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PROMOTION (2012-2014)
iii
SUMMARY:
Introduction: The health sector and in particular hospital has long been recognized to be a very
stressful workplace can lead to burnout. Stress affects not only health professionals but also for
patients.
Objective: This study focuses on the identification of stressors and coping strategies'''' specific
nursing care staff of the National Institute of Oncology, Rabat (INO), which is an institution of
national reference in oncology. This step allowed us.
Methodology: To achieve the desired goal, we adopted a qualitative approach aimed
exploratory. Thus, we undertook semi-structured interviews with twenty nursing caregivers.
Results: The study identified eight stressors namely: "the nature of the pathology to support",
"the patient's anxiety," "Death," Treatment failure "," Patients difficult to treat, "" the pressure
of the family "," empathy "," overload at work "," fatigue "and six coping strategies namely:"
empathy "," make the cut " "relax", "positive reinterpretation", "verbalization problems" and
"psychological disengagement from work." The content of these dimensions was discussed in
relation to previous studies in the field. In addition to coping strategies already described in the
literature, we have identified in this staff other specific strategies to the context of this institute.
Conclusion: We hope that this first attempt to isolate specific strategies in oncology nursing
staff will be followed by further research in other oncology services in the Moroccan context
and can be used in the field of training.
Keywords: stressors, coping strategies, oncology, burnout, caring nurses.
iv
موجز:
مقدمة :من المعروف منذ فترة طويلة ان القطاع الصحي وعلى وجه الخصوص العمل في المستشفيات يشكل بيئة عمل
مرهقة جدا لموظفيها يمكن أن يؤدي إلى االجهاد وهذا يؤثر سلبيا ليس فقط العاملين في مجال الصحة ولكن أيضا على
المرضى .لكن على الرغم من حالة االجهاد الدائم ال زال بعض المهنيين قادرون على تطوير مقاومة للعوامل المجهدة'
وا الستمرار في العمل بشكل طبيعي ،وهذا ما وجدناه في المعهد الوطني لعالج السرطان بالرباط
الهدف :تركز هذه الدراسة على تحديد الضغوطات واستراتيجيات مواجهتها لدى موظفي المعهد الوطني لعالج السرطان،
بالرباط.وهو مؤسسة وطنية مرجعية في عالج السرطان وذألك من أجل ان يستفيد من ذالك مهنيو الصحة
المنهجية :لتحقيق الهدف المنشود ،اعتمدنا نهج بحث نوعي استكشافي من خالل مقابالت شبه منظمة مع عشرين من قدمي
.الرعاية التمريضية
النتائج :تمكنا من خالل بحثنا من تحديد عوامل لإلجهاد واستراتيجيات مواجهتها .وهكذا حددنا ثمانية عوامل لال جهاد
خاصة بالمعهد الوطني لعالج السرطان بالرباط وهي كالتالي" :طبيعة األمراض المتعامل معها"« ،الخوف من الموت"،
" فشل العالج ""،صعوبة التعامل مع المرضى اثناء عالجهم" ،ضغط اقرباء المريض" "قلق المريض" " ،التعاطف
""،العبا الزائد في العمل " .ثم حددنا ست استراتيجيات للمواجهة وهم" :التعاطف"" ،القطيعة"" ،تجديد الطاقة"" ،التفسير
إيجابي"" ،التعبير اللفظي عن المشاكل" و "فك االرتباط النفسي من العمل" .تمت مناقشة مضمون هذه األبعاد مقارنة مع
الدراسات السابقة في هذا المجال .باإلضافة إلى استراتيجيات المواجهة التي سبق وصفها في هذه الدراسات ،حددنا
.استراتيجيات محددة أخرى خاصة بسياق هذا المعهد
االستنتاج :نحن نأمل ان تكون هذه المحاولة االولى لتحديد االستراتيجيات الخاصة بممرضي عالج السرطان سيعقبه إجراء
مزيد من البحوث في مصالح اخرى مجهدة على هذا النحو في السياق المغربي مثل خدمات الطوارئ أو الصحة النفسية،
.ويمكن استخدامها في تكوين الموظفين
كلمات البحث :االجهاد ،استراتيجيات المواجهة ،األورام ،اإلرهاق ،ورعاية الممرضون
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Table des matières
I. Introduction……………………………………………………………………………. 1
II. Matériels et méthodes………………………………………………………………….5
2.1. Cadre de référence…………………………………………………………………… .5
2.2. La population cible……………………………………………………………… … ...6
2.2. La taille de l’échantillon…………………………………………………………….....6.
2.3. La méthode d’échantillonnage…………………………………………………………6
2.4. Les critères d’inclusion………………………………………………………………...6.
2.5. Les critères d’exclusion………………………………………………………………...6
2.6. La collecte des données……………………………………………………………… ..7
2.7. L’analyse des données………………………………………………………………….7
2.8. Les considérations éthiques…………………………………………………………….7
III. Résultats………………………………………………………………………………. 8
3.1. Les facteurs de stress………………………………………………………………… ..8
3.2. Les stratégies de coping chez le personnel infirmier de l’INO………………………...10
IV. Discussion……………………………………………………………………………... 13
4.1. Objectif spécifique 1(Les facteurs du stress au travail) ………………………………..13
4.2. Objectif spécifique 2 (Les stratégies de coping) …………………………………….....14
4.3. Forces et limites de l’étude…………………………………………………………… ..19
4.4. Biais de l’étude………………………………………………………………………….19
V. Conclusion……………………………………………………………………………….20
VI. Mise en perspective…………………………………………………………………….20
Références… ………………………………………………………………………………..21
Annexes……………………………………………………………………………………....iv
vi
Liste des abréviations
vii
Listes des figures
Figure 2 : Les facteurs du stress cités par le personnel infirmier de l’INO de Rabat………. 10
Figure3 :
Les stratégies de coping utilisées par le personnel infirmier de l’INO 12
ayant. participé à l’étude
viii
ix
I. INTRODUCTION
De nos jours, le stress en milieu de travail est un fléau international qui a de lourdes
conséquences sur le plan individuel, organisationnel, social et économique.
En France une étude épidémiologique de l’institut français d’action sur le stress (IFAS) menée
en 2004 et portant sur près de 13000 salariés, montre qu’il représente un facteur de risque pour la
santé de plus d’un homme sur cinq et de près d’une femme sur trois.
Outre les conséquences sur la santé, le stress à de lourdes conséquences sur le rendement des
travailleurs et sur l’économie des pays, par exemple en Suisse une étude réalisée en 2001 évalue
un cout de stress d’origine professionnelle entre 2,9et 9,5 milliards d’euros.
1
Toutes les autres études consultées à ce sujet ont affirmé que la profession infirmière compte
parmi les professions les plus stressantes. Ce constat est corroboré par Canoui P (1996), qui
confirme que la prévalence du syndrome d’épuisement professionnel ‘ burn out’ peut atteindre
de 20 à 40% chez le personnel infirmier.
Plusieurs études ont établi le lien entre la quantité et la qualité de stress subit par le personnel
soignant et leurs conséquences psychologiques ou comportementales. Les conséquences
psychologiques concernent la santé mentale, le ‘ burn out’ et la satisfaction au travail. Les
conséquences comportementales concernent l’absentéisme pour des raisons non médicales et
les conduites addictives.
Les études consultées sur le stress aboutissent à des résultats parfois contradictoires. En effet,
des auteurs ont cherché à classer les ‘’stresseurs’’1 en fonction de leur ‘’sévérité ‘’. La charge
de travail, les conflits interpersonnels, l’ambiguïté de rôle puis les styles de leadership sont dans
l’ordre des prédicteurs de la fatigue émotionnelle des infirmières, la première des trois
composantes du ‘ burn out’ [3]. Alors qu’au contraire, certains chercheurs, n’observent pas de
relation entre la charge de travail et les différents aspects du ‘burn out’ chez des infirmières [4].
