Vous êtes sur la page 1sur 9

Cahiers de l'APLIUT

Comment aider l’apprenant à élaborer ses stratégies


d’apprentissage Apport d’une expérience de formation
Bernadette Grandcolas

Résumé
L’auteur présente une expérience de formation de futurs professeurs de français langue étrangère. Ces derniers sont
invités, au cours de l’apprentissage d’une langue nouvelle, à analyser leurs propres stratégies d’apprentissage et réfléchir
aux implications de ces analyses pour leur futur enseignement.

Abstract
The author presents a training program for teachers of French as a foreign language (initial teacher training). The latter are
required to analyse their own learning strategies, while they acquire a hitherto unknown language. This activity is designed
to help them draw implications for their own professional experience.

Citer ce document / Cite this document :

Grandcolas Bernadette. Comment aider l’apprenant à élaborer ses stratégies d’apprentissage Apport d’une expérience
de formation. In: Cahiers de l'APLIUT, volume 16, numéro 3, 1997. Stratégies d’apprentissage. pp. 28-35;

doi : https://doi.org/10.3406/apliu.1997.1202

https://www.persee.fr/doc/apliu_0248-9430_1997_num_16_3_1202

Fichier pdf généré le 22/03/2019


28

Les Cahiers de l’APLIUT volume XVI • n° 3 • mars 1997 ISSN 0248-9430

COMMENT AIDER L’APPRENANT


A ELABORER SES STRATEGIES D’APPRENTISSAGE
APPORT D’UNE EXPERIENCE DE FORMATION

Bernadette GRANDCOLAS
Université Paris VIII

Mots-clés : Journaux d’apprentissage, stratégies d’apprentissage, formation des enseignants.

Résumé : L’auteur présente une expérience de formation de futurs professeurs de français


langue étrangère. Ces derniers sont invités, au cours de l’apprentissage d’une langue nouvelle,
à analyser leurs propres stratégies d’apprentissage et réfléchir aux implications de ces
analyses pour leur futur enseignement.

WHAT A TEACHER TRAINING PROGRAM CAN TELL US


ABOUT LEARNERS’ STRATEGIES

Bernadette GRANDCOLAS
Université Paris VIII

Key words : Learning strategies, teacher training, language learning diaries.

Abstract : The author presents a training program for teachers of French as a foreign
language (initial teacher training). The latter are required to analyse their own learning
strategies, while they acquire a hitherto unknown language. This activity is designed to help
them draw implications for their own professional experience.

Les Cahiers de l’APLIUT volume XVI • n° 3 • mars 1997 ISSN 0248-9430


29

Les Cahiers de l’APLIUT volume XVI • n° 3 • mars 1997 ISSN 0248-9430

COMMENT AIDER L’APPRENANT


A ELABORER SES STRATEGIES D’APPRENTISSAGE

APPORT D’UNE EXPERIENCE DE FORMATION

Bernadette GRANDCOLAS
Université Paris VIII *

Les étudiants qui se destinent à la maîtrise de Français Langue Étrangère (FLE)


doivent, avant de commencer cette maîtrise, suivre « vingt-cinq heures d’apprentissage d’une
langue nouvelle, avec réflexion sur cet apprentissage ». Pour ces étudiants en fin de licence de
lettres ou de langue, la dernière expérience d’apprentissage en tant que débutant est
généralement assez ancienne et les connaissances en méthodologie sont inexistantes. À
l’Université Paris VIII, où une quinzaine de langues sont enseignées à ce niveau, nous
laissons le choix du cours à suivre ; nous proposons un accompagnement, sous la forme de
documents d’aide à la rédaction d’un journal de bord hebdomadaire et de six réunions de
confrontation. Cette expérience a déjà donné lieu à plusieurs comptes rendus : l’accent y a été
mis sur les différentes méthodologies, l’interaction, les aspects relationnels et les implications
pour la formation (Grandcolas, 1986, 1991). J’aimerais dans cette présentation montrer la
manière dont nous préparons les étudiants à analyser leurs propres stratégies et leur style
d’apprentissage, pour qu’ensuite ils perçoivent la portée d’une telle réflexion dans leur travail
d’enseignant.

