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des cultures nationales à la civilisation européenne
Ali Aït Abdelmalek
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Résumé : Je tiens Edgar Morin pour une des personnalités les plus marquantes, les plus
surprenantes et les plus accomplies de sa génération sociologique et philosophique. Dans
son extrême complexité d’Européen, il apparaît sur notre « front » occidental comme le
plus représentatif – avec Denis de Rougemont, dans le champ littéraire – de ce que
pourrait être, au regard de l’Histoire, une figuration scientifique de « l’homo-europeanus ».
Écrivain remarquable, dans un style très pur et des plus exigeants, de parfaite élégance, E.
Morin est un homme de pensée ; son inlassable curiosité et son agilité d’esprit, son avidité
même, à vouloir tout saisir, tout embrasser et tout entendre, dans son amont et dans son
aval, sont toujours pour de nombreux étudiants le sel de discussions et d’échanges. As-
soiffé de futur, sans rien céder à l’abstraction, cet implacable et souriant « inquisiteur » de
haute sécurité (au C.N.R.S.) a toujours su garder son humanisme à hauteur de son huma-
nité. Puisse sa théorie de la complexité nous tenir en éveil sur les rives menacées de la
démocratie.
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La sociologie d’Edgar Morin est, dans mes recherches, une référence omnipré-
sente. Ainsi, la transdisciplinarité n’a cessé d’être, chez moi, une tentation : n’est-
il pas temps, en effet, de réconcilier les savoirs et jeter des ponts, d’établir des
correspondances entre des disciplines qui jusqu’ici refusaient de communiquer
entre elles ? Il reste, sans doute, que la pensée complexe est moins la clé du
monde – ou une recette – qu’un défi à affronter.
Ce faisant, qu’est-ce que l’approche systémique ? Une question lancinante,
souvent associée à un sentiment de curiosité mêlée d’irritation devant son carac-
tère complexe, flou et fuyant. Tentons tout de même d’en tracer les traits essen-
tiels, après quelques remarques générales.
Au sens courant, réducteur et inexact de complication, le terme « complexité »
servait d’excuse au manque de théorie et d’explication. De justification, il est
devenu problème, lui-même objet d’étude. La complexité a évolué dans le con-
utilisées dans les théories scientifiques modernes en oubliant les caractères parti-
culiers des faits sociaux (les valeurs) et leurs propres traditions.
L’objet de cet article est de présenter :
1. la figure de la complexité (en sociologie) ;
2. la méthode, la pensée scientifique et humaniste, et la réforme de la con-
naissance proposées par un auteur, Edgar Morin ;
3. quelques réflexions sur l’Europe comme « unité multiple et complexe unis-
sant les contraires de façon inséparable ». Les principes seront d’abord expo-
sés, de manière accessible, puis illustrés, très brièvement, par une recherche
que je mène actuellement sur l’Europe, comme « utopie communautaire ».
Autrement dit, mon propos se présente comme une pièce de théâtre classique,
en trois actes et plusieurs tableaux. Pour comprendre l’articulation des étapes, il
nous faut tout d’abord dire quelques mots des principes de la « complexité » que
la pensée d’Edgar Morin propose et de la logique qui les unit.
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enseigner aussi, sans aucun doute, la critique des images (sémiologie). Sous l’ap-
pellation de « mouvement systémique », on regroupe, en fait, un ensemble d’ac-
tivités de recherche scientifique concernant la dynamique des systèmes naturels
et culturels. Ces activités, théoriques et pratiques, reposent sur un certain nom-
bre de présupposés dont les plus importants sont les suivants :
• Il existe des lois générales communes, transdisciplinaires, régissant les systè-
mes complexes et fortement interactifs, qu’ils soient physico-chimiques, bio-
logiques, écologiques, économiques, sociaux, cognitifs, naturels…
• Ces lois sont essentiellement de nature relationnelle (ou cybernétique : inte-
ractions internes ou externes).
• Certaines propriétés sont de caractère « holistique », dans le sens qu’elles con-
cernent l’ensemble du système comme une entité unitaire. Certaines proprié-
tés émergentes n’ont d’existence et de sens qu’au niveau du système comme
totalité indivisible ; le degré d’autonomie dépend de la structure dans l’espace
et le temps et de l’organisation logique de l’ensemble du système impliqué.
