Vous êtes sur la page 1sur 3

LE TOMBEAU DES LUCIOLES, Isao Takahata, 1988.

(Scène du
bombardement de Kōbe)

Introduction

Réalisé par Isao Takahata du Studio Ghibli, Le tombeau des lucioles (prononcé Hotaru no Haka) sort
au Japon en 1988. Ce n’est qu’en 1996, soit plus de 8 ans après, que ce film d’animation sort dans les
salles françaises. L’histoire se déroule durant l’été 1945, à Kōbe, et se termine à la fin de la Seconde
Guerre Mondiale, soit de juin à septembre 1945. Les Etats-Unis attaquent le Japon.
Ce film d’animation est une adaptation de la nouvelle semi-autobiographique La tombe des lucioles, de
Akiyuki Nosaka. Il a vécu la Seconde Guerre Mondiale durant son enfance, et sa petite sœur est morte
de malnutrition.
Le film s’ouvre sur la scène de la mort de Seita, le 21 septembre 1945, mais l’histoire commence
réellement le 5 juin 1945. Seita, âgé de 14 ans, et sa sœur Setsuko, perdent leur mère dans un
bombardement à Kōbe, ainsi que leur père étant dans la marine japonaise. Ils iront alors chez leur tante,
mais devront très rapidement partir et trouver un refuge pour se protéger des nombreux bombardements
des B-29. La petite Setsuko meurt de malnutrition le 22 août 1945, puis Seita se laisse dépérir jusqu’à
ce que l’on revienne à la scène première du film, où il décède.
Nous allons tenter de répondre à la problématique/question suivante : Dans quelle mesure Le tombeau
des lucioles représente-t-il une source historique fiable de la Seconde Guerre Mondiale au Japon dans
la scène du bombardement de Köbe ?
Pour y répondre, nous allons dans un premier temps étudier la façon dont l’histoire est bien fidèle à
l’espace et au temps ; dans un second temps nous verrons la valeur semi-autobiographique, et dans un
dernier temps la place des populations japonaises dans cette guerre.

1. Des faits historiques et géographiques.

Le tombeau des lucioles est certes un film d’animation, il reste néanmoins très ancré dans la réalité,
notamment celle de la Guerre du Pacifique. Nous ne devons pas oublier le message que ce film veut
faire passer. Son but n’est pas de raconter une histoire au Japon, mais de raconter l’Histoire et la
souffrance que la guerre apporte dans n’importe quel lieu et à n’importe quel moment de l’Histoire.
En effet, les relations entre le Japon et les puissances occidentales, plus particulièrement les Etats-
Unis, ne cessent de se dégrader tout au long des années 1930. Le 7 décembre 1941, le Japon attaque
la base de Pearl Harbour depuis les airs ; les Japonais contrôlent ainsi presque tout le Pacifique, et cela
déclenche un véritable conflit entre le Japon et les Etats-Unis.
Les lieux évoqués et présentés dans Le tombeau des lucioles sont bien réels. La majeure partie du film
se déroule dans le Kōbe des années 1940, mais sont également évoqués Nishinomiya, Sannomiya etc,
dans d’autres scènes. Le 5 juin marque donc le début de l’histoire. Elle commence par un bombardement
aérien de 350 B-29, avions de l’armée américaine. Cinq quartiers sont effectivement complètement
anéantis ce jour-là : Fukiai, Ikuta, Nada, Suma et Kōbe Est.
Bombes incendiaires lancées depuis des B-29 sur la ville de Kōbe