Je me propose tout d’abord de commenter les documents d’accompagnement


concernant stratégies et style d’apprentissage distribués tout au long de ce parcours.
J’illustrerai ensuite, avec quelques extraits de journaux de bord, comment cette démarche aide
les étudiants à mieux apprendre, pour qu’ils soient en mesure ensuite de mieux enseigner.

* Université de Paris VIII, Département des Sciences du Langage, 2 rue de la Liberté, 93526
Saint-Denis cedex 02.
30

1. Documents et discussions sur les stratégies d’apprentissage

Lors des six réunions de confrontation avec les étudiants, qui suivent des cours de
langue différents chaque semaine, le travail à propos des stratégies se fait très concrètement à
travers plusieurs documents et activités répartis tout au long du semestre d’apprentissage.

1.1. Première réunion (avant le début des cours de langue)

- Un jeu-test préparé pour Phosphore (Grandcolas, 1993, publié également par Open
University, Londres et Authentik, Dublin), journal destiné aux élèves de la fin des années
lycée. Il s’agit, en fonction des réactions à une trentaine d’affirmations, de déterminer une
première catégorisation d’apprenants, catégorisation établie à partir des travaux de Ken
Willing (1989) avec quatre familles, que nous illustrerons avec des citations d’étudiants :

- les communicatifs
Ce que j’apprécie énormément en LE, c’est de pouvoir parler de moi, à partir de vocabulaire et
de structures grammaticales limitées, donc défi. Les fonctions de communication que nous
pratiquons m’aident à retenir le vocabulaire nouveau : j’aime découvrir les gens (origine, âge,
intérêts).

- les analystes
Présentation écrite du paradigme, formulation des règles de formation du pluriel : règles
successives, proche d’un problème de mathématique, si A (ajouter i:), alors B, mais la base se
terminant par un /k/, le /i/ s’orthographiera de telle manière. Je reconnais que cette stratégie est
étroitement liée à mon profil d’apprenant et je me rends bien compte que d’autres ne recourent
pas autant que moi à cette reconstitution abstraite et consciente des règles grammaticales de la
langue en question.

- les concrets
J’essaie de sortir des sentiers conventionnels des exemples qui nous sont donnés. Cela aboutit
à des corpus farfelus : « mon ami mange ma compagne ».

- les scolaires (« authority-oriented » chez Willing) :

L’illustration concerne ici une appréciation sur certains étudiants d’un groupe, non
impliqués dans cette expérience,

étudiants qui pensaient qu’un cours de langue, c’est forcément ennuyeux. Chacun est cantonné
dans sa position de donneur et de récepteur de savoir : il semble qu’il y ait comme une barrière
infranchissable entre P et les apprenants. Pourquoi renforcer la dépendance déjà bien trop
naturelle des étudiants vis à vis de P ? je ne m’attendais pas à observer si facilement combien
les professeurs ont besoin que les étudiants aient besoin d’eux !

L’article de Phosphore se termine par des conseils suggérant aux étudiants de valoriser
leur « profil » et aussi de varier leurs méthodes d’apprentissage.
31

- Discussion d’un article de Joan Rubin (1986), qui donne une liste détaillée des processus
pouvant contribuer directement ou indirectement à l’apprentissage, complété par des citations
de journaux d’apprenants en situation naturelle aux États-Unis.

1.2. Deuxième réunion (après 2 ou 3 cours)

- D’autres tests, extraits de Lingo (1991), livre destiné au grand public (essentiellement les
adultes qui souhaitent apprendre un langue étrangère grâce aux cours de la BBC). On y trouve
une douzaine d’activités destinées à mesurer la créativité, les capacités de visualisation ou
d’inférence, la faculté de se détacher de la langue écrite, etc.

