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René Vautier

Réalisateur et scénariste français, né le 15 janvier 1928 à Camaret-sur-Mer (Finistère), mort le 4


janvier 2015

Biographie
Né d’un père ouvrier d’usine et d’une mère institutrice, il mène sa première activité militante au
sein de la Résistance en 1943, alors qu’il est âgé de 15 ans, ce qui lui vaut plusieurs décorations.
Il est décoré de la Croix de guerre à 16 ans, responsable du groupe « jeunes » du clan René
Madec, cité à l’Ordre de la Nation par le général Charles de Gaulle pour faits de Résistance
(1944).
Après des études secondaires au lycée de Quimper, il est diplômé de l’IDHEC (Institut des Hautes
Etudes Cinématographiques) en 1948, section réalisation.
En 1950, il réalise son premier film, Afrique 50, qui était une simple commande de la Ligue de
l'enseignement destinée à mettre en valeur la mission éducative de la France dans ses colonies.
Sur place, il décide de témoigner d'une réalité non commandée, le film sera interdit pendant plus
de quarante ans. Ce sera le premier film anticolonialiste français, chef-d’œuvre du cinéma engagé,
qui lui vaudra 13 inculpations et une condamnation de prison, son co-inculpé est Félix Houphouët-
Boigny. Il s'agit une condamnation en violation du décret Pierre Laval (Ministre des colonies) de
1934 et Vautier est mis en prison militaire à Saint-Maixent, puis à Niederlahnstein en zone
française d’occupation allemande. Il sort en juin 1952.
Afrique 50 reçoit la médaille d’or au festival de Varsovie. Engagé en Afrique sur divers tournages, il
rejoint le maquis algérien. Directeur du Centre Audiovisuel d’Alger (de 1961 à 1965), il y est aussi
secrétaire général des Cinémas Populaires.
De retour en France, il fonde en 1970 l'Unité de Production Cinématographique Bretagne (UPCB)
dans la perspective de « filmer au pays ». En janvier 1973, il commence une grève de la faim,
exigeant « […] la suppression de la possibilité, pour la commission de censure cinématographique,
de censurer des films sans fournir de raisons ; et l’interdiction, pour cette commission, de
demander coupes ou refus de visa pour des critères politiques ». René Vautier aura raison de la
commission. Il sera soutenu par Claude Sautet, Alain Resnais et Robert Enrico. Au terme de cette
grève, la loi sera modifiée. En 1974 il reçoit un hommage spécial du jury du Film antiraciste pour
l’ensemble de son œuvre. Il fonde en 1984 une société de production indépendante: « Images
sans chaînes ».
Il s'est toujours efforcé de mettre « l'image et le son à disposition de ceux à qui les pouvoirs établis
les refusent », pour montrer « ce que sont les gens et ce qu'ils souhaitent ». Comme Jean-Luc
Godard, qu’il a croisé lors de la constitution des Groupes Medvedkine en 1968, le seul collectif
cinéastes-ouvriers de l’histoire du cinéma, René Vautier est un des très rares cinéastes à
développer une théorie en acte de l’image.
Il a reçu en 1998 le Grand Prix de la Société Civile des Auteurs Multimédias pour l’ensemble de
son œuvre.
Tout en ayant combattu Jean-Marie Le Pen, il a, comme l'Abbé Pierre, néanmoins soutenu Roger
Garaudy lors de son procès pour négationnisme. En fait, le cinéaste tout en témoignant de son
amitié et son admiration pour l'homme, avait clairement marqué qu'il ne partageait pas les thèses
négationnistes qui étaient reprochées à celui-ci.
Il est décoré de l'ordre de l'Hermine.
Il vit à Cancale et a en préparation un film sur la censure, monté par sa femme Soazig
Chappedelaine, elle-même cinéaste.
Filmographie
•1950 Afrique 50, Premier film réalisé par René Vautier, alors âgé de 21 ans, et premier film
anticolonialiste français.
•1950 Un homme est mort, film sur la mort de l’ouvrier Edouard Mazé, lors des manifestations et
des grèves de Brestde 1950.
•1954 Une nation, l'Algérie, l’une des deux copies est détruite, la deuxième a disparu. Après la
révolution du 1er novembre 1954, le film relate en images la véritable histoire de la conquête de
l’Algérie. René Vautier est poursuivi pour atteinte à la sûr
•1956 Anneaux d'or, avec Claudia Cardinale dans son premier rôle, un de ses rares œuvres de
fiction, il remporte l'Ours d'argent au festival de Berlin-Ouest en 1956
•1958 L'Algérie en flammes.
•1963 Un peuple en marche, film qui fait un bilan de la guerre d'Algérie en retracant l'histoire de
l'ALN et qui montre l'effort populaire de reconstruction du pays, après l'indépendance - 1963
•1964 Le glas, le film sur l 'apartheid en Afrique du Sud est d’abord interdit en France, puis
autorisé en 1965 parce qu’il était autorisé en Angleterre.
•1969 Classe de lutte , avec Chris Marker
•1970 Les trois cousins, fiction tragique sur les conditions de vie de trois cousins algériens à la
recherche d’un travail en France. L'Award pour le meilleur film pour les Droits de l'Homme à
Strasbourg en 1970.
•1971 Avoir 20 ans dans les Aurès, avec Alexandre Arcady, Yves Branellec, Philippe Léotard.
Grand Prix du festival de Cannes 1971
•1971 Les Ajoncs.
•1971 Mourir pour des images, combat pour la Bretagne.
•1973 Transmission d'expérience ouvrière, s’adressant à d’autres collectivités ouvrières, les
ouvrières licenciés des usines de Forges d’Hennebont racontent la façon dont les promesses
gouvernementales et patronales les ont floués.
•1974 La folle de Toujane, fiction, co-réalisation Nicole Le Garrec.
•1974 Le Remords.
•1975 Quand tu disais Valéry, avec Nicole Le Garrec, le film retrace la longue grève des ouvriers
de l’usine de fabrication de caravanes Caravelair à Trigniac, classé meilleur film français au
festival de Rotterdam.
•1976 Frontline, sur l 'apartheid en Afrique du Sud, réalisé avec Oliver Tambo, prédécesseur de
Nelson Mandela et co-produit avec l’African National Congress.
•1976 Le Poisson commande, oscar du meilleur film sur la mer, combat pour la Bretagne.
•1977 Quand les femmes ont pris la colère, co-réalisation Soazig Chappedelaine.
•1978 Marée noire, colère rouge, contre la pollution classé meilleur film document mondial 1978
au festival de Rotterdam.
•1980 Vacances en Giscardie, ce film regroupe deux reportages sur les vacances d'été des
« Français moyens » : 1. Simplement vivre et 2. Une place au soleil,
•1985 À propos de… l'autre détail, le film montre à partir de témoignages sur la torture de
personnes ayant vécu la guerre. Certains témoins ont été torturées par Jean-Marie Le Pen. Ces
témoignages vont aider à défendre en justice le journal Canard Enchaîné
•1985 Chateaubriand, mémoire vivante .
•1986 Vous avez dit: français?, Réflexion sur la notion de citoyenneté française et l’histoire de
l’immigration en France.
•1988 Mission pacifique, documentaire sur des témoins sur place analysent les prises de vues
effectuées lors des explosions atomiques dans le Pacifique et du naufrage du Rainbow Warrior.
•1995 Hirochirac, reportage tourné pendant le cinquantième anniversaire d’Hiroshima au moment
où Jacques Chirac reprend les essais nucléaires dans le Pacifique et complété par des
témoignages de victimes du nucléaire.

