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Le film de guerre

Préambule

- Le film de guerre est un genre cinématographique avec ses codes, son style, ses inévitables, ses figures
imposées, ses morceaux de bravoure. Comme le western, la comédie musicale ou le film policier, le film de
guerre a ses règles, sa grammaire, sa lecture et ses films-clés... Bref,une histoire. Entre réalisateurs, on se
copie ou on cherche à se différencier des précédents. On donne sa version des faits, cherchant toujours le
prétexte de coller au plus prêt de la réalité. Mais de quelle réalité s'agit-il ? Le film de guerre n'est pas la
réalité et ne le sera jamais. Il est une représentation de la réalité, une vue de son auteur. Notre situation ici à
la Coupole nous pousse forcément à prendre de la distance avec ce qui va être proposé sur l'écran du
planétarium et nous oblige à nous interroger sur ce qui est montré, à prendre le recul nécessaire, rappelant
que le film est une représentation de la guerre, mais elle n'est pas la guerre.

- Rappelons que le cinéma est un divertissement, mais c 'est aussi un art. Il répond ainsi à des critères  : les
personnages principaux, de l'action, du suspens, une écriture cinématographique avec une succession de
plans, une montée en puissance de l'action et de l'émotion. Comme un tableau, un livre, un film n'est pas
neutre et procure des sensations, des émotions et de la réflexion. Plus que tout autre genre, le film de guerre
est par nature un genre réflexif et le réalisateur se pose forcément ces questions : que dois je montrer ? Que
dois je suggérer ? Comment représenter l'irreprésentable ?

- Le film de guerre s'inscrit dans une réalité historique. Il ne s'agit pas ici d'évoquer les films racontant des
faits de guerre n'ayant aucun rapport avec l'histoire comme certains films comme La Guerre des Etoiles ou
La guerre des boutons. Parce qu'il est une représentation de la réalité historique, le film de guerre doit
s'attacher à coller au maximum à la réalité vécue et les équipes de tournage s'attachent donc les services de
conseillers historiques, caution indispensable pour faire de l’œuvre un véritable film de guerre. Le film de
guerre montre aussi malheureusement que la guerre est le propre de l'homme. Depuis des milliers d'années,
la guerre est intrinsèquement liée à l'histoire de nos civilisations. Des temps préhistoriques jusqu'à
aujourd'hui, la guerre est une composante de nos sociétés et les œuvres d'art reflètent cette part sombre de la
nature humaine. Le cinéma est la continuité de la première œuvre de fiction littéraire qui existe : L'Iliade de
Homère, elle aussi une œuvre de guerre.

- Le film de guerre n'est pas belliciste. Au contraire, l'écrasante majorité de ces films montrent l'inutilité du
conflit, la bêtise, la mort gratuite n'apportant aucune solution, les ordres inutiles de la hiérarchie,... Les
grands films de guerre illustrent bien souvent le sens du sacrifice, la perte de l'innocence, l'honneur, le devoir.
Ils apportent une réflexion sur la nature humaine, ce qu'il y a de pire comme ce qu'il y a de meilleur en nous
comme l'abnégation, ou aider son prochain.

Notre propos est d'évoquer les films de guerre et non les films en temps de guerre qui peuvent faire l'objet
d'une autre conférence. Parce qu'ils répondent à une autre logique et notamment la propagande, ces films
tournés lors de la première ou de la seconde guerre mondiale n'entrent pas dans le cadre de cette conférence
car ils sont cette fois véritablement des films bellicistes, appelant à souder l'opinion publique contre un
ennemi commun.
Les pistes lancées dans cette petite causerie tourne donc autour de l'image du héros dans le film de guerre,
l'expérience combattante, ainsi que la réalité historique. On s'attachera également à montrer la puissance de
la machine hollywoodienne qui forment des stéréotypes, qui réagit instantanément lorsque les troupes
américaines sont au feu avec des films dénonçant souvent violemment la politique étrangère américaine. On
montrera également l'importance d'un réalisateur dénonçant la bêtise de la guerre et la folie destructrice des
hommes. Il s'agit de Stanley Kubrick.
Afin de balayer rapidement ce champs d'étude, on reprendra non pas une chronologie du cinéma, mais au
contraire, on balaiera à grands traits les grands conflits mondiaux du XXème siècle jusqu'à nos jours :
Première, Seconde guerre mondiale, la guerre froide, les guerres de décolonisation jusqu'aux conflits
d'aujourd'hui.
La première guerre mondiale