- J’ai repris une idée d’Hélène Trocmé (1982) et je dis aux étudiants : « Dessinez-vous en
train d’apprendre votre langue étrangère ». Les dessins sont tout d’abord commentés à
l’intérieur de plusieurs sous-groupes d’une demi-douzaine d’étudiants, qui écrivent chacun
séparément comment ils interprètent les dessins des autres. Une discussion générale suit et
montre les grandes variations qui apparaissent : certains se voient en classe, d’autres dans le
pays ; l’un a un casque sur les oreilles, d’autres un livre, des images ou un tableau noir devant
les yeux ; certains sont en groupe, d’autres pas ; la présence ou l’absence de l’enseignant,
ainsi que sa place dans le dessin sont aussi très révélateurs. Cette discussion met l’accent sur
les représentations, les attitudes, les attentes, les besoins, les objectifs.

- Enfin je demande à chacun de noter trois mots qu’il a retenus dans sa nouvelle langue et
d’expliciter par écrit, très rapidement, pourquoi il les a retenus :

le mot arbola signifie tableau en basque, j’arrive à le garder en tête, car il me fait penser à arbre
en français : j’imagine un tableau représentant un arbre.

txiki (petit) association avec l’espagnol chiquito pour l’un, association avec ktixi en hongrois
pour un autre.

emakume (femme) : je l’ai trouvé beau à prononcer alors je l’ai retenu tout de suite.

plichtch évoque une éclaboussure, le fait de sauter dans une flaque : lié sémantiquement,
puisqu’il désigne un imperméable.

La confrontation des réponses à la séance suivante permet de montrer la diversité des


stratégies employées dans le groupe.

1.3. Quatrième réunion (au moment des cours 7 ou 8)

Cette réunion est plus spécialement consacrée à la préparation du compte rendu sur les
stratégies et de celui sur les styles d’apprentissage. Le moment est venu de clarifier certains
concepts et aussi de faire appel à des apprentissages antérieurs pour arriver à une analyse plus
32

fine. Le document de base est la typologie des stratégies présentée par Rebecca Oxford
(1990),1 complétée par les commentaires proposés par Denise Dromard (1992). Chaque
étudiant est invité à donner un exemple concret de chaque grand type de stratégie : stratégies
directes (rappel, travail cognitif, compensation), stratégies indirectes (métacognitives,
affectives, sociales). Chacun est ainsi amené à rechercher une vingtaine d’exemples à partir de
son expérience en cours ou de ses souvenirs :

« Méthode de la passoire », par étapes successives, en mettant de côté à chaque étape les
mots non encore mémorisés (soulignés ou encadrés) ; ce processus est répété jusqu’à la
connaissance totale de la liste et c’est un processus efficace. La diminution progressive des
mots à apprendre est particulièrement encourageante.

J’écris sous une forme personnalisée les règles de grammaire afin de mieux les retenir : c’est
mieux quand je retrouve moi-même ces règles à partir d’exemples.

Lorsque nous devons paraphraser un texte, j’essaie de ne pas réemployer les phrases du texte,
mais d’en faire de nouvelles, soit plus simples mais qui correspondent mieux à mes capacités
de production, soit plus compliquées pour vérifier certaines hypothèses.

Je m’imagine dans une situation authentique de communication, inspirée si possible par le


dialogue. Je murmure réponses et questions à un interlocuteur invisible.

Au fur et à mesure de son analyse, l’étudiant apprend aussi à mieux connaître le sens
de certains termes tels que style cognitif, qui recouvre les catégories plus générales,
caractéristiques du fonctionnement intellectuel et qui influencent la manière d’approcher une
tâche d’apprentissage : manière dont on perçoit, conceptualise, organise et mobilise
l’information ; et aussi style d’apprentissage, plus concret, qui concerne les comportements
affectifs et psychologiques, en plus du cognitif. Pour les aider à se définir, j’utilise un
questionnaire élaboré par Jean-Paul Narcy (1990), qui aide à déterminer une série de
catégories:
impulsif (prise de risque) / réfléchi,
auditif / visuel (imagerie visuelle / visualisation de l’orthographe),
simplicité cognitive / complexité cognitive,
tolérance de l’ambiguïté,
dépendance ou indépendance du champ (holistiques / sérialistes).

