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ISSN 1662 – 4599 11 octobre 2010

Horizons et débats
Horizons et débats
10e année
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Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité


pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
Edition française du journal Zeit-Fragen

La Banque au service de l’économie


et de la société – modèle d’éthique économique
par Peter Ulrich
«Il était une fois …» C’est ainsi que commen- à son tour, repose sur le «conte de fées» selon
cent les contes de fées. Au cours des dernières
décennies, le conte préféré de l’élite écono-
������������������������������� lequel il suffirait de servir de manière opti-
male les intérêts des détenteurs de capitaux
mique était intitulé «The business of business pour que les choses aillent bien pour tout le
is business». Les commerçants devaient s’oc- ��������������������� ����������������� monde. Le gouvernement d’entreprise ainsi
cuper de commerce et de rien d’autre et c’est conçu ne change rien au principe de l’opti-
ainsi que, tout naturellement, ils contribuaient misation des profits et de la rentabilité fondé
le mieux à l’intérêt général. Selon ce conte sur la conception purement privée de l’entre-
merveilleux, la bonne direction d’entreprise prise en tant qu’organisme destiné à valori-
devait être axée sur le «principe du profit», ������������ ser le capital des investisseurs. L’initiative de
plus précisément, sur le principe d’optimisa- Thomas Minder contre la rémunération abu-
tion absolue du profit, et tout irait bien. Ne sive des grands patrons souffre également,
faites pas d’histoires, le marché va tout ré- ��������������������������� ������������������������� du moins en partie, de cette confusion. Elle
soudre. Ou, pour reprendre la phrase célèbre ������������������������ ������������������������� ne fixe au gouvernement d’entreprise absolu-
du prix Nobel d’économie Milton Friedman: ��������������������������� �������������������� ment aucune norme concernant une prise en
«La responsabilité sociale de l’entreprise est ������������������ compte équitable des diverses exigences. Elle
d’accroître ses profits», et c’est tout. ���������������� conduit à lier encore plus la gestion à celles
des actionnaires.
Confusion après la disparition Ce qui passait pour la meilleure pratique
de l’ancienne croyance dans le marché nous a menés, nous le savons, au bord de la
Au cours des 25 dernières années, cette mé- ������������������������� ��������������������� catastrophe ou, du moins, n’a pas pu l’empê-
taphysique harmoniste du marché s’est idéo- �������������� ���������������������� cher. Pour identifier le problème sous-jacent
logiquement radicalisée de plus en plus, jus- ���������������������� ������������������������ et le prendre au sérieux, nous avons besoin
qu’à atteindre une limite indépassable. La �������������� d’une conception de l’entreprise moins ré-
bulle financière et économique a récemment ductionniste. C’est ce que je vais vous pro-
éclaté avec fracas. Tant va la cruche à l’eau ������������ poser.
qu’à la fin elle se casse. Il s’agit maintenant
de mettre de l’ordre. La métaphysique ana- Fig. 1: L’entreprise, un «être hybride» L’entreprise considérée comme
chronique du marché doit être «désenchan- Probablement que nous sommes histori- tion, c’est-à-dire le simple fait que les entre- un organisme social de création de valeur
tée», pour reprendre une idée de Max Weber. quement tellement attachés à notre croyance prises se trouvent au centre de divers conflits Au centre de l’actuelle crise d’orientation fi-
Une nouvelle conception vraiment moderne quasi religieuse dans le marché que même de valeurs et d’intérêts sociaux. Même si les gure le rapport, devenu confus, entre le sys-
d’«économie civilisée»1 et une bonne direc- des tentatives très officielles d’établir de «exigences» des différentes parties prenantes, tème de l’économie de marché et la société
tion d’entreprise sont nécessaires. Mais chan- nouvelles normes de bonne direction d’entre- considérées en elles-mêmes, peuvent être lé- dans laquelle nous aimerions vivre. En con-
ger de système de pensée semble encore plus prise, comme le Swiss Code of Best Practi- gitimes, il est impossible de satisfaire à la to- séquence, l’entreprise possède une structure
difficile que penser en général. Maintenant ce for Corporate Governance ou le Corpo- talité d’entre elles de manière maximale. On fondamentale dualiste. C’est en quelque sorte
que les craintes d’effondrement du système rate Governance Kodex allemand souffrent croit un peu trop vite se tirer d’affaire avec un «être hybride». D’une part, c’est un sous-
financier diminuent et bien que l’on redoute encore d’une confusion entre le nœud du les codes de gouvernement d’entreprise car, système du système de l’économie de marché
ici ou là un double dip, la tendance à revenir problème et sa solution. On n’envisage pas en règle générale, ils reposent sur la doctrine
au business as usual se dessine. le caractère conflictuel normal de toute ges- de la valeur pour les actionnaires. Et celle-ci, Suite page 2

Seul un démantèlement des grandes banques


peut prévenir un nouveau «sauvetage de banques»
Interview de Joseph Stiglitz accordé à la Radio suisse alémanique (DRS)
hd. Lors d’une interview avec la Radio suisse au chapitre. Et il faut savoir que les crédits pas fair-play. Et elles sont trop grandes pour viser. Les banques suisses ont une réputation
alémanique (DRS), Joseph Stiglitz, Prix pour voitures sont en deuxième position de ce être gérées proprement. C’est pourquoi il faut de première qualité. Pendant plusieurs années,
Nobel d’économie, s’est exprimé – à l’oc- genre de crédit aux USA. Il n’y a aucune jus- démanteler les grandes banques. elles ont fait un excellent travail. Il serait dom-
casion d’une visite effectuée en Suisse – au tification économique pour une telle excep- mage de risquer la bonne réputation de toutes
sujet de la régulation du marché financier et tion. La seule explication est que les lobby- Et comment voulez-vous vous y prendre? les banques, uniquement à cause de problèmes
au sujet de la conduite à adopter face aux istes ont fait du bon travail. Il y a deux possibilités: la première, c’est se engendrés par les très grandes banques.
grandes banques. concentrer sur un domaine d’activité. La plu-
Et que pensez-vous d’une régulation concer- part des banques américaines sont actives Joseph Stiglitz, en vous écoutant on a l’im-
Beat Soltermann (Radio DRS): Monsieur le nant les institutions financières qui sont trop dans un grand nombre de domaines à la fois: pression que ce sont uniquement des mesures
Professeur, depuis le point culminant de la grandes pour faire faillite? les crédits accordés aux compagnies, les en- très strictes qui peuvent empêcher qu’on ne
crise financière, de nouvelles lois ont été dé- C’est réellement un problème important qui trées en bourse, la gestion de fortunes, le doive pas prochainement sauver une nou-
cidées, qui sont même en partie déjà en vi- n’est pas encore résolu. Les banques qui commerce des fonds hautement spéculatifs. velle grand banque avec des milliards payés
gueur. Je pense là aux prescriptions sur les sont trop grandes ne sont pas seulement trop Toute une série de domaines d’activités. Il par les contribuables.
fonds propres réglementaires pour les ban- grandes pour qu’on les laisse tomber, elles nous faudrait dire: «Chère banque, choisis Laissez-moi le dire clairement: Aux Etats-
ques partout dans le monde, aux nouvelles sont aussi trop puissantes pour être régulées. ton domaine et cède le reste à une nouvelle Unis, le gouvernement dit actuellement: «Ne
règles valables pour les marchés financiers Bien que beaucoup d’économistes sont de firme ou offre-le à une firme existante.» Cela vous faites pas de soucis à cause des gran-
aux Etats-Unis, ou aux prescriptions plus l’avis qu’il faut faire quelque chose à ce sujet, permettrait de mieux gérer les banques et de des banques. Si elles tombent en faillite, nous
strictes sur le commerce dangereux avec des à peu près rien n’a été fait jusqu’à présent. diminuer les risques. Une autre possibilité les liquiderons.» Et le gouvernement parle
produits dérivés au sein de l’UE. Que pensez- serait de taxer les banques d’un impôt élevé. de plans de première nécessité et de lois sé-
vous de ces nouvelles réglementations? Le sujet des trop grandes banques est bien Mais ce n’est pas une bonne solution. A mon vères. Mais nous, nous savons exactement
Joseph Stiglitz: La plupart de ces nouvelles sûr un sujet brûlant également en Suisse. avis, cela ne va pas assez loin, car les patrons ce qui se passera lors de la prochaine crise.
réglementations vont dans la bonne direction. Avec le CS et l’UBS nous avons deux grandes des banques ne changeraient pas de compor- Alors on sauvera de nouveau les banques, et
Et je me réjouis que des idées économiques banques, dans un pays relativement petit, et tement suite à cette taxe. Ils veulent rester di- en même temps les banquiers et leurs action-
correctes soient à la base de la plupart de ces une commission d’experts du Conseil fédéral recteurs de très grandes banques. Cela leur naires. C’est pourquoi une des grandes leçons
réglementations. En ce qui concerne les Etats- devrait – jusqu’à la fin du mois – présenter est égal qu’en fin de compte les actionnaires à tirer de la crise financière est la suivante: si
Unis, il faut que je précise que les nouvelles une solution dans cette affaire. Quelle serait et les créanciers individuels obtiennent un les grandes banques ne voient qu’une chance,
prescriptions impliquent un grand nombre votre solution à vous? peu moins de dividendes. celle d’être sauvées par l’Etat en cas de né-
d’exceptions. Un exemple: Depuis peu, il Au fond, il n’existe pas de raisons sérieuses cessité, pour éviter le pire, alors elles se com-
existe une autorité pour la protection des con- qui parlent en faveur de l’existence de gran- Et pour la Suisse? Que feriez-vous des deux porteront de manière imprudente. Il faut pla-
sommateurs, qui veille à ce que les banques des banques. Il n’existe aucune preuve scien- grandes banques si, par exemple, vous étiez cer les banquiers face à leurs responsabilités.
ne puissent plus aussi facilement arnaquer les tifique qu’elles soient plus efficaces. Mais il y le roi de la Suisse? Toutes les mesures aptes à atteindre ce but
clients pauvres ou incultes avec des produits a des preuves qu’elles obtiennent de l’argent à Exactement la même chose, se concentrer sur doivent être prises. •
bancaires. Mais quant il s’agit de crédits pour des conditions beaucoup plus favorables puis- un seul domaine d’activité. Et si les banques Source: Radio DRS du 25/9/10
l’achat de voitures, cette autorité n’a pas voix qu’il faut les sauver en cas de besoin. Ce n’est sont toujours trop grandes, continuer à les di- (Traduction Horizons et débats)
page 2 Horizons et débats No 39, 11 octobre 2010