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tème part de l’hypothèse selon laquelle la totalité (ici la société) possède un degré
de complexité supérieur à celui de sous-systèmes qui la composent. Autrement
dit, la société présente des caractéristiques qui lui sont propres et que l’on ne
retrouve pas dans chacun des domaines sociaux ni, bien sûr, dans les individus.
On peut distinguer, ainsi, le sous-système culturel du sous-système social :
• le sous-système culturel est composé des valeurs auxquelles il faut ajouter les
connaissances et les idéologies propres à une société. C’est donc un vaste
ensemble de symboles qui donne sens à l’action des individus ;
• les normes et les rôles sont parmi les principales composantes du sous-sys-
tème social qui régit les interactions entre les individus. Ces normes et ces
rôles sont la traduction concrète des valeurs qui ont toujours un caractère très
général. Elles forment une « structure » car elles ont une relative permanence
et expliquent, en partie, la stabilité des comportements sociaux.
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qui affirment sans difficulté leur identité, la société démocratique s’appuie sur
une hétérogénéité des comportements sociaux et sur la conviction qu’il n’y a pas
plus de fondement dernier dans le domaine du pouvoir politique que dans celui
de la connaissance7.
2) La méthode (1977-2004)
La méthode cartésienne devait permettre à l’homme de « bien conduire sa raison
et chercher la vérité dans les sciences » ; Edgar Morin, en entreprenant la rédac-
tion de cette monumentale Méthode (5 tomes), n’avait pas d’autre ambition.
Sauf que la vérité que poursuit Morin ne se cantonne pas dans les « idées claires
et distinctes ». La Méthode qu’il élabore ici ne craint pas, en effet, d’appréhen-
der la complexité du réel : le fait que :
du sujet qui le connaît et, qu’inversement, tout sujet connaissant porte l’em-
preinte du monde extérieur.
Un tel dessein, on l’aura compris, ne s’accommode guère d’une méthode réduc-
trice et simplificatrice, d’une méthode qui entend isoler les phénomènes de leur
environnement, éliminer l’observateur de l’observation, exclure de la science
tout ce qui n’entre pas dans le schéma linéaire pris pour modèle par Descartes :
l’aléatoire, l’incertain, l’anormal, le compliqué. Il s’agit, au contraire, d’adopter
le paradigme de complexité qui permette de concevoir comme lié ce qui, jus-
qu’ici, était considéré comme disjoint. Et l’auteur de battre en brèche les cloison-
nements et alternatives dont l’histoire de la philosophie a fait de véritables dogmes :
dualisme de l’homme et de la nature, de la matière et de l’esprit, du sujet et de
l’objet, de la cause et de l’effet, du sentiment et de la raison, de l’un et du multi-
ple…
La méthode adoptée par l’auteur repose sur un certain nombre de principes,
qui sont eux-mêmes en interaction les uns les autres : le principe « dialogique », le
principe « récursif » et le principe « hologrammique ». Pour Edgar Morin, il s’agit
de rendre les théories plus ouvertes, complexes et autocritiques, et aptes à dialo-
guer les unes avec les autres, en dehors de tout dogmatisme ou endoctrinement.
L’information, la connaissance et la pensée sont, à cet égard, des capitaux
précieux pour l’individu et la société. Ainsi, le cheminement d’Edgar Morin à
partir des années 1990 le conduit vers l’éducation8. Concernant l’éducation,
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11. Comme Edgar Morin l’a indiqué aussi dans l’ouvrage cité plus haut, les notions de
système et d’organisation se renvoient l’une à l’autre (La tête bien faite, op. cit.,
pp. 94-106).
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12. Cf. Michel ROUX, Géographie et complexité, Paris, L’Harmattan, 1999 et Yves
LACOSTE, Dictionnaire de géopolitique, Paris, Flammarion, 1995.
13. À ce sujet, cf. travaux de Jean-Paul Gaillard, psychologue et systémicien (Université
de Besançon, puis Maître de conférences H.D.R. en psychologie, Université de Haute-
Savoie, Chambéry), et la revue Vortex, Cahiers du Centre interfacultaire d’études
systémiques (C.I.E.S.), n° 1, Printemps 1994, 82 p.
14. Cf. Vortex, Cahiers du Centre interfacultaire d’études systémiques (C.I.E.S.), n° 1.
15. Cité dans : Relier les connaissances, Paris, Seuil, 1999.
16. On pense, ici, à la Critique de la raison pure, à la critique marxiste, etc.
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Edgar Morin souligne, à juste titre, son accord pour une pensée critique capable
de se critiquer elle-même. Le produit de la rationalité occidentale, c’est en effet la
rationalité critique et autocritique ; dénuée d’autocritique, la rationalité risque de
se dogmatiser.
