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Steven Spielberg

né en 1946

Réalisateur, producteur, scénariste et


game designer étasunien, la carrière
de Steven Spielberg est riche, longue,
productive, et difficile à saisir dans
son ensemble.

- c’est, d’un côté, le « king of entertainment » (le roi du divertissement à grand


spectacle). Ses films à succès, très grand public, très immersifs, très spectacu-
laires, se rattachent à la tradition « foraine » du cinéma. On a pu les comparer à
un parc d’attraction. Il s’agit d’avoir peur, de ressentir du dégoût, de l’empathie
avec les héros, des émotions fortes, et de s’émerveiller devant les trucages spec-
taculaires. Il s’agit bien de la lignée qui part de Georges Méliès, et qui s’exprime
particulièrement dans le cinéma d’horreur ou de science-fiction à petit budget
dans les années 50 aux Etats-Unis.

- de l’autre, c’est un cinéaste qui souhaite avoir une place dans l’histoire du ci-
néma, être pris au sérieux en traitant des sujets « sérieux », généralement histo-
riques : l’esclavage aux Etats Unis (La couleur pourpre, Amistaad, Lincoln…), la
Seconde Guerre Mondiale (L’extermination des Juifs d’Europe avec La liste de
Schindler, le débarquement de Normandie avec Il faut sauver le soldat Ryan, la
guerre du Pacifique avec Empire du soleil…). Il faut se rappeler aussi que dès ses
premiers films, le travail de Spielberg est reconnu par François Truffaut, qui d’ail-
leurs accepte de jouer dans Rencontres du troisième type…

C’est donc un cinéaste plein de contradictions, auteur


d’une oeuvre ambivalente, toujours en tension entre le
succès public et la reconnaissance critique.

Il faut également toujours se rappeler que le nom de Spielberg est associé au New
Hollywood, un groupe de jeunes cinéastes des années 1970, bien décidés à pous-
ser leurs ainés vers la sortie, et à prendre la place que les grands studios (Warner,
MGM, Fox, Paramount, Colombia) ne veut pas leur donner. Ces jeunes gens en
colère, qui veulent renouveler la manière de faire du cinéma à Hollywood, se
nomment Arthur Penn (avec Bonnie and Clyde en 1967), Denis Hopper (Easy
Rider 1969), Robert Altman (M.A.S.H 1970), George Romero (La nuit des morts-
vivants 1968), John Cassavetes… Spielberg appartient à la deuxième génération
du New Hollywood, celle de Martin Scorcese, Brian de Palma, Francis Ford Cop-
pola ou George Lucas.
Le New Hollywood est contemporain de la fin du code Hays, le code de
bienséance qui régit le cinéma hollywoodien depuis les années 30, qui régule
très sévèrement la représentation de la violence physique, de la sexualité, qui
exige que les personnages négatifs soient punis à la fin… En 1966 ce code est
enfin supprimé, ce qui a une influence considérable sur les thèmes abordés par
le Nouvel Hollywood, beaucoup plus ancrés dans le réel, beaucoup plus mo-
dernes, en phase avec les questions qui agitent la jeunesse de la fin des années
60. C’est souvent un cinéma très critique, très sombre. L’influence du Néoréa-
lisme italien ou de la Nouvelle Vague française conduit à une valorisation de
l’auteur-réalisateur, artiste indépendant et non plus employé des grands studios.

Les oeuvres de science fiction du New Hollywood sont souvent pessi-


mistes, pas de space opera spectaculaire ni de conquête galactique, mais des
films crépusculaires tels que Soleil vert, La planète des singes, THX 1138…

La noirceur, comme la critique sociale, tiendront beaucoup moins de


place dans l’oeuvre de Spielberg, comme dans celle de Lucas après 1977, ce qui
explique peut-être en partie le succès public de leurs films. Par contre, ils ont
conservé la critique du système des studios et le sens de l’indépendance : très
vite, Spielberg, comme Lucas, construit son indépendance économique - et
donc artistique - en créant la société de production Amblin Entertainment
(1981). Par la suite, il va également créer la société Dreamworks, spéciali-
sée dans le dessin animé et les productions pour enfants, allant directement
concurrencer Disney qui règne depuis des décennies sur ce marché.

Le modèle économique adopté par Amblin, qu’on appelle blockbuster,


repose sur des films très rentables, une communication publicitaire très agres-
sive, de nombreux produits dérivés. Les films sont très rapidement rentabilisés,
et l’argent peut être réinjecté dans la production du film suivant. Ce modèle,
très efficace, a une limite : les blockbusters sont condamnés à être des succès!

Enfin, il ne faut pas oublier que Steven Spielberg, comme la plupart des
cinéastes du New Hollywood, a commencé par des films à très petits budgets.
C’est donc un bricoleur génial, capable de produire beaucoup d’effet cinéma-
tographique avec très peu de moyens financiers. Les productions gigantesques
qui ont émaillé sa carrière, telles que Jurassic Park, Tintin, Ready Player One, ne
doivent pas faire oublier cela : Spielberg a une grande maîtrise d’une forme de
cinéma très artisanale, très « bricolée », ce qui a une influence considérable sur
sa manière de fabriquer un film.

Un petit rappel pour conclure : Spielberg - mais ceci est valable pour
n’importe quel artiste - parle souvent de son travail de réalisateur. Etant sou-
cieux de sa place dans l’histoire du cinéma, ayant crée un mythe autour de sa
personne, il raconte ce qu’il veut, dans le sens où il souhaite aller. On se méfie,
donc! Une interview de Steven Spielberg est un exercice maîtrisé, entre la com-
munication publicitaire et la création d’une mythologie, il faut savoir mettre ses
propos à distance!

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