Dans une méta-analyse menée à partir de dix articles, Trufelli et al. (2008) identifient des
stresseurs qui sont régulièrement associés au ‘ burn out’ chez le personnel travaillant en
oncologie : d’abord un faible temps de repos, de faibles activités sociales, des conflits
interpersonnels élevés et des relations difficiles avec la famille des patients [5]. D’autres
recherches menées, toujours en oncologie, montrent qu’au contraire, les stresseurs
organisationnels (charge de travail, charge administratives) sont prédominants par rapport aux
stresseurs émotionnels [6]. En conséquence, les conceptions de stress ont beaucoup évolué dans
les écrits de nombreux auteurs qui ont investigué ce phénomène. Le stress à progressivement
abandonné un modèle linéaire stimulus /réponse de cause à effet qui correspond à des réponses
physiologiques d’un organisme face à des stimulus nocifs physiques, psychiques et
émotionnels pour un modèle transactionnel, qui envisage le stress comme une interaction entre
1
Tout ce qui provoque la production d’hormones du stress est par définition un stresseur
2
la personne et son environnement. Dans la perspective transactionnelle, le stress ne réside ni
dans la situation, ni dans la personne, mais dans la transaction entre l’environnement et la
personne. L’individu n’est pas dérangé uniquement par la situation, mais aussi par
l’appréhension qu’il a de celle-ci. Ainsi, Canoui P. donne la définition du stress dans sa
conception actuelle de la manière suivante : ‘’c’est un phénomène transactionnel bio-psycho-
social’’. Il éclairci cette définition par les citations d’Epicure (50-130) : « Ce qui trouble les
hommes ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu’ils portent sur elles. »
Parmi les facteurs personnels qui influencent les relations entre les stresseurs et la santé
mentale du personnel soignant, les stratégies de ‘coping’ (stratégies de ressource contre le
stress), déterminent ce que les individus font face à des situations stressantes. Le ‘coping’ est
la manière utilisée par les individus pour appréhender le facteur de stress. Il englobe l'émotion
produite et le mécanisme ou le plan d'action mis en place par l’individu pour s'adapter à ce
stress. Les stratégies de ‘coping’ modulent l’émotion induite par un stresseur de trois façons :
soit elles visent à résoudre le problème, soit à éviter le problème soit à chercher le soutien social.
Dans le premier cas, il s’agit d’un coping actif pour une situation jugée contrôlable, dans le
second cas il s’agit d’un ‘coping’ émotionnel pour une situation jugée incontrôlable, dans le
troisième cas, il s’agit d’obtenir la sympathie et l’aide d’autrui. La stratégie centrée sur le
problème vise à modifier concrètement l’environnement stressant par un contrôle individuel de
la situation par confrontation directe (attitudes d’apaisement, autoritaires, violentes...). La
stratégie centrée sur l’émotion vise à modifier la perception de l’événement stressant soit par
prise de distance ou la maîtrise de soi: les mécanismes de défense sont alors l’exclusion des
émotions associées pour éviter des conflits et des menaces pénibles par refoulement, déni,
minimisation, détournement d’attention, fuite, distanciation ; il s’agit d’un désengagement
comportemental et mental ou d'attitudes visant à discipliner l'émotion (relaxation,
dissociation…). La stratégie centrée sur le soutien social se fait par un contrôle social (recherche
d'un appui extérieur, hiérarchie, collègues…) [7]
Les travaux de Selye montrent qu'il existe un véritable lien qui s’installe automatiquement
entre les facteurs de stress et le syndrome, c’est à dire l'ensemble de symptômes, engendré par
ces facteurs de stress. A partir de là, il est alors possible d'envisager, en supprimant les facteurs
de stress, une protection en quelque sorte contre celui-ci. Néanmoins, étant donné que les
facteurs de stress n'induisent pas toujours les mêmes effets, le problème n'est pas si aisé à
résoudre. Si on prend deux personnes travaillant une grande quantité d'heures dans la journée,
3
l'une se sentira submergée par la masse de travail, l'autre sera stimulée par la même quantité de
travail.
Même si les études menées sur le coping ‘coping’ nombreuses, elles n’utilisent que des
instruments génériques tels que le Ways of Coping Checklist(WCC) [8] ou le COPE [9].Cette
démarche est pertinente sur le plan psychométrique mais elle reste dans un raisonnement
circulaire qui ne permet pas l’émergence de facteurs spécifiques à un domaine professionnel
(les items restent les mêmes).
Parmi les quelques tentatives que nous avons repéré pour identifier des stratégies spécifiques,
on note l’article qualitatif de Lyckholm (2001) qui identifie des stratégies telles que l’humour,
l’activité physique, la gestion du temps, le soutien familial et qui sont utilisées par des médecins
oncologues. Graham et al. (2001) ont aussi répertorié quatre types de ‘coping’ chez les
médecins : parler aux collègues, aux amis et à sa famille, maintenir un bon équilibre de vie,
gérer le stress, utiliser des substances (alcool) et fumer.
L’efficacité de chacun d’entre eux dépend donc du type de stress et du contexte. Ces travaux
mettent en évidence la pertinence d’une identification des stratégies spécifiques par rapport à
la validité de contenu (les items sont représentatifs des réactions évoquées par le personnel).
Les observations que nous avons faites à l’INO, en tant que stagiaire de l’ENSP montrent que
des infirmiers et infirmières travaillant dans les unités de soins et d’hospitalisation manifestent
des signes de stress à savoir : de la fatigue, de l’irritabilité, de la colère, des attitudes négatives
et pessimistes et d’un abus de tabac sans pour autant atteindre le ‘burn out’, bien au contraire
ce personnel semble bien adapté à ses conditions stressantes de travail. Ce constat nous amène
à nous questionner sur les facteurs de stress et sur les stratégies ‘coping’ adoptées par cette
catégorie de personnel soignant afin d’y faire face.
Objectif générale :
Notre objectif principal était D’analyser les facteurs du stress et les stratégies de ‘’coping’’
chez les infirmiers travaillant à l’INO de Rabat.
Objectifs spécifiques : Afin d’atteindre cet objectif, nous nous sommes fixé comme objectifs
spécifiques :
1. Décrire les facteurs du stress chez le personnel infirmier soignant travaillant au niveau
des services cliniques de l’INO.
2. Décrire les stratégies de ‘’coping’’ utilisées par le personnel infirmier soignant
travaillant au niveau des services cliniques de l’INO.
4
II. MATERIELS ET METHODES
Notre recherche est une étude de cas, transversale, qualitative a visée descriptive.
Le cadre conceptuel pour l’étude est élaboré à partir du modèle de Lazarus S, Folkman S sur
la théorie transactionnelle. Il met en exergue les facteurs du stress au travail et les stratégies
de ‘coping’.
Cadre de référence
5
2.2. La population cible :
La population cible de l’étude est représentée par l’ensemble du personnel infirmier soignant
de l’INO.
Des entretiens semi-directifs pré6testés ont été utilisés pour la collecte des données. Les
demandes d’entretien ont été envoyées par voie officielle aux responsables du centre
hospitalier Ibn Sina. Après obtention de l’accord des chefs de départements, nous avons
procédé à des entretiens semi- directifs auprès de notre échantillon.
Les entretiens se sont déroulés dans un climat favorable, l’entretien semi directif basé sur
des questions ouvertes a permis aux personnes interviewées de s’exprimer librement tout
en centrant le discours du personnel interrogées autour des différents thèmes, que nous
avons définis au préalable dans un guide d’entretien .
Tous les infirmiers ont été interrogés à partir du même guide d’entretien, que nous avons
expérimenté lors du pré-test auprès de deux infirmiers exerçant leur métier dans le pôle
gynéco-mammaire de l’hôpital. Les entretiens ont été enregistrés sur bande magnétique
après autorisation
Conformément à nos objectifs, les données collectées lors des entretiens ont concerné les
facteurs de stress au travail et les stratégies de coping utilisés pour faire face au stress
professionnel (annexe3).
L’étude a été réalisée entre mars et mai 2014.
6
2.6. L’analyse des données
Nous avons procédé par une analyse du contenu des entretiens afin de dégager des catégories
exhaustives (qui rendent compte de la totalité des items) et exclusives (un item ne pouvant pas
appartenir à plusieurs catégories).
Nous avons procédé à un premier regroupement thématique des items ce qui nous a permis
d’identifier les thèmes principaux et les thèmes secondaires (les items qui sortaient du cadre de
notre sujet de recherche ont été éliminés).
L’analyse de contenu thématique réalisée sur le corpus a permis de dégager des éléments de
réponses quant aux objectifs de l’étude retenus. Ces entretiens nous ont permis de faire un
inventaire des situations vécues comme stressantes par le personnel soignant infirmier de l’INO,
ainsi que des moyens dont ils disposent pour y faire face (stratégies de coping).Ces entretiens
ont évoqués différents aspects des sources de stress au travail et de coping.
