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David Pradalié

L’Être-monde-fantasmé
ce que chacun de nous est…

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Avant-propos

Il n’est pas douteux que chacun de nous vit dans un


monde entièrement construit, totalement fantasmé. Tout
le sens que nous donnons au monde n’est jamais que le
fruit de notre retour-post-perceptif exprimant notre être-
monde-fantasmé. Et comme si cela ne suffisait pas, nous
remplissons sans cesse notre monde de paroles que nous
n’avons jamais prononcées, d’actes que nous n’avons
jamais perpétrés, de situations, d’histoires que nous
n’avons jamais vécues. Et lorsque nous mourons, notre
monde disparaît avec nous.
Philosopher n’est pas autre chose qu’apprendre à
mourir.

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a- Introduction
Réalité et monde-fantasmé

Dans un état perceptif, nous sommes totalement


dépendants de ce qui s’effectue. Par l’exercice de la
mémoire, de la réflexion et du jugement nous construisons
un monde-fantasmé, monde qui nous accompagnera
jusqu’à notre disparition. Cette construction vient comme
un apaisement affectif nécessaire car répondant à la
quintuple frustration née de l’avènement de l’être-jeté qui
s’éveille à la perception. Dans notre étude, cette notion
d’être-jeté représente ce que chacun de nous est avant la
première perception consciente. Cette première perception
est qualifiée ainsi car il s’agit de celle qui va induire pour la
première fois un travail de la mémoire. Nous verrons
également que l’être-jeté naissant est déjà sollicité de
manière affective bien avant cette perception qui engage la
conscience. C’est alors que la perception dans son propre
fonctionnement va générer ce que nous appelons une
quintuple frustration. Là encore les frustrations à tonalité
purement affective interviennent chez l’être-jeté bien avant
la première perception consciente. Par la suite, l’ensemble

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du travail post-perceptif que j’effectue peut regrouper ces
trois activités que sont le travail de la mémoire, celui de la
réflexion et enfin celui du jugement ; nous pouvons le
nommer « retour-post-perceptif ». Il est donc évident qu’il
existe autant de mondes-fantasmés qu’il existe de retours-
post-perceptifs. Pour autant, mon monde-fantasmé
disparaîtra avec moi. Tout le sens que j’ai pu penser et dire
n’a jamais pu servir à autre chose qu’à remplir mon
existence tout en l’apaisant. Tout monde aussi plein de
sens, aussi constitué qu’il soit, est condamné à disparaître.
Il n’y a que la réalité, c’est-à-dire l’écoulement
ininterrompu, pour survivre à tout monde-fantasmé. Tout
monde est en réalité un monde-fantasmé. Le monde
comme objectivement constitué, comme le lieu d’une
vérité immuable, éternelle, universelle et nécessaire
n’existe pas. Il n’y a que la réalité qui a une existence
propre. Cela afin d’éviter de confondre le monde-fantasmé
dans lequel chacun de nous vit et la réalité qui est le « ce »
dans quoi nous évoluons tous, un « ce » caractérisé par un
écoulement ininterrompu. La réalité même si nous la
nommons, garde une dimension échappant à toute
approche conceptuelle lorsqu’elle est dite ainsi. Le mot
monde par le simple contour englobant que le terme
propose, prévoit déjà une sorte d’approche conceptuelle,
une main mise de l’homme sur la réalité. Dans notre étude,
le mot monde sera toujours synonyme de monde-
fantasmé. Dans le même temps, ce contour conceptuel du
monde indique que le monde ne peut être finalement que
pensé. Il n’en sera jamais ainsi de la réalité. Nous allons
montrer que nous ne pensons jamais autre chose qu’un
monde-fantasmé et que nous n’avons jamais la moindre
prise sur la réalité. Chacun de nous est condamné à vivre

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dans son monde-fantasmé. De la même façon, les faits qui
constituent déjà un découpage de l’écoulement
ininterrompu qu’est la réalité, ne sont jamais dans la réalité
elle-même mais toujours dans le monde-fantasmé
puisqu’ils sont déjà, par le découpage qui les fait naître, la
preuve de l’approche conceptuelle de l’homme. Pour
autant, ces faits renvoient à des manifestations spontanées
de la réalité. Seules ces manifestations appartiennent à la
réalité mais rien ne permet de dire que ces manifestations
sont indépendantes les unes des autres en tout cas le sont
suffisamment pour dire qu’il y a des faits qui s’enchaînent.
Nous ne rencontrons jamais ces manifestations ni dans
leur nombre, ni dans leur rôle participatif de la réalité.
Nous ne pouvons parler au mieux que du « ce » de la
manifestation qui entre dans notre perception. Parce que la
perception ne dure pas, nous dirons alors qu’il y a au sein
du monde, des faits qui s’enchaînent.
Le monde est en quelque sorte un modèle, un
simulacre, une reconstruction de ce qui nous reste du
retour-post-perceptif. Nous ne parlons jamais de la réalité,
nous ne pouvons approcher au mieux que le monde-
fantasmé dans lequel nous vivons. La perception
n’embrasse que le fait jamais la manifestation. En effet, la
réalité est Une et jamais elle ne commence ni ne s’arrête.
La manifestation par le biais de notre perception introduit
la multiplicité au sein de la réalité. Mais cette multiplicité
n’est que la trace de notre retour-post-perceptif. C’est
parce que nous découpons que nous introduisons la
multiplicité. D’ailleurs notre étude va montrer que nous
devrions tous prendre acte du fait que rien n’est dissocié de
rien, voie de l’humilité en quelque sorte. Cet aspect
constitue un secret de polichinelle pour le philosophe. Ce

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