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façon inséparable ».
Pour la sociologie (et l’anthropologie), l’Europe a toujours été objet de ré-
flexion et de débats, vu la complexité des rapports existant entre citoyenneté et
culture. Dans un moment de son histoire où l’anthropologie a pour objet d’étu-
des, le plus souvent, sa propre culture, il est nécessaire d’élaborer, à partir de
nouveaux paradigmes, de nouvelles méthodes capables de tenir compte de la
complexité et du dynamisme propres à la société occidentale contemporaine.
L’Europe, caractérisée en partie par la fragmentation, la dynamique, les nouvel-
les formes de sociabilité, exige des méthodes d’approche passant par le sym-
bole, dans la mesure où celui-ci contient les diverses dimensions (affective,
mythique…) du vécu social.
Edgar Morin invitant à « abandonner les discours rhétoriques et les idées
fragmentaires », fournit les bases de développement de nombreuses analyses du
symbolisme et de la complexité, constituant une méthode originale qui se carac-
térise par sa capacité d’adaptation à chaque objet d’étude sociologique. Cette
systématisation, proposée par le sociologue Edgar Morin, part des principes que
l’Europe est « une unité multiple et complexe, unissant les contraires de façon
inséparable », et que la sociologie, comme discours théorique, est une science de
l’homme, du singulier, de la différence, de la nuance. Il s’est, ainsi, attaché à la
recherche d’une méthode de connaissance apte à saisir la complexité du réel.
Pour cette contribution, le processus d’analyse se déroule en fait en deux
temps et par étapes successives : il s’agissait d’abord de situer l’auteur, directeur
de recherche au C.N.R.S., mais aussi acteur et témoin de la vie politique, « pen-
seur de l’Europe » ; ce sont les données biographiques, placées dans une réalité
socioculturelle et historique spécifique, qui devront éclairer la démarche. Edgar
Morin est bien un chercheur transdisciplinaire, un penseur de la complexité et un
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aux régions (provinces), aux nations. C’est ce qui devrait nous aider à compren-
dre, au terme du voyage dans la pensée d’Edgar Morin, que si la culture euro-
péenne est devenue civilisation, les nations européennes sont restées des cultures
désormais menacées par la civilisation même issue de l’Europe !
Entre le mouvement de la société et les institutions, entre la construction de
l’Europe et une mondialisation économique, des espaces de pensée sont, bien
sûr, nécessaires. Quand Edgar Morin23 évoque la « société civile mondiale » en
gestation depuis Seattle jusqu’à Porto Alegre, et l’émergence d’une pensée uni-
versaliste, a-t-on affaire à un « doux rêveur » ou anticipe-t-il le monde qui vient ?
Pour proposer un exemple concret de la méthode d’Edgar Morin, nous avons
donc choisi, parmi les multiples applications que lui-même en propose, son livre
Penser l’Europe. Abordant la géopolitique, l’auteur place tout de suite la notion
d’« imaginaire » au centre de l’enjeu : l’Europe est une entité qui est trop com-
plexe pour être cernée par des analyses historiques, statistiques, sociologiques,
etc. qui se voudraient exhaustives et totalement rigoureuses. Elle est condamnée
à se donner à voir, à elle-même et aux autres, à travers la représentation d’un
imaginaire de l’Europe en train de se constituer. Les instances qui le composent
retrouvent, dans leurs grandes lignes de force, la notion de complexité (comme
organisation entre des antagonismes constitutifs), fondant ainsi l’Europe comme
organisme collectif complexe intégré dans les lois qui président à la structure du
22. Cf. pour prendre connaissance de son œuvre abondante, les ouvrages suivants : Le
vif du sujet, Paris, Seuil, 1969 ; Penser l’Europe, Paris, Gallimard, 1987 ; Terre-
Patrie, Paris, Seuil, coll. « Points-essais », 1993 ; Mes démons, Paris, Stock, 1994,
ou encore, La Méthode (5 tomes), Paris, Seuil, 1977 (t. 1), 1980 (t. 2), 1986 (t. 3),
1991 (t. 4) et 1995 (t. 5).
