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Impressions aoûtiennes

TENDANCES
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e rendez-vous est pris au café avec ce nouveau racket, il faut Laisse celle des autres… D’ailleurs,
habituel, sauf que celui-ci est ouvrir le porte-monnaie pour chaque tu as un teint de papier mâché, tu
L fermé, pour cause du deuxième
jour de l’Aïd. Ali, toujours aussi anti-
pneu posé sur la voie publique. En
fin de journée, ça risque de chauffer
dois couver un ictère. Ali ne se lais-
se pas faire, il répond du tac au tac.
conformiste, a insisté pour qu’on se la pièce. « Ictère toi-même. Comme dit Brel,
prenne un kahoua entre potes. J’ai Je trouve mes potes autour d’une je suis plus solide que l’ennui. Ne te
fait mine de refuser. Sans se démon- table. Il n’y a pas d’autres clients. Ça fais pas de souci pour moi. Je serais
ter, il me lance, un brin furax, au doit ravir le cafetier. Je m’installe, en le dernier des Mohicans. J’irais à
téléphone : « Arrête avec tes visites, face d’Ali, qui lance à la ronde : « Il vos enterrements… » Salim, le plus
tu sais écrire ; alors utilise la moder- arrive enfin le blanchisseur de nuit. sage, intervient. D’un ton doux, il dit
nité ; envoie des sms et basta ; Heureusement que ce n’est pas du à tous : « Il y a d’autres sujets de
alors, pointe le bout de ton nez. » blanchiment. Autrement, tu serais discussion, ya djemaâ. Qui peut
C’est plus qu’une invite, c’est un dans de mauvais draps… » parier sur l’avenir de ce pays ? Toi ?
ordre. Avec Ali, il n’y a pas de demi- Mustapha, à l’aise dans un bleu de Toi ? Ou toi ? Personnellement, je
mesure ; c’est tout ou rien. Je pro- Chine, un « filou » je crois, lui suis pessimiste à plus d’un titre. »
mets d’y être. « Ok, disons neuf demande de se taire. Entre eux, J’essaie de mettre mon grain de sel.
heures trente », lance-t-il au télépho- c’est une guerre d’usure. « Si tu ne Sans trop y croire, je dis à mes
ne. « C’est trop tôt ! », lui dis-je. « dis rien de ta bouche, je me deman- potes : « L’Algérie s’en sortira. Elle
Arrête ton char ; avale un somnifère de par où… », lui lance le sage de la s’en sortira, vous dis-je. Il n’y a pas
; je te promets que tu n’auras plus bande. Ali bondit de sa chaise. Je le de raison. L’état-major va mettre de
de nuits blanches .» Je relance ma prends par l’avant-bras : « Calme-toi l’eau dans son thé ; le Hirak fera un
promesse d’y être. Avec mes cinq ; Mus a raison ; tu peux t’exprimer geste de conciliation ; le panel ren- Youcef Merahi
potes, je suis pressé d’entendre pas par tous les orifices de ton anato- trera bredouille… Et tout ira bien… Il merahi.youcef@gmail.com
mal d’infos. Je n’ai pas pris de som- mie, toi .» Entre-temps, le serveur faut bien trouver un consensus, Répondons franchement à ces deux
nifère ; ma nuit a été grise ; j’ai pro- arrive pour casser, un peu, l’es- nom d’un chien errant ! » Ali a failli questions, on trouvera l’issue heu-
mis de respecter l’horaire. clandre qui se profilait. Omar com- me sauter à la gorge. Je l’ai bien vu reuse… »
A neuf heures, le lendemain de mande du lait frais et un gâteau. « à son regard. Il est capable d’en arri- A partir de là, j’ai perdu le fil de la
l’Aïd, je prends mon tacot et me diri- Curieux », me dis-je in petto. Juste ver aux mains, notre Ali national. Il a discussion. Perdu dans mes pen-
ge vers notre café habituel. La ville d’entendre le mot gâteau, j’ai la nau- le sang chaud-bouillant. C’est un sées, je me revois gamin, en juillet
est fermée, à double tour. Pas grand sée. Ça sent les gâteaux à chaque Algérien, quoi. Du sang ? Non, de la 62, dans les rues de ma ville, défi-
monde dehors. Les boutiques sont coin de rue, comme ça sent le mou- nitroglycérine, plutôt ! Il me fixe lant avec mes compatriotes. Avec le
closes. Ah, tiens, il y a un boulanger ton à cent kilomètres à la ronde. droit dans les yeux. Et me dit : «Tu recul, je me dis que le temps perdu
ouvert. J’ai peine à croire mes yeux. Sacré Omar ! Commander un gâteau as abusé de bouzellouf, hier soir. ne se rattrape jamais. Les occasions
Il y a encore des gens biens ici-bas. le jour de l’Aïd ! Et dans un café Quand le ventre est repu, la tête se perdues, aussi. Je me dis également
Les rues sont désertes. Pas de cir- maure ! Personnellement, je m’em- met à chanter. Il sort d’où celui-là ? qu’il y a quelque part, dans ce pays,
culation. Ou peu. Le téléphone presse de demander une bouteille De la planète Mars. Tu es en Algérie, un Algérien à même de nous sortir
sonne. Je décroche. « Allô ! » La d’eau. La chaleur me sort de tous ya kho ! Il n’y a que le rapport de
de l’ornière. Un Algérien honnête.
voix de Salim résonne dans mon les pores de ma peau. Je ne me fais force qui peut arranger la situation.
Un démocrate. Un républicain. Un
oreille ; il faut dire que ses cordes pas prier, j’avale, coup sur coup, Si le Hirak baisse les bras, adieu la
authentique fils du pays. Un Larbi
vocales sont puissantes. « Tu deux grands verres. marmite. On retombera dans une
Ben M’hidi. Un Abane Ramdane.
pointes au café situé juste à côté de Du coin de l’œil, je vois Ali, le autre Algérie. D’autres oligarques.
Oui, je sais qu’il existe. Du moins, je
l’imprimerie… Oui, celle-là même… rebelle, préparer sa sortie verbale. Il D’autres frères du Président. Et
fais ce rêve. En attendant, je
Il y a un café ouvert… Allez, bouge… ne sait pas se taire. Il dit tout haut ce d’autres «z’miks» pour le peuple»
reprends un verre d’eau fraîche pour
» Je n’ai même pas eu le temps de qu’il pense tout bas. En fait, il n’est Omar, gentiment, comme à son
falsifier cette chaleur, qui tance ma
répondre qu’il raccroche. Salim est rebelle de rien. C’est juste un idéa- habitude, intervient : «Il faut que ce
peau de l’intérieur. Enfin, je me dis
un rapide. Il ne s’embarrasse pas de liste naïf. « Wech, ta pompe à eau rapport soit intelligent… La violence
que l’Algérie de nos petits-enfants
phrases longues. Parfois, une ono- est percée… », me lance-t-il en sou- n’aboutit à rien… Qu’on se rappelle
doit être impérativement différente.
matopée lui suffit. Un grognement, riant. « Tu devrais te mettre une per- des années quatre-vingt-dix ! Il faut
Pour moi, et ceux de ma génération,
aussi. Je ne me fais pas prier. Je fusion, tu seras plus à l’aise. Je te tirer la leçon du passé…» «De quel
il est déjà trop tard.
rebrousse chemin. Cinq minutes suggère de voir un toubib, tu bois passé parles-tu ? La force est déjà
Y. M.
après, je gare ma voiture. Ouf, il n’y trop d’eau… Tu ne serais pas… » là. Brandir un drapeau amazigh relè-
a pas de parkingueur, aujourd’hui. Il J’allais répondre. Mustapha a été ve de l’atteinte de la Nation. Ou d’at-
Le Soir sur Internet :
doit cuver la douara de la veille. Ce plus rapide, c’est un ancien sportif. teinte au drapeau national… il faut
http:www.lesoirdalgerie.com

