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Hollywood en Kodachrome

David Wills
Hollywood en
Kodachrome
1940–1949

David Wills
et Stephen Schmidt
Sommaire
VII Avant-propos

X Introduction

1 Des stars divines

71 Des éclairages créateurs d’illusions

193 Miss Technicolor

209 Loin des caméras

269 Un vent de patriotisme

293 La commercialisation du rêve

330 Crédits photographiques

331 Remerciements et bibliographie

332 Biographies
Introduction
On ne saurait mieux dire que Lana Turner : « Nous offrons au public du divertissement,
du glamour et du rêve. »
Hollywood a toujours offert à ses spectateurs l’agréable sensation d’être transporté
dans un autre monde. Son charme n’a jamais été aussi palpable que dans les années 1940.
Le public allait alors massivement au cinéma pour entrer dans cette autre dimension où
la musique était omniprésente, où des créatures de rêve plaisantaient et se querellaient,
et où le héros sauvait toujours la situation. Le cinéma faisait entrer dans un monde qui
ne ressemblait pas au monde réel, et tel était son objectif. Comme Bette Davis aimait
à le dire : « La vraie vie, on la vit vingt-quatre heures sur vingt-quatre et, parfois, on a envie
de l’oublier. Le cinéma doit être plus grand que la vie. » Et pour parvenir à cette grandeur,
rien de tel que le glamour. La promesse de glamour avait à vrai dire un tel pouvoir d’attraction
que tant les créateurs que les spectateurs se laissaient allègrement prendre au jeu.
Dépassant largement la définition qu’en donnent les dictionnaires, cette « beauté
illusoire », ce « charme magique » devint non seulement ce qui nous distingue de l’animal
mais encore cette force capable de transformer les mortels en créatures divines. Les principaux
créateurs de ces avatars sur papier celluloïd furent les photographes des studios, notamment
Frank Powolny à la Fox, George Hurrell et Clarence Sinclair Bull à la MGM, Scotty Welbourne
à la Warner, Ernest Bachrach à la RKO, William Cronenweth et Whitey Schafer à la Columbia,
John Engstead et Eugene Robert Richee à la Paramount, et Ray Jones chez Universal.
Sculptant l’ombre et la lumière, ils effaçaient les défauts de la peau, faisaient ressortir
les pommettes et donnaient du volume à la chevelure. Ils ne sont considérés que depuis
peu comme des artistes, comme les créateurs d’une nouvelle école dans le portrait
photographique, dite aujourd’hui simplement « hollywoodienne ». C’est un genre de portrait
immédiatement identifiable avec ses éclairages spectaculaires, ses arrière-plans très étudiés,
ses gros plans serrés, et le regard lointain des beaux sujets photographiés. Ces images,
créées à l’origine à des fins promotionnelles, sont aujourd’hui perçues comme faisant partie
des plus beaux portraits du xxe siècle, et elles servent encore de références pour toutes
les photographies d’Hollywood. Si de nombreuses tentatives ont été effectuées pour
reproduire leur aspect vintage, les résultats n’ont généralement pas été à la hauteur

X
des attentes. La « photographie glamour » n’a peut-être pas été inventée à Hollywood, mais
il ne fait aucun doute que les studios de cinéma s’en sont emparés, en ont tiré parti de
toutes sortes de façons et sont devenus de si grands maîtres dans cet art qu’une des plus
célèbres actrices photographiées, Loretta Young, fit le constat suivant : « Le glamour est
quelque chose dont vous ne pouvez vous passer dès que vous vous y êtes habitués. »
Il est remarquable que, parmi les premières images emblématiques d’Hollywood,
un si grand nombre soit resté gravé dans les mémoires. De nombreuses photographies
ont fini par éclipser le film qu’elles étaient destinées à promouvoir, ce qui était loin de
déplaire aux photographes. Laszlo Willinger fit ainsi remarquer : « Nos photos de plateau
ont été vues par bien plus de gens que les films eux-mêmes. » Nombreux sont ceux qui,
aujourd’hui, auraient du mal à citer un seul des films dans lesquels Betty Grable a tourné,
bien qu’elle ait été l’actrice numéro un au box-office dans les années 1940. Pourtant, on a encore
en mémoire la photographie de Frank Powolny représentant Betty Grable en pin-up vêtue
d’un maillot de bain blanc et jetant un regard par-dessus son épaule. De même, si on se souvient
encore de la beauté éblouissante de stars comme Rita Hayworth ou Hedy Lamarr, c’est bien
plus grâce aux photos de plateau et aux portraits réalisés en studio qu’aux films dont
elles furent les héroïnes.
Pendant les années de guerre, l’Amérique connut des pénuries et donc le rationnement.
Mais la « fabrique de rêves » qu’était Hollywood fut incitée à poursuivre ses activités
de manière à remonter le moral des spectateurs et encourager le patriotisme. Le film
à la gloire de la nation devint un genre en soi, avec des histoires de courage spectaculaires
ayant fait les gros titres des journaux. Des centaines de comédies musicales joyeuses,
avec Alice Faye, Carmen Miranda ou Deanna Durbin, égayèrent les spectateurs tandis
que des films comme Le Chant du Missouri (Meet Me in St. Louis) ou La Glorieuse Parade
(Yankee Doodle Dandy) répondirent à une nostalgie du tournant du siècle.
Le Technicolor, qui donna à l’image une plus grande richesse et expressivité, rendit
le cinéma encore plus attrayant. Comme l’industrie cinématographique, la photographie
hollywoodienne avait atteint à l’époque sa pleine maturité. Mais l’arrivée du Kodachrome
eut un profond impact et, alors que la majorité des films étaient encore produits en noir
et blanc, Hollywood adopta la couleur pour la promotion de ses produits et de ses acteurs
sous contrat.