Concernant le coping, nous avons demandé aux sujets de décrire ce qu’ils font lorsqu’ils sont
confrontés aux stresseurs qu’ils viennent d’évoquer dans l’entretien. Nous les encouragions à
parler avec des relances et des demandes d’éclaircissement.
La variable dépendante :
- Le stress au travail
Nous avons mené cette étude dans le stricte respect de l’éthique d’abord, par une demande
d’autorisation officielle auprès de la hiérarchie par le biais de l’ENSP, pour collecter les
données au sein de l’INO puis le respect de l’anonymat et de la confidentialité des
informations dont nous avons avisé notre population cible et surtout, dans le respect du
consentement libre et éclairé des personnes.
7
III. RESULTATS
Sur l’ensemble du personnel infirmier de l’INO, 20 personnes ont accepté de participer à notre
étude.
Au terme de la collecte des résultats, une analyse de contenu thématique réalisée sur le corpus
a permis de dégager des éléments de réponse quant à la problématique retenue. Ces entretiens
nous ont permis de faire un inventaire des facteurs de stress ainsi que les stratégies de ‘coping’
utilisées pour y faire face par le personnel infirmier des services cliniques de l’INO.
La pathologie à prendre en charge : Le facteur de stress le plus évoqué (cent pour cent) est la
nature de la pathologie à prendre en charge. La totalité des personnes interrogées l’ont évoqué
de manière spontanée et douze d’entre eux l’ont évoqué en premier lieu (soixante pour cent). Il
nous est apparu clair que la nature de la pathologie était une réelle source de stress pour
l’ensemble du personnel infirmier interrogé. Ainsi une infirmière nous confiait : « …les
maladies qu’on prend on charge sont souvent source de mon stress psychologique ».Un autre
répondait : « …Pour moi, il est plus difficile de soigner ces gens car le cancer est une maladie
qui me touche particulièrement du fait que personne n’est à l’abri…J’ai tendance à m’identifier
aux patients, ce qui rend les soins plus difficiles… ».
La peur de la mort : Le deuxième facteur de stress évoqué par quatorze personnes (soixante-dix
pour cent) est la peur de la mort. Pour un infirmier exerçant au service des soins palliatifs : « le
milieu de l’oncologie est un milieu où tous les âges sont représentés, il y’a des patients jeunes
qui décèdent, laissant derrière eux des enfants en bas-âge… Comment trouver la force de
travailler dans un service ou le concept de la mort est toujours présent, c’est un milieu pénible
psychiquement ? »
L’échec thérapeutique : Le troisième facteur cité par douze personnes (soixante pour cent) est
l’échec thérapeutique. Un infirmier a confirmé : « j’ai beaucoup de mal à accepter les décès
des personnes dont je me suis occupé » alors qu’un autre, exerçant au service des soins palliatifs
s’est prononcé « …j’ai été formé à guérir, pas à accompagner les mourants et l’impuissance à
guérir me fait peur. »
8
Patients difficiles à soigner : Le quatrième facteur de stress cité par dix personnes interviewées
(cinquante pour cent), est le fait que les patients cancéreux sont difficiles à soigner, du fait des
profondes mutations qu’impose au patient le diagnostic de cancer, les thérapeutiques, la
rémission, les renoncements et réaménagements tout au long du parcours cancérologique et les
situations relationnelles souvent difficiles qui en découlent .
Un infirmier nous a dit : « …les patients sont souvent agressifs et difficiles à soigner, même si
étiqueter les patients de difficiles n’est pas particulièrement approprié du fait que ce sont les
circonstances de la vie et de la maladie qui ont amené le patient à se comporter de cette
manière …».
Un autre infirmier rapporte que des propos habituels sont énoncés de la part des patients
« …vas-y envahie moi avec ton poison, de toute façon ça ne changera rien et c’est monnaie
courante en chimiothérapie »
La pression exercée par les proches : Le cinquième facteur évoqué par neuf répondants
(quarante-cinq pour cent) est la pression exercée par les proches du patient sur le personnel
soignant. Une infirmière nous confiait : « la famille et parfois même pas la famille, trois quatre
personnes accompagnants qui te viennent tout le temps dessus, ils sont toujours insatisfaits de
quelque chose (pourquoi la perfusion est arrêtée ?, pourquoi il n’a pas encore reçu son
traitement etc.)
L’angoisse des patients : Le sixième facteur évoqué par six personnes (trente pour cent)
concerne les situations d’angoisse et d’anxiété des patients, lors de gestes douloureux ou
pendant des traitements longs et difficiles, un infirmier travaillant en chimiothérapie nous
déclare : « …je suis fatigué psychologiquement de voire quotidiennement des patients
angoissés par des traitements pénibles physiquement et moralement…»
Un autre infirmier déclare : « ce n’est pas facile de sentir l’angoisse d’un patient à qui on
annonce un diagnostic ou une décision d’arrêt de traitement »
L’empathie : Le septième facteur de stress professionnel évoqué par six personnes (trente pour
cent) est l’empathie comme le montre une infirmière en disant : « Comment voulez-vous que
j’ose me confronter à la douleur des familles qui perdent leurs proches, quand le simple
souvenir de la mort de ma mère me remplit de terreur … »
La surcharge de travail : Le huitième facteur qui est cité par cinq répondants (vingt-cinq pour
cent) est la surcharge au travail. Ils déclarent ne pas avoir assez de temps pour s’acquitter de
leurs tâches. Une infirmière nous a confié : « …souvent je dois arriver plus tôt au travail ou
rester plus tard pour accomplir mes taches »
9
120%
100%
100%
80%
70%
60%
60%
50%
40% 45%
30% 30%
20% 25%
0%
La nature de La peur de L’échec Patients La pression de L’angoisse du L’empathie La surcharge
la pathologie à lamort thérapeutique difficile à la famille patient au travail
prendre en soigner
charge
Figure 2 : Les facteurs du stress cités par le personnel infirmier de l’INO de Rabat
3.2. Les stratégies de coping chez le personnel infirmier soignant de l’INO (figure 3) :
Les entretiens que nous avons menés avec le personnel infirmier soignant de l’INO nous ont
permis d’identifier des stratégies de coping qui sont utilisées pour gérer le stress au travail à
savoir :
L’empathie : La premier stratégie de ‘coping’ évoqué par les personnes interviewées est
l’empathie, la totalité des répondants (cent pour cent) disent que dans les situations les plus
stressantes, ils se mettent à la place du patient et de sa famille ce qui leurs permet de se
surpasser. Ainsi une infirmière nous confiait : « …face aux pires situations que je rencontre au
travail, je me mets à la place du patient et mes problèmes paraissent minimes voire inexistants
par rapport à ce qu’il endure lui, ça me permet de me dépasser ».
La coupure : La deuxième stratégie citée par onze personnes (cinquante-cinq pour cent) est de
faire la coupure en ne parlant pas du travail à la maison, en faisant la coupure entre la vie privée
et la vie professionnelle ou en faisant une pause. A titre d’exemple un infirmier a mis en avant
les propos suivants : « dès que je monte dans ma voiture en sortant du travail, je laisse tous les
10
problèmes de travail derrière moi », une autre infirmière dit « une fois rentré à la maison je
n’aime plus parler de travail »
Se ressourcer : La troisième stratégie citée par sept personnes interrogée(trente-cinq pour cent)
est de se ressourcer en faisant des magasins, en lisant, en bricolant, en faisant du sport, par la
prière, avec une vie familiale équilibrée ou avec une vie sociale bien remplie. Certains soignants
confient que pour faire face au stress, ils ont recours à l’évasion par la lecture. Pour ces derniers,
c’est un très bon moyen d’évacuer toutes les tensions ressentis au travail est un excellent moyen
pour trouver le sommeil, comme l’indique un infirmier qui nous a confirmé : « la lecture me
permet de se ressourcer et d’oublier le quotidien du travail » Nous identifions la pratique
sportive comme une autre forme pour évacuer les tensions ressentis au travail, «Je fais souvent
du jogging. Ça m’aide à renouer avec le calme, la sérénité et surtout après un week-end sportif,
on revient au travail en pleine forme, aussi bien sur le plan physique que mental» a souligné
l’un des participants une autre infirmière nous a confié : « pour moi, faire des magasins reste
un bon moyen pour se libérer l'esprit et contrecarrer le stress » ou encore l’infirmier qui a
déclaré : « quand on passe des moments difficiles, rien ne remplace la prière pour les affronter ».
