fait passer
le nombre de cadres intermédiaires de neuf à six. Des services
comme l'électrocardiographie, l'inhalothérapie, le laboratoire, et
même les archives, ont été fusionnés. C'est ainsi que l'on se
retrouve avec des inhalothérapeutes qui font des électrocardio-
grammes, et des archivistes qui transportent des prélèvements au
laboratoire. De plus, le seul poste de cadre supérieur existant a été
réduit à vingt heures par semaine. La DSPH a absorbé une si
grande proportion des changements lors du virage ambulatoire
que cinq médecins sur douze n'ont pu tenir le coup. Le chef du
département de médecine, de même que les chefs de l'urgence, de
la chirurgie et de la psychiatrie ont tous démissionné. Par la suite,
malgré les efforts du directeur général... du moins, c'est lui qui
parlait d'efforts... aucun remplaçant n'a été trouvé.
En vous racontant tout ça, je veux vous montrer que si je me
suis retrouvé ici, ce n'est pas pour rien. Toutes ces histoires ont

150
commencé à m'ébranler bien avant que je prenne les nerfs pour de
bon. À cette époque, j'ai commencé à faire de l'insomnie. Aussitôt
que je me mettais la tête sur l'oreiller, je me mettais à penser à

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
toutes sortes de choses. D'ailleurs, je n'étais pas tout seul dans ce
cas-là.
Au fur et à mesure que les bouleversements se sont manifestés,
les demandes de congés de maladie des employés ont changé.
Comme j'étais à ce moment-là à la tête du syndicat de mon unité,
j'en ai vu des vertes et des pas mûres. Des infarctus, des ulcères
d'estomac, des problèmes de digestion, de l'eczéma, des burn-out,
des névroses, des psychoses et même des accidents de travail réels,
imaginés ou provoqués se sont mis à se produire. Dans tous les
services, les gens ont commencé à prendre des congés de maladie,
à coup de deux, trois et quatre jours consécutifs. Même le grand
Real de la pédiatrie a fait une dépression ! Pourtant, s'il y en avait
un qui faisait son fort, c'était bien lui ! Le climat de travail était
devenu épouvantable. Un midi, à la cafétéria, Finhalothérapeute et
un gars de l'entretien se sont battus à grands coups de poing. Il a
fallu se mettre à dix pour les séparer.
Peu de temps après cet incident, l'hôpital a mis sur pied un
programme d'aide aux employés. Ils appellent ça le PAE. Il paraît
que ça pourrait aider à diminuer les absences pour cause de mala-
die. Dans les dépliants qui nous ont été distribués, on explique
que le PAE peut se vivre de trois manières différentes. La première
manière fait que tout se passe au complet à l'intérieur de l'hôpital,
avec les ressources disponibles. La deuxième manière fait qu'une
partie de l'intervention a lieu à l'hôpital même, et l'autre partie se
fait à l'extérieur avec des ressources spécialisées. La troisième façon
de faire permet que tout se passe à l'extérieur.
À Doux-Jésus, c'est la deuxième manière qui a été utilisée, selon
un décret prévu par le gouvernement du Québec. J'ai essayé le
PAE. Bof! Ce n'était pas évident. Les premières semaines, j'allais
prendre un café avec le psychiatre Bernier, au salon du septième. Je
n'étais pas à l'aise avec cette formule. J'avais l'impression que tout
le monde me regardait, que chacun se demandait ce qui allait

151
m'arriver. Ce n'était pas assez confidentiel à mon goût. D'ailleurs,
je ne pouvais même pas verbaliser ce que je ressentais. Plus tard,
quand j'ai commencé à aller rencontrer le psychiatre à sa clinique