23. Cf. Ouvrage collectif Penser la mutation, Paris, Éd. Cultures en mouvement, 2001.
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vivant. Car, jusqu’au début du XXe siècle, l’Europe n’a qu’une existence virtuelle,
à travers les divisions, antagonismes et conflits entre les nations, qui mettent en
évidence, d’une certaine façon, une forme de réalité. C’est ainsi, négativement,
qu’elle se définit. Il faut donc « réfuter toute idée d’une essence ou d’une subs-
tance européenne première »24.
Donc, pour « penser l’Europe », il nous faudra renoncer au monde classique
de pensée, « jacobine » et centripète, où l’idée d’unité dilue celle de la multiplicité
et du changement, et en venir à ces paramètres de la complexité, qu’Edgar
Morin avait déjà définis, et qu’il retrouve, ici, appliqués à la géopolitique. Déve-
loppons, à travers l’européanité, deux principes importants, parmi d’autres, de
la pensée complexe : le principe dialogique et le principe de récursion.
1) Le principe dialogique
2) Le principe de récursion25
Il nous faut concevoir les processus générateurs comme des boucles productives
ininterrompues, où chaque moment, composante ou instance de processus, est
à la fois produit et producteur des autres moments. Cela revient à dire qu’une
civilisation est vivante tant qu’elle maintient une relation en « feed-back », en aller
et retour, entre ses mythes fondateurs et son histoire, entre sa mémoire et sa
chair. Vienne cette circulation à s’interrompre et la structure s’autonomise, c’est-
à-dire qu’elle se coupe de ce circuit auto-régénérateur, et qu’elle meurt, privée
des représentations fondatrices auxquelles elle se reliait. D’autre part, nous avons
24. Cf. Penser l’Europe, op. cit., p. 27. Comme Jung, Edgar Morin est, avant tout, un
phénoménologue…
25. Ou bootstrap (« lacet de chaussure », bouclé sur lui-même) !
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là, lorsque la boucle n’est pas interrompue, une structure holiste (ou holistique),
c’est-à-dire que chaque événement, chaque élément de la structure est un ré-
sumé qui contient potentiellement, à lui seul, toute la structure, suivant un prin-
cipe assez proche des monades de Leibniz, mais qui est encore mieux
« métaphorisé » par la très belle image hindoue, mentionnée par E. Morin, du
collier d’Indra, où « chaque perle reflète l’ensemble du collier ». L’Europe appa-
raît, ainsi, comme un système qui émerge des ruptures et du désordre ; elle en
naît et s’en nourrit, et ses luttes se transforment en alliances fécondes26. En effet,
l’Europe émergera comme entité à la fois virtuelle mais devenant réelle par la
présence de plus en plus prégnante d’un imaginaire européen, puisqu’elle trou-
vera, dès les années 1950, une forme de dynamisme organisateur pour se pro-
longer : elle se forme, selon Morin, de l’éclatement, par l’éclatement27.
Dans cette construction, ce que l’Europe a donc le plus à redouter, c’est bien
26. Par exemple, l’Europe se définit contre l’Islam, d’abord en s’unissant pour le faire
refluer à Poitiers, en 732, puis en s’isolant et se refermant sur lui-même dans la
partie occidentale du bassin méditerranéen : mer des communications du monde
antique, la Méditerranée devient pour longtemps une barrière liquide, la frontière
« introvertit » l’Europe sur sa masse continentale. Sur ces questions, je renvoie aussi à
H. MENDRAS et D. SCHNAPPER, Six manières d’être européen, Paris, Galli-
mard, 1990 ; D. SCHNAPPER, La communauté des citoyens, Paris, Gallimard,
1994, p. 13.
27. Cf. E. MORIN, Penser l’Europe, op. cit.
28. Cf. l’ouvrage : Théorie générale des systèmes, trad. française (1973). Concernant
les questions de méthodes posées par les sciences sociales, on lira utilement les con-
tributions de Edgar Morin, Michel Maffesoli et Martine Xiberras, « Approches métho-
dologiques », Sociétés, 42, 1993, p. 335 et suiv.
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flexibilité.
29. Cf. à ce sujet (mot « identité »), la définition de R. DORON et F. PAROT, Diction-
naire de psychologie, Paris, Larousse, 1991, pp. 345-346.
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Références bibliographiques
Autres références
AÏT ABDELMALEK A., L’Europe communautaire, l’État-nation et la société rurale…,
Paris, L’Harmattan, 1996 (rééd., 2001).
LACOSTE Y., Dictionnaire de géopolitique, Paris, Flammarion, 1995.
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