Deux temps forts dans la filmographie concernant la première guerre mondiale. Entre les deux guerres, de
nombreux films relatant le conflit sont sur les écrans. Ce sont bien souvent des adaptations d’œuvres
littéraires comme les Croix de Bois, le Feu ou A l'Ouest rien de Nouveau. Ces films sont bien souvent des
appels au pacifisme. La Première guerre est alors la Grande Guerre, la Der des ders et les réalisateurs
montrent les sacrifices consentis par la Nation, notamment à travers le premier grand film sortis après
guerre : « J'accuse » d'Abel Gance ou l'un des personnages principaux devient fou et voit les morts se relever
du champs de bataille appelant les hommes à fraterniser, à montrer que leur sacrifice ne doit pas être vain !les
morts se dressent pour accuser les femmes infidèles, les profiteurs de guerre, les fils indignes. Une armée de
fantômes, gueules cassées et poilus à béquilles ressuscités, vient réclamer que leur sacrifice doit être honoré.
L'exemple type de ce genre de film de guerre pacifiste et antimilitariste est La Grande Illusion de Jean
Renoir, sorti en 1938. Aucune scène de bataille dans cette œuvre ! Le film cherche à montrer l'inutilité de la
guerre, même si on a là l'exemple d'un film à tiroir : de quel illusion s'agit-il ? La guerre ? La paix car le film
sort sur les écrans en 1938 et qu'on voit poindre déjà les risques d'un nouveau conflit. Est-ce l'illusion du
rapprochement franco-allemand comme on le voit dans de nombreuses scènes ou l'illusion de fauteurs de
guerre qui ne voit pas le rapprochement possible entre les deux peuples français et allemands. L'illusion de
frontières ? L'illusion de l'évasion du camp de prisonniers ? L'illusion du nationalisme ? L'illusion des classes
sociales rassemblant tous les français puisque l'aristocrate Boeldieu interprété par Pierre Fresnay préfère être
avec son équivalent allemand plutôt qu'avec Gabin jouant comme souvent un titi parisien, mécano de
profession et éternel gouailleur. Rappelons que dès sa sortie, le film est interdit par les nazis, Goebbels
annonce que le film est « l'ennemi cinématographique numéro 1 » alors qu'outre atlantique, Roosevelt, qui a
vu le film dans la salle de cinéma privée de la Maison Blanche, déclare : « Tous les démocrates doivent avoir
vu ce film »

On voit donc ainsi avec cet exemple qu'il est nécessaire de s'interroger, de replacer le film dans son contexte,
Ce qui est important n'est pas finalement ce qu'il montre mais ce qu il révèle de la société lors de la sortie du
film, comment celui ci a été perçu, lire entre les images afin de décoder. Il en est ainsi par exemple de la
Première guerre mondiale avec la réhabilitation des fusillés pour l'exemple : absents lors des premiers films
ou dominaient l'idéologie pacifiste de la Der des Der, ils sont devenus importants dans « Un long dimanche
de fiançailles » de Jean-Pierre Jeunet. CE même film montre aussi la sortie de guerre, les années 1919 –
1920, le rôle des femmes, des civils. « La Vie et rien d'autre » de Bertrand Tavernier montrait aussi les
femmes dans l'immédiat après-guerre. C'est aussi le cas des gueules cassés que l'on retrouve dans « La
chambre des officiers «  ou » les fragments d'Antonin ».

Cas à part dans la filmographie de la première guerre mondiale, « Les sentiers de la gloire » de Stanley
Kubrick, sorti en 1957. Alors que la première guerre mondiale avait quitté les écrans à la fin de la seconde
guerre mondiale, Kubrick s'intéresse au cas des fusillés pour l'exemple et de l'ignominie du commandement,
implacable et dont les ordres, aussi idiots soit-ils doivent être respectés. Le film est perçu comme une
critique directe de l'armée française, par la cruauté des scènes finales et la satire violente des états-majors
français. Sous la pression et la menace de représailles d'associations d'anciens combattants français et belges,
le gouvernement français, alors plongé dans les remous de la guerre d'Algérie, proteste vigoureusement.
Devant l'ampleur du mouvement contestataire, les producteurs du film décident, par auto-censure de ne pas
le distribuer en France. De nombreux pays en Europe, comme la Suisse, refusent de le diffuser. Ce n'est que
dix-huit ans plus tard, en 1975, que le film est finalement projeté en France. Devenu un grand classique du
film de guerre, Les Sentiers de la Gloire démontent le sordide des décisions militaires. Il a marqué de
nombreux réalisateurs et de nombreuses scènes de ce film, à commencer par l'attaque, ont été repris dans de
nombreux films, notamment « Un long dimanche de fiançailles ». L'attaque montre la détresse du soldat dans
le No man's land meurtrier, l'inutilité des attaques devenues de véritables boucheries. La scène st quasiment
filmée en temps réel, sans aucun effet ni musique.