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
de Saint-Jérôme, je me sentais plus détendu, mais je n'arrivais
toujours pas à passer par-dessus ce qui me faisait souffrir. Il n'y
avait rien à faire. La pression était à l'hôpital, et il paraît que je
devais apprendre à y faire face.
Pourtant, si quelqu'un de haut placé s'était donné la peine, il
aurait trouvé des solutions parce que moi, depuis que j'ai arrêté de
travailler, j'ai lu des choses intéressantes à ce sujet. La fin de
semaine, il y a un jeune étudiant qui travaille à la réception de ma
nouvelle résidence. Je vais souvent jaser avec lui. Il étudie en
gestion des ressources humaines, et c'est lui qui m'a suggéré des
lectures, un soir où je lui ai raconté comment je me suis retrouvé
ici.
La première chose que j'ai retenue, c'est que pour avoir un
milieu de travail sain où le monde ne tombe pas malade, il faut
éliminer le plus possible tout ce qui favorise l'éclosion de la
maladie psychosomatique. Je ne suis pas sûr d'avoir saisi tous les
aspects, mais en gros ils parlent de maîtriser l'environnement. Il
paraît que ça se fait en augmentant la communication à tous les
niveaux de la hiérarchie dans l'hôpital, et en stimulant la solidarité
tant au plan humain que professionnel. Ils parlent ensuite d'aug-
menter l'autonomie de chacun afin de permettre le développe-
ment de nouvelles compétences et ils insistent sur la nécessité de
former les cadres et la direction au soutien des employés, tant du
point de vue émotionnel que physique. C'est bien clair que mes
supérieurs de Doux-Jésus n'avaient pas lu ça !
Bon, il existe bien d'autres moyens, c'est pas ça qui manque !
Les études sur le sujet sont assez poussées que des chercheurs ont
même réussi à coter les risques sur la santé que peuvent représenter
certains événements dans la vie de quelqu'un.
Si j'ai bien compris ce que j'ai lu, Doux-Jésus comporte
plusieurs éléments qui permettent de le décrire comme un milieu
très à risque pour la maladie. Le virage ambulatoire a causé

152
l'augmentation des charges de travail en diminuant les effectifs par
des réductions de postes. À leur tour, ces réductions de postes ont
provoqué des réaffectations où les compétences des gens n'ont pas

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
été prises en compte. Les périodes de formation et d'adapta
ont été très courtes. De plus, l'augmentation des responsabilités et
des charges de travail a diminué les échanges interpersonnels et les
bienfaits moraux qui en découlent. Les départs à la retraite précî-
pités ont diminué l'expertise et l'expérience du personnel. Donc, il
ne faut pas se surprendre de l'augmentation des congés de maladie
et des autres absences pour des troubles psychiatriques.
Finalement, je me demande bien ce que vous êtes venu faire ici.
De toute façon, vous voyez bien que je ne suis pas fou. Capoté,
oui, mais pas fou! Si seulement les dirigeants de Doux-Jésus
avaient eu une formation adéquate pour mieux gérer leur hôpital,
on ne m'aurait pas bêtement dit de faire face au stress. Je n'aurais
pas été condamné à travailler comme un malade, et je n'aurais pas
commis ce geste qui m'a conduit ici. J'espère que vous avez un peu
de pouvoir et que vous pourrez dire aux dirigeants des hôpitaux
qu'il y a moyen de faire des changements dans l'organisation du
travail sans que ce soient de pauvres diables comme moi qui
payent de leur santé.

En qualité de spécialiste en gestion des ressources humaines,


quelles solutions pourriez-vous proposer pour enrayer, ou à tout le
moins diminuer, le problème des maladies professionnelles engen-
drées par la réorganisation du travail dans les hôpitaux ?

153
8.2DFKJDKDKFGMKFG
&>;
HOS[RKGNFGK

Mise en situation

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
Au milieu des années 1990, la situation budgétaire du Québec
affichait un déficit accumulé de 75 milliards de dollars. Afin de
briser le cycle de l'endettement et éliminer la dette, le Conseil du
Trésor, via le gouvernement, a décidé de récupérer de l'argent dans
les dépenses publiques. Comme le coût de la main-d'œuvre
représentait 58 % des dépenses annuelles, soit près de 20 milliards,
il a instauré un programme de départs volontaires à la grandeur de
la fonction publique, sans reconduction des postes.
Comme l'objectif de réduction des effectifs a été dépassé, le
Centre hospitalier Le Frontalier se retrouve avec soixante postes à
pourvoir, la plupart dans le secteur de l'obstétrique où il existe de
réelles difficultés de recrutement. De plus, en raison du manque de
ressources, les charges de travail sont beaucoup plus lourdes, et une
réorganisation du travail s'impose. Une réflexion sur les aspects
humains des changements organisationnels doit être amorcée.