Je me repère beaucoup mieux en voyant qu’en entendant : je n’arrive pas à isoler les mots.
Sans support écrit, je suis paniquée, alors que les autres s’adaptent très bien à cette façon de
faire. Si je suis l’une des meilleures de tout le groupe à l’écrit, je crois être la plus nulle dans la
compréhension d’un dialogue enregistré (mais ce cours ne prépare pas à l’écoute).

2. Quelques conséquences de cette expérience

2.1. Remarques sur l’apprentissage

Comme ce travail s’inscrit dans une certaine durée (trois mois de cours hebdomadaires
en moyenne), les étudiants analysent dans leur bilan les modifications qui sont apparues dans

1 Voir la présentation de cette typologie faite par Janet Atlan, dans ce même numéro.
33

les stratégies qu’ils mettent en œuvre. Ils font référence soit à des activités de classe, soit à
leurs activités personnelles ou soit au résultat :

Je choisis de retenir les mots les plus fréquents, utiles. Je suis devenue beaucoup plus
sélective qu’au début, où j’essayais d’ingurgiter la totalité du vocabulaire et des structures. Je
procède plutôt par priorités : j’apprends par cœur des expressions qui pourraient m’être utiles,
sans pour autant essayer de les décortiquer (je me débrouille très bien sans une maîtrise
complète de la structure introduite).

Les interactions par paire, que je trouvais au début stupides (l’enseignant ne peut pas me
corriger!), me semblent maintenant importantes : l’important est de se lancer, l’autre étudiant a
un rôle d’aide appréciable. Le fait de ne pas être sanctionné, évalué me détend, je n’ai pas peur
de me tromper et j’essaie de répondre.

Ces modifications sont induites par réflexion personnelle et par mise en commun avec
les autres membres du groupe. Après, tous perçoivent mieux l’ensemble des facteurs qui
interviennent dans l’apprentissage et se rendent compte que les différents types d’activité
amènent à diversifier les stratégies mises en œuvre :

Quand je devais répondre à brûle pourpoint à une question, les stratégies n’étaient pas les
mêmes : dans l’exercice sur la parenté, j’ai choisi les termes les plus simples, les plus faciles à
prononcer en évitant de les mettre au pluriel ou de les combiner, car je dois formuler la phrase
rapidement et faire attention à la prononciation. A l’écrit où je suis concentrée seulement sur la
bonne forme à employer, j’essaie de produire des tournures plus complexes et teste ainsi ma
compréhension des structures.

La méthodologie utilisée peut aussi modifier les comportements. Les étudiants voient
très vite que certains types d’enseignement ne favorisent pas la mise en œuvre des stratégies
habituellement reconnues comme facilitatrices :

En général, faire des fautes à l’oral ne me tracasse pas trop, alors qu’en ukrainien, comme
l’enseignant corrige toutes nos erreurs, je ne les tolère pas non plus. De plus j’ai horreur
d’apprendre par cœur, j’aime apprendre en m’imprégnant consciemment ou inconsciemment de
ce que je lis ou j’entends, alors qu’en ukrainien, j’adopte les stratégies inverses : je mémorise
des modèles et j’apprends par cœur. Je n’ai pas vraiment le choix parce que je dois adapter
mes stratégies au type d’enseignement que je reçois, surtout si celui-ci ne tient pas compte des
stratégies individuelles.

