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SYDNEY - correspondance
I
ls sont plusieurs milliers de militants à se relayer nuit et jour depuis plus d’une
semaine, ravitaillés en nourriture et bois de chauffage pour alimenter les braseros sous
un faible soleil hivernal. Tentes et drapeaux ont été érigés sur les vertes prairies
parsemées de rocailles volcaniques du bord de mer d’Auckland, la ville la plus peuplée
de Nouvelle-Zélande. Face aux policiers, des chants et des danses.
Mme Ardern « a le pouvoir de renverser la décision d’allouer cette zone à des logements
spéciaux [à prix modéré] et d’intervenir pour empêcher une confrontation », estime Pania
Newton, cofondatrice du groupe Save Our Unique Landscape (« Sauvez notre paysage
unique », dont l’acronyme SOUL signifie « âme » en anglais). Cette militante maorie, qui
décrit la mobilisation comme « la révolution de notre génération », estime que Mme Ardern
pourrait, au nom du gouvernement, « faire racheter la terre et la retourner aux tribus
propriétaires traditionnelles à qui elle a été volée » ou « en faire une réserve historique, un
endroit pour tous les Néo-Zélandais ».
Les activistes ont commencé à occuper le site en 2015 et ont même porté l’affaire devant les
Nations unies en 2017, espérant une intervention au titre d’entorse aux droits des peuples
autochtones. Les rangs de leurs sympathisants n’ont cessé de gonfler au fil des mois qui ont
suivi. Si bien que, le 23 juillet, la police a délivré un ordre d’évacuation du site. Produisant
l’effet inverse. De plusieurs centaines durant la semaine, les « protecteurs » sont passés à plus
de 5 000 au cours du week-end, en majorité des Maoris, mais aussi des membres du parti
écologiste, des représentants de diverses confessions ou encore des écoliers, donnant à la
plaine des allures de festival.
Trois hommes et quatre femmes dans la vingtaine ont été arrêtés jeudi 25 juillet au soir, après
s’être enchaînés à un van sur un axe routier. La veille, six personnes avaient aussi été
interpellées. La police évoque pourtant un climat pacifique et collaboratif avec les
protestataires. Samedi, un policier a même été filmé en train de jouer de la guitare et de
chanter avec les manifestants au cours de la nuit, une vidéo visionnée plus de 85 000 fois.
Travaux suspendus
Mise sous pression par l’activisme de SOUL, Mme Ardern, réputée progressiste, a pris ses
distances avec la contestation dans un premier temps, affirmant que son gouvernement
n’interviendrait pas dans un contentieux qui devait, selon elle, être résolue entre iwi, soit
clans locaux. Mais la controverse ne se résume pas à une opposition entre Maoris et
développeurs immobiliers : les représentants indigènes, divisés entre clans ou familles
locales, n’ont eux-mêmes pas la même opinion sur la question, certains observateurs citant
une fracture générationnelle.
Mme Ardern a aussi promis au début de son mandat, en 2017, de s’attaquer aux inégalités,
déplorant notamment la surreprésentation de la minorité maorie dans les indicateurs de
pauvreté et de santé, et une sous-représentation dans les statistiques d’accès à la propriété
(seul un Maori sur trois est propriétaire). Lundi, un rapport de la commission sur la santé et la
sécurité a encore pointé un « racisme institutionnel » qui désavantage les Maoris, de la
naissance à leur fin de vie. – (Intérim.)