«La Banque au service de l’économie …» térêts) mais se préoccupe de la réussite et de


suite de la page 1 la survie durable de l’entreprise en tenant
compte équitablement des diverses revendi-

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et d’autre part une institution sociale de créa- cations, elle se trouve dans une position re-

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tion de valeur dont les activités affectent la lativement forte pour argumenter. Seul l’ob-

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vie de beaucoup de personnes sous diverses jectif d’une optimisation absolue du profit ou

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formes (fig.1). de la valeur pour les actionnaires entre iné-

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Dans une perspective «systémique», il s’agit vitablement en conflit avec les autres points
de l’«affirmation de soi» (de la «survie») de ������������������ �������������������� de vue, y compris celui de la prise en compte
l’entreprise sur le marché, c’est-à-dire de la ��������� ����������� d’autres parties prenantes.
question de savoir comment elle peut assurer ������������������ ��������������� Certes, si l’on exige des entreprises une
durablement sa compétitivité et donc son exis- gestion «intègre», il ne faut pas que cela les
tence. A cela correspond la tâche, en termes ��������� ��������� empêche de s’imposer sur un marché concur-
de rentabilité, d’analyser et de gérer les effets ����������� ����������� rentiel; il faut leur laisser une chance de suc-
de stratégies commerciales et de méthode de ����������������� ������������������ cès. Et c’est ici qu’intervient le facteur insti-
gestion alternatives en vue d’assurer la réussite �������������������� ������������������� tutionnel d’une économie de marché civilisée.
sur le marché. Bref, il s’agit ici des conditions Il revient au pouvoir politique, et à lui seul,
fonctionnelles du succès. (Quelles stratégies et de permettre cette économie à la fois intègre
méthodes sont efficaces?) et connaissant la réussite. Il s’agit d’intégrer
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Dans une perspective «vitale», il s’agit dans la réglementation du marché les normes
en revanche de savoir dans quelle mesure la d’une économie humaine, sociale et écologi-
Fig. 2: Types d’entreprises par rapport à l’intégration de l’éthique dans le modèle économique
création de valeur par l’entreprise est au ser- que: L’«arbitre qu’est le marché» ne doit plus
vice de la vie, c’est-à-dire de savoir quelles A une extrémité, on trouve une optimisa- chaque entreprise est obligée d’optimiser ses – il le fait encore trop souvent – montrer le
valeurs de vie l’entreprise désire créer au vu tion sans scrupules du profit (qui est en gé- profits afin de ne pas être éliminée du mar- carton rouge aux entreprises responsables et
des divers conflits de valeurs et d’intérêts, et néral justifiée idéologiquement par la méta- ché. Pour eux, il n’y a qu’une alternative: l’op- accorder des avantages compétitifs aux con-
pour qui, et quels principes normatifs elle doit physique du marché) et à l’autre extrémité timisation des profits ou le rouge, la réussite currents sans scrupules qui usent de moyens
prendre en compte afin d’assumer la respon- une conception idéaliste, située au-delà de économique ou l’éthique. déloyaux. Ce doit être le contraire. Aussi les
sabilité de l’ensemble des effets secondaires toute quête du profit. Les modèles les plus En réalité, entre l’éthique et la logique éco- coûts sociaux et écologiques doivent-ils être
de la recherche du succès de l’entreprise sur intéressants sont les modèles intégratifs si- nomique, il n’existe ni opposition nécessaire intégrés systématiquement dans les calculs,
toutes les personnes concernées. Il en résulte tués au centre. Actuellement, on observe ici ni harmonie automatique. On se trouve plutôt conformément au principe pollueur-payeur,
la mission éthique de réfléchir et de trouver la tendance prometteuse à faire évoluer des face à une tâche d’harmonisation qui se situe au moyen de taxes incitatives et d’autres me-
une justification au sens et à la légitimité de formes d’entreprise responsables relevant au cœur de notre conception d’un bon gou- sures.
la politique de l’entreprise. (Sur quelles va- de la conception «ancienne» qui repose sur vernement d’entreprise. En effet, ce n’est pas Mais ne soyons pas naïfs: la réglemen-
leurs et normes la philosophie de la réussite la métaphysique harmoniste du marché vers la concurrence en soi mais l’optimisation du tation de la concurrence ne sera pas plus
de l’entreprise doit-elle se fonder?) une nouvelle conception de l’entreprise res- profit ou du rendement qui «contraint» l’en- humaine, sociale et écologique que ne le
Du caractère double de l’entreprise en tant pectant des principes auxquels est soumise treprise à agir sans scrupules. Plus une en- voudront les responsables de la politique éco-
que sous-système de l’économie de marché la recherche du profit. Cela dit, la frontière treprise place au centre de ses efforts la re- nomique. Aussi l’«économie privée» a-t-elle
et d’institution sociale résulte un problème avec les entreprises sociales devient de plus cherche du profit ou du rendement, plus les une part de responsabilité incontestable en ce
d’orientation normative déterminant: A quoi, en plus floue. supposées «contraintes» se multiplient autour qui concerne les conditions cadres fixant les
concrètement, les dirigeants d’entreprise L’idée d’entreprises obéissant à des prin- d’elle. A la limite, l’optimisation du profit ap- limites de la liberté des entreprises. Qu’on ne
doivent-ils obéir entre la nécessité de s’impo- cipes et limitant leur quête du profit n’est pas paraît alors presque totale et abolit pour ainsi vienne pas dire que c’est impossible. Dans
ser sur le marché et les nombreuses exigences particulièrement idéaliste ou naïve. Quand dire toute possibilité de prendre en compte notre pays, l’économie privée (qui n’a quasi-
sociales (en matière de valeurs)? Autrement une personne ou une entreprise a des prin- des points de vue non économiques. L’ouver- ment plus rien de privé à part les conditions
dit: Comment concilier l’éthique et la logique cipes, elle ne cherche pas à optimiser indéfi- ture de l’entreprise à la prise en considération de la propriété) est très bien organisée en as-
économique de manière que les dirigeants niment ses profits ou ses rendements. A part de points de vue humains, sociaux et écolo- sociations et en lobbys politiques, mais elle
puissent à la fois faire que leur entreprise la mafia, personne ne jette tous ses principes giques commence donc, comme la relance considère encore beaucoup trop souvent la
s’impose sur le marché et reste intègre? moraux par-dessus bord, n’est-ce pas? (Seule économique, dans les esprits. politique comme la continuation des affaires
La solution du problème réside dans la la mafia n’hésite pas, «en cas de besoin», à Il est bien évident qu’une entreprise doit par d’autres moyens au lieu d’assumer ses
notion d’intégrité. Etre intègre signifie tout tuer quand cela lui permet de réussir plus ra- s’imposer sur le marché et faire des profits. responsabilités à l’égard de l’intérêt général.
d’abord littéralement: rester cohérent, en pidement dans ses entreprises.) Et les investisseurs ont naturellement le droit D’après mon expérience, c’est ici que l’on
tant que personne responsable, ne pas deve- Bien que les choses soient claires, il de voir leur capital rémunéré de manière ap- trouve le test décisif d’une véritable éthique
nir schizophrène. Ce n’est pas seulement va- semble difficile de faire valoir cette pratique propriée, mais pas celui d’exiger l’optimisa- d’entreprise: Les sociétés qui se comportent
lable au niveau personnel, mais également civilisée dans la vie commerciale de tous les tion de la valeur pour les actionnaires, en tout de manière intègre et constructive vis-à-vis
au niveau de la conception fondamentale du jours. Une entreprise qui gère ses affaires cas pas dans un capitalisme modéré. Il s’agit de l’extérieur dans les questions de régulation
«bon» gouvernement d’entreprise. L’idée di- selon des principes d’intégrité et de res- plutôt de tenir compte de manière équilibrée politique sont les seules dont on peut attendre
rectrice est celle d’une entreprise fondamen- pect de l’intérêt général ne risque-t-elle pas de ce à quoi peuvent prétendre toutes les par- des pratiques responsables dans leur organi-
talement axée sur l’éthique, en bref, celle de d’être déficitaire et de disparaître du mar- ties prenantes dans la mesure où ces préten- sation interne.
l’intégrité commerciale. Qu’est-ce que cela ché? La réponse à cette question a elle aussi tions sont légitimes. Il en résulte une idée Finalement, le bon gouvernement d’en-
signifie concrètement? Il s’agit essentielle- deux aspects: un aspect mental et un aspect aussi simple que légitime qui doit guider le treprise n’est pas divisible. Et ce n’est que
ment de deux choses. Premièrement de cesser institutionnel. gouvernement d’entreprise: est légitime une lorsqu’il est pratiqué de manière intègre que
de considérer les points de vue humains, so- recherche de profit modérée, limitée par des l’entreprise acquiert la réputation qu’elle mé-
ciaux et environnementaux comme l’extrême Qu’est-ce qu’une principes éthiques, donc équitable et qui peut rite auprès des clients et des citoyens. En tout
limite du succès de l’entreprise et de les inté- recherche légitime du profit? être justifiée aux yeux de toutes les parties cas, cette pratique intègre serait beaucoup
grer en tant que fondement d’un modèle com- Tout d’abord, ce qui s’oppose au concept de prenantes. plus crédible et durable que les campagnes
mercial au service de la société. Deuxième- gouvernement d’entreprise obéissant à des C’est tout à fait réalisable. Par bonheur, de communication visant à gagner la confian-
ment, pour une intégrité convaincante, il ne principes éthiques est un obstacle de pen- dans la vie économique, les conflits ne sont ce des clients et du public.
s’agit pas uniquement du «quoi» mais égale- sée plutôt qu’un obstacle objectif. En exagé- jamais absolus mais partiels entre les diffé-
ment du «comment» de la recherche du suc- rant un peu, disons que trop de responsables rentes parties prenantes et les revendications Modèles d’intégration
cès commercial. Pour s’assurer que l’on pro- économiques (et malheureusement aussi trop des actionnaires. Autrement dit, normale- de l’éthique dans les banques
cède de manière équitable, on a besoin d’une d’économistes universitaires) n’ont pas encore ment, on peut toujours réaliser une certaine Appliquons maintenant brièvement aux
gestion exhaustive de l’intégrité à tous les compris la différence existant entre l’optimi- harmonisation. Car pour répondre à la plupart banques notre conception du bon gouverne-
échelons et dans tous les processus de l’en- sation du profit et sa recherche légitime. A des revendications, la condition nécessaire est ment d’entreprise. Le caractère explosif des
treprise. Comme les grandes entreprises sont la moindre idée de limiter les profits au nom que l’entreprise s’impose sur le marché. Si la beaux principes se révèle toujours dès que
des organisations complexes en matière de di- de principes éthiques, ils réagissent automa- direction de l’entreprise ne défend pas uni- l’on entre dans le concret. Commençons par
vision du travail, il faut organiser de haut en tiquement en avançant la pseudo-objection latéralement les intérêts particuliers de telle esquisser les variantes possibles d’intégration
bas les responsabilités en fonction d’une cul- selon laquelle étant donné la concurrence, ou telle partie prenante (voire ses propres in- de l’éthique dans la banque avant d’évoquer la
ture de responsabilité et d’intégrité vécues. Et question d’une réglementation moderne des
au centre de cette culture figurent des «busi- marchés financiers au service de l’économie
ness principles» visant aussi bien l’intérieur ����������������� et de la société.
de l’entreprise que l’extérieur. Ils précisent, ������������������������������������������� Tout d’abord, en ce qui concerne les mo-
pour tous les collaborateurs, et de manière dèles financiers et économiques, nous pou-
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contraignante, les moyens et méthodes que vons appliquer aux modèles de banques exis-
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l’entreprise ne doit pas employer. tants l’éventail des types d’entreprises que
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Mais attardons-nous encore quelques ins- nous avons esquissé ci-dessus. (fig. 3)
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tants sur le premier point, celui du modèle Nous laissons à nos lecteurs le soin de dire
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commercial éthiquement solide. Au centre de où placer l’«ancienne» UBS (celle d’avant