Certaines personnes interviewées déclarent se tourner vers une activité permettant de changer
de centre d’intérêt et d’avoir l’esprit occupé comme le bricolage.
La réinterprétation positive : La quatrième stratégie citée par six personnes (trente pour cent)
pour faire face au stress est la réinterprétation positive par les attitudes suivantes : voir le bon
côté des choses, relativiser les problèmes, croire dans le fatalisme, ou utiliser l’humour. Par
exemple un infirmier dit avoir recours à l’humour pour faire face à l’agressivité et/ou l’angoisse
du patient, mais aussi pour décompresser. Ainsi un infirmier s’est exprimé sur ce sujet en
disant : « quand tu vas voir un malade énervé, tu vas le calmer, tu lui sort une petite blague et
si tu arrives à lui sortir un petit sourire, alors ça se passera très bien ».Une autre infirmière a
tenu les propos suivants : « tu ne peux pas fuir ton destin, tu nait, tu as la date d’arrivée et la
date de départ qui sont prévues, selon moi, c’est écrit »
La verbalisation de ses problèmes : La cinquième stratégie citée par deux personnes (dix pour
cent) concerne la verbalisation de ses problèmes à des proches (Exprimer son mécontentement,
Parler de ses problèmes, de ses difficultés liés au travail avec des collègues, Parler de ses
problèmes avec son conjoint, sa famille et /ou ses amis). L’un des participants nous a
confié : « quand j’exprime mon mécontentement ou je parle de mes problèmes et mes
11
contraintes a des amis, à mes collègues, à ma femme ou à ma famille, j’arrive à accepter mes
émotions et ça me soulage »
Désengagement psychologique : La sixième stratégie citée par une personne (cinq pour cent)
concerne désengagement psychologique (se désinvestir de son travail, prendre de la distance
avec le patient, s’isoler, chercher à changer de service) qui nous a déclaré : « …je n’aime plus
mon travail, je cherche souvent à garder mes distances avec les malades et à m’isoler dans la
chambre de garde, je cherche même à changer de service »
100%
50%
35%
30%
10%
5%
Figure 3 : Les stratégies de coping utilisées par le personnel infirmier de l’INO ayant
participé à l’étude
12
IV. DISCUSSION
4.1. Objectif spécifique n°1: Décrire les facteurs du stress chez le personnel infirmier soignant
travaillant au niveau des services cliniques de l’INO.
Avant d’aborder les stratégies de ‘coping’, nous avions jugé pertinent d’identifier dans un
premier temps les facteurs jugés stressants par le personnel soignant infirmier. Durant les
entretiens, nous avons constaté que c’est au cours de la discussion que certaines personnes se
sont rendues compte, contrairement à ce qu’elles pensaient, il y a de nombreux facteurs de stress
au travail et que finalement elles étaient plus stressés que ce qu’elles pensaient.
De par leurs activités et leurs responsabilités, les infirmiers soignants exerçant en oncologie
subissent une forte pression dans leur travail qui peut se traduire par une plus forte tension
perçue ou subie que dans d’autres disciplines. Ainsi, Les résultats de cette étude exploratoire,
mettent en évidence plusieurs facteurs de stress. A côté des facteurs de stress qui semblent faire
partie intégrante de l’activité de l’infirmier, apparaissent des facteurs liés au contexte du travail
à l’oncologie. Ces facteurs sont les suivants : La nature de la pathologie à prendre en charge,
l’angoisse du patient vis-à-vis de sa maladie, la nature du travail qui fait tout le temps penser à
la mort, l’incertitude visa vis du succès thérapeutique, patients difficiles à gérer et à soigner en
raison de leur sensibilité et leurs propre stress, la pression de la famille, l’empathie ou
identification aux patients.
Nous constatons que les facteurs de stress au travail pour le personnel infirmier soignant sont
majoritairement liées aux patients et non aux conditions de travail, ce qui nous laisse penser
que ce sont des situations spécifiques au contexte de l’oncologie
On peut constater également, que la majorité des répondants ne mettent pas en avant la
surcharge de travail. Pour expliquer ce résultat, on peut penser que le personnel travaillant en
oncologie est plus soumis à des contraintes spécifiques décrites par Lyckholm, comme l’échec
thérapeutique, la frustration des soignants ou les reproches de la famille [10]. Ces contraintes
émotionnelles pourraient « masquer » les stresseurs organisationnels identifiés chez les
professionnels dans d’autres domaines.
Les 3 facteurs du stress les plus cités sont dans l’ordre décroissant :
Ces facteurs sont confirmés dans la littérature, mais selon un ordre de priorité différent du
nôtre.
13
Ainsi pour Stodeur : La charge de travail, les conflits interpersonnels, l’ambiguïté de rôle puis
et les styles de leadership sont dans l’ordre les prédicteurs du stress chez les infirmiers [11].
Pour Trufelli et al. : Les facteurs qui sont régulièrement associés au stress chez le personnel
travaillant en oncologie sont :
Le faible temps de repos, les faibles activités sociales, les conflits interpersonnels et les relations
difficiles avec la famille des patients [5].
4 .2. Objectif spécifique n°2 : Décrire les stratégies de ‘’coping’’ utilisées par le personnel
infirmier soignant travaillant au niveau des services cliniques de l’INO.
Quel que soit le ou les moyens trouvés par chaque soignant pour évacuer son stress, chacun
dans son témoignage a souligné la nécessité de trouver sa stratégie pour se préserver sinon il
est impossible de tenir, face au stress engendré par le travail à l’oncologie.
La première stratégie de ‘coping’ est adoptée par l’ensemble de notre échantillon. Cette
stratégie comprend deux items, en relation avec l’empathie qui permet aux infirmiers de se
surpasser malgré les difficultés, car en se mettant à la place du patient, ils réalisent que le patient
soufre beaucoup plus qu’eux. On peut considérer que cette stratégie est spécifique au contexte
de travail à l’oncologie. L’empathie a été citée, à la fois en tant que source de stress et en tant
que facteur permettant de gérer son stress.
La deuxième stratégie comprend 4 items qui renvoient à l’idée de coupure (se reposer, faire la
coupure en sortant du travail, ne pas parler de travail à la maison, faire la coupure entre vie
privée et vie professionnelle). Ces items correspondent à des stratégies qui permettent de quitter
le contexte professionnel. Nous n’avons pu trouver que peu de littérature sur le ‘coping’ qui
abordent ces stratégies et qui peuvent, par conséquent, être considérées comme spécifiques à la
profession. La seule étude que nous avons pu trouver est celle de Hackett & Bycio, 1996 qui
traite ce sujet, suggérant que l’absentéisme peut être considéré comme une stratégie [12], alors
que la plupart des recherches, le considère comme une conséquence comportementale de
l’exposition au stress. En effet, il s’agit ici de se protéger des stresseurs professionnels en les
évitant. Il ne s’agit pas d’un évitement cognitif mais d’un évitement comportemental élaboré
de manière rationnelle.
La troisième stratégie est constitué de 7 items qui correspondent à des activités permettant de
se ressourcer, soit par des activités distrayantes (faire des magasins, lire, bricoler, faire du sport)
14
ou par des activités religieuses/spirituelles ou familiales (la prière, une vie de famille équilibré,
avec ses amis). Comme pour le premier facteur, il s’agit de quitter le contexte professionnel,
mais en privilégiant des activités religieuses ou sociales dans lesquelles la personne prend une
part active. Si on exclue la prière, cette stratégie est souvent évoquée dans différentes
recherches, y compris chez le personnel en fonction en oncologie. Notons que les activités
sociales sont considérées comme des stratégies «protectrices » dans différentes études sur le
‘coping’ en oncologie synthétisées par Trufelli et al. (2008)[5].
La quatrième stratégie (4 items) correspond à la réinterprétation positive (voir le bon côté des
choses, utiliser l’humour, relativiser ses problèmes, croire dans le fatalisme). L’humour est
souvent mentionné chez le personnel soignant en oncologie [10], il s’agit d’une stratégie
cognitive qui vise à prendre de la distance émotionnelle par rapport aux problèmes rencontrés.