Depuis trente-deux ans, Marianne travaille au Centre hospi-


talier Le Frontalier (CHLF). Cela fait déjà si longtemps, se
souvient-elle avec nostalgie. Comme le temps passe vite. C'était
hier. Elle terminait son cours d'infirmière à Québec. Aussitôt, la
vie l'emportait dans un tourbillon de travail, d'horaires changeants
et, entre-temps, son mariage avec Robert et la naissance de Rachel.
Et puis voilà...
Aujourd'hui, Marianne va prendre sa retraite. Après tant d'an-
nées de service, Marianne va s'en aller. Certes, elle aurait aimé
travailler encore quelques années, mais, avec les nouveaux objectifs
gouvernementaux de réduction du déficit, elle doit partir
Dans les documents qu'elle connaît maintenant par cœur, mais
qu'elle relit encore souvent, les lignes écrites à l'encre noire défilent
sur le papier blanc. Pour être admissibles à la retraite sans réduc-
tion actuarielle, les personnes doivent faire partie de l'un des deux
groupes d'employés suivants : être âgées de 60 ans ou plus, peu
importe le nombre d'années de service, ou encore avoir 50 ans ou
plus, et avoir atteint le facteur 80 (somme de l'âge et du nombre

15^
d'années de service). Les personnes âgées de 50 ans ou plus, mais
ayant moins de 10 années de service, sont aussi admissibles, mais il
s'agit alors d'une retraite avec réduction actuarielle. Marianne,

international.scholarvox.com:RUSTA:959777838:88858521:154.234.232.138:1552989291
quant à elle, répond aux exigences du facteur 80.
Malgré tout, pour des raisons d'organisation et de services à
rendre à la clientèle, Marianne va travailler encore trois mois.
L'entente signée, il y a quelques mois, entre le gouvernement et les
syndicats, consiste à la mise en place d'un programme de départs
volontaires financé en parts égales par les excédents de la provision
actuarielle des régimes de retraite et par une contribution gouver-
nementale. Les objectifs de ce programme sont la réduction des
coûts de main-d'œuvre sans créer de chômage, la sauvegarde de la
qualité des services publics, et surtout, la baisse du déficit gouver-
nemental. De plus, ce programme présente de nombreux avan-
tages. En plus de respecter les conventions collectives, il favorise un
rajeunissement et un renouvellement du personnel ; il garantit un
encadrement de la masse salariale de l'Etat en raison des postes
abolis ; et il maintient des relations de travail harmonieuses tout en
conservant le pouvoir d'achat des consommateurs.
D'après ce que l'on dit dans les journaux, l'objectif initial de
réduction de 15 ooo postes a même été dépassé, puisque plus de
24 ooo employés et employées de l'État ont déjà signé leur mise à
la retraite. Pour ce qui est du secteur de la santé uniquement, on
prévoit que plus de 14 ooo personnes prendront une retraite
anticipée.
Le CHLF est situé en banlieue de Montréal, dans la région de la
Montérégie. C'est un centre de courte durée qui compte actuel-
lement 249 lits. Le Docteur Antoine Morin, directeur général, est
aussi le mari de Marianne. Ils parlent souvent ensemble des
impacts de ces changements organisationnels sur les employés.
Avec toutes les contraintes du conseil d'administration et des
divers comités, la gestion des i 200 employés lui cause une forte
pression.
Comme le dit Antoine, le programme de départs volontaires
fait partie d'une résolution externe sur laquelle le centre hospitalier

155

Vous aimerez peut-être aussi