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toute véritable entreprise, il existe depuis tou- la crise) parmi nos exemples de banques.
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jours l’idée légitime et pratique d’une créa- Aujourd’hui, la plupart des banques suisses
tion de valeur raisonnable (mission statement doivent être rangées parmi les établissements
convaincant). Si le produit ou le service que ���������� ���������� sérieux mais assez traditionnels. Cela veut
l’entreprise veut vendre ou assurer avec suc- �������� ���������� dire qu’elles sont soucieuses de respecter les
cès en gagnant de l’argent est conçu comme ���������������������������� �������������������������� lois de tous les pays où elles font des affaires
favorable à la vie et à la société, l’entreprise et de se plier volontairement à des principes
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obtient un succès mérité, légitime. En d’autres ����������� �����������
commerciaux déclarés officiellement ou à un
termes, l’intégration éthique de la recherche ����������������� ������������������ code de bonne conduite, du moins dans la
du profit constitue le fondement d’un modèle �������������������� ������������������� mesure où cela assure l’acceptation sociale et
commercial légitime. Cela peut se réaliser à est favorable à l’optimisation du profit straté-
des degrés divers. Sous cet aspect, on peut ������������ gique. L’année dernière, la «new UBS» (c’est
distinguer tout un éventail de types d’entre-
prises (fig. 2). Fig. 3: Modèles bancaires Suite page 4
No 39, 11 octobre 2010 Horizons et débats page 3

«Ce serait un bienfait pour les deux peuples de la Palestine de


respecter les dispositions du droit international humanitaire»
par Erika Vögeli
La Suisse est l’Etat dépositaire des Conven- Font partie des dispositions de la IV e Con- la population en vivres et en produits médi-
tions de Genève. Elle doit donc accomplir vention celles concernant les devoirs d’une caux» (art. 55). L’article 59 stipule que «lors- Avis consultatif de la
les missions qui leurs sont liées. Mais en puissance d’occupation. Ainsi, l’article 33 in- que la population d’un territoire occupé ou Cour internationale de Justice
tant que pays où ces Conventions sont nées terdit les peines collectives et l’article 49 dé- une partie de celle-ci est insuffisamment ap- Après une analyse approfondie, une des-
et en fonction de sa tradition humanitaire, fend de «retenir les personnes protégées dans provisionnée, la Puissance occupante accep- cription minutieuse des travaux planifiés et
la Suisse a la responsabilité morale particu- une région particulièrement exposée aux dan- tera les actions de secours faites en faveur de déjà effectués, une présentation détaillée
lière de veiller au respect des dispositions du gers de la guerre». L’article 53 dispose qu’«il cette population et les facilitera dans toute la de la législation applicable (en grande par-
droit international humanitaire. En outre, in- est interdit à la Puissance occupante de dé- mesure de ses moyens.» Le droit de quitter tie les conventions internationales qui ont
dépendamment de cela, en vertu du l’article truire des biens mobiliers ou immobiliers, le pays vaut également pour les habitants des également été signées et ratifiées par Is-
premier des quatre Conventions et du Proto- appartenant individuellement ou collective- territoires occupés (art. 48). raël et qui font notamment partie du droit
international humanitaire et des droits de
cole additionnel I, elle a un devoir juridique: ment à des personnes privées, à l’Etat ou à Or le chef du Département de la Défense, l’homme) la Cour conclut que les colonies
«Les Hautes Parties contractantes s’engagent des collectivités publiques, à des organisa- de la protection de la population et des sports de peuplement installées par Israël dans le
à respecter la présente Convention en toutes tions sociales ou à des coopératives …». Elle territoire palestinien occupé (y compris Jé-
circonstances.» a le devoir «d’assurer l’approvisionnement de Suite page 4 rusalem-Est) l’ont été en méconnaissance du
droit international (notamment du 6e alinéa
de l’article 49 de la IV e Convention de Ge-
nève), que la construction du mur et le ré-
gime qui lui est associé créent sur le terrain
un «fait accompli» qui pourrait fort bien
devenir permanent, auquel cas la construc-
tion équivaudrait à une annexion de facto
et que les mesures illégales prises par Is-
raël en ce qui concerne Jérusalem et les co-
lonies de peuplement ont été condamnées
par le Conseil de sécurité (Résolutions 298
du 25 septembre 1971, 478 du 20 août 1980,
446 du 22 mars 1979 confirmées par les Ré-
solutions 452 du 20 juillet 1979 et 465 du
1er mars 1980).
Au total, la construction du Mur et le ré-
gime qui lui est associé:
• entravent la liberté de circulation des ha-
bitants du territoire palestinien occupé
telle que garantie par le paragraphe 1
de l’article 12 du Pacte international rela-
tif aux droits civils et politiques du 19 dé-
cembre 1966.
• entravent également l’exercice par les in-
téressés des droits au travail, à la santé, à
l’éducation et à un niveau de vie suffisant
tels que proclamés par le Pacte internatio-
nal relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels et la Convention des Nations
unies relative aux droits de l’enfant.
• en contribuant aux changements démo-
graphiques, sont contraires au 6 e alinéa
de l’article 49 de la IV e Convention de Ge-
nève et aux Résolutions du Conseil de sé-
curité rapportées ci-dessus.
La Cour internationale de Justice conclut que,
vu le tracé choisi pour le Mur, Israël ne saurait
se prévaloir du droit de légitime défense ou
de l’état de nécessité consacré par l’article 51
de la Charte des Nations Unies car celui-ci est
sans pertinence au cas particulier.
Source: Résumé de l’Avis de la CIJ du 9/7/04
www.icj-cij.org/cijwww/cdocket/cmwp/cm-
La Suisse, Etat dépositaire des Conventions de Genève, a une responsabilité particulière pour faire respecter le droit international humanitaire. wpframe.htm
(photo thk)