Ils sont également amenés à faire des comparaisons avec leurs apprentissages
antérieurs, en mettant l’accent sur les stratégies qu’ils ont maintenues et celles que leur
nouvelle expérience leur a apportées :

Synthèse de mon expérience passée et celle, beaucoup plus récente d’apprenant conscientisé.
Certaines stratégies sont maintenues (révision structurée, répétition, raisonnement déductif et
analyse, lien entre ce qui a été déjà appris et ce qui doit l’être, prise de risque raisonnable),
d’autres apparaissent (recherche de mots-clés pour une compréhension globale, organiser mon
apprentissage en fonction des objectifs que je me suis fixés, désir de savoir pourquoi telle
activité est pratiquée dans le cours); tenir un journal de bord me permet de repenser mon
attitude face à l’apprentissage et rire de moi-même le cas échéant : j’ose poser des questions -
au lycée, j’avais peur d’être un fayot !
34

L’étudiant est parfois gêné par les insuffisances méthodologiques de certains cours
qu’il suit.2 Il dit n’avoir pas pu mettre en œuvre des stratégies qu’il jugeait indispensables
dans le processus d’appropriation d’une langue :

Par rapport au schéma général du processus d’acquisition, les phases de perception du


document sonore (séquence vidéo) et de traitement de l’information (celles qui me posent de
sérieux problèmes) sont négligées au profit de l’exploitation linguistique des formules introduites
(exercices structuraux). Cette phase est celle qui me posait de grosses difficultés (découpage
de la chaîne sonore, discrimination des sons) et j’ai pu constater que si l’écoute ne constitue
pas un moment actif, la mémorisation se fait très mal. Pour reprendre les termes de Trocmé, les
opérations personnelles de filtrage, de reconnaissance, de catégorisation, de stockage,
d’ancrage et de rappel n’ont pas fait l’objet d’activités d’enseignement, ce qui entraîne un
apprentissage passif de la langue, ne débouchant pas sur une acquisition réelle.

2.2. Remarques pour l’enseignement

En effet si cette expérience exige l’apprentissage d’une langue nouvelle et une


réflexion sur cet apprentissage, ses conséquences pour la formation sont toujours analysées
dans les bilans. Tout d’abord, les étudiants se rendent compte, au cours de cette analyse, que
les dimensions psychologiques qu’ils ont à analyser pour eux-mêmes se retrouvent chez leurs
enseignants de langue et influencent fortement leur façon de travailler ! Ainsi, notent-ils, les
« indépendants du champ » préfèrent les situations d’apprentissage plus impersonnelles :
cours magistral, approche de découverte qui s’oriente vers les aspects cognitifs de
l’apprentissage, les « dépendants du champ » favorisent discussion et interaction avec les
étudiants.
La confrontation avec d’autres apprenants qui apprennent la même langue qu’eux,
mais ne font pas partie de cette expérience, comme avec leurs homologues qui sont dans une
autre cours de langue, les amène à découvrir la variété des stratégies :

Si cette UV m’a permis d’analyser la manière dont j’abordais l’apprentissage, elle m’a montré
comment d’autres pouvaient l’imaginer fort différemment, ce qui d’une certaine façon était une
remise en question de mes convictions et de mes stratégies. Ce qui est important encore, c’est
que cela me permet d’être plus sereine : je sais où je vais, comment j’y vais.
Je me suis aperçue que les stratégies d’apprentissage variaient non seulement d’un individu à
l’autre, mais encore chez un même individu. Cela m’incitera à adapter une relative souplesse.
Plus les activités sont variées, plus les stratégies peuvent l’être et donc plus les apprenants ont
des chances de s’y retrouver, c’est-à-dire qu’il faut offrir un terrain d’enseignement susceptible
d’être exploité de diverses manières.