Le fait d’utiliser l’humour comme stratégie de ‘coping’ est souvent cité comme un excellent
moyen d’évacuer et de lutter contre le stress ou utilisé face à l’agressivité et /ou l’angoisse du
patient, c’est un moyen de détendre l’atmosphère. Cependant le fait de se détendre et d’utiliser
l’humour peut ne pas être pas toujours bien perçu par les patients ou les accompagnants, vu la
nature de la pathologie des patients. Concernant le fatalisme, certaines personnes interrogées se
tournent vers des stratégies d’ajustement basés sur la régulation des émotions en croyant que
« ce qui arrive doit arriver », « que c’est le destin », « ce n’est la faute de personne», « c’est
écrit ».Nous pensons que ce mouvement de pensé est un moyen de se protéger, de prendre de
la distance par rapport à une situation difficile rencontré. En fait, il s’agit de se préserver d’une
situation impliquante et ainsi se permettre de travailler sereinement.
La cinquième stratégie comprend trois items qui correspondent au fait de verbaliser ses
problèmes à des proches (familles ou collègues) mais aussi d’exprimer des émotions négatives
(exprimer son mécontentement). Ce facteur est proche de la dimension « recherche de soutien
social » du WCC [8]. Cependant, il s’agit ici de parler à des proches afin d’extérioriser ses
15
sentiments, sans volonté manifeste de trouver une solution à ses problèmes, ce qui se
rapprocherait plus d’une stratégie émotionnelle .Le soutien social se manifeste par le recours à
du soutien de la part des collègues de travail ou de leurs proches ou encore des deux. Présenté
par plusieurs auteurs comme une stratégie d’ajustement [15], le soutien social revêt deux
formes, suivant qu’il est issu du milieu professionnel ou de l’entourage.
16
du fatalisme sur la situation .en outre ils cherchent du réconfort auprès de leurs collègues en
dédramatisant les situations de crise par l’humour (modérément goutés par certains patients) et
en recherchant du soutien social dans leurs entourage .Pour faire face au stress, certains trouvent
refuge dans des activités telles que la lecture, le bricolage ou le sport.
Ces stratégies sont confirmées par la littérature mais ne sont pas les plus citées
Ainsi, Pour Lyckholm, L’humour, l’activité physique, la gestion du temps et le soutien familial
sont les stratégies de coping les plus utilisées en oncologie [10].
-Pour Florio et al. , La réévaluation positive, le coping négatif, la recherche de soutien et les
comportements cathartiques sont les plus utilisés [16].
Se ressourcer par des activités religieuses n’est pas présent dans la littérature internationale
que nous avons consultée.
Cette stratégie est aussi spécifique au contexte de l’oncologie au Maroc et que, la stratégie « se
ressourcer par la prière » semble être adaptée à la culture Marocaine musulmane.
Chez le personnel soignant en oncologie, les recherches qui s’intéressent aux stratégies de
‘coping’ peuvent être distinguées en 2 catégories : les études quantitatives et les études
qualitatives. Les études quantitatives font appel exclusivement à des questionnaires de coping
génériques comme le WCC [8] qu’elles mettent en relation avec des indicateurs de burnout.
Avec ce type de recherche, on peut se demander dans quelle mesure on ne manque pas
d’informations car les auteurs choisissent, parmi toutes les stratégies utilisables, celles qui vont
être mesurées avec le WCC. Par contre, cet outil possède des qualités psychométriques
reconnues qui permettent aux chercheurs d’établir des liens robustes entre certaines stratégies
de coping et des critères d’ajustement. Ainsi, beaucoup d’études se sont focalisées sur
l’efficacité de ces différentes stratégies pour prédire la santé mentale du personnel soignant et
les résultats sont consensuels. Ces études mettent en avant le rôle protecteur des stratégies
centrées sur le problème sur la santé mentale du personnel soignant [17]. Ceci fait dire à
beaucoup de chercheurs que les stratégies centrées sur le problème sont des stratégies
17
fonctionnelles, efficaces ou adaptées. A l’inverse, les stratégies centrées sur l’émotion sont
souvent associées à un mauvais ajustement émotionnel du personnel soignant [4]. Avec ces
résultats nous restons cependant à un niveau de généralité (certains auteurs parlent de méta-
stratégies) qui ne permet pas de les utiliser pour d’éventuelles préconisations auprès du
personnel soignant.
Les études qualitatives adoptent la démarche inverse qui consiste à mener une investigation la
plus exhaustive possible de stratégies utilisables par le personnel soignant, qu’elles soient
conscientes ou non [18]. Il ne s’agit pas ici de faire des liens statistiques entre des stratégies et
des critères d’épuisement professionnel, mais plutôt de mieux connaître comment elles
permettent au personnel soignant de se protéger. Il existe plusieurs articles qui tentent de
préconiser certaines stratégies dites « positives » : s’accorder des périodes de repos, avoir une
activité physique régulière, développer et maintenir des intérêts extraprofessionnels [19],
trouver un équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle , savoir s’isoler quand cela
est nécessaire, parler aux autres de ses réussites et ses échecs, accepter le fait que l’échec
thérapeutique n’est pas un échec personnel [10]. Ces informations sont précieuses pour le
personnel soignant mais il nous semble que la démarche utilisée ne permet pas d’évaluer de
manière systématique dans quelle mesure ces stratégies peuvent avoir un effet protecteur (car
elles sont évaluées comme positives a priori).
Dans l’avenir, il nous semblerait donc pertinent de combiner ces deux catégories d’études pour
identifier des stratégies spécifiques chez le personnel soignant en oncologie, d’abord de manière
qualitative, puis en menant une investigation quantitative plus standardisée incluant les
différents services d’oncologie au Maroc. Ceci permettrait la construction d’une échelle de
coping spécifique au contexte marocain. En mettant cette échelle de coping en relation avec des
indicateurs de burnout, elle peut servir de support pour des questionnaires permettant de prédire
la santé mentale de ce personnel.
Par ailleurs, ceci est un argument pour inciter de futures recherches pour aller plus loin dans
les investigations en s’intéressant à des stratégies réalistes plutôt qu’à des méta stratégies, utiles
sur un plan taxonomique, mais qui nous renseignent moins bien sur le fonctionnement des
individus face à situations anxiogènes.
18
4.3.Force et limites de l’étude
Au vue de l’originalité de notre étude dans le contexte marocain, et compte tenu de la contrainte
de temps qui lui été imparti, nous sommes en mesure d’avancer que nos objectifs fixés ont été
atteints et que nos résultats ont été concluant. En effet la démarche appréhendée a permis
d’atteindre les objectifs spécifiques formulés en reposant sur des procédures adaptées
conformément à notre modèle conceptuel de base
Par ce travail de recherche, nous avons pu dresser, à travers le cas de l’institut national
d’oncologie de Rabat, une typologie de facteurs de stress au travail et des stratégies de ‘coping’
spécifiques au personnel soignant travaillant à l’INO .Par rapport aux autres études, nous
mettons en évidence des facteurs communs propres au travail en oncologie à travers le cas de
l’INO.
Cependant, nous sommes conscient que notre étude présente des limites à savoir, un échantillon
restreint qui limite la généralisation des résultats.. Cela rend difficile une réelle comparaison
avec d’autres études dans d’autres services. Les résultats ne visent donc pas la validité externe.
Ce travail s’est effectué à l’institut national d’oncologie de Rabat et les résultats sont
représentatifs de ses services.
De même, l’utilisation de l’entretient semi directif comme unique outil de collecte de données
ne permet pas de tirer des conclusions générales. Il s'agit d'un entretien de recherche et l'objectif
poursuivi n'est pas le même pour l'interviewer et l'interviewé. Le matériau recueilli dépend des
connaissances des personnes interrogées et de leur volonté.
4.4.Biais de l’étude
-Biais d’acceptabilité, puisque parmi les personnes répondants aux critères d’incluions, seules
vingt ont acceptées de participer à nôtre étude.
-biais du chercheur, du fait que nous avons effectué un stage de six mois à l’INO dans le cadre
de notre formation à l’école nationale de santé public.
19
V. Conclusion
Les infirmiers en oncologie sont régulièrement exposés au stress dans le cadre de leur travail,
pouvant entraîner des répercussions sur l'état émotionnel, telle que la détresse, et provoquer des
effets négatifs, à plus long terme, comme le burnout. La revue de littérature a mis en évidence
le rôle des stratégies individuelles de ‘coping’ et la pertinence d’une identification des stratégies
spécifiques selon chaque contexte.
L'objectif principal de cette étude était d’identifier et de décrire les facteurs de stress et les
stratégies de coping utilisées par le personnel infirmier soignant de l’INO.