Appel au Conseil fédéral


Non à la visite du Conseiller fédéral Ueli Maurer au ministre de la Défense israélien
La Suisse doit s’engager de manière crédible pour la poursuite pénale des crimes de guerre et pour l’application du droit international
La visite du chef du Département de la commis avant, durant et après l’agression Nous, organisations de la société civi- Centrale Sanitaire Suisse Romande CSS-R,
Défense Ueli Maurer à son homologue is- militaire de Gaza de 2008/2009 et docu- le suisse, demandons au Conseil fédéral Centre Europe-Tiers Monde CETIM, cfd –
raélien, prévue du 8 au 10 octobre 2010, mentés dans le Rapport Goldstone atten- d’annuler cette visite. Nous demandons L’ONG féministe pour la paix, Collectif Ur-
contredit gravement l’engagement de la dent toujours, à part quelques cas d’im- que la Suisse: gence Palestine CUP-Genève, CUP-Neu-
Suisse pour une paix juste et durable au portance marginale, d’être poursuivis par • arrête la collaboration militaire avec châtel, CUP-Vaud, Droit au Retour DAR,
Proche-Orient, fondée sur le droit inter- la justice pénale. Israël et avec tous les pays du Proche- Droit pour Tous – DPT, Femmes en Noir
national. La Suisse, Etat dépositaire des Conven- Orient Genève, Femmes pour la paix Bienne,
Malgré la reprise des négociations, les tions de Genève, a une responsabilité • s'engage davantage pour faire respec- Femmes pour la paix Suisse, Forum pour
droits humains sont violés quotidienne- particulière pour faire respecter le droit ter les droits humains et pour l'applica- les droits humains en Israël/Palestine,
ment dans les territoires occupés palesti- international humanitaire. Donnant suite tion du droit international par toutes Génération Palestine Genève, Gerechtig-
niens: attaques de l’armée contre des ci- au rapport Goldstone, l’assemblée géné- les parties au conflit keit und Frieden in Palästina GFP, Groupe
vils manifestant contre le mur, poursuite rale de l’ONU a recommandé à la Suisse • utilise tous les moyens à disposition pour une Suisse sans Armée GSsA, Inter-
de la colonisation en Cisjordanie, tout de réaliser une conférence des États par- pour obtenir la levée immédiate du national Institute for Peace Justice and
comme les confiscations de terres, la dé- ties à la IV e Convention de Genève. La blocus de la Bande de Gaza et l’applica- Human-Rights – IIPJHR, Junge Alterna-
molition de maisons ainsi que les très gra- Suisse a été chargée de contribuer à trou- tion des recommandations du rapport tive JA!, Kampagne Olivenöl, Les Verts
ves entraves à la liberté de mouvement, ver les moyens pour imposer la protection de la Commission Goldstone suisses, Ligue des Musulmans de Suisse,
y compris à Jérusalem. Les droits hu- de la population civile dans les territoires • donne suite à la demande de l’Assem- medico international schweiz / CSS Zurich,
mains les plus élémentaires d’un million occupés.1 blée Générale de l’ONU (Res. 64/10 du Mouvement suisse pour la paix, Neue PdA
et demi de Palestiniens continuent d’être La visite du chef du département de 5/10/09) demandant la convocation Basel, Palästina-Solidarität Region Basel,
violés dans la Bande de Gaza, soumise la défense suisse à son homologue is- d’une conférence des Etats signataires PS Suisse, Religiössozialistische Vereini-
à un blocus inhumain et illégal. Les ma- raélien constituerait un soutien unilaté- sur les mesures à prendre pour faire gung der Deutschschweiz, Société pour
nifestants internationaux qui cherchent ral à l’occupation militaire israélienne et appliquer la IV e Convention de Genève les peuples menacés Suisse, solidarité sans
à briser le blocus sont brutalement re- une caution à l’impunité dont jouissent pour la protection de la population ci- frontières, solidaritéS Genève, Vaud et
poussés. L’Etat d’Israël poursuit aussi sa les responsables de l’armée israélienne. vile dans les territoires occupés palesti- Neuchâtel, Voix juive pour une paix juste
politique discriminatoire à l’égard de sa De ce fait, elle serait totalement contrai- niens. en Israël et Palestine JVJP, Union Suisse
minorité arabe, nie les droits des réfu- re aux actions diplomatiques nécessaires des Femmes pour Paix et le Progrès, Wo-
giés palestiniens et refuse de souscrire de toute urgence pour faire respecter les Soutenu par les organisations suivantes: men’s International League for Peace and
aux Conventions internationales sur les droits humains et protéger les popula- Association Suisse-Palestine ASP, BADIL Freedom (WILPF) section Suisse.
armes atomiques et les bombes à sous- tions impliquées. Elle décrédibilisera to- resource center for palestinian residen- Source: www.gssa.ch/spip/IMG/pdf/appel_
munitions. talement l’engagement pris par la Suisse cy and refugee rights (Genève), Berner Maurer_stay_home_def.pdf
Les crimes de guerre et autres violations pour que le droit international soit res- Mahnwache für einen gerechten Frieden
graves du droit international humanitaire pecté et la population civile protégée. in Palästina/Israel, Campagne BDS Suisse, 1
http://unispal.un.org/unispal.nsf/
page 4 Horizons et débats No 39, 11 octobre 2010

«Ce serait un bienfait pour les …» le foyer d’une grande guerre. Sous quels aus- les deux peuples de la Palestine de se sou- et se fasse expliquer le contenu du livre de
suite de la page 3 pices se présentent les entretiens devant per- venir des dispositions dudit droit et de cher- Francis Boyle «Das Verbrechen der atoma-
mettre à notre ministre de la Défense «d’éta- cher à résoudre le conflit en terrain neutre par ren Abschreckung. Wird der Krieg der USA
visite actuellement, sans doute avec l’approba- blir de meilleurs liens avec son homologue, les moyens du droit et non par la force. La gegen den Terror zum Atomkrieg?». •
tion de l’ensemble du Conseil fédéral, un pays avec qui il évoquera la coopération militaire Suisse serait mieux à même que beaucoup
qui non seulement ne respecte pas de nom- en cours, en particulier les questions d’arme- d’autres pays d’offrir ce terrain neutre. Ce
breuses Résolutions de l’ONU mais viole de ment, la situation sécuritaire internationale, devrait être un devoir tout naturel d’un pays
manière flagrante les dispositions du droit in- ainsi que le rôle des services de protection ci- épargné par les guerres du XXe siècle – et qui
ternational humanitaire que nous venons de vile» (swissinfo du 9/10/10). Au vu de ces su- a joui comme peu d’autres Etats des bienfaits
citer. Le Rapport Goldstone sur la guerre de jets, la déclaration du porte-parole du DDPS du droit – de renforcer la confiance de tous
Gaza du 15/9/09 était très clair à ce sujet, tout faite à l’ATS n’est pas de nature à rassu- les pays du monde dans cette possibilité et
comme l’avis consultatif de la Cour interna- rer. Selon Sebastian Hueber, le voyage a été d’agir en conséquence.
tionale de Justice sur la construction du Mur. maintenu parce que les conclusions du rap- Si des préparatifs de guerre contre l’Iran
Alors pourquoi ce voyage? Et justement port de la Commission d’enquête de l’ONU avaient lieu actuellement, nous rappelons la
maintenant où la énième tentative de relan- inspirent des inquiétudes et que, par consé- Résolution que les intervenants au Congrès
cer le processus de paix est condamnée, sous quent, il «fallait saisir l’occasion d’insister «Mut zur Ethik» ont rédigée en septembre
les yeux de l’opinion mondiale, par la re- sur l’importance du droit international, en de l’année dernière. Dans un tel cas, ce se-
prise illégale des constructions dans les co- particulier sur celle des Conventions de Ge- rait mal venu et mauvais pour l’image de la
lonies, Israël prouve une fois de plus qu’il se nève» (swissinfo du 9/10/10). Suisse que Maurer place sa visite sous la de-
moque du droit international et des droits de Au lieu de jeter le discrédit sur la crédi- vise «De tels entretiens doivent être possibles «La criminalité de la dissuasion nucléaire.
l’homme. A un moment où l’option d’une at- bilité de la Suisse en tant que gardienne du en tout temps avec des pays amis». La guerre des USA contre le terrorisme
taque nucléaire de l’Iran n’est pas écartée et droit international humanitaire et pays neutre Il serait plus judicieux qu’il s’enferme trois va-t-elle se transformer en guerre atomique?»
que tout le Moyen-Orient risque de devenir digne de confiance, ce serait un bienfait pour jours avec quelques-uns de ses collaborateurs ISBN 978-909234-07-3 (Editions Zeit-Fragen)

