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Statului (« Département de la Sécurité de l'État »), est la police politique secrète roumaine sous l'ère
communiste. Elle a succédé à la Siguranța statului (« Sûreté de l'État ») en 1945, après la sévère
épuration de cette dernière. Rapportés au nombre d'habitants, ses effectifs étaient parmi les plus
importants de toutes les polices secrètes du bloc communiste, si l'on compte les informateurs civils.
Son but affiché était de « défendre les conquêtes démocratiques et (...) garantir la sécurité de la
République populaire de Roumanie contre les complots des ennemis tant intérieurs qu'extérieurs » (« a
apăra cuceririle democratice și de a asigura securitatea Republicii Populare Române împotriva uneltirilor
dușmanilor interni si externi »).
Le poste de Directeur de la Securitate fut attribué au général soviétique Gheorghe Pintilie (de son vrai
nom Timofeï Bodnarenko, connu sous le pseudonyme de Pantiușa), tandis que deux officiers soviétiques
devenaient directeurs adjoints. Ces derniers, les généraux Alexandru Nicolschi (en) (un Juif né en
Bessarabie, de son vrai nom Boris Grünberg) et Vladimir Mazuru (un Ukrainien de Bessarabie, né
Mazurov), avaient de fait la mainmise sur l'organisation : personne ne pouvait sans leur accord obtenir
un poste à responsabilités au sein de la Securitate.
Au début, certains agents de la Securitate étaient d'anciens membres de la Sûreté royale, la Direcția
Generală a Poliției de Siguranță (Direction générale de la sûreté). Toutefois, très rapidement, Pintilie
ordonna l'arrestation de tous ceux qui avaient fait partie de la police sous la monarchie et recruta, pour
les remplacer, des membres zélés du Parti communiste, afin de s'assurer une totale loyauté au sein de
l'organisation.
Le premier budget de la Securitate en 1948 faisait état de 4 641 postes, sur lesquels 3 549 étaient
occupés le 11 février 1949 : 64 % étaient des ouvriers, 28 % des fonctionnaires, 4 % des paysans, 2 % des
intellectuels et 2 % à l'origine non spécifiée.
En 1951, les effectifs de la Securitate avaient été multipliés par 5, en application de la lutte des classes
en Roumanie. À l'instigation du Parti, la Securitate quadrilla l'ensemble de la société, recrutant des
informateurs dans toutes les entreprises, dans tous les quartiers et villages, toutes les institutions et
administrations, dans le but de « dépister » toutes les personnes « tièdes » ou pire : opposantes au
régime. Des prisons spéciales furent aménagées pour recevoir ces « ennemis de classe », généralement
sans procès préalable. Dans ces camps, les prisonniers travaillaient jusqu'à la mort ou, s'ils n'en avaient
plus la force, étaient fusillés. L'une de ces prisons, située à Sighetu Marmației, a été transformée en
musée témoignant de l'oppression du régime communiste.
Il n'était pas nécessaire d'être un opposant affiché pour subir les persécutions de la police politique. Des
centaines de milliers de personnes, par leur simple position sociale en 1950, ont été la cible de la
Securitate. Menaces, chantage sur les enfants et leur accès aux études supérieures, visites nocturnes
extrajudiciaires régulières, saisies illégales de biens meubles. Un mélange de mesures vexatoires et de
spoliations était systématiquement appliqué pour terroriser les familles aisées, leur ôter tout moyen
financier, et surtout toute velléité de résistance.
En 1964, le gouvernement proclama une amnistie générale : selon les statistiques officielles de la
Securitate, 10 014 prisonniers furent relâchés de ces camps. La propagande officielle déclara qu'il n'y
avait plus aucun prisonnier politique en Roumanie, même si les arrestations pour « conspiration contre
l'ordre social » ou « complot » étaient fréquentes.