2. Une œuvre semi autobiographie qui témoigne de la guerre

Si l’on bénéficie d’un cadre spatio-temporel historiquement représentatif, nous avons aussi un
auteur témoin des faits.
Dans la réalité, Akiyuki, l’auteur du roman, fuit lui aussi avec sa sœur à l'âge de 14 ans sous les
bombes des B-29, sauf qu'il laisse derrière lui ses deux parents adoptifs. Par culpabilité, il fait le choix
de modifier sa fin et donne une fin des plus tragiques pour son personnage principal : la mort. Jeune
garçon de 14 ans, Seita devient orphelin suite aux bombardements meurtriers de la ville de Kobe. Il
était alors élève de troisième année à l’école secondaire (correspondant au collège), mobilisé comme
ouvrier aux Aciéries de Kōbe. Hébergé chez sa tante avec sa sœur, il comprend vite qu'en ces temps
de guerre et de famine, il ne peut compter que sur lui-même pour subvenir aux besoins de sa sœur. Il
décide donc de vivre seul avec elle dans un abri désaffecté, refusant toute participation à l'effort de
guerre ou à la vie collective. Mais le jeune garçon n'arrive pas à assumer ses nouvelles
responsabilités, et devient le spectateur impuissant de la lente agonie de sa sœur. On ignore le
parcours qu'a dû subir Seita entre la mort de sa sœur et sa propre agonie. Mais son destin tragique
est atténué par fait que son « fantôme » rejoigne celui de sa petite sœur.
Sœur de Seita, Setsuko est une petite fille de 4 ans pleine d'entrain. Alors qu'on pourrait la croire
insouciante, elle comprend pourtant bien plus de choses qu'il n'y paraît. Elle sait ainsi que sa mère est
morte, malgré toutes les précautions de Seita. Mais elle reste néanmoins une petite fille de son âge,
pleurant devant sa boîte de bonbons vides ou son bol de bouillie insipide. Elle s'avère cependant trop
fragile et trop jeune pour résister à la malnutrition. Elle sombre peu à peu dans la maladie et s'éteint
paisiblement après avoir remercié son frère. La guerre d’annéantissement est visible dans tous les
passages. Outre l’histoire tragique, la grande précision d'éléments du film et le style très réaliste du
graphisme ,nous permettent de comprendre le vécu de la guerre. A cela s'ajoutent les expressions très
précises des deux personnages qui nous font comprendre par exemple la terreur causée par les
bombardements. Le film d’animation relève donc presque du documentaire.
Le choix d’une fin tragique nous invite cependant à prendre une distance sur l’intention des auteurs. Il
s’agit en effet, d’œuvres engagées qui portent un message de paix.

3. Les populations japonaises


Si l’Histoire des personnages principaux est à prendre avec un esprit critique, le film transmet un
témoignage objectif du vécu de la population et de la ville de Kōbe. La ville de Kōbe est un grand port
industriel et militaire et donc une cible privilégiée qui est particulièrement touchée. On peut se demander
comment ces bombardements peuvent être si meurtriers. Le film répond à cette question dans ces
décors. Le Japon est en effet un pays très sensible aux tremblements de terres. Les habitations sont
donc fabriquées en bois et en papier, ce qui les rend très vulnérables au feu mais sans danger en cas
de tremblement de terre.
Dans Le tombeau des lucioles, ce genre de maison est retranscrit graphiquement de façon très réaliste
ce qui permet au spectateur de comprendre l'étendue des dégâts. Au début du long-métrage, on assiste
à la scène où les habitants de la ville de Kōbe sont alertés pour se réfugier, mais cette alerte survient
juste avant le bombardement, et il est alors trop tard. Même si le film ne concerne que Kōbe et ne parle
pas des bombes atomiques, il est intéressant d'aborder les bombes qui ont touché Hiroshima et
Nagasaki car les conséquences à longs termes des deux types de bombes sont liées. Dans le film, la
ville visée est Kōbe. Les japonais y vivant vont être livrés à eux même, étant donné que tout a été
dévasté. Ainsi, les seuls accès à la nourriture possible sont les réserves soigneusement cachées, à
l'image de celles préparées par Seita avant le largage incendiaires des B-29.

Conclusion
Le tombeau des lucioles n'est donc pas seulement un simple film d'animation, il est aussi et surtout
une grande ressource historique sur la Seconde Guerre Mondiale au Japon, avec des décors et des
expressions des personnages très précis, et surtout la mise en scène de la nouvelle autobiographique
de Nosaka, qui a lui-même cette Seconde Guerre Mondiale pendant son adolescence. C'est ainsi qu'à
travers l'histoire de Seita on vit à la fois celle de milliers de survivants aux bombardements. D'ailleurs,
des bombardements d’une autre nature mais beaucoup plus meurtriers auront lieu sur Hiroshima et
Nagasaki.
Les sources historiques de type film d’animation ou roman semi autobiographiques contribuent ainsi à
la recherche historique ainsi qu’au devoir de mémoire.

Vous aimerez peut-être aussi