La seconde guerre mondiale


La seconde guerre mondiale pourrait à elle seule faire l'objet d'une conférence. Et pourquoi pas, après tout, la
perche est lancée en direction de l'équipe de la Coupole et pourquoi ne pas se revoir prochainement pour en
parler... Les films consacrés à cette période sont extrêmement nombreux : les grandes batailles, de « Week
end à Zuydcoote » à « Pearl Harbor », d' « Un pont trop loin » au film sur la bataille d'Angleterre. Intéressons
nous uniquement à un moment clé, à l'un des nombreux tournants de la guerre, l'opération Overlord, le
débarquement en Normandie le 6 juin mis à l'honneur sur cet écran avec le film D Day. Deux films sont au
cœur de cette opération mais ils ont chacun une vision particulière suivant leur année de sortie et leurs
discours, montrant ainsi que les films historiques, comme le sont les films de guerre, s'intéressent à ce qu'ils
représentent, mais ils sont aussi un vecteur, un marqueur de l'année de leur réalisation.
Il s'agit du « Jour le plus long » et d' « Il faut sauver le soldat Ryan », tous deux devenus des classiques du
petit écran. Les deux films montrent des aspects de cette bataille. Pour l'un, c'est le cœur du film, des
préparatifs la veille de la bataille jusqu'à la fin de la journée du 06 juin, alors que pour l'autre, ce n'est que la
séquence d'ouverture... Séquence introductive qui dure tout de même plus de 20 minutes, puisque la suite du
film, la recherche du soldat Ryan se situe pendant les jours suivants au débarquement, la bataille de
Normandie. « Le Jour le plus long » est une œuvre monumentale qu'il faut replacer dans son contexte de
réalisation. Nous sommes dans les années 60, en pleine guerre froide. Le film sort en 1962, la même année
que le Docteur Folamour dont nous reparlerons un peu plus loin. Il s'agit d'un film retranscrivant
méticuleusement les préparatifs du jour J dans un contexte d'union entre les alliés transatlantiques, d’où la
nécessité de montrer à l'écran des acteurs de toutes les nationalités ayant pris part aux combats, mais aussi
aux pays membres de l'OTAN, l'organisation protégeant le camp occidental face à la menace soviétique. Il
s'agit aussi de montrer la puissance américaine, la force de frappe des américains, leur leadership, la
puissance de feu, la capacité et la volonté des Etats-Unis à protéger la liberté là ou elle est bafouée dans ce
contexte de guerre froide ! Le problème du « Jour le plus Long » est que d'emblée, on sait que la partie est
gagnée d'avance, peu de suspens avec des allemands tremblant devant l'arrivée des Marines (souvenez vous
de la scène ou le colonel allemand observe à la jumelle l'arrivée de l'armada au petit matin, puis ce même
colonel souvert de poussière affrontant les canons des bateaux de guerre). Il y a aussi le calme de Mitchum,
l'économie du jeu d'acteur de John Wayne,... Tout montre que la bataille est déjà gagnée grâce au rouleau
compresseur américain.
36 ans après Le Jour le Plus Long, Spielberg donne sa version de l'événement, cette fois au plus prêt des
recrues américaines, terrorisés par l'enjeu. Le réalisateur s'est largement inspiré des quelques photos prises
sur le vif par Robert Capa. Changement de braquet idéologique donc chez le grand Steven suivant ainsi
l'historiographie des conflits. En suivant notamment l'historien américain John Keegan ou le français
Stéphane Audouin-Rouzeau, « Il faut sauver le soldat Ryan » s'intéresse au soldat de base, loin du
commandement. Le soldat a peur, vomit, mais il accepte son sort et y va dans un esprit de camaraderie.
Aucun gradé chez Spielberg, le soldat de rang est la force de de l'armée américaine pour permettre au
spectateur une rapide identification cela peut être chacun d'entre nous. Caméra à l'épaule, Spielberg filme
comme un débutant : tremble, a la bougeotte, s'abaisse précipitamment, suit les troupes, filme en caméra
subjective faisant du spectateur un soldat. On débarque avec l'armée et on court, on tremble, on se retourne.
Les balles fusent, on est prêt à baisser la tête. La scène est entièrement filmé à hauteur d'hommes, aucun plan
large. On ressent la détresse, le peur et l'effroi. Afin d’accroître le réalisme, Spielberg trifouille les images,
retirant plus de 70% de couleurs aux images, triture le son en enregistrant des vrais impacts de balles,
transformant ainsi la séquence d'ouverture de son film en quasi reportage d'époque. Et là on se pose la
question : vont-ils gagner ? Les allemands sont implacables,cherchant à repousser à la mer les forces du
débarquement. On choisit de ne quasiment pas les montrer.