Certes quelques mesures ont été mise en place par l’administration actuelle de l’hôpital pour
motiver son personnel et lui permettre de supporter le stress. Néanmoins d’autres mesures
devront être mise en place au niveau stratégique, central, au niveau des directions(DELM), des
hôpitaux et au niveau local pour contribuer au développement personnel consolider et
accompagner le personnel pour surmonter le stress au travail et développer sa stratégie de
coping.
20
Références
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infirmières de soins palliatifs. J Adv. Nurs.2001, Février ; 33 (3) : 396-405.
10. Lyckholm L. Dealing with stress, burnout, and grief in the practice of oncology. The Lancet
Oncology. 2001 Décembre; 2(12):750-55.
21
11. Stordeur S, D’Hoore W, Vandenberghe C. Leadership, stress organisationnel et
l'épuisement émotionnel chez le personnel de soins infirmiers de l'hôpital. J Adv. Nurs. 2001
Août ; 35 (4) : 533- 42.
12. Hackett R D, Bycio P. Une évaluation de l'absentéisme des employés comme un mécanisme
d'adaptation chez les infirmières de l'hôpital. J Occupat Health Psycho.1996. Décembre;
69(4); 327-3
13. Baldacchino D, Draper P.Spiritual coping strategies: à review of the nursing research
literature.J Adv. Nurs. 2001 Jun; 34(6):833-41.
14. Park C L. Religion as a meaning-making framework in coping with life stress. Journal of
social issues. 2005 ; 61(4) : 707-29.
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face. EUR J Personality. 1984 September; 1 (3): 141-69.
16. Florio G A, Donnelly J P, Zevon M A. La structure du stress lié au travail et d'adaptation chez
les infirmières en oncologie dans les milieux médicaux de stress élevé: une analyse transactionnelle. J
Occupat Health Psycho. 1998 juillet ; 3(3) : 277-242.
17. Tattersall A, Bennett P. Pugh S. Stress and coping in hospital doctors. Stress Medicine,
1999; 14: 1-4.
18. Kocijan Lovko S , Gregurek R., Karlovic D. Stress and ego-defense mechanisms in
medical staff at oncology and physical medicine departments EUR J Psycho, 2007 ;
21(4) :279-86.
19. Creagan E. T. Stress among Medical Oncologists: The Phenomenon of Burnout and a Call
to Action. Mayo Clinic Proceedings, 1993 ; 68 : 614-15.
22
viii
Annexe1
Caractéristiques du participant :
Grade : IDE IA
Age : an
Sexe : M: F:
Service : ….
Ancienneté dans le service :…………….année
Ancienneté dans l’hôpital:…………….année
1. Estimez-vous que vous soyez confrontés à des problèmes de stress dans votre travail ?
2. Si oui, quelles sont les situations de travail, qui présentent pur vous une source de stress ou
de mal-être, conduisant à une impression de débordement, d’impasse, de conflits…?
Stratégies de coping
1. Qu’est-ce que vous faites sur votre lieu de travail pour gérer ou éviter ces situations ou leur
renouvellement ?
2. Qu’est-ce que vous faites après vos heures de travail pour gérer le stress engendré pendant
les heures de votre travail ?
ix
Annexe 2
Revue de littérature
1. Le coping
De manière générale le coping se réfère à tout ce qu'une personne met en œuvre pour faire face
à une situation stressante. De nombreuses définitions ont été données à ce concept. Ces
définitions diffèrent les unes des autres principalement quant au statut qui lui est accordé
(préférence stable ou variable dépendante de la situation), quant à son contenu (efforts
conscients vs. non conscients), et quant à son étendue (fonctionnement général vs. limité à des
situations stressantes).
Différents auteurs (Parker & Endler, 1996 ; C. R. Snyder, Dinoff, Beth L., 1999) situent
quant à eux les premières recherches sur le coping dans les années soixante, dans le cadre de
travaux portant sur les mécanismes de défense tels que ces derniers ont été décrits par Freud et
ses élèves, dans une tradition psycho dynamique. La fonction de ces mécanismes, et du coping
tel qu'il a été conçu dans cette perspective, est de maintenir, voire de restaurer, une sorte
d'"homéostasie psychologique" lorsque celle-ci est troublée par des conflits d'origines diverses
(Vaillant, 1971).
Plusieurs modèles hiérarchiques des mécanismes de défense ont été élaborés dans cette
perspective (Haan, 1965 ; 1969 ; Vaillant, 1971), au sein desquels le coping à proprement parler
fait généralement référence à ceux parmi ces mécanismes qui sont matures, adaptés, et typiques
d'un fonctionnement dit normal.
Par la suite, l'accent aurait de plus en plus été mis sur les stratégies conscientes que les
personnes mettent en oeuvre lors de situations stressantes uniquement, faisant du coping un
domaine de recherche indépendant de celui qui porte sur les mécanismes de défense, et
spécifique à ce type de situations (Parker & Endler, 1996 ; C. R. Snyder, Dinoff, Beth L., 1999).
x
1.2 La recherche sur le coping
Deux approches ont été prédominantes dans la théorie et la recherche sur le coping, qui ont
parfois été décrites dans la littérature en termes d'approche interindividuelle et intra-individuelle
(Parker & Endler, 1996).
Pour expliquer ces différences individuelles observées dans les réponses de coping, les
chercheurs ont fait appel à deux concepts différents : celui de trait de personnalité et celui de
style de coping.
L'explication basée sur la notion de trait de personnalité consiste à rechercher des liens entre
des traits de personnalité classiques et des réponses de coping, dans l'idée que les premiers
prédisposent l'individu à agir d'une manière plutôt que d'une autre (Costa, Somerfield, &
McCrae, 1996) dans certaines situations de stress seulement (Lazarus & Folkman, 1984).
La notion de style de coping semble plus inclusive que celle de trait (Lazarus & Folkman,
1984) ; elle fait référence à une disposition relativement stable qui, quelle que soit la situation
que l'individu rencontre, influence le choix de ses réponses de coping (Terry, 1994, p. 896) 1 .
1) Le concept de stress
En psychologie, avant d'être défini par Lazarus dans une perspective transactionnelle, le
stress a tantôt été associé à une réponse, c'est-à-dire à la réaction d'un organisme face à une
demande, tantôt à un stimulus, ou à l'événement qui constitue cette même demande.
xi
C'est dans une perspective physiologique, qui fait essentiellement référence aux travaux de
Selye, que le stress a été défini comme une réaction non spécifique de l'organisme, qui a lieu
lorsque le sujet est confronté à des agressions physiques diverses, appelées "stresseurs"
(Rivolier, 1989). En 1936, Selye a décrit pour la première fois le "syndrome du stress", qu'il
nommait alors le "syndrome général d'adaptation" (SGA), et qui comprenait trois phases (Selye,
1977) : une réaction d'alarme, une phase de résistance ou d'adaptation, et enfin une phase
d'épuisement pouvant aller jusqu'à la mort.
Selon Rivolier (Rivolier, 1989), c'est plus tard qu'est apparue l'idée que le stresseur peut
aussi être de type psychologique, et que la réponse émotionnelle, avec ses manifestations
physiologiques, psychologiques et comportementales, a commencé d'être étudiée.
A partir des années 60, le stress a commencé à être considéré comme une partie intégrante
de la condition humaine au sens où, selon Lazarus (Lazarus & Folkman, 1984), chaque individu
rencontre forcément tout au long de son existence un certain nombre d'événements stressants
qui l'affectent, et auxquels il doit s'ajuster. L'hypothèse a alors été émise par des auteurs comme
Holmes et Rahe (Holmes & Rahe, 1967; Rahe & Arthur, 1977), d'un lien causal entre des
changements de vie, ou plus précisément des événements qui entraînent un changement de vie
à différents niveaux, et une augmentation de la vulnérabilité des individus face à la maladie
(Rivolier, 1989).
Les premiers travaux basés sur cette définition du stress ont porté surtout sur des
événements de vie majeurs (Avison & Gotlib, 1994), comme par exemple le décès d'un proche,
le chômage, le divorce, etc. Par la suite, la nature des stresseurs étudiés s'est diversifiée (Avison
& Gotlib, 1994), notamment après que certains auteurs aient émis l'hypothèse selon laquelle
l'impact des tracas quotidiens ou "daily hassles" sur la santé des individus, serait plus important
que celui des événements de vie (Kanner, Coyne, Schaefer, & Lazarus, 1981 ; Lazarus &
Folkman, 1984). Ces tracas font référence aux petits problèmes rencontrés tous les jours, tels
un chien qui vomi sur la moquette ou une dispute conjugale (Lazarus & Folkman, 1984).
