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Une vision des diabétologues sur les

recommandations de l’ESC/EASD 2019


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November 5, 2019

Les points de convergence


• Le poids des complications cardiovasculaires et de l’insuffisance cardiaque ou
rénale en termes de morbi-mortalité n’est évidemment discuté par personne : une
part importante de la réduction de l’espérance de vie des patients diabétiques est
liée à ces pathologies.

• La détermination d’un objectif glycémique ambitieux, généralement défini par une


HbA1c inférieure à 7 %, doit guider le praticien ; cette valeur cible mérite cependant
être adaptée à l’état du patient et co-décidée avec lui.

• La volonté d’éviter les hypoglycémies est au coeur des préoccupations du clinicien,


même si le lien de causalité entre hypoglycémies et événements cardiovasculaires
reste largement débattu ; cette crainte ne doit pas induire une dérive vers le haut de
l’objectif d’HbA1c, mais la définition d’une borne basse d’HbA1cmériterait d’être
définie dans certaines populations fragiles lorsqu’un sulfamide, un glinide ou de
l’insuline sont utilisés.

• Fixer un niveau optimal de pression artérielle à 130/80 mmHg et viser une pression
artérielle systolique entre 120 et 130 mmHg chez certains patients diabétiques (si le
traitement est bien toléré) semble légitime au regard des dernières données de la
littérature.

• Le retour en grâce de l’aspirine chez certains patients en prévention primaire est


logique au vu des dernières données de la littérature : sa prescription ne doit pas
être systématique, mais elle se justifie dès lors que la balance bénéfices-risques
apparaît favorable (« haut » ou « très haut risque cardiovasculaire » et faible risque
de saignement).

• Enfin, la lutte contre le tabagisme constitue un point essentiel de la prévention des


complications cardiovasculaires des patients diabétiques.

Les points qui méritent discussion


Si les points précédents font globalement consensus, d’autres éléments de ces «
guidelines » nécessitent d’être analysés à la lumière de l’expérience et la sensibilité
des diabétologues.

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Définition du risque cardiovasculaire des patients
diabétiques
Les experts de l’ESC insistent, à juste titre, sur l’insuffisance des échelles
habituellement recommandées car elles ne prennent pas en compte le poids du
diabète (comme SCORE) ou le font mal, en négligeant par exemple son type, son
ancienneté ou la qualité de son équilibre (comme Framingham). Selon l’ESC, les
patients à « haut risque cardiovasculaire » sont ceux qui présentent un diabète
évoluant depuis plus de 10 ans, sans atteinte d’organe cible, avec un facteur de
risque majeur additionnel (âge, hypertension, dyslipidémie, tabac, obésité). La
définition du « très haut risque cardiovasculaire » s’adresse à des patients
présentant une maladie cardiovasculaire avérée, mais également à des sujets en
prévention primaire avec une atteinte d’organe (protéinurie, insuffisance rénale
chronique de grade 3 ou plus, hypertrophie du ventricule gauche, rétinopathie) ou la
présence de trois facteurs de risque majeurs ou un diabète de type 1 évoluant depuis
plus de 20 ans. En outre, la présence d’un athérome infraclinique significatif permet
également de classer le patient comme étant à « très haut risque cardiovasculaire ».
La volonté de déterminer précisément le niveau de risque pourrait aboutir à multiplier
la prescription d’examens complémentaires sans que cela soit absolument
nécessaire chez un patient asymptomatique. Sans nier l’intérêt ponctuel de la
réalisation d’un score calcique, d’une échographie de stress, d’un Doppler artériel,
d’un coroscanner et même d’une imagerie par résonance magnétique, la
généralisation de ces explorations chez un patient asymptomatique pourrait avoir
des effets pervers et conduire à des gestes, notamment de revascularisation, dont
l’intérêt n’est pas toujours avéré. Les indications de ces explorations mériteraient
d’être adaptées au cas particulier du patient et ne pas entrer dans une logique
systématique. Cette démarche inflationniste des explorations n’est pas non plus
sans conséquence sur le plan des coûts de santé de la maladie.
Très prochainement, des recommandations conjointes de la SFD et de la SFC
(Société française de cardiologie) devraient préciser au mieux la place des examens
chez les patients diabétiques.