La guerre froide

Conflit à part dans notre siècle. Moment clé du XXème siècle, conflit idéologique qui aurait pu dégénérer en
troisième guerre mondiale, la guerre froide a touché le monde et les enfants du baby boom vivant
perpétuellement sous la menace d'une guerre nucléaire. Visionnaire et satirique, Stanley Kubrick nous
propose sa vision de la guerre froide a travers « Docteur Folamour » dont le sous-titre est : « comment j'ai
appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe ». Le film sort en 1962, à peine quelques semaines après la
crise des fusées à Cuba entre Kennedy et Khrouchtchev ! Docteur Folamour est une uchronie, une histoire
racontant une histoire parallèle comme si le temps chronologique avait dévié : et si un bombardier américain
ne répondait plus à sa hiérarchie pour partir frapper en premier l'URSS. Que se passerait-il ? Quels seraient
les mécanismes stoppant la course de ce bombardier ? Comment réagirait le gouvernement soviétique ? Le
Président américain serait-il à la hauteur ? Boudé à sa sortie par le public américain car il ridiculisait le
Président, « Docteur Folamour » évoque avec effroi les risques réels d'une catastrophe nucléaire.
Énigmatique, le personnage central du film le fameux Docteur Folamour cloué sur sa chaise roulante est le
conseiller spécial du Président, mais il se révèle être rapidement un ancien dignitaire nazi récupéré par les
américains et qui a la fâcheuse tendance de lever mécaniquement la main droite et d'appeler son supérieur
« Mein Fuhrer ». La satyre l'emporte lorsque l'on se rend compte que le leader soviétique est complètement
ivre au bout du fil, mais aussi lorsque le pilote de l'avion, juché sur l'ogive nucléaire, fait du rodéo avant
d'emporter avec lui le monde dans une déflagration ultime. La petite histoire veut que Kubrik avait choisi
John Wayne pour jouer ce pilote ! Celui a reufusé après lecture du scénario trouvant le film « trop
gauchiste », rappelons les positions très conservatrices en matière de politique du plus célèbre interprète des
films de westerns !

Le cas Bond
On pourrait s'attendre forcément à ce que le plus célèbre des agents secrets de cinéma soit l'archétype de la
lutte contre le monde communiste, le symbole de cette confrontation, un « vestige de la guerre froide »
comme l'annonce d'ailleurs son supérieur M dans le film « Goldeneye ». Il n'en n'est rien. Bien au contraire,
Bond est le garant de l'équilibre des forces. Agent « au ervice de sa majesté », il est du côté du monde libre,
mais l'histoire du Royaume-Uni, son flegme, son sens de la mesure et du réalisme (on vient de s'en rendre
compte récemment dans ses choix) montre que Bond, contrairement aux américains, a de la tempérance, qu'il
sait parfois s'allier avec des espions soviétiques. Bond va très trè rarement de l'autre côté du rideau de fer. Il
préfère les plages des Bahamas ou des villes exotiques. L'ennemi communiste est rarement présent ou il est
aussi bien souvent un dissident de la ligne du parti, , un général rebelle comme l'est par exemple le méchant
dans « Goldeneye », premier film bondien post guerre froide. Son ennemi le plus connu dans l'ensemble des
25 films de la série est une organisation criminelle internationale, nommé SPECTRE, une organisation
tentaculaire anti-étatique et qui signifie : Service pour l'espionnage, le contre-espionnage, le terrorisme,
la rétorsion et l'extorsion. Rattaché à aucun Etat, Spectre cherche à dominer le monde, à racketter des Etats, à
lancer un conflit généralisé entre les grandes puissances. Certains, à commencer par le spécialiste des
relations internationales Pascal Boniface, y ont vu la préfiguration d'Al Qaida. Ainsi Bond se veut surtout
être le garant des relations internationales reposant sur l'équilibre des forces et non pour le triomphe du
modèle américain.