Beaucoup insistent sur la nécessité de responsabiliser les apprenants, eux-mêmes


tentant d’abord de le faire dans leur parcours personnel puis à l’intérieur du groupe dont ils
sont membres (avec souvent beaucoup de résistance !) :

La démarche d’auto-observation met en valeur mes points forts et en évidence mes points
faibles, lacunes d’enseignement, moyens non utilisés et à exploiter. Nous avons trop tendance
à laisser porter toute la charge à l’enseignant : ne pourrions-nous pas combler ces lacunes
nous-mêmes, les exploiter par notre initiative au lieu de rester passifs ?
Ensuite ils envisagent comment ils pourraient transmettre ces découvertes à leurs élèves :

2 Ici un cours de catalan, où était pourtant utilisée une méthode communicative avec vidéo-
cassette.
35

Pourquoi, parallèlement à l’enseignement, ne pas faire prendre conscience aux étudiants des
stratégies qu’ils mettent en œuvre ? Tout au moins chercher à éviter les blocages qui peuvent
survenir si l’on tente de faire mémoriser d’une manière mécanique quelqu’un qui se plie plus à
une démarche analytique et vice-versa.
La nécessité d’aider les apprenants à structurer leurs observations plutôt que de les filtrer à leur
place, de leur faire prendre conscience de leurs difficultés et de leurs stratégies sont les leçons
que j’aurai retenues.
Je pense qu’au sein d’un groupe d’apprenants, la comparaison de différentes stratégies
d’apprentissage pourrait être fructueuse pour ceux qui n’ont pas pu imaginer une stratégie
personnelle pour assimiler telle ou telle notion.

Ainsi cette expérience atteint les buts qu’elle s’est fixés : responsabiliser les étudiants
dans leur apprentissage de la langue nouvelle, pour qu’à leur tour ils responsabilisent leurs
élèves et les inciter à varier leurs stratégies d’enseignement et à trouver des moyens pour que
ces mêmes élèves découvrent et utilisent de la manière la plus efficace possible leurs
stratégies d’apprentissage. Cette préparation psychologique prépare bien les étudiants à
aborder le programme de leur maîtrise ; elle contribue également à modifier profondément le
rôle de l’apprenant comme celui de l’enseignant et à donner confiance dans les possibilités
d’un apprentissage plus autonome.

Références
Denise DROMARD (1991), « Vous avez dit stratégies ? I et II », Ici et là (Revue des professeurs de
français en Espagne), Madrid.
Bernadette GRANDCOLAS (1986), « Un Journal d’apprentissage pour préparer à l’enseignement »,
TESOL France, repris dans The best of TESOL France, 1994.
Bernadette GRANDCOLAS (1991), « Un Journal d’apprentissage pour la formation des
enseignants », Franco-British Studies, 11.
Bernadette GRANDCOLAS (1991), Journaux d’apprentissage et enseignement », Éducation
permanente, 107.
Bernadette GRANDCOLAS (1993) « Apprenez comme vous voulez », Phosphore.
Bernadette GRANDCOLAS (1995), « Les journaux de bord : champ bibliographique et pistes de
lecture », Les journaux de bord d’apprenants de langues, objet de recherche, Groupe de Recherche
Jan Contenus, Université Paris X.
Marie-José GREMMO (1995), « Former les apprenants à apprendre : les leçons d’une expérience »,
Mélanges CRAPEL, 22.
Terry DOYLE & Paul MEARA (1991), Lingo, How to learn a language, BBC Books.
Neil NAIMAN et al. (1978), The Good Language Learner, Ontario Institute for Language Education.
Jean-Paul NARCY (1990), Apprendre une langue étrangère, Paris : Les Editions d’Organisation.
Rebecca OXFORD (1990), Language Learner Strategies : what every teacher should know. Newbury
House Publishers.
Joan RUBIN (1981), « Study of Cognitive Processes in Second Language Learning », Applied
Linguistics, 11.
Hélène TROCMÉ (1982), « La conscientisation de l’apprenant dans l’apprentissage d’une langue
étrangère », Revue de Phonétique Appliquée, N°61.
Ken WILLLING (1987), Learning Styles in Adult Migrant Education, Sydney : National Centre for
English Language Teaching and Research.

Vous aimerez peut-être aussi