S'il est nécessaire de décrire et d'étudier ces différents types de stresseurs, il ne faut pas pour
autant oublier qu'ils ont été considérés comme stressants sur la base de la réponse qu'ils ont
provoquée auprès de la majorité des individus (Lazarus & Folkman, 1984). Cette conception
du stress, à l'instar de la précédente qui le définit comme une réponse, tient très peu compte des
différences individuelles, et souffre d'un problème de circularité (Lazarus & Folkman, 1984):
la spécificité d'une réaction de stress (par rapport à d'autres réponses) réside dans le fait qu'elle
a été provoquée par un stresseur, et la spécificité de ce dernier (par rapport à d'autres situations),
repose sur la réaction de stress qu'il a provoquée. Le stress ne peut donc pas être défini de
manière systématique sans que la relation entre un stimulus et une réponse ne soit considérée
(Lazarus & Folkman, 1984).
xii
2) Le modèle transactionnel du stress et du coping
C'est dans un contexte scientifique interdisciplinaire, où s'est développée l'idée qu'il est
nécessaire de considérer le contexte des phénomènes observés, que le stress psychologique a
été défini comme : "une relation particulière entre la personne et l'environnement qui est
évaluée par la personne comme excédant ses ressources et menaçant son bien-être." (Lazarus).
Envisagé dans une perspective à la fois dynamique et systémique (Rivolier, 1989), le stress
est ici un concept organisateur qui implique plusieurs variables et processus (Lazarus &
Folkman, 1984).
Le présent modèle a été créé au départ autour des concepts de stress et de coping, par la
suite il a été développé et reformulé pour être intégré aux théories cognitives-motivationnelles-
relationnelles des émotions (Lazarus, 1991).
Une synthèse de ce modèle qui tient compte des écrits récents de Lazarus (Lazarus, 1991 ;
Lazarus, 2001), et des adjonctions qui ont pu être faites et qui sont pertinentes relativement aux
notions de stress et de coping, est présentée ci-dessous.
a) L'évaluation cognitive
Le présent modèle est basé sur l'idée que l'individu éveillé évalue en permanence sa relation
à l'environnement, et ce relativement aux implications que celle-ci peut avoir pour son bien-
être personnel (Lazarus, 2001). Le terme d'évaluation dépasse la notion de traitement de
l'information (Lazarus & Folkman, 1984), et fait référence ici au fait que l'individu, par
l'intermédiaire de ce processus, considère la signification de ce qui se passe pour lui
personnellement (Lazarus, 2001). L'évaluation est dite cognitive parce qu'elle implique souvent
des processus complexes, conscients et de jugement (Lazarus, 2001).
Le processus d'évaluation a une fonction adaptative qui consiste à trouver un équilibre entre
deux types de forces : celles des réalités de l'environnement (demandes, contraintes,
ressources), et celles des intérêts de la personne (Lazarus, 1991, p. 135). Il est en effet nécessaire
de percevoir la réalité environnementale d'une manière suffisamment correcte pour pouvoir s'y
adapter, tout en restant optimiste et en conservant des illusions (Lazarus, 1991).
xiii
et des réactions de l'individu, modifiant sur cette base les résultats de ces premières évaluations
(Lazarus & Folkman, 1984).
L'évaluation primaire est le processus au moyen duquel l'individu cherche à savoir si oui ou
non, et si oui de quelle manière, ce qui se passe à un moment donné est pertinent pour lui,
compte tenu de ses valeurs, de ses buts, de ses croyances sur soi et sur le monde, et de ses
intentions en rapport avec la présente situation (Lazarus, 2001). Ces éléments se résument en
trois composantes : la pertinence par rapport aux buts, la congruence ou l'incongruence de ce
qui se passe par rapport aux buts, et le type d'implication de la personne (Lazarus, 1991). Ce
processus d'évaluation donne lieu à trois cas de figures (Lazarus & Folkman, 1984):
1. la relation à l'environnement est jugée non pertinente : dans ce cas rien d'autre n'est à
considérer, et l'individu n'y prêtera pas (plus) d’attention ;
2. la transaction est jugée pertinente et bénigne-positive : les présentes conditions soit
facilitent la réalisation des objectifs de l'individu (Lazarus, 2001), soit vont dans le sens
d'une préservation voire d'une amélioration de son bien-être (Lazarus & Folkman,
1984). Les émotions typiquement ressenties dans ce cas-là sont positives, comme la
joie, le bonheur, la gaîté, etc. (Lazarus & Folkman, 1984).
3. La relation à l'environnement est évaluée comme pertinente et stressante (Lazarus,
2001), c'est-à-dire que les présentes conditions entravent ou menacent d'entraver la
réalisation des buts de l'individu (Lazarus, 2001).
Les situations qui nous intéressent ici sont celles concernées par ce troisième cas de figure,
mais conformément à la définition transactionnelle du stress évoquée plus haut, la qualification
de "stressante" dépend aussi de l'évaluation secondaire (Lazarus, 2001).
Les processus d'évaluation primaire et secondaire sont aussi importants l'un que l'autre et
selon Lazarus, n'entretiennent pas un ordre spécifique, malgré leur appellation (Lazarus &
Folkman, 1984). Ils interagissent constamment pour déterminer si la transaction est stressante
ou non, et si oui de quelle manière et à quel point (Lazarus & Folkman, 1984).
Si la relation à l'environnement est jugée stressante, elle peut l'être de trois manières
différentes, évoquées par l'auteur en termes d'appraisals de stress (Lazarus & Folkman, 1984) :
xiv
Le préjudice, le dommage ou la perte : quelque chose a eu lieu qui constitue un
dommage ou une perte pour l'individu, comme par exemple une maladie ou la perte
d'une personne proche. Les émotions attendues lors de telles situations sont la tristesse,
la colère, la déception, la culpabilité et le dégoût (Folkman & Lazarus, 1985).
La menace : le dommage ou la perte n'ont pas encore eu lieu mais sont possibles /
probables dans le futur. Le fait qu'ils soient prévisibles permet à l'individu d'avoir
recours à des efforts de coping dit anticipatoires (Lazarus & Folkman, 1984). Les
émotions typiquement ressenties lors d'une menace sont la peur, l'anxiété, l'inquiétude
(Folkman & Lazarus, 1985).
Le défi : face à un dommage ou à une perte possible, une mobilisation des efforts de
coping est nécessaire comme c'est le cas pour la menace, mais là, l'évaluation est
focalisée sur les gains potentiels de cette transaction et sur la maîtrise de celle-ci
(Lazarus & Folkman, 1984). Les émotions ressenties dans une telle situation sont surtout
positives, comme la confiance, l'espoir, l'impatience (Folkman & Lazarus, 1985).
Notons que ces différents appraisals ne sont à dissocier qu'à des fins descriptives car en
réalité, l'évaluation d'une transaction peut être complexe et mixte : une perte passée peut aussi
comporter une menace pour l'avenir, une situation de menace peut évoluer et devenir un défi,
etc. (Lazarus, 2001).
Ces différents processus d'évaluation sont influencés tant par des facteurs personnels,
comme la confiance en soi et la croyance en sa propre efficacité 8, que par des facteurs
situationnels, tels notamment la nouveauté, la prévisibilité, l'incertitude temporelle ou encore
la durée (Lazarus, 2001 ; Lazarus & Folkman, 1984).
Ces différents facteurs, considérés comme des antécédents de l'évaluation cognitive, sont
interdépendants, et contribuent à déterminer si une personne va percevoir une situation comme
une menace ou comme un défi, et à quel point sa réaction émotionnelle va être intense (Lazarus,
2001). A partir du moment où une transaction est évaluée comme stressante, et tant qu'elle est
considérée comme telle, l'individu doit faire quelque chose en rapport avec ce qui lui arrive et
en fonction de la façon dont il a évalué la situation ; c'est là qu'intervient le processus de coping.
b) Le processus de coping
Le coping est défini par Lazarus comme "...l'ensemble des efforts cognitifs et
comportementaux, constamment changeants, (mis en œuvre) pour gérer des demandes externes
et / ou internes spécifiques qui sont évaluées comme menaçant ou excédant les ressources de la
personne." (Lazarus & Folkman, 1984).