Les objectifs cibles de LDL-cholestérol


Certes, les objectifs de LDL-cholestérol doivent être ambitieux, mais viser le seuil de
0,55 g/l proposé par l’ESC chez tous les patients à très haut risque peut être discuté ;
en outre, ce seuil est souvent très difficile à atteindre en l’absence de disponibilité
des (coûteux) inhibiteurs de PCSK9.

La place des nouvelles classes d’antidiabétiques


À la lecture des dernières études, les experts de l’ESC prônent la prescription en
première intention des nouvelles classes d’antidiabétiques (GLP-1 RA ou iSGLT2)
chez les patients diabétiques de type 2 à « haut risque » et à « très haut risque
cardiovasculaire » et relèguent la metformine en seconde ligne (figure 1). Chez les
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patients déjà sous metformine, l’ajout d’un analogue du GLP-1 ou d’un inhibiteur des
SGLT2 ayant fait la preuve de son efficacité sur le plan cardiovasculaire est
recommandé quel que soit le niveau de l’HbA1c, ce qui est pour le moins inhabituel
(figure 2). À l’évidence, ces molécules sont particulièrement intéressantes sur le
plan cardiovasculaire et rénal et la SFD a d’ailleurs récemment publié une prise de
position sur l’intérêt des iSGLT2.

Figure 1. Traitement médicamenteux de première intention chez les patients


diabétiques de type 2 à haut risque ou à très haut risque selon l’ESC/EASD.

Figure 2. Traitement médicamenteux chez les patients diabétiques de type 2 à haut


risque ou à très haut risque déjà traités par metformine selon l’ESC/EASD.

• Pour autant, étendre la prescription préférentielle de ces agents aux patients à «


haut risque cardiovasculaire » est sans doute prématuré au regard des données
issues des grandes études cardiovasculaires menées avec ces médicaments car
elles n’ont inclus quasiment que des sujets considérés comme à « très haut risque
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cardiovasculaire » selon la définition de l’ESC, y compris dans les groupes dits de «
prévention primaire ». Ce point ne relève pas de la simple sémantique puisqu’il
conditionne les objectifs et le mode de traitement. En outre, il paraît quelque peu
prématuré d’extrapoler les résultats positifs de ces études aux patients dont l’HbA1c
est déjà aux objectifs.

• Reléguer la metformine en deuxième ligne n’est pas « evidence-based ». Dans


toutes les études cardiovasculaires menées avec les GLP-1 RA et les iSGLT2, les
patients étaient très majoritairement déjà traités par metformine. Jusqu’à ces
derniers mois, la metformine était universellement considérée comme la molécule à
utiliser en première intention en l’absence de contre-indication ou d’intolérance. En
conséquence, il ne semble pas à ce jour légitime de remettre en cause ce dogme et
de maltraiter ainsi cette vieille dame. L’intérêt de la metformine n’est plus à
démontrer en raison de son efficacité sur le niveau glycémique par son action sur
l’insulinorésistance sans risque d’hypoglycémie ou de prise de poids, de ses effets
plutôt favorables sur le plan cardiovasculaire, en particulier chez les patients obèses
(même si le niveau de preuve n’est pas optimal) et de son faible coût.

• L’autre écueil qui doit être signalé concerne le coût de ces nouveaux médicaments,
et notamment de celui des GLP-1 RA, au regard de celui des classes plus anciennes.
Il apparaît donc essentiel que l’indication de ces médicaments soit bien pesée afin
d’en faire bénéficier les personnes qui en ont le plus besoin. À ce titre, la notion de
nombre de sujets à traiter pour éviter un événement doit être sérieusement
considérée.

• Enfin, les recommandations de l’ESC et l’EASD se heurtent au problème franco-


français de l’absence de disponibilité des iSGLT2. Tous les médecins prenant en
charge des patients diabétiques espèrent toutefois que cette situation regrettable se
terminera prochainement.

Conclusion
Ces discussions illustrent la nécessité d’une bonne collaboration entre
cardiologues et diabétologues afin d’améliorer la cohérence de la prise en
charge des patients diabétiques.
La mise à jour de la prise de position de la SFD sur le traitement du diabète de
type 2, qui doit paraître à la fin de l’année 2019 comme cela était prévu,
permettra de préciser certains de ces points de divergences qui peuvent
encore persister entre spécialistes.

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