Vous saviez ! Et vous


n’est pas pour me déplaire. « Tu n’es pas médecin que je savoir raison garder. Où va E-mail : info@lesoirdalgerie.com
J’économise cinquante dinars. Car sache… Occupe-toi de ta santé… l’Algérie? Et qui sommes-nous ?

POUSSE AVEC EUX !


Par Hakim Laâlam
n’aviez rien dit !
- La situation économique est désastreuse ! thèse. Bien au contraire, dignitaires civils et militaires
- Intéressant ce que tu dis. Mais peux-tu développer, nous avaient pointé un doigt accusateur en notre direction,
l’expliquer plus longuement ? nous désignant comme « mauvais citoyens » et cible
- Impossible ! Pénurie d’encre et de papier ! Déjà ! à abattre à plus ou moins court terme. Alors, com-
- ??? ment expliquer qu’aujourd’hui, sortis d’un conte
bisounours, les mêmes dignitaires civils et militaires
« La chkara au cœur de l’enquête ». Je reprends, à font semblant de découvrir l’étendue du scandale de
bon escient, le titre de mon journal dans son édition la chkara ? Plus encore, se proposent de nous en
d’hier, mardi. A bon escient, parce que le même jour-
faire, zaâma, connaître les profondeurs abyssales ?
nal, Le Soir d’Algérie, avec d’autres titres non-off-
Désolé, mais nous, nous savions ! Et nous écrivions.
shores, avaient déjà titré de la sorte. Mais du temps
A ce moment-là ! Pas après le 22 ! Les dignitaires
du règne et de la splendeur de la « içaba ». Que je
civils et militaires ne pouvaient pas ne pas savoir. Ils
préfère appeler « le clan Bouteflika », étant un peu
gêné par la tiédeur « anonymiste » de « içaba ». En savaient ! Ils n’ont pas écrit. Ils n’ont pas récriminé.
temps réel, pas après, nous avions couché noir sur Et ils n’ont pas bougé d’un poil ! Ce qui rend parfaite-
blanc en Une et en pages intérieures l’étendue drama- ment indécent, follement indécent, le fait de venir
tique de la chkara dans les campagnes, toutes les aujourd’hui, en décalage horaire sur l’histoire, donner
campagnes de Abdekka. Et personne, à cette époque, des leçons de patriotisme à ceux qui savaient, qui
dans l’aéropage entourant avec des yeux de Chimène écrivaient et qui dénonçaient. Pas à nous ! Je fume du
cette « fratrie mortifère », entre civils et militaires, thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
n’avait osé émettre un iota d’acquiescement à cette H. L.

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