Définir le coping en termes de processus implique qu'on le considère dans une perspective
dynamique, ce qui a plusieurs conséquences (Lazarus & Folkman, 1984, pp. 142- 143). D'abord,
xv
pour le décrire, on s'intéressera à ce qu'une personne pense et / ou fait réellement dans une
situation donnée, et compte tenu du contexte particulier de cette situation. Ensuite, la mesure
du coping ne peut être statique, et doit prendre en compte l'évolution de la transaction en cours :
le processus de coping étant constamment médiatisé par les processus de réévaluation qui
permettent à l'individu de considérer tous les changements qui interviennent et qui ont trait à la
relation personne-environnement, ces changements doivent aussi être pris en compte lors de la
mesure du coping (Lazarus & Folkman, 1984).
Lazarus et collègues (Lazarus & Folkman, 1984, p. 148) ont distingué deux fonctions majeures
du coping qui correspondent aux buts que les efforts entrepris pour gérer une situation stressante
tentent de servir, et qui ne sont pas à confondre avec leur résultat, c'est-à-dire avec l'effet obtenu
par ces efforts (Lazarus & Folkman, 1984).
La première de ces fonctions consiste à gérer, agir sur, ou modifier le problème qui est à
l'origine de la transaction stressante, tandis que la deuxième revient à réguler la réaction
émotionnelle engendrée par cette transaction (Lazarus & Folkman, 1984, p. 150). Les efforts
de coping relatifs à ces deux fonctions sont regroupés sous les termes respectifs de
"coping centré sur le problème" et de "coping centré sur l'émotion" ("problem-focused coping"
vs. "emotion-focused coping") (Lazarus & Folkman, 1984).
Dans la littérature, il est souvent fait référence aux efforts relatifs à chacune de ces deux
fonctions, en termes de types de coping, chacun regroupant différentes stratégies.
Le coping centré sur l'émotion comprend entre autres (Lazarus & Folkman, 1984) :
Regroupées sous ces différentes catégories, les stratégies de coping destinées à gérer la
réaction émotionnelle sont nombreuses à pouvoir être appliquées à différentes situations, ce qui
les distingue des stratégies centrées sur le problème.
Le coping centré sur le problème consiste à obtenir des informations et à agir sur la base
de celles-ci pour changer la réalité de la transaction qui est perçue comme stressante, afin qu'elle
ne le soit plus (Lazarus, 2001). Le nombre de stratégies de ce type, applicables à différentes
situations, est très restreint (Lazarus & Folkman, 1984), et il est difficile de les décrire sans
rapport à une situation spécifique.
De manière générale, on peut dire que ces stratégies sont similaires à celles qui sont
employées pour la résolution de problèmes (Lazarus & Folkman, 1984). Plus précisément, on
trouve une ressemblance entre plusieurs étapes de la résolution de problèmes, et les buts servis
par certaines stratégies centrées sur le problème, comme par exemple la définition du problème,
la génération de solutions alternatives, l'évaluation de ces alternatives en termes de coûts et
bénéfices, et le choix d'une alternative (Lazarus & Folkman, 1984).
xvi
Les stratégies qui font partie du coping centré sur le problème peuvent être orientées soit
vers l'environnement soit vers la personne (Lazarus & Folkman, 1984), ces dernières
provoquant des changements à un niveau cognitif ou motivationnel, par exemple en modifiant
le degré d'implication (Lazarus & Folkman, 1984).
Dans la littérature sur le coping, cette distinction entre coping centré sur l'émotion et
coping centré sur le problème a été largement reprise, et ces deux façons de faire face ont
souvent été étudiées indépendamment l'une de l'autre, et mises en opposition relativement à leur
utilité (Lazarus, 2001).
Lazarus (Lazarus, 2001) fait cependant remarquer premièrement, que cette distinction est
superficielle, et qu'en réalité une même stratégie peut remplir ces deux fonctions, et
probablement d'autres encore. Deuxièmement, il note que dans la majorité des situations de
stress réelles, les personnes mettent en œuvre des efforts relevant de ces deux fonctions, efforts
qui forment un tout et qui peuvent s'aider ou se nuire mutuellement (Lazarus, 2001).
Troisièmement, l'utilité d'une stratégie de coping, qu'elle serve l'une ou l'autre de ces fonctions,
dépend largement des circonstances dans lesquelles elle est réalisée (Lazarus, 2001).
L'auteur donne à ce propos l'exemple du déni, une stratégie de coping centrée sur l'émotion,
dans le cas d'une personne qui a subi une attaque cardiaque (Lazarus, 2001, p. 46): au moment
de son hospitalisation, le déni serait une stratégie propice car elle lui éviterait bien des
angoisses. A son retour au domicile par contre, alors que le patient doit modifier drastiquement
son hygiène de vie, la même stratégie serait extrêmement dangereuse.
Comme le montre cet exemple, le déni (à l'instar d'autres stratégies centrées sur l'émotion),
peut être bénéfique quand rien ne peut être fait pour prévenir un dommage, mais lorsque cette
stratégie interfère avec une action adaptative nécessaire, elle devient nuisible (Lazarus, 2001).
Inversement, les stratégies de coping centrées sur le problème semblent adéquates dans les
situations où un changement est possible, mais persévérer dans de tels efforts, alors que rien ne
peut raisonnablement être fait pour modifier la situation, peut nuire à la santé et au bien-être
(Lazarus, 2001).
Pour comprendre ce qu'une personne met en œuvre lorsqu'elle se trouve dans une situation
qu'elle juge stressante, il est nécessaire de considérer un certain nombre de variables liées à la
personne et à l'environnement, et qui peuvent être regroupées en deux grandes
catégories opposées : les ressources, et les contraintes.
Parmi les grandes catégories de ressources dont l'utilité a été mise en évidence dans la
majorité des situations stressantes, Lazarus (Lazarus & Folkman, 1984) mentionne la santé et
l'énergie, un certain nombre de croyances positives, des compétences liées directement à la
résolution de problèmes, des compétences sociales, le support social, et enfin des ressources
matérielles.
Parmi les éléments qui font que souvent les individus n'utilisent pas au mieux leurs
ressources, ce même auteur distingue trois catégories (Lazarus & Folkman, 1984) :
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menace particulièrement élevé qui fait que dans certaines situations extrêmes, les individus
n'ont plus accès à leurs propres ressources.
La particularité du modèle transactionnel réside dans le fait qu'il prend en compte à la fois
l'interaction entre l'individu et l'environnement, les variables contextuelles, les caractéristiques
de la personne, et l'évaluation que fait l'individu de la situation (Frydenberg, 1996). Ceci étant,
les efforts de coping mis en œuvre par une personne dans une situation particulière sont "multi-
déterminés" (Lazarus & Folkman, 1984).
Le fait de n'accorder une valeur à une stratégie de coping qu'après avoir pris en compte le
contexte de sa réalisation, et mesuré ses effets sur le long terme, constitue une particularité
fondamentale du présent modèle qui le distingue des précédentes conceptualisations du coping.
Les auteurs de ce modèle reconnaissent par ailleurs qu'il est nécessaire de rechercher des
patterns stables de coping auprès des individus. Pour ce faire ils préconisent la confrontation de
plusieurs individus à une même situation, mais aussi de chacun de ces individus à plusieurs
types de situations stressantes, le tout dans une perspective longitudinale de préférence ; ceci
revient à utiliser un plan de recherche intra-individuel, imbriqué dans un plan interindividuel
(Lazarus, 2001 ; Lazarus & Folkman, 1984).
Le présent modèle a été et continue d'être adopté comme cadre conceptuel pour de
nombreuses recherches sur le stress et le coping. Selon Holahan (Holahan & Moos, 1994), ce
modèle a aussi changé fondamentalement la conceptualisation du stress: après que l'accent ait
été mis pendant longtemps sur des aspects négatifs comme le déficit, la pathologie et la
vulnérabilité, des auteurs se sont intéressés aux capacités d'adaptation, à l'action constructive et
à la croissance personnelle face au défi (Holahan & Moos, 1994 ; Holahan et al., 1996).
Ils ont montré notamment que la résilience face au stress se développe au travers de la
confrontation à des situations stressantes, et lorsque celles-ci sont gérées de manière efficace ;
une situation de crise promeut l'acquisition de capacités de coping nouvelles, qui à leur tour
mènent à de nouvelles ressources sociales et personnelles, impliquant une interaction
dynamique entre trois types de facteurs: les ressources sociales, les ressources psychologiques,
et les efforts de coping (Holahan et al., 1996).
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