les guerres de décolonisation : Algérie, Indochine

On pense souvent à tort que le cinéma français n'ausculte pas les zones d'ombre de notre histoire. De
« Lacombe Lucien » de Louis Malle sur l'Occupation et la Collaboration à « l'Ordre et la Morale » de
Mathieu Kassovitz qui raconte le drame d'Ouvéa en Nouvelle-Calédonie, on peut aisément démontrer le
contraire. Il existe de grands films, peu peut-être, évoquant les guerres de décolonisation : l'Indochine et
l'Algérie. Deux de ces films ont retenu notre attention pour cette soirée.
« La 317ème section » est considéré comme l'un des plus grands films de guerre français, filmé peu de temps
après la chute de Dien Bien Phu, à la manière d'un documentaire. Son auteur : Pierre Schoendorffer,
justement un ancien caméraman de l'ECPA et qui décide de revenir en Asie du Sud-Est tourné ce film, un
hommage à ces combattants que le réalisateur a côtoyé dix ans plus tôt.

La guerre d'Algérie a aussi fait l'objet de très nombreux films, notamment ces dernières années avec une
génération qui n'a pas connu les déchirements de cette guerre.
Il en est ainsi du film « L'ennemi intime ».
Chaque protagoniste est pris entre deux feu, comme l'illustre littéralement un prisonnier en allumant une
cigarette par les deux bouts. Chacun est pris entre ses convictions et la réalité, entre son moi idéal et son
ennemi intime, le moi réel.
L’Ennemi intime de Florent Emilio Siri était un film attendu et il n’a pas déçu, malgré quelques réserves dans
la presse sur le caractère un peu “Hollywoodien” du réalisateur. Mais la caution du scénariste Patrick Rotman
nous assure que le spectaculaire de certaines scènes n’enlève rien à la fidélité à l’Histoire. Oui les Français
ont utilisé le napalm, oui des villages ont été massacrés (des deux cotés), oui la torture a existé (des deux
cotés).
La force du film de Siri réside dans le parfait équilibre entre le fond et la forme ; entre le propos et le style.
Le spectateur est au cœur du conflit, dans les hautes montagnes de Kabylie, et les balles sifflent comme des
fouets. Le soleil écrase tout de sa lumière lourde, la peur devient palpable. Dans cette explosion sensorielle,
la guerre devient un effrayant et fascinant spectacle, mais sans cette once de complaisance qui rendrait
l'entreprise malsaine. Ensuite, la caméra cadrera les visages, dira l'angoisse et la folie qui se saisissent du
campement et les coups tordus pour justifier les exactions.
La manière est spectaculaire, avec des scènes à couper le souffle : la découverte silencieuse d'un village
désert après le massacre de ses habitants ; les plans vertigineux d'un groupe de combattants, à flanc de
montagne, après un bombardement au napalm. Mais il faut aussi parler de la scène centrale, la confrontation
entre le héros aux idéaux malmenés et le capitaine, figure de la résistance, qui a renoncé aux siens et justifie
tout. Ce dialogue sur les enjeux et méthodes de cette guerre est attendu, presque trop pédagogique. Pourtant,
fortement incarné par des comédiens talentueux, et porté par un scénario honnête et courageux, il sonne
juste. Moins spectaculaire, la permission de Terrien à Grenoble, quand mesurant la distance qui les sépare, il
renonce à retrouver sa femme et son fils, porte le témoignage du traumatisme, souvent indélébile et caché qui
a marqué les participants à leur retour en France.
Le Viêt-nam a inspiré aux Américains Apocalypse now, Voyage au bout de l’enfer , Platoon (1986) ou Full
Metal Jacket, pour ne citer que ceux-là. Les deux premiers sont sortis moins de 4 ans après la fin de la
Guerre du Viêt-nam. Le film de Siri est la première tentative pour appréhender globalement cette guerre.