XI
Depuis les débuts de la photographie monochrome dans les années 1830,
photographes et inventeurs, y compris Louis Daguerre et Joseph Nicéphore Niépce,
étaient obsédés par le défi de la photographie en couleurs. Le photochromoscope,
l’héliochromie, le procédé Lippmann, l’hydrotypie, la pinatypie, l’uvatypie, la diachromie,
le procédé Joly et la trichromie furent quelques-unes des techniques mises au point
pour faire des photographies en couleurs. Les résultats furent cependant variables :
quelques-unes de ces méthodes ne permettaient de saisir que certaines couleurs
et les couleurs obtenues s’altéraient parfois rapidement. Toutes ces techniques étaient
extrêmement peu pratiques et n’étaient pas assez fiables pour être utilisées à grande
échelle à des fins commerciales.
La photographie en couleurs ne put être employée commercialement qu’après
la mise au point de l’autochrome par les frères Lumière, qui avaient inventé le cinéma
en 1895. Ce procédé, pour lequel il fallait une plaque de verre, des millions de grains
de fécule de pomme de terre teintés, de fines particules de noir de carbone et du gélatino-
bromure d’argent, donnait de très belles images en couleurs à regarder éclairées par-derrière.
Le résultat rappelait la technique pointilliste du peintre Georges Seurat. La technique
de l’autochrome nécessitait un long temps d’exposition (les modèles étaient donc rarement
photographiés de face pour éviter qu’ils ne clignent des yeux), et ne permettait aucun
recadrage, aucune retouche ni copie. La réalisation d’un autochrome était en outre
beaucoup plus coûteuse que celle d’un monochrome. L’autochrome, commercialisé
à partir de 1907, n’en demeura pas moins pendant les trois décennies suivantes le seul
procédé viable de photographie en couleurs.
Ce sont deux amis, Leopold Godowsky et Leopold Mannes, qui sont à l’origine
du Kodachrome. Ces deux hommes ne cessaient de dire en plaisantant que « la couleur
nécessitait l’intervention de l’homme et de Dieu ». Après avoir passé des années à faire
des expériences dans l’espoir d’inventer un meilleur procédé que l’autochrome, ils finirent
par déposer un premier brevet en 1921, et la Eastman Kodak les engagea en 1930. Cinq ans
plus tard fut lancé sur le marché ce qui allait devenir la marque de film la plus connue
(à vrai dire, le nom « Kodachrome » avait été précédemment donné à un autre procédé
de la maison Kodak, qui avait échoué).

XII
Des stars divines
« Le glamour, cette aura ou pouvoir
transhumain de susciter l’imitation,
est une sorte de vaisseau dans lequel
on verse des rêves, et certains vaisseaux
sont plus porteurs que d’autres…
On se retournera sur une belle femme
mais le vrai glamour a une force
d’attraction bien plus grande…
Être glamour, c’est avoir le pouvoir
d’agir sur les émotions des autres,
c’est-à-dire le pouvoir, de fait,
de contrôler son entourage. »

—Arthur Miller
Gene Tierney (1920–1991)
1942
2 JACK ALBIN
Gene Tierney
1942
4 FRANK POWOLNY
Gene Tierney
Péché mortel
6 (Leave Her to Heaven), 1945
Y Gene Tierney U Gene Tierney ZZ Gene Tierney
La Pagode 1942 1942
en flammes FRANK POWOLNY JACK ALBIN
(China Girl), 1942 9
U Veronica Lake (1922–1973) Z Veronica Lake
Ma femme est une sorcière vers 1944
(I Married a Witch), 1942 EUGENE ROBERT RICHEE
12 ELIOT ELISOFON

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