Cyber-attaque contre l’Iran Pro Memoria 2009:


par Eberhard Hamer (www.mittelstandsinstitut-niedersachsen.de) Appel du congrès «Mut zur Ethik»
En juillet dernier, des experts biélorusses ont fausses données tout en prenant le contrôle «Souveraineté populaire ou impérialisme –
découvert, en réparant un ordinateur, un virus du système. Qu’est-ce qu’une authentique démocratie?»
inquiétant, inconnu jusqu’ici, qui réunit tou- Siemens se demande qui a pris la peine et a
tes les caractéristiques des virus, vers et che- été capable de créer un supervirus aussi com- Nous sommes très inquiets face à une éven- Nous exigeons qu’ils déclarent sans équi-
vaux de Troie connus et l’ont baptisé Stuxnet. plexe, et dans quel but. Les agresseurs doi- tuelle attaque militaire imminente contre voque qu’ils n’apporteront aucun soutien,
l’Iran qui pourrait prendre les dimensions ni logistique, ni financier, ni militaire en cas
Ce nouveau virus profite d’une faille de sécu- vent non seulement être hautement qualifiés
d’une guerre globale. d’attaque.
rité officiellement inconnue du système d’ex- en informatique mais connaître parfaitement
Nous sommes très préoccupés par les faits Nos gouvernements devraient décla-
ploitation de Microsoft et n’a pas encore été les logiciels de Siemens et les installations de
suivants: rer d’ores et déjà qu’une attaque nucléaire
complètement analysé. commande visées. A vrai dire, seule une or- contre l’Iran ne peut constituer un cas de dé-
• Il y a quelques jours, M. Simon Peres nous
Il est dirigé contre les logiciels Microsoft ganisation étatique peut posséder une telle fense collective selon l’article 5 du Traité de
a mis en garde contre une guerre nuclé-
des installations industrielles et là, uniquement concentration de savoir, de personnel quali- aire; l’Atlantique Nord et que, par conséquent,
contre les systèmes de commande de Siemens. fié et d’argent. S’agit-il de la CIA ou du Mos- • Israël vient de déplacer des sous-marins, l’Europe ne pourra pas être impliquée dans
D’après des indications fournies par Siemens, sad? En tout cas, Stuxnet représente un nou- qui peuvent être munis d’armes nuclé- une telle guerre.
15 usines ont été affectées jusqu’ici. On craint veau moyen de première frappe numérique aires, au large de la côte iranienne; En cas d’attaque, d’attentat ou de quel-
que les systèmes de commande des installa- dans une guerre virtuelle. Le fabricant de lo- • Les Etats-Unis ont concentré eux aussi des que autre prétexte, nous attendons de nos
tions nucléaires civiles iraniennes ne soient giciels Symantec indique que 60% des ordi- forces navales au large de la côte irani- gouvernements qu’ils tirent les leçons des
visés par ce virus car ce n’est pas seulement un nateurs menacés se trouvent en Iran. Les Ser- enne; événements récents qui montrent que déjà
logiciel espion; il est capable d’intervenir dans vices secrets ou les militaires veulent-ils faire • Depuis l’échec de la «Révolution verte» les guerres des Balkans et d’Irak ont com-
les processus des installations. Ainsi, la puis- sauter les installations nucléaires iraniennes suite aux élections iraniennes, la presse mencé par des mensonges qui n’ont été dé-
sance qui a lancé le virus – CIA ou Mossad? – sans recourir aux armes? Israël ou les Etats- internationale ne cesse de hausser le ton. masqués qu’ultérieurement.
pourrait intervenir de manière ciblée dans des Unis ont-ils l’intention d’attaquer l’Iran avec • A l’instar du président Obama, deux chefs Nous attendons de nos gouvernements
usines nucléaires ou chimiques, par exemple le virus Stuxnet plutôt qu’avec des missiles de gouvernement européens (Angela Mer- qu’ils se comportent, face à cette menace de
pour paralyser le processus de refroidissement et des bombes et de paralyser ainsi de maniè- kel et Nicolas Sarkozy) ont lancé un ulti- guerre imminente, avec sagesse et circons-
alors que tous les systèmes de surveillance des re invisible mais ciblée l’énergie chimique et matum à l’Iran. pection, qu’ils exigent le respect du droit in-
centrales indiqueraient que tout est normal et nucléaire iranienne? ternational et des principes humanitaires,
• Le Premier ministre israélien Netanyahou
que, par conséquent, personne ne remarquerait En tout cas, Stuxnet donne à ses créateurs qu’ils respectent les constitutions nationa-
a rendu visite de manière précipitée aux
rien jusqu’à l’explosion. la possibilité d’une première frappe informa- les, qu’ils protègent leurs populations, qu’ils
gouvernements des Etats soutenant son
Le porte-parole de Siemens Simon qualifie tique et rend possible, voire probable, une considèrent leur responsabilité à l’égard
pays et leur a vraisemblablement apporté
des citoyens souverains et qu’ils considèrent
Stuxnet de «cheval de Troie le plus intelligent cyber-attaque de l’Iran, dimension tout à fait des informations de poids.
qu’ils pourraient, à l’avenir, devoir répondre
jamais imaginé.» On peut très facilement l’in- nouvelle d’une guerre totalement inédite.
Nous attendons de nos gouvernements qu’ils de leurs actes devant un tribunal.
troduire dans un ordinateur en y branchant, Le 28 septembre dernier, Téhéran a décla- empêchent toute guerre d’agression violant Feldkirch, 6 septembre 2009
par exemple, une clé USB ou un portable. Il ré que 30 de ses usines chimiques ont déjà été le droit international, notamment une at- Premiers signataires: Fritz Edlinger, Eberhard
s’installe et travaille longtemps sans être re- paralysées par une cyber-attaque. La guerre taque nucléaire, et ceci par tous les moyens Hamer, Eike Hamer, Hans-Werner Gabriel,
connu parce qu’il développe autour de lui son cybernétique a donc déjà commencé. • dont ils disposent. Edmund Lengfelder, Jürgen Rose, Walter Suter.
propre logiciel de protection et transmet de (Traduction Horizons et débats)

«La Banque au service de l’économie …» radicaux qu’avant la crise! Cette course aux blic destiné à approvisionner l’économie ré- instance de surveillance et que l’on peut ré-
suite de la page 2 profits presque illimités est étrangement éloi- elle et la société en argent, en crédits et en voquer en cas de non exécution. C’est un tel
gnée de la belle volonté affichée de mener services financiers utiles à l’économie. A mandat qui a été à l’origine de la création, au
ainsi que la Banque se dénomme dans la pré- une gestion intègre et responsable. Cela sus- l’instar des infrastructures relatives à l’ap- XIXe siècle, des banques cantonales.
face dudit Code) a édicté un Code of Busi- cite l’étonnement aussi bien du profane doué provisionnement énergétique, aux communi- Ainsi, cette solution pas tellement révo-
ness Conduct and Ethics que tous les colla- de bon sens que du spécialiste d’éthique éco- cations et aux transports, la finance doit avant lutionnaire pourrait freiner la tendance ac-
borateurs, y compris les dirigeants, doivent nomique. tout approvisionner l’économie en argent et crue des banques à s’éloigner de plus en plus
respecter absolument. C’est bien, mais du en crédits (transactions financières, liquidi- de leur fonction économique dans la socié-
point de vue de l’intégration de l’éthique Un marché financier tés, etc.). Elles représentent pour ainsi dire le té pour sacrifier à des intérêts financiers in-
dans l’entreprise, cela reste ambigu si l’on ne au service de l’économie et de la société système sanguin d’une économie de marché dépendants. Cela serait préférable au fait de
fait pas reposer de manière plus systématique Peut-être que la proposition de fonder éthi- fondée sur une division complexe du travail. combattre des symptômes problématiques.
qu’auparavant les modèles économiques con- quement les modèles économiques de la Et leur bon fonctionnement a une telle im- Prochainement, la tâche la plus noble et la
crets (c’est-à-dire la manière dont on veut gé- banque a eu peu de succès à cause de la con- portance pour la population qu’il faut confier plus importante des banques et des associa-
nérer du profit pour les clients et gagner de sidérable pression des marchés financiers glo- à l’Etat (pour les économies nationales), ou à tions de banquiers aux niveaux cantonal et na-
l’argent) sur des bases socialement respon- baux en faveur de hauts rendements. Comme une autorité financière supranationale encore tional pourrait consister à s’ouvrir à ces nou-
sables, et cela aussi bien dans l’investment je l’ai dit, une gestion éthique et responsable à créer (pour l’économie mondiale) la respon- velles idées et à instaurer un débat public sur
banking que dans le private banking. Et dans a besoin d’une régulation qui vienne la soute- sabilité d’un fonctionnement qui soit au ser- une nouvelle réglementation du rapport entre
les établissements bancaires dirigés de ma- nir. Dans cette perspective, le peaufinage de vice de l’intérêt général. (Mastronardi / von la finance et l’économie réelle. Ainsi, de leur
nière traditionnelle, on ne remarque guère de la régulation des banques et des marchés fi- Cranach, 2010, pp. 136 sqq.)2 propre initiative, elles ouvriraient la voie à
régulation responsable systématique au ser- nanciers dont on débat actuellement, et qui Cette conception des marchés financiers ne une société véritablement citoyenne et à une
vice de l’économie et de la société. est en partie réalisé, ne suffit sans doute guère revient pas à nationaliser les banques «d’im- économie de marché civilisée. En outre, ce
Examinons maintenant le cas d’une en- quand, par ailleurs, on revient aux anciennes portance systémique» mais offre au contraire serait la preuve la plus convaincante que les
treprise étrangère concurrente, la Deutsche pratiques. La véritable leçon de régulation une solution différenciée qui se situe au-delà établissements bancaires sont conscients de
Bank. On trouve maintenant chez elle d’une éthique à tirer de la crise financière concerne de la banale alternative entre secteur financier leurs responsabilités envers la société. •
part l’aveu réjouissant suivant: «L’objectif de la nécessité de repenser le rôle économique privé ou secteur financier étatique (ou sou- Version abrégée d’un exposé tenu lors de l’assemblée
toutes (!) nos activités en tant qu’entreprise et social des banques. Il s’agit essentiellement tenu par l’Etat dans le cas des «bad banks» annuelle de la Vereinigung Solothurnischer Bank-
citoyenne responsable consiste à créer du ca- de la question de savoir si le système bancaire en période de crise). Dans le cadre de l’obli- institute, le 30 septembre 2010 à Dornach
pital social.» D’autre part, le président du di- est un secteur de l’économie privée comme gation de l’Etat d’assurer le bon fonctionne- (Traduction Horizons et débats)
rectoire de cet établissement, un banquier tous les autres ou s’il devrait être réorgani- ment des infrastructures des services publics,
suisse connu, a, peu après le paroxysme de la sé tout à fait différemment et de manière plus qu’il faudra inscrire dans la Constitution, il
1
Ulrich, P. (2010): Zivilisierte Marktwirtschaft.
Eine wirtschaftsethische Orientierung. Aktuali-
crise, au printemps 2009, confirmé publique- différenciée. est tout à fait possible de déléguer certaines sierte und erweiterte Neuausgabe, Berne.
ment l’ancien objectif de rendement de 25%. Certains arguments parlent en faveur de missions d’approvisionnement à des acteurs 2
Mastronardi, Ph./von Cranach, M. [Edit.] (2010):
Au vu des taux de capital propre plus élevés la seconde hypothèse. En effet, le secteur fi- de l’économie privée, sous forme de mandats Lernen aus der Krise. Auf dem Weg zu einer Ver-
que «Bâle III» a jugés nécessaires, cela re- nancier doit essentiellement être considéré confiés à des banques d’affaires, mandats lé- fassung des Kapitalismus. Ein Dossier von kontra-
présente des objectifs de profits encore plus comme une infrastructure ou un service pu- gitimés démocratiquement, contrôlés par une punkt, Berne.
No 39, 11 octobre 2010 Horizons et débats page 5

Renforcer la dignité des citoyens et des pays


Annotations concernant la décision sur les protocoles de mise en œuvre de la Convention alpine
et concernant la rétrogradation du loup dans la catégorie des espèces de faune protégées
hd. Les 29 et 30 septembre le Conseil national les Suisses, soulagés, ont refusé les chants des der le loup dans la catégorie des espèces de des pays concernés pour faire décider les
a voté sur les protocoles de mise en œuvre de Sirènes de l’UE qui disaient qu’on pouvait faune protégées par voie de traités – et si cela populations par les moyens de la démocratie
la Convention alpine et exigé du Conseil fédé- enfin dépeupler les vallées alpines grâce aux n’était pas faisable – par suspension et par directe sur les questions qui se posent dans
ral de mentionner les réserves concernant le loups et en faire autre chose. «ratification renouvelée avec réserve» – de la région alpine. Celui qui veut gouverner
loup et de rétrograder le statut de sauvegarde. Par les deux sujets de débats du conseil la Convention de Berne afin de régler le pro- au-dessus des têtes des citoyens sera un
Les protocoles de mise en œuvre auraient sou- national, la souveraineté de la Suisse a été blème. Le fait que cet ordre donné au Conseil jour mis sur la place publique en tant que
mis 60% de notre pays à un tribunal d’arbi- renforcée davantage par un travail de détail fédéral fasse pleurer et se lamenter un jour- gouvernement sans peuple, la Chancelière
trage international. On a définitivement élimi- minutieux. Les citoyens des cantons monta- nal économique renommé fait encore plus ré- allemande peut en dire long. Celui qui veut
né cette possibilité par un vote de 102 voix de gnards retrouvent un champ d’action pour ré- fléchir que la position de la Gauche: comme gouverner contre son peuple en fait son
«Oui» contre 76 voix de «Non» et avec 9 voix gler leurs propres affaires dans le cadre de la si, au Valais, ce n’était pas un loup, mais une ennemi et finit un jour en tyrannie. Les deux
d’abstention. Ceux qui ont attentivement suivi démocratie directe. C’est ce point qui frappe bulle financière planifiée contre la région al- versions ne sont pas de mise dans la région
la discussion sur le loup en tenant compte des le plus à l’encontre d’une certaine gauche en pine et le château d’eau qui était abattue par alpine. La vie y est trop dure et exige une
nuances sont déjà informés depuis des années: Suisse dont les cercles gâchent leur force vi- un tir bien visé au cœur … coopération soigneuse entre citoyens et leurs
ce projet de quelques idéologues particuliers tale pour des chimères internationalistes, dé- Et la suite? L‘année prochaine, la Suisse représentants. Nous, les Suisses n’avons pas
n’a jamais été soutenu par la population, il robent subrepticement les droits de citoyens présidera la Convention alpine. La Suisse besoin qu’on octroye la sauvegarde de la
était inacceptable pour les propriétaires des à leurs compatriotes et les mettent ainsi sous sera honorée par son engagement en faveur flore et la faune par un tribunal d’arbitrage
troupeaux, la sauvegarde des troupeaux n’était tutelle. Dès lors, l’ordre donné au Conseil fé- d’un renforcement de l’idée de la souveraineté international. La conscience écologique de
pas possible et n’existait que sur le papier. Et déral est valable pour parvenir à rétrogra- des pays membres et d’un encouragement la Suisse se présente bien! •

Attachement de la Suisse à Non aux adeptes


l’indépendance et l’autodétermination de la mondialisation et aux internationalistes
par Werner Messmer, conseiller national (PLR) par Oskar Freysinger, conseiller national UDC, Valais
Le Non du Conseil natio- années, la Suisse acceptait les principes de Il y a quelques jours a eu démocratie et ses décisions auraient été sans
nal concernant la ratifica- la «protection des Alpes» et se montrait dis- lieu une des votations les appel.
tion des protocoles d’exé- posée à soutenir le développement durable plus importantes auxquel- Il est incompréhensible qu’un pays qui a
cution de la Convention des Alpes. Durable au sens de la prise en les j’ai participé depuis résisté en 1291 aux Habsbourg, de 1939 à
alpine a surpris par sa considération équilibrée des questions que je suis au Parlement 1945 au Troisième Reich et en 1992 à l’UE
netteté. Il est réjouis- écologiques et économiques. Notre pays a fédéral: Le Conseil natio- ne puisse guère empêcher une mise sous tu-
sant qu’une telle majori- déjà pratiqué une politique exemplaire dans le nal a rejeté nettement la telle totale.
té ait été convaincue par passé et a suscité un grand intérêt auprès des (photo thk) ratification des Protocoles
(photo thk) les arguments des oppo- Etats voisins (p. ex. politique de transfert). d’exécution de la Conven- Mais elle a été empêchée!
sants. Les réponses partiellement offensantes En rejetant des Protocoles d’exécution nous tion alpine alors que le Conseil des Etats les En particulier parce que quelques parlemen-
du Conseil fédéral n’y ont rien changé. avons préservé notre pays d’une nouvelle avaient inexplicablement adoptés. taires résolus n’ont reculé devant aucun ef-
Non, la Suisse n’a pas de raison d’avoir vague de recours d’organisations écologiques Ces Protocoles à caractère obligatoi- fort, se montrant très persuasifs. Ils ont pu
honte de ce Non. Au contraire, son attachement bien connues et avons donné à nos régions re auraient eu pour conséquence que no- ainsi éviter le pire.
à l’indépendance et à l’autodétermination de montagne la possibilité de continuer à se tamment dans le domaine des transports et Ainsi, la Suisse reste désormais libre de
renforce sa position. Par la ratification incon- développer économiquement selon le vœux de l’agriculture, 60% du territoire suisse déterminer dans un processus de prise de dé-
testée de la Convention alpine il y a plusieurs des populations indigènes. • auraient été mis dans un étau. Les conditions cision démocratique comment elle entend or-
auraient été si strictes que la construction de ganiser son espace alpin.
nouvelles routes et les vols d’hélicoptères Les adeptes de la mondialisation et les in-
dans les Alpes seraient devenus presque im- ternationalistes du Parlement ont été irrités
Consigne au Conseil fédéral: possibles et que l’agriculture alpine aurait eu par cette décision claire et nette. Le conseiller
réduire le statut de protection du loup de la peine à survivre. A cela s’ajoute le fait fédéral Leuenberger a même cru bon d’insul-
que le tribunal arbitral international prévu ter ses opposants. C’est une confirmation de
Interview du conseiller national Ruedi Lustenberger (CVP/LU) aurait décidé sans prendre en compte notre plus que le pire a été évité. •
Horizons et débats: Mon- Fournier. Avec mes deux interventions, je
sieur le Conseiller natio- me place plutôt derrière lui. Mais c’est un
nal, pourquoi a-t-il fallu succès politique personnel. Ce qui est surtout
revoter la Motion Four- important, c’est qu’on mette au premier plan Conserver la Convention de Berne
nier? la politique fondée sur des dossiers. On peut
Ruedi Lustenberger: La dire qu’aujourd’hui les politiques ont pris
avec clause restrictive quant au loup
motion du conseiller aux le parti des éleveurs d’ovins; ils ont estimé Interview avec le Conseiller national, Roberto Schmidt
Etats Fournier, qui a été que si le loup faisait trop de dégâts, il fallait Horizons et débats: Mon- qu’un berger obtient l’autorisation de tuer un
acceptée par le Conseil pouvoir le tuer. sieur Schmidt, Conseiller loup comme en France? Comment faisons-
(photo thk) des Etats, comportait national (PDC/VS), quel nous cette régularisation? Dans ce cas, c’est à
deux étapes: primo modifier la Convention Est-ce qu’on a ainsi obtenu que le loup ne est votre résumé de cette la Confédération de faire des propositions.
de Berne et réduire le statut de protection du soit plus «strictement protégé»? matinée? Depuis long-
loup; et secundo, si cela ne réussit pas, quit- Oui, on peut le dire. La raison a gagné face à temps déjà vous vous em- Si la Confédération fait les propositions, le
ter la Convention de Berne – ce qui était très une idéologie de gauche. • ployez pour une solution Parlement a-t-il la possibilité d’intervenir en
contesté. Cela a provoqué une confusion dans politique qui fait sens cas d’insuffisance?
la gauche. Elle a exigé que l’on vote une se- quant au loup. Oui, c’est au niveau de l’ordonnance, nous
conde fois. La Présidente du Conseil national (photo thk) Roberto Schmidt: Je pouvons encore intervenir. Mais maintenant
a agir de manière tout à fait correcte, on ne
peut rien lui reprocher.
Davantage de préven- pense que nous avons vraiment réussi. D’un nous voulons attendre de voir ce qui se passe-
côté, nous avons moins de protection pour le ra. Au Département de l’Environnement, on
Le résultat du second vote a été exactement tion, davantage de pro- loup et de l’autre côté il y aura plus d’argent n’est pas d’accord, c’était trop. Nous devons
le même que celui du premier, c’est-à-dire
que le Conseil fédéral a pour consigne de
tection des troupeaux pour la protection des troupeaux. On y arrive faire attention à ce qu’ils feront. Le signe
par l’augmentation du budget et on ne prend envoyé par le Parlement est très important.
Question posée au
demander l’introduction dans la Convention rien à l’agriculture.
conseiller national Christophe Darbellay Suite page 6
de Berne d’une réserve au sujet du loup
afin que son statut de protection puisse être Horizons et débats: Mon- Qu’est-ce que cela veut dire concrètement?
réduit. sieur Darbellay Conseil- Nous introduisons la clause restrictive quant
ler national (PDC/VS): au loup dans la Convention de Berne. Si ce Revendications
Comment peut-on y arriver?
Deux tiers des Etats membres doivent être
Comment évaluez-vous le
débat d’aujourd’hui?
n’est pas possible, la Suisse est prête à sortir
de la Convention de Berne afin d’y adhérer de
extrêmes rejetées
Question posée à la
d’accord pour que le changement de statut Christophe Darbellay: Je nouveau avec la clause restrictive.
conseillère nationale Viola Amherd
puisse avoir lieu. Mais si cela n’est pas pos- suis très satisfait. Nous
sible, le Conseil fédéral a reçu la consigne de avons été en mesure d’im- Quel est le contenu de la clause restrictive? Horizons et débats: Ma-
quitter la Convention de Berne. poser l’essentiel. Nous On changera de «strictement protégé» à dame Amherd, conseil-
(photo thk) obtiendrons une meilleu- l’heure actuelle à «protégé» ou à plus du tout lère nationale (PDC /
Quelle solution est la plus réaliste? re protection des troupeaux, nous avons de protégé. Ensuite nous voulons une régularisa- VS), vous vous êtes éga-
Je pars de l’idée que les Etats membres de meilleures mesures de prévention, et nous tion préventive en collaboration avec les can- lement engagée contre le
la Convention de Berne comprendront la si- pouvons mieux réguler et chasser les loups tons. loup. Comment résume-
tuation particulière de la Suisse et que nous s’il y a des dégâts. Nous avons accompli beau- riez-vous ce matin?
pourrons réduire le statut de protection du coup de choses ce matin, je n’y croyais pas et Qu’est-ce que cela signifie? Viola Amherd: Je suis
loup. Cela va dans le sens de la grande majo- en suis très satisfait. Nous avons pu soutenir Cela veut dire que la Confédération doit éla- (photo thk) heureuse que certaines
rité du Parlement et cela correspond à la rai- nos compagnons vraiment bien. Le conseiller borer un concept définissant comment on motions qui permettent la régulation de la
son politique. national Roberto Schmidt et le conseiller aux peut contrôler la population des loups et population des loups soient passées. Nous
Etats Jean-René Fournier se sont extrême- l’effectif du gibier afin qu’on puisse donner serions bien sûr encore plus heureux si les
Que pensez-vous de cette matinée? ment impliqués pour que l’on s’engage en fa- des autorisations préventives de tir. A par- autres avaient été aussi acceptées. Mais nous
Ce fut un succès pour tous ceux qui ont veur des bergers et des chasseurs. Ils ont fait tir d’aujourd’hui, la Confédération et les can- devons tout de même être satisfaits de cette
déposé des interventions et en particulier un excellent travail et en tant que président du tons doivent discuter ces questions: Par quel- réussite et que les revendications extrêmes du
aussi un succès pour le Conseiller aux Etats parti on ne peut que se réjouir. • les mesures faut-il régler ces choses? Est-ce côté rouge-vert aient été rejetées. •
page 6 Horizons et débats No 39, 11 octobre 2010

Lorsque les citoyens agissent en commun,


ils peuvent atteindre beaucoup de choses
L’exemple du vote populaire de Hambourg
par Burga Buddensiek
hd. Le compte rendu suivant sur les pétitions et sans voiture, il faut presque une journée teur a publié la bonne nouvelle avec la photo lycée humaniste (le latin comme premiè-
de citoyens et referendums nous montre ce pour joindre l’administration régionale.» du sénateur au lieu de l’article initial. re langue étrangère), cinq pour un lycée bi-
que des citoyens, ensemble et sur un pied Selon lui, bien des décisions seraient prises Ce n’est pas étonnant que Schult soit dé- lingue (par exemple l’anglais comme pre-
d’égalité, peuvent atteindre dans le domai- dans l’abstrait sans que les responsables se signé par quelques politiciens de la ville mière langue étrangère ainsi que des cours
ne politique. rendent compte des conditions réelles dans comme «le parti le plus petit et le plus effi- d’au moins deux matières dans cette langue
les quartiers concernés. Pour cet homme de cace de la ville de Hambourg». – éventuellement l’histoire et les sports), trois
Depuis l’introduction de la législation popu- 56 ans, il est par conséquent clair qu’il faut pour un lycée de sciences naturelles (plus de
laire (Volksgesetzgebung) (en 1996 pour le des citoyens attentifs et responsables pour Le comité d’action de parents: «Nous cours de maths et sciences naturelles), huit
Land et en 1998 pour les districts), cinq votes pousser l’administration de temps en temps. voulons apprendre» pour l’anglais comme première langue étran-
populaires ont déjà eu lieu à l’échelle du Land «Je ne suis pas un citoyen récalcitrant, mais Même le gouvernement du Land, formé par la gère, deux pour le français comme première
et 76 pétitions de citoyens dans les sept dis- je ne me permets d’être parfois un peu gênant CDU et le GAL (les Verts), a dû reconnaître langue étrangère et le reste pour un profil ar-
tricts de Hambourg – c’est plus que dans tous si c’est nécessaire.» cet été que les citoyens hanséatiques ont bien tistique (plus de leçons de musique, arts dra-
les autres Länder. Tandis que les pétitions de «Gênant» veut dire qu’il donne plus de su utiliser leurs moyens de participation po- matiques et l’allemand)? Diviserait-on la
citoyens sur le plan des districts traitaient sur- poids à ses suggestions à l’aide d’une péti- litique. Le comité d’action de parents «Nous classe en groupuscules (d’où viendrait l’ar-
tout des thèmes comme la protection de l’en- tion de citoyens. Pour lui ce n’est pas par- voulons apprendre» («Wir wollen lernen») a gent)? Est-ce que les possibilités de choi-
vironnement, des projets de construction, la ticulièrement compliqué. Comme organisa- éveillé beaucoup l’attention dans toute la Ré- sir seraient restreintes parce que les écoles
circulation, la culture et les affaires sociales, teur de la fête de quartier annuelle, il connaît publique. Grâce au succès de son vote popu- primaires ne pourraient offrir qu’un certain
trois des cinq initiatives à l’échelle du Land toutes les communautés d’intérêt (CI) et as- laire, il a opposé un «arrêt» net à la pensée profil? Est-ce que les parents seraient éven-
ont eu pour thème l’élargissement des droits sociations. «Je cherche deux personnes avec politique de sujets des partis politiques alle- tuellement forcés de choisir déjà en premi-
civiques démocratiques. Ainsi, les Hambour- lesquelles j’enregistre la pétition et nous for- mands. ère classe la forme d’école que l’enfant fré-
geois ont obtenu des possibilités d’influence mulons la question à voter. Ensuite, je donne L’histoire à succès de cette initiative a quenterait plus tard et d’accepter de grandes
plus étendues lors des élections dans les dis- les listes de signatures aux CI des détaillants commencé lors de l’élection au Conseil distances pour que l’enfant puisse suivre les
tricts et les municipalités, avec une loi élec- qui les exposent dans leurs boutiques, à la municipal (Bürgerschaft) de Hambourg (le cours dans une école primaire adaptée? Est-
torale plus démocratique. Les conditions pour CI du marché hebdomadaire qui les mettent parlement de la Ville-Etat) en février 2008. ce que de petites écoles primaires (une ou
les votes populaires ont été améliorées et leur sur leurs stands et aux associations sportives. Les CDU, SPD, GAL (les Verts) et Die deux classes par année) seraient forcées de
fiabilité (depuis 2009) pour le gouvernement Les 6500 signatures dont nous avons besoin Linke (la Gauche) étaient entrés au Conseil fusionner pour pouvoir offrir plus de profils?
a été inscrite dans la constitution du Land. sont vite rassemblées», explique-t-il en rou- municipal. La CDU comme le parti le plus Ou bien les problèmes seraient-ils résolus en
Manfred Schult est quelqu’un qui a re- tinier. Jusqu’ici, il n’a jamais eu besoin de fort a vite fait de préférer une alliance avec supprimant le droit des parents de choisir?
connu et utilisé l’instrument de la pétition recourir au référendum (Bürgerentscheid), le GAL au lieu de la grande coalition (CDU/ Jusqu’à présent, les parents avaient le droit de
de citoyens dès son introduction comme un qui est le deuxième degré de la participation SPD), et début mars, les deux partis ont décider quelle forme d’école avec quel profil
moyen de participer. Il a déjà initié avec suc- des citoyens à l’échelle du district. Soit les commencé des négociations de coalition. leur enfant devait fréquenter après l’école pri-
cès cinq pétitions de citoyens dans son dis- politiciens ont cédé sur toute la ligne après C’est avec une grande attention que déjà à ce maire. Les enseignants pouvaient seulement
trict, c’est-à-dire dans le quartier de Volks- la pétition de citoyens, soit ils se sont mon- moment-là les parents suivaient les accords formuler des recommandations. Afin que les
dorf. C’est dans ce quartier où son père et trés pour le moins prêts au dialogue, de sorte concernant la politique de l’école. Car, lors de écoles de quartier n’acquièrent pas la répu-
son grand-père ont vécu et où il s’y connaît que des compromis acceptables ont pu être la campagne électorale, la candidate de pointe tation d’»Ecole pour les laissés-pour-comp-
que Manfred Schult a passé son enfance. Il trouvés. du GAL, Christa Goetsch, s’était engagée te» («Rest-Schulen») parce que la plupart des
remarque qu’une école n’a pas de terrain de avec véhémence pour «un apprentissage parents préfèrent la formation dans un lycée
sport, et qu’à proximité se trouve un terrain Manfred Schult veut améliorer commun de dix ans de tous les élèves», tandis pour leurs enfants, le droit de choisir des pa-
tout à fait adéquat. Alors il réunit l’école, les les conditions de vie dans son district que le candidat de pointe de la CDU, Ole von rents devra être supprimé et le «destin scolai-
politiciens et le club de sport autour d’une Pour améliorer les conditions de vie dans son Beust, avait promis aux parents hambourgeois re des enfants» sera décidé uniquement par la
table pour réaliser le projet. En peu de temps district, Manfred Schult se sert parfois de ses le maintien complet des lycées. conférence des maîtres. Ainsi les offres des
le terrain de sport existe et il est mieux équi- moyens professionnels. Depuis plus de trente L’initiateur de «Nous voulons apprendre», profils pourraient être facilement «dirigées».
pé que l’initiateur aurait osé l’espérer, car le ans, il dirige la rédaction du «Heimatecho» l’avocat Walter Scheuerl, s’engageait déjà de- De toute façon on serait obligé de créer
club sportif a contribué au financement et il [Echo de la patrie], un journal de publicité puis huit ans dans les conseils de parents des pour beaucoup d’argent des locaux de classes,
peut l’utiliser en contrepartie. qui est distribué gratuitement à tous les mé- écoles de ses deux enfants, lorsque dans sa des locaux spéciaux, des installations spor-
Ce que Manfred Schult aime le plus, c’est nages du district. Lorsque la ville a préten- fonction de président du conseil de parents tives, des cafétérias dans les écoles primaires
quand un projet qu’il envisage peut être réalisé du n’avoir plus d’argent pour éclairer un sen- d’un lycée, il a reçu fin mars une lettre ouver- pour les nouvelles cinquièmes et sixièmes
de façon constructive et sans grande publicité, tier d’environ deux kilomètres, très fréquenté te de la Société allemande des enseignants de classes, alors que les capacités disponibles
comme ça a été le cas avec ce terrain de sport. par des écoliers, et qu’on a appris par contre Hambourg (Deutscher Lehrerverband Ham- dans les lycées seraient inoccupées. De plus,
Il préfère appeler en premier lieu l’office du que le nouveau chemin piétonnier de 430 mè- burg DLH). La lettre attirait l’attention sur pour ces classes de quatrième à sixième il
district et demander pourquoi telle chose a tres jusqu’à la Philharmonie de l’Elbe coûte- les accords de coalition concernant la poli- n’y aurait pas de livres scolaires, pas de pro-
été décidée de telle façon et pas autrement, ou rait plus de 37 000 Euros, Schult a rédigé un tique scolaire à venir et priait les conseils de grammes scolaires et pas d’enseignants. Le
bien il attire l’attention de l’administration sur éditorial pour son journal. Comme il connaît parents des lycées de prendre position. Ce qui temps de les former, les professeurs de lycée
les problèmes des citoyens du district. «Nous le sénateur responsable depuis son enfance, se profilait, c’étaient des réformes concernant et de secondaire n’auraient pas d’autres pos-
sommes en réalité un très grand district avec il lui a d’abord faxé l’article. Quinze minu- les lycées qui devaient être réduits au profit sibilités que de se déplacer dans les écoles
plus de 400 000 habitants. En Allemagne, tes plus tard, il l’avait au téléphone. L’entre- d’un apprentissage commun prolongé. Pour primaires, en perdant beaucoup de temps,
seulement quinze grandes villes ont plus tien téléphonique a été couronné de succès: Walter Scheuerl il état clair qu’il ne pouvait pour y assurer les cours spéciaux.
d’habitants que nous», explique Schult. «Des Le lendemain, le sénateur a annoncé solen- pas accepter cela, et grâce à son réseau avec
parties excentrées de la ville ne sont même nellement le début immédiat des travaux pour les autres parents de la ville, il savait qu’il Walter Scheuerl
pas reliées au réseau ferroviaire régional l’éclairage du chemin des écoliers et le rédac- n’était pas seul. lance une initiative populaire
Le soir du 17 avril 2008, une fois l’accord Au premier coup d’oeil, ce père de deux
de coalition entre le GAL et la CDU conclu, élèves au lycée a vu qu’avec cette réforme
«Conserver la Convention de …» Donc tous les partis sont contents: moins il a chargé le fichier sur Internet. Il a constaté scolaire beaucoup de forces, de temps et d’ar-
suite de la page 6 de protection pour le loup, davantage d’ar- avec stupéfaction et colère que la CDU avait gent seraient investis dans l’organisation et le
gent pour les bergers et davantage d’autori- rompu sa promesse électorale. A partir du changement des structures. Les vraies tâches
Même moi, je ne m’attendais pas à ce qu’on sations de tir pour la chasse. début de l’année scolaire 2010 il n’y aurait, des enseignants – une préparation soigneuse
adopte six motions. C’est vraiment très clair. selon la volonté de la nouvelle sénateur des des cours, des entretiens avec les élèves et les
Sûrement on n’a pas encore tout résolu, mais On a refusé la motion Freysinger qui vou- écoles Christa Goetsch, plus que trois caté- parents, l’encouragement des élèves faibles –
la direction est juste. Le Conseil fédéral doit lait la même chose, c’est-à-dire sortie et ad- gories d’écoles à Hambourg: 1. l’école pri- resteraient en marge par manque de temps. Il
avancer maintenant. hésion nouvelle à la Convention de Berne. maire avec les classes de un à six, 2. l’école doutait fort qu’avec tous ces efforts, l’objectif
Comment jugez-vous ce fait? de quartier (Stadtteilschule) avec les classes d’une école socialement équitable puisse être
Vous avez mentionné que les bergers peuvent A cause de ma demande en minorité on a sept à treize (la neuvième classe d’école se- atteint et il était sûr qu’il y avait des moyens
se défendre directement contre les attaques adopté la motion Fournier qui a le même but condaire élémentaire (Hauptschulabschluss), plus simples de l’atteindre.
des loups. Comment doit-on imaginer un tel que la motion Freysinger en fin de compte. la dixième classe filière intermédiaire entre En se rasant le lendemain, il a eu l’idée
scénario? école secondaire élémentaire et lycée (Reals- de mobiliser les parents hambourgeois avec
Si un loup attaque un troupeau on pourra le Quelle en est la différence? chulabschluss) et la treizième baccalauréat) une initiative populaire contre ces projets de
tuer directement. Monsieur Leuenberger l’a La motion Fournier demande d’abord des né- et 3. le lycée avec les classes sept à douze réformes scolaires et peu après il a envoyé
considéré comme mesure possible. J’ai tou- gociations afin d’introduire la clause restric- (baccalauréat). Pour les lycées qui avaient dû ses premiers soixante-dix courriels dans son
jours répété qu’on devait avoir le droit de tive dans la Convention de Berne, et si cela ne accepter peu d’années auparavant le raccour- réseau de conseils de parents. L’écho a été
chasser le loup en Suisse. Ce n’est rien de marche pas, elle demande la sortie de la Con- cissement de leur section supérieure de trois encourageant. Il a envoyé d’autres courriels,
particