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Etude Ville de Paris PDF
Etude Ville de Paris PDF
PARIS
pour une nouvelle
organisation
budgétaire
et territoriale
Juillet - Août 2019 - 8 €
COLLECTIVITÉS ❚ Ville de Paris
PARIS 9
❙ Les dépenses de la Ville de Paris représentent 9,4 milliards d'euros en 2018, dont 7,8 milliards de dépenses de
fonctionnement, en hausse de 35 % depuis 2010.
❙ 52 000 agents travaillent pour la Ville de Paris contre 40 300 en 2000, ce qui fait de Paris l'une des capitales européennes
les plus administrées (1 agent pour 43 habitants à Paris, 1 pour 107 à Londres). Les charges de personnel sont les premières
dépenses de fonctionnement avec 2,4 milliards d'euros.
❙ Les dépenses d'investissement (plus d'un milliard d'euros par an), dirigées en priorité vers le logement, les transports
et la voirie, n'ont pas résolu les problèmes de l'agglomération parisienne.
❙ En parallèle, la dette a considérablement augmenté, passant de 2,5 à 5,7 milliards d'euros entre 2010 et 2018.
❙ Le statut de Paris et de ses agents qui reste dérogatoire au droit commun est largement critiqué : temps de travail (pour
un surcoût de 74 millions d'euros), congés, effectifs, collaborateurs de cabinet…
❙ L'attractivité de la région capitale est forte mais le millefeuille administratif dilue les compétences et multiplie les
coûts.
❙ Un big bang administratif et territorial est nécessaire pour revenir à une gestion budgétaire plus raisonnable, en
s'inspirant de l'organisation territoriale du Grand Londres.
LA COLLECTIVITÉ PARISIENNE
EN CHIFFRES
10
La ville de Paris dispose d’un statut à part Enfin, la Ville de Paris dispose d’une dernière
dans son organisation administrative : long- originalité par le statut de ses agents : compte
temps pilotée directement par l’État, elle est tenu de son autonomie tardive en tant que
devenue en 1968 à la fois ville et département collectivité territoriale, le statut de ses agents
et, en 1977, a pour la première fois élu son est resté attaché à la fonction publique d’État,
conseil municipal, composé de 163 conseil- puis petit à petit a dû s’aligner sur la fonction
lers de Paris, qui lui-même élit son maire. Les publique territoriale. Cependant, les postes
conseillers de Paris sont élus dans chacun des d’encadrement supérieur sont restés calés sur
20 arrondissements et élisent leur maire d’ar- la fonction publique d’État.
rondissement. Le maire de Paris est donc élu Le budget de la capitale (total dépenses d’in-
par scrutin indirect. Depuis, la loi relative au vestissement et dépenses de fonctionnement)
statut de Paris de février 2017 a notamment est de 9,4 milliards d'euros en 2018 pour
fusionné la commune et le département au 52 000 agents (ville et département), loin
profit d’une nouvelle collectivité, la « Ville de devant la métropole de Lyon et son budget
Paris », gardant toutefois quelques spécificités. de 3,3 milliards d'euros et ses 9 200 agents.
7 000
6 000
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
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2014 2015 2016 2017 2018
Source : Rapport financier - comptes administratifs 2018.
34 %
3 % 10 %
30 %
10 %
13 %
7 %
15 %
21 % 13 %
redistribution visant à réduire les inégalités facilite pas la compréhension et le contrôle par
entre les collectivités. Cette redistribution le contribuable parisien.
pose la question de la création de richesse à
12 l’échelle de Paris captée par d’autres échelons La fiscalité parisienne est-elle
locaux. De plus, le calcul des contributions/ plus faible que dans le reste
versements entre l'État et les collectivités des métropoles françaises ?
devient chaque année de plus en plus sophis- La municipalité communique volontiers sur
tiqué et objet de différends politiques. les taux d'imposition comparés aux autres
métropoles que sont Lyon, Bordeaux ou Mar-
Pour tenir un tel programme de seille. Facialement, les taux appliqués pour la
dépenses, la fiscalité et l’endettement taxe d'habitation (13,38 %), la taxe foncière
ont fortement progressé (8,37 % pour la part de la Ville) ou encore
Les recettes ont progressé de façon conti- la taxe d'enlèvement des ordures ménagères
nue sur la période : en 2001, elles étaient de (6,21 %) sont plus faibles. Toutefois, ces taux
4,6 milliards et atteignent 8,5 milliards en sont à nuancer étant donné qu'ils sont appli-
2018. Les contributions directes, c’est-à-dire qués sur des bases plus élevées qui, elles, sont
les impôts locaux directs2 ont fortement aug- revues à la hausse chaque année par les ser-
menté pour atteindre 3 640 M€ à périmètre vices fiscaux.
constant. Au sein de ce montant, 2 677 M€ De même, les prélèvements « non fiscaux » de la
relèvent de contributions directes au sens Ville (stationnement, droits de places, tarifs des
strict, et 1 002 M€ correspondent aux attribu- services…) ont tous été augmentés. Les droits
tions de compensation versées à la collectivité de stationnement s'élèvent à 230 M€, en hausse
par la Métropole du Grand Paris (MGP) et de 123 M€ en 2018. De plus, Paris réfléchit à
par la région Île-de-France. la création d’un nouvel impôt pour remplacer
la surtaxe des résidences secondaires, qui doit
En effet, depuis le 1er janvier 2016, la MGP disparaître avec la taxe d’habitation. On note
perçoit une partie de la fiscalité économique d’ailleurs que la ville a décidé un rehaussement
en lieu et place des communes membres, en du taux de majoration de la cotisation appli-
lien avec les transferts de compétences devant cable aux résidences secondaires, passé de 20 %
être réalisés d’ici à 2020. Les ressources fis- en 2016 à 60 % en 20173. Au total, si l'on tient
❚❚2 Contribution cales transférées par Paris à ce titre com- compte de l'ensemble des impôts et taxes, la
économique
territoriale et prennent la part communale de la cotisation fiscalité ressort à 1 935 € par habitant plaçant
cotisation sur la sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) Paris en 3e position parmi les métropoles taxant
valeur ajoutée
des entreprises, et de l’imposition forfaitaire sur les entreprises le plus après Lyon et Villeurbanne.
taxe de réseaux (IFER), ainsi que les produits de Le produit de la fiscalité immobilière reste
d’habitation,
taxe foncière sur la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les élevé en 2018, à 1 505 M€. La Ville a égale-
la propriété bâtie propriétés bâties et de la taxe sur les surfaces ment cédé des actifs, notamment des terrains,
et non bâtie.
commerciales. Par ailleurs, depuis le 1er janvier car elle possède un patrimoine considérable
❚❚3 Montant
moyen de 414 €, 2017, la région Île-de-France perçoit la moi- estimé à 35 milliards par la Cour des comptes.
source : Le tié de la part départementale parisienne de la
Figaro.
CVAE (soit 25 % du produit total). La dette et les engagements
❚❚4 « La dette de
la Ville
de la collectivité parisienne
n'augmentera En contrepartie de ces transferts, la MGP et la Selon l’adjoint aux finances de la mairie,
pas cette
année » annonce
région Île-de-France reversent à la collectivité Emmanuel Grégoire interviewé par Le Pari-
Emmanuel parisienne des attributions de compensation sien, la dette est passée de 2,9 à 5,7 milliards
Grégoire, Le
Parisien, 5 juin
dont les montants sont figés, respectivement entre 2012 et 2019 (soit 97 % de hausse),
2019. à 527 M€ et 475 M€. Une complexité qui ne mais elle est stabilisée car de meilleures pers-
pectives budgétaires ont permis de baisser le cément à « une hausse des remboursements,
recours à l’emprunt, avec un objectif 2019 de passant à près de 300 millions d’euros dès
« zéro augmentation de la dette »4. Les édiles 2021 contre 200 millions par an depuis 2014
rappellent d’ailleurs que l’agence de notation et atteindra même 300 à 400 millions d’euros 13
Standard and Poor’s a confirmé le double A en 2030/2040 »5.
accordé à la Mairie de Paris. Par ailleurs, ils À cette dette officielle s’ajoutent les engage-
insistent sur un niveau d’endettement par ments hors bilan, autrement dit les garanties
habitant inférieur aux autres métropoles d’emprunt pour 12,2 milliards à rembourser
françaises : elle s'établit selon la Mairie de jusqu’en 2081, soit 63 ans. Il s’agit essen-
Paris à 2 288 € à Paris, contre 2 644 € à Bor- tiellement d’organismes HLM, on y compte
deaux, 3 295 € à Lyon, 3 726 € à Marseille. aussi quelques associations caritatives6. Si ces
Cette présentation est cependant excessive engagements sont régulièrement et correc-
puisque dans le cas de Bordeaux ou de Mar- tement suivis, un rapport récent de l’inspec-
seille, pour faire sa comparaison, le service de tion générale de la Ville de Paris7 a pointé
communication a inclus la dette du départe- certains risques supplémentaires dont une
ment de Gironde ou des Bouches-du-Rhône. absence de contrôle interne qui conduit à ne
Néanmoins, si la dette parisienne suscite pas répertorier d’autres risques, notamment
de l’inquiétude c’est en raison de sa forte ceux portant sur les délégations de service
croissance : la dette moyenne est ainsi public (les DSP, qui sont valorisées à zéro
passée de 507 € par parisien en 2001 à dans l’état des engagements en annexe aux
2 835 € aujourd'hui. La dette totale devrait comptes administratifs). Et de citer le cas
atteindre 6,5 milliards d’euros en 2020. En d’Autolib et Velib : « Les engagements pris
2017, Myriam Métais, alors conseillère de la par la structure satellite ou partenaire de la
maire, chargée du budget, des affaires finan- Ville, qui pourraient contraindre la collectivité
cières et des marchés publics, avait mis en parisienne à intervenir en tant que financeur
garde sur cette hausse qui conduirait for- en dernier recours (établissements publics qui
17
18
hors-bilan de la
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collectivité
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parisienne, IGVP,
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juillet 2018.
dé
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La Cour pointe également un manque de La situation exorbitante des postes ❚❚13 Rapport
CRC Île-de-
transparence vis-à-vis du Conseil de Paris du de collaborateurs de cabinet France, octobre
suivi des effectifs. La Ville s’était engagée à La Chambre régionale des comptes, dans 2017.
faire évoluer les délibérations sur les effectifs son rapport sur les emplois non titulaires ❚❚14 La mairie de
Paris réduit les
afin de mieux suivre l'évolution des person- d’octobre 2017, pointe la situation exor- congés de ses
nels mais les dernières délibérations montrent bitante des collaborateurs du cabinet de la salariés (à
11 semaines), Le
que la présentation ne facilite toujours pas maire de Paris. Mais Anne Hidalgo n’est pas Figaro, 27
la compréhension11. la seule à profiter du dépassement : les mai- octobre 2017
ries d’arrondissement employaient en 2015, ses adjoints nous avons identifié 133 colla-
229 collaborateurs de cabinet au lieu des borateurs, que la Ville emploie en plus. Des
81 réglementaires. Ces particularités ont un agents répondant aux profils administratifs
16 coût puisque les rémunérations des postes suivants : « chargés de mission » auprès des
sur lesquels ont été affectés les collaborateurs collaborateurs de cabinet, « rédacteurs »,
de cabinet sont parmi les plus élevées de la secrétaires et assistants.
fonction publique. D’après la Chambre, les D’après la CRC, les assistants et secrétaires ne
sureffectifs des cabinets coûtent 3,1 millions doivent pas être considérés comme des col-
d’euros que la mairie justifie par la singularité laborateurs de cabinet. L’effectif correspon-
de la ville-capitale et fait valoir une baisse des dant, de 67 agents (4 secrétaires particuliers,
charges du cabinet depuis 2014. 40 secrétaires et 23 assistants) pour 28 élus
Le droit applicable aux collaborateurs de (la maire et ses 27 adjoints) est cependant
cabinet de la Ville de Paris est marqué par notable. Mais les chargés de mission sont à
deux spécificités : considérer comme collaborateurs de cabi-
❙ à l’instar de Lyon et Marseille, la Ville de net puisqu’ils assistent la conception de la
Paris se distingue par l’existence de colla- politique publique. De même, les rédacteurs,
borateurs des cabinets des maires d’arron- qui représentent le cabinet lors des réunions,
dissements ; rédigent des éléments de langage et assistent
❙ la Ville de Paris est l’unique collectivité les élus, assurent donc des missions de colla-
française pouvant déroger aux dispositions borateurs de cabinet.
plafonnant les effectifs et rémunérations des Nous observons ici un contournement
collaborateurs de cabinet15. Les emplois de manifeste des règles de droit et recensons
collaborateurs de cabinet de la Ville ne sont finalement 171 collaborateurs de cabinet
pas permanents, n’ont pas droit de titularisa- affectés au cabinet de la maire. Le cabinet
tion et les recrutements se font sous contrat de la maire de Paris compte ainsi plus de
spécifique16. collaborateurs que celui du ministre de
La mairie se targue d’avoir permis une l’Économie et des Finances.
réduction de la masse salariale du cabinet Ainsi, bien que la Ville bénéficie d’un régime
à hauteur de 17 % entre 2013 et 2016. En dérogatoire déjà bien plus favorable que celui
effet, le plafond de 170 agents en 2014 a qui s’applique aux autres collectivités, le pla-
été réduit à 135 collaborateurs. Toutefois, les fond de collaborateurs de cabinet, délibéré
plafonds applicables sont beaucoup moins par le Conseil de Paris en 2014, sous le motif
contraints que pour les autres collectivités de réduction des effectifs de cabinets de la
et permettent à chaque adjoint parisien de maire et de ses adjoints, a été dépassé en
disposer d’un cabinet qui lui est propre. La 2018 de 36 agents. Il convient aussi de sou-
Chambre régionale des comptes souligne ligner que pour certains agents, la qualité de
que si l’on appliquait les plafonds de droit collaborateur de cabinets n’apparaît pas de
❚❚15 troisième
alinéa de l’article commun au cabinet de la maire, le plafond façon formelle, en raison d’intitulés de postes
110 de la loi du de collaborateurs s’élèverait à 45 agents17 : (chargés de mission, chef de cabinet, rédac-
26 janvier 1984.
❙ 34 agents au titre de la fonction de maire ; teurs) peu explicites.
❚❚16 relevant de
l’article 110 de la ❙ 11 agents au titre de la fonction de président Pour citer la CRC, « l’importance des effectifs
loi du 26 janvier du Département. des collaborateurs de cabinet de la maire de
1984.
Le plafond, tel qu’il a été délibéré, de Paris pose, en outre, la question de la gouver-
❚❚17 Rapport
d’observation
135 collaborateurs représente trois fois le nance de la collectivité. Le fait que certains
sur les agents plafond de droit commun. Mais, en plus, ce secteurs et dossiers soient suivis à la fois par
non titulaires de
la Ville de Paris,
plafond est largement dépassé. Dans les effec- le cabinet de la maire, le cabinet de l’adjoint,
octobre 2017. tifs composant les cabinets de la maire et de voire les directions thématiques, pose néces-
Les efforts en matière d'attractivité ne 2010, la Ville aura dépensé 3 milliards d'euros
sont pas sans conséquences pour le logement social, sans compter les sub-
sur le coût du logement ventions de l'État, et les fonds propres engagés
Malgré de nombreux atouts, la performance des organismes HLM, les prêts de la CDC et 19
de l’économie parisienne semble avoir atteint les subventions du 1 % logement.
ses limites. Prix de l’immobilier, saturation des Cette politique est incontestablement volon-
transports, propreté : différents indicateurs tariste mais il y avait encore 244 000 deman-
semblent montrer une sorte de plafonnement. deurs de logements sociaux en 2017 alors
La question du logement est le point noir de qu’on en comptait 100 000 en 2001. Le
l’économie parisienne. Pourtant, les moyens nombre important de demandeurs est le
mis en œuvre, tant réglementaires que finan- fruit à la fois de la forte attractivité de la
ciers, ont été nombreux. Au niveau de l’État, Ville et de la situation sociale des ménages
les pouvoirs publics ont voté le renforcement qui souhaitent se loger à Paris, où le coût du
de la loi ALUR avec un taux de logements logement est particulièrement élevé. Plus le
sociaux porté de 20 % à 25 %. La loi ELAN parc croît plus il y a de demandeurs et plus
a autorisé la remise en place de l’encadrement le délai d’attente augmente.
des loyers au 1er juillet 2019. L’État a aussi La situation de Paris est tout à fait spécifique
soumis les loueurs type Airbnb à une régle- en France avec un prix moyen du m2 proche
mentation plus stricte. de 10 000 € pour les logements anciens et un
loyer du parc privé trois fois supérieur au loyer
Un engagement fort en matière moyen du parc social (écart de plus de 15 €/
de logements sociaux m2/mois). L’obtention d’un logement social
À ces mesures, la municipalité a ajouté plu- constitue donc un avantage financier consi-
sieurs dispositifs comme multiloc, qui vise à dérable que l’on peut évaluer à 12 000 €/an
remettre les logements vacants sur le marché pour un appartement de 3 pièces de 65 m2.
à des loyers inférieurs de 20 % au loyer de Cet avantage est encore supérieur pour les
marché, en échange de primes versées aux ménages qui perçoivent l’APL (environ
bailleurs. La mairie a également déployé un 1/3 des ménages du parc social). La consé-
nouveau système d’attribution des logements quence est la stabilité des locataires dont le
sociaux avec la cotation des demandes, une taux moyen de rotation est de 4,5 % (2,6 %
charte anti-spéculative pour le foncier, ou pour les 5 pièces et plus) alors qu’il est supé-
encore une plateforme d’échange de loge- rieur à 25 % pour les logements locatifs privés.
ments sociaux, pour fluidifier le parc locatif Cette faible rotation dans le logement social se
social (site EchangerHabiter.fr), récemment traduit par un très petit nombre de logements
étendue à toute l’Île-de-France, dans un disponibles à la relocation : 10 000 logements
contexte où la demande d’échange est forte. par an pour un parc de 230 000 logements.
Le choix délibéré de la Ville d’atteindre Soit une nouvelle offre très faible au regard
20 % de logements sociaux en 2014, six ans des moyens investis.
avant l’échéance fixée par la loi et un nouvel Les règles d’attribution des logements sociaux
objectif de 10 000 logements supplémen- deviennent de plus en plus complexes et sont
taires par an dont 7 500 sociaux et 30 % de basées sur un système de cotation des deman-
logements sociaux d’ici 2030 reste cependant deurs qui privilégie la demande la plus paupé-
l’engagement le plus fort. Aujourd’hui, la Ville risée, ce qui renforce les inégalités sociales. Le ❚❚25 Les 13e et
décompte officiellement 237 858 logements taux de pauvreté à Paris est de 16,2 % contre 19e
arrondissements
sociaux, soit 20,5 % des résidences principales. 14,9 % pour la France entière. Ces inégalités comptent près
De 2001 à 2017, le nombre de logements sont source de tensions dans les quartiers à de 40 % de
logements
sociaux SRU a progressé de 54 %. Et depuis forte densité de logements sociaux25. sociaux.
Mais cette politique du chiffre est un trompe- faveur de modes alternatifs à la voiture.
l’œil car alimentée essentiellement par la En 2014, la promesse était de 1,5 milliard
transformation de logements existants en d’investissements et un slogan : « Faire le
20 logements conventionnés. Ce qui se solde par Paris électrique ». Les chantiers se sont donc
une baisse du nombre de logements dispo- multipliés : Autolib’, fermeture des voies
nibles dans le secteur privé, aggravée par une sur berges, pistes cyclables, aides à l’achat
fiscalité immobilière très lourde qui pèse sur de vélos électriques, finalisation des travaux
les bailleurs privés et qui les pousse à mettre de tramway, tandis que de nouveaux usages
leur bien en vente. se développaient comme les trottinettes
électriques, scooters électriques… Depuis le
Il faudrait très rapidement remplacer cette début de la mandature, les dépenses d’inves-
politique par un développement de la produc- tissement se sont élevées à 744 M€ (1,7 Md€
tion destinée aux classes moyennes qui sont depuis 2010), en faveur des transports.
aujourd’hui contraintes de quitter Paris pour Ces initiatives ont suscité de nombreuses
se loger. La population parisienne a diminué critiques : la fermeture des voies sur berges
(moins 60 000 habitants) au cours des 5 der- a été accusée de reporter la circulation sur
nières années. Dans son rapport annuel sur d’autres tronçons de la capitale et d’engen-
les risques de bulle immobilière26, la banque drer congestion et pollution. La construction
suisse UBS s’inquiète des déséquilibres du des pistes cyclables, dont une grande partie
marché observés à Paris, avec l’augmentation devrait être livrée d’ici la fin de l’année,
des prix ces derniers trimestres favorisée par cycle électoral oblige, est accusée de mettre
les conditions de financement très avanta- la capitale en ébullition en multipliant les
geuses avec des taux de crédit au plus bas. travaux. Bien entendu, la gestion des dos-
La solution au problème du logement repose siers renouvellement du Vélib’ et Autolib’
sur une intégration beaucoup plus forte de a été aussi très critiquée.
la capitale dans la métropole du Grand Paris. En ce qui concerne Vélib’, c’est le renou-
Si, aujourd’hui, le millefeuille institutionnel vellement de la délégation de service public
francilien rend impossible le pilotage d’une en 2018, qui a fait la une. La reprise par
politique concertée du logement, c’est pour- Smovengo pour 600 millions d’euros a
tant dans cette direction qu’il faut aller. La pris du retard et occasionné de nombreux
compétence logement est éparpillée entre dysfonctionnements. Le délégataire versera
communes, établissements publics territo- en compensation huit millions d’euros de
riaux, départements et région. Le problème pénalités au Syndicat Autolib’ et Vélib’
ne pourra pas être résolu à l’aune de la seule Métropole (SAVM).
ville de Paris qui représente moins de 1 % de Autolib’ est l'autre accident industriel qui
la superficie de l’Île-de-France et qui détient vient entacher les réalisations en matière
la densité de population la plus élevée des de transports de la mairie : lancé en 2013,
capitales européennes. Encore faut-il pour le service coûte au départ selon le groupe
cela s’appuyer sur un excellent réseau de Bolloré 50 millions d’euros par an. À partir
transport. de 2016, les premiers signes de baisse du
nombre d’abonnés commencent à se faire
Transports : un bilan très mitigé sentir et en 2018, le groupe réclame 40 mil-
Les transports sont un thème récurrent dans lions par an jusqu’au terme de la délégation
les campagnes municipales parisiennes et la de service public, en 2023, à la centaine
❚❚26 « 2018 dernière n'a pas fait exception. Ils ont été de villes concernées par le groupement. Au
Global real
Estate Bubble
l’autre priorité de la municipalité avec des terme d’une longue conciliation, le service
Index. » engagements financiers très importants en s’arrête en juin 2018.
D’autres mesures avaient été annoncées : le rapport récent de la Cour des comptes27 a
fonctionnement de nuit des lignes automa- pointé le dépassement de budget. Le projet,
tiques. Mais cette mesure relève de Mobi- évalué à 22 milliards d'euros en 2013, est
lités Île-de-France (ex-STIF) qui publiait aujourd'hui révisé à 38 milliards d'euros. 21
en 2016 une étude dans laquelle il dénon- On observe ici un manque de cohérence
çait un « besoin non avéré pour un coût trop entre le réaménagement des transports à
élevé ». Bien qu’à New York et Copenhague, l'échelle uniquement parisienne avec des
le métro fonctionne toute la nuit chaque investissements financiers importants tandis
jour de la semaine et le métro londonien cir- que les transports structurants de la région
cule la nuit le week-end sur les deux lignes ont pris un énorme retard.
principales, Paris a fait le choix du dévelop-
pement du réseau Noctilien de bus de nuit. Aujourd’hui l’aire d’influence de Paris
Mais, récemment, le syndicat des transports s’étend encore plus
a annoncé l’expérimentation du fonctionne- C’est d’autant plus vrai que l’aire d’in-
ment de nuit des métros, tramways et bus à fluence de la ville s’est beaucoup étendue.
partir de septembre 2019, une fois par mois. Les difficultés en matière de logement et de
C’est un sujet d’affrontements entre la ville transport ont conduit les entreprises à loca-
et la région, tout comme l’est la gratuité liser leurs implantations en dehors de Paris,
des transports parisiens, sujet qui a la faveur en première couronne. D’après l’Insee 28,
de l’actuelle maire de Paris. La gratuité des trois transferts d’établissements sur quatre
transports serait un défi financier à gérer (déménagements ou emménagements)
pour le syndicat des transports qui a passé s’effectuent à l’intérieur de la Région Île-
des contrats avec la RATP et la SNCF. Ces de-France. Sur la période 2009-2014, en
contrats représentent environ 10 milliards moyenne annuelle, 18 400 établissements
d’euros, qui sont financés pour 28 % par les changent de commune au sein de la Région
recettes tarifaires (la billetterie) et pour le francilienne. 55 % des établissements quit-
restant par les entreprises, l’État (la moitié tant Paris s’installent en petite couronne,
des amendes de voirie notamment) et les en particulier les établissements de conseil
collectivités publiques. Les entreprises d’Ile- aux entreprises et les agences de commu-
de-France s’acquittent du versement trans- nication. En termes de transferts d’établis- ❚❚27 Rapport de
port, pour un produit d’environ 4,3 mil- sements, Paris est déficitaire avec la petite décembre 2017 :
https://www.