23 avril 2018 équipepartispris


LA FRANCE ET LE NÉOCOLONIALISME
Le cas du franc CFA
“Les colonies ne cessent pas d’être des colonies parce qu’elles sont indépendantes.” a dit un

jour Benjamin Disraeli, un écrivain, homme politique et romancier anglais de la fin du XIXème

siècle. Cependant, cette phrase sonne toujours aujourd’hui très actuelle, à une époque où l’on

entend souvent parler de “néocolonialisme” occidental, particulièrement en Afrique. Nous

avons choisi de nous pencher sur certains des aspects de ce que l’on appelle “ néocolonialisme”,

et d’y consacrer une série de deux articles. Notre premier article concerne le franc CFA.

Lorsqu’il est question de “néocolonialisme” aujourd’hui, on exhibe souvent un symbole, perçu

comme le dernier avatar de la colonisation française en Afrique : le franc CFA. Il est la dernière

monnaie coloniale encore en circulation dans la monde aujourd’hui (avec le franc comorien), et

sujet à beaucoup de controverses que nous nous proposons de développer ici.

Il faut tout d’abord rappeler la signification de ce célèbre signe. En effet, le franc CFA signifiait

à l’origine “franc des colonies françaises d’Afrique”, et il a été créé par décret du général de

Gaulle en 1945. Les pays d’Afrique ont conservé ce sigle après leur accession à l’indépendance,

en modifiant simplement la signification de ces lettres. L’ancienne “zone franc” est ainsi

aujourd’hui séparée en deux unions monétaires :

• l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) qui a nommé sa monnaie “franc de

la communauté financière en Afrique”.

• la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) qui a nommé sa

monnaie “franc de la coopération financière en Afrique centrale”.

Malgré ce changement de nom, le sigle reste le même, et le symbole qu’il porte est très fort : il

rappelle la subordination de ces pays à la France, une subordination qui était au départ totale

et qui le reste aujourd’hui sur le plan économique tout du moins.


En effet, le franc CFA conserve des liens très étroits avec la France, sur le plan symbolique – par
exemple l’origine de son nom comme nous l’avons déjà évoquée – mais aussi sur un plan plus
pragmatique.

Sur le plan symbolique, le franc CFA est encore en lui-même un vestige de la colonisation
française en Afrique. Il faut se rappeler que cette monnaie est imprimée en France, et que donc
ce privilège, qui est un signe de la souveraineté monétaire, n’est pas laissé aux banques
centrales africaines. Si sur le plan économique le lieu d’impression de la monnaie n’a pas un
grand impact, sur le plan symbolique cela représente un important enjeu : cela revient presque
à dénier la capacité aux banques centrales africaines d’imprimer leur propre monnaie !

Sur le plan purement économique, le franc CFA constitue également en lui-même un vestige de
la colonisation française, et de la subordination des pays d’Afrique de l’Ouest à la France.
Premièrement, le franc CFA était au départ axé sur le franc français, et l’est aujourd’hui sur
l’euro. Cela signifie que les taux de change entre ces monnaies restent fixes et garantit la
stabilité du franc CFA, offrant un équilibre monétaire primordial aux pays de cette zone
géographique – rappelons-nous l’hyperinflation au Zimbabwe en 2009 –. Cependant, l’euro
étant une monnaie forte, le franc CFA est également une monnaie forte ou du moins trop forte
pour ces pays. Cette monnaie trop forte pénalise leurs exportations, qui sont rendues plus
chères qu’elles ne le seraient si leur monnaie était plus faible que celle des pays importateurs.
Pourtant, ces pays sont souvent riches en matières premières qu’ils gagneraient à exporter…

De plus, si la stabilité de cette monnaie par rapport à l’euro est un plus pour les pays membres

des zones francs, elle l’est aussi pour la France. En effet, on sait que les grandes entreprises

françaises sont parmi leurs plus gros investisseurs en Afrique, et exportent bon nombre de

leurs matières premières en provenance de cette région, comme l’uranium du Niger exploité

par Areva par exemple. Une monnaie stable et indexée sur l’euro facilite ainsi le transfert des

matières premières de l’Afrique à la France.

Effet de cette stabilité imposée : les pays des zones franc doivent limiter drastiquement

l’inflation, donc éviter que la demande globale (la demande des consommateurs +

l’investissement des entreprises + la dépense publique ) soit supérieure à l’offre globale.

Comment faire ? En restreignant la demande globale, donc en limitant les crédits à la

consommation, les prêts aux entreprises, les subventions à l’investissement etc. Dans une zone

où la demande fait cruellement défaut, et où les entreprises auraient vraiment besoin de prêts

à faible taux d’intérêts, cette politique paraît inadaptée… En même temps, il n’est pas étonnant
que l’on arrive à des politiques inadaptées à la réalité du terrain quand le franc CFA est indexé

sur le contexte économique de la zone euro et pas sur celui d’Afrique de l’Ouest…

Deuxièmement, la France garde encore un important contrôle sur cette monnaie, et donc sur la

politique économique des pays concernés. En effet, les pays des zones franc sont tenus de

stocker 50% de leurs réserves de change auprès du Trésor Public français, qui en échange

garantit la convertibilité du franc CFA dans n’importe quelle monnaie. Par ailleurs, la France

est présente dans les conseils d’administration des banques centrales de l’UEMOA et de la

CENAC, et son représentant a un droit de veto sur les décisions qui y sont prises. C’est un

véritable contrôle économique sur ces pays !

Bien souvent, la France est donc amenée à jouer en faveur de ses intérêts, et des intérêts de ses

groupes privés, très présents en Afrique de l’Ouest (les banques comme la Société Générale, la

BNP Paribas, des groupes comme Orange, Areva, Total, Eiffage…).

La présence et l’activité de ces multinationales françaises en Afrique est également l’un des

enjeux les plus controversés du “néocolonialisme”. Ce sera donc le thème du deuxième

épisode de cette série, à paraître la semaine prochaine.

PK

Sources :

Pour commencer, une vidéo passionnante, sérieuse et très bien réalisée qui résume bien les

enjeux du sujet : Youtube, Data Gueule, “Franc CFA : une monnaie de

plomb”, https://www.youtube.com/watch?v=OHg4YgccmPg [en ligne].

Wikipédia, “Franc CFA”, https://fr.wikipedia.org/wiki/Franc_CFA [en ligne]. Consulté le 22

avril 2018.

RFI Afrique, “Comprendre le franc CFA en quatre

questions”, http://www.rfi.fr/afrique/20170830-comprendre-le-franc-cfa-quatre-questions [en

ligne]. Consulté le 22 avril 2018.

Blog de Paul Jaurion, “Les avatars du franc

CFA”, https://www.pauljorion.com/blog/2016/04/16/les-avatars-du-franc-cfa-flux-des-
capitaux-et-regression-economique-en-afrique-francophone-par-sanou-mbaye/ [en ligne].

Consulté le 22 avril 2018. Texte long mais très clair sur le sujet !

Le Monde, “Kako Nubukpo : “le franc CFA asphyxie les économies

africaines””, http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/08/29/kako-nubukpo-le-franc-cfa-

asphyxie-les-economies-africaines_5177907_3212.html [en ligne]. Consulté le 22 avril 2018.

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