La guerre du VietNam
Avec Full Metal Jacket, Stanley Kubrick, qui a déjà travaillé à deux reprises sur l'univers guerrier et la folie,
« Les sentiers de la gloire » et « Docteur Folamour », nous plonge cette fois dans la guerre du VietNam.
Regard implacable, sans moralisme, c'est un film avec une réflexion intense sur la nature humaine, su le
conditionnement de la jeunesse et la transformation de l'homme en bête de guerre. Le film est décomposé en
deux parties bien différentes : la première suit un groupe de jeunes américains dans un camp d’entraînement
sous les ordres de l’implacable sergent recruteur Hartman au langage plus que fleuri et la seconde partie nous
mène sur un champs de bataille en pleine ville. La séquence introductive avec les ordres et les insultes
d'Hartman démontre la déconstruction de l'âme humaine : on aboie, on donne des ordres, on obéit avec des
insultes magnifiant la bestialité et la masculinité la plus virile. On n'hésite pas à humilier, à brocarder, dans
un total conditionnement psychologique. Le réalisateur se rapproche là d'un de ses thèmes favoris explorés
dans Orange Mécanique ou Shining. Ces scènes ont marqué de nombreux réalisateurs et on en retrouve de
semblables exemples dans « Forrest Gump » ou dans « Jarhead ».Pour la petite histoire, le sergent Hartman
est interprété par Lee Ermey. Au départ, Ermey devait être uniquement consultant technique pour Kubrick
mais celui-ci changea d'avis en voyant le caractère et les réparties du sergent. Kubrick le laissera même écrire
quelques dialogues et improviser la grande majorité des scènes alors qu'on connaît la méticulosité et le
perfectionnisme du réalisateur ! Seuls quelques prises ont été nécessaires pour ces séquences. Autre
particularité, alors que de nombreux films sur le Vietnam sont tournés au Cambodge, en Thaïlande ou au
Philippines, Full Metal Jacket est intégralement tourné dans une vaste usine désaffectée en Angleterre !  On a
fait venir 200 palmiers d'Espagne et près de 100 000 arbres en plastique de Hong Kong pour les scènes en
extérieur.

Apocalypse Now est un opéra militaire, une longue descente aux enfers, un hymne crépusculaire nimbé de
bruit, de fureur et de napalm. Périple initiatique, la remontée du fleuve du capitaine Willard pour traquer le
colonel Kurtz est une descente aux enfers, une plongée dans la folie humaine avec une galerie de portraits
dont le lieutenant-colonel Kilgore en est l'un des archétypes. Fan de surf, coiffé d'un improbable chapeau
d'un officier de cavalerie de l'armée nordiste, il n'hésite pas à faire des massacres gratuits au son de la
Chevauchée des Walkyries de Wagner, utilisée comme arme psychologique.
Les guerres d'aujourd'hui

Avec la fin de la guerre froide, on pensait que les tensions allaient s'apaiser, que dorénavant le spectre
nucléaire allait s'estomper, que les peuples allaient fraterniser. Hélas, la réalité s'est fracassée sur ces désirs
utopiques et les actualités nous rappellent sans cesse les conflits anciens ou ravivés, montrant l'accroissement
des tensions sur tous les points du globe.
Il faut rendre aux américains ce goût prononcé de faire des films à chaud, de s'intéresser à l'histoire
immédiate, ne s'interdisant rien et évoquant les multiples interventions de leurs pays depuis les années 90.
Dès qu'une opération militaire américaine se fait, un réalisateur, un studio se penche sur l'éventualité d'en
faire un film. Les cinéastes outre-atlantique adorent appuyer là ou ça fait mal, montrer les revers des
interventions, prenant à contre pieds les discours bellicistes du Président Bush. Seul film présenté ici fait par
une réalisatrice Kathryn Bigelow, le film « Démineurs » est tourné à la façon d'un documentaire : peu
d'acteurs connus et des effets de caméra virevoltant à la manière d'un long reportage. Le film fait date, touche
l'Amérique et rafle 6 oscars en 2010 ! La scène présentée ici clôt le film et montre de façon allégorique les
non dits de la présence américaine en Irak. C'est l'incompréhension qui domine entre un soldat américain
censé représenté la paix que souhaite amené l'intervention Bush, cette démocratie promise arrivée avec les
armes et les chars contre l'armée de Saddam et le chaos de cette ville et de ce peuple soumis depuis toutes ces
années aux différentes guerres et qui voient, avec l'arrivée des Marines, la montée en puissance de
l'intégrisme obscurantiste. Incompréhension, problème de traduction entre un soldat qui veut sauver son
prochain et une quidam qui ne veut pas mourir, la scène touche par ce qu'il dit de la mondialisation du
phénomène guerrier.

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