liards, sans compter la prise en charge des couronne, presque autant avec la province. ccomptes.fr
frais de transport des salariés pour un coût À première vue, la question des transferts /sites/default
/files/2018-
annuel de 800 millions. La gratuité impo- d’implantation n’est donc pas une menace 01/20170117
serait le financement par l’impôt alors que pour l’économie parisienne. -rapport-
societe-grand
la région entend plutôt développer deux Néanmoins, selon une récente étude de -Paris_1.pdf
projets à forts enjeux : l’Insee29, l’influence de Paris sur sa région ❚❚28 La petite
❙ le Charles-de-Gaulle Express qui devrait et les régions limitrophes présente un cas couronne au
cœur des
relier à partir de 2024 la gare de l’Est au unique d’attractivité sur un rayon de plus transferts
terminal 2 de l’aéroport de Roissy. Mais le de 100 km. Et les zones de plus forte crois- d'établissements
franciliens, Insee,
projet a été reporté en raison de la pertur- sance d’emploi et démographique ne sont 19 janvier 2017.
bation sur les lignes du quotidien pendant pas au cœur de l’agglomération mais dans ❚❚29 Un
la durée des travaux et ne devrait pas être une zone située entre 20 et 40 km de la rayonnement
économique de
prêt finalement pour les J.O. ; capitale. Cette densification s’appuie sur le l'agglomération
❙ le Grand Paris Express : soit 200 km de réseau de transport et va nécessiter encore parisienne plus
intense vers
lignes automatiques, 68 gares et la construc- plus de rationalisation et d’efficacité dans l'ouest, Insee,
tion de quatre nouvelles lignes dont un la gouvernance. 20 juin 2019.
Autre exemple, le Grand Londres est encore électifs (1 851 pour les boroughs et 26 pour
plus poussé en matière de souveraineté de l’autorité métropolitaine dont le Maire).
l’entité métropolitaine. En 1998, 72 % des Le Grand Paris compterait 6 200 mandats
Londoniens votent en faveur de l’établisse- électifs : environ 200 élus métropolitains,
ment du Greater London Authority (GLA), 500 pour les Départements dont le Conseil
une administration à part entière. Si l’Auto- de Paris, 900 pour les EPT (établissements
rité du Grand Londres (8,6 millions d'ha- publics territoriaux) et environ 4 500 conseil-
bitants, 1 600 km²) doit coopérer avec les lers municipaux. Enfin, les agents du Greater
32 arrondissements (boroughs) – ainsi que la London n’ont pas le statut de fonctionnaires
City, l’État central, les intérêts privés... – sa réservé aux employés des ministères et des
logique institutionnelle n’est pas « intercom- agences gouvernementales.
munale ». Il existe une séparation organique, Un autre modèle existe, celui des régions
fonctionnelle et financière entre la GLA et métropolitaines. Par exemple la ville de
les boroughs. La GLA, à travers son maire, Berlin (Stadt Berlin – 3,5 millions d'habi-
dispose de pouvoirs stratégiques. La centra- tants, 900 km²) est un Land de la Répu-
lisation des pouvoirs exécutifs et législatifs blique fédérale dont l’aire métropolitaine
dans les mains du maire de Londres corres- s’étend sur un deuxième Land périphé-
pond à cette vision stratégique. À l’inverse, rique, celui de Brandebourg. Un projet de
les boroughs sont les gestionnaires des ser- fusion des deux Lander a échoué en 1996
vices publics. Ils sont en première ligne pour mais reste d’actualité du fait du dévelop-
répondre aux besoins de proximité et pour pement commun des deux Lander grâce
assurer la gestion des services publics. Le à la rapide expansion de la banlieue berli-
maire de Londres s'appuie également sur une noise. La ville est divisée en 12 quartiers/
assemblée de 25 membres qui incarne le pou- circonscriptions gérés par un maire et un
voir législatif et lui fait contrepoids. La GLA conseil municipal. L’administration sénato-
a été conçue comme une structure légère riale doit également assurer les compétences
déléguant à des agences métropolitaines spé- d’un Land. Pour assurer toutes ces missions,
cialisées l’exercice de ses compétences (trans- le Land employait 112 324 personnes en
ports, police, pompiers, attractivité). Enfin, il janvier 2013.
convient de mettre en avant que Le Grand Nous observons finalement que le Grand
Londres compte moins de 1 900 mandats Paris ne tranche pas entre ces modèles.
pole prendrait, dans un premier temps, les en Ile-de-France. Mais pour être efficaces,
contours de l'aire urbaine du Grand Paris, les dépenses d'infrastructure devront être
et s'étendrait ensuite rapidement sur le péri- gérées à une autre échelle. Enfin, en matière
mètre de la région Île-de-France, le « Très de sécurité, l'organisation et le financement 25
Grand Paris ». En effet, la différenciation zone de la préfecture de police de Paris doivent
dense/zone peu dense évolue rapidement être revus dans le cadre d'un périmètre élargi.
avec l'attractivité toujours plus forte de la
région parisienne et les frontières actuelles La supermétropole aurait donc des pou-
de la métropole du Grand Paris devront très voirs renforcés en matière de logement,
vite évoluer. transports, attractivité, emploi, culture, édu-
cation, environnement et déchets. Les inter-
D'un point de vue budgétaire, la comparaison ventions sociales devraient en revanche être
avec la métropole de Londres montre que, reprises par l'État. Cela ne signifie pas que
rapportés à la population parisienne, deux la supermétropole devra gérer en direct ces
fois moins d'effectifs (20 700 au lieu de compétences :elle pourra, sur un principe
52 000) seraient nécessaires pour la gestion de subsidiarité, en déléguer l'exécution aux
administrative du « Très Grand Paris ». Ce communes qui resteraient l'unité de base
qui représente, à structure de rémunération de la supermétropole, avec un maire élu au
équivalente, une économie de plus d'1 Md€ suffrage direct.
sur les dépenses de personnel. Des écono-
mies supplémentaires pourraient même être Cette refonte administrative devrait s'ap-
possibles étant donné la gestion généreuse puyer aussi, comme dans le cas de Londres,
actuelle du personnel sur laquelle il doit être sur une assemblée métropolitaine, composée
possible de revenir (statut, temps de travail, des maires des communes de la région Ile-de-
collaborateurs, satellites de la Ville, etc.) France. Ce qui n'empêche pas de faire évo-
luer la carte communale actuelle : ainsi la loi
Cette « supermétropole » pourrait s'appuyer Gatel du 24 juillet 201934 permet d'envisager
sur des établissements publics comme c'est le une fusion des communes et intercommuna-
cas pour Londres (transports, police, attracti- lités qui prendraient la forme de communes
vité). En matière de transports, c'est déjà le cas nouvelles. Cela peut aussi s'appuyer sur les
avec Ile-de-France Mobilités qui gère les trans- maires d'arrondissement dont les pouvoirs
ports en commun, mais cela devrait inclure le pourraient être étendus. Ces maires d'arron-
pilotage de toutes les formes de mobilité. C'est dissement, directement élus par les Parisiens,
donc à cette échelle que les investissements n'ont qu'un pouvoir très limité sur l'action
doivent se concentrer plutôt que de lancer la municipale et certaines politiques de proxi-
gratuité des transports au niveau parisien ou mité (voirie, entretien par exemple), actuel-
la couverture du périphérique. lement gérées au niveau de la Capitale. Cela
suppose à terme la suppression de la Mairie
De la même façon, la compétence logement de Paris et le vote par suffrage direct pour le
est aujourd'hui trop éparpillée entre les dif- maire de la supermétropole de Paris.
férentes strates. Et il faut renoncer à l'ob-
❚❚Loi 2019-809
jectif d'atteindre 30 % de logement social, JO du 1er août
une politique d'autant plus inflationniste 2019 visant à
adapter
qu'elle se concentre sur Paris intra muros. l'organisation
En s'appuyant sur les bailleurs institution- des communes
nouvelles à la
nels et en les incitant à investir, il est pos- diversité des
sible d'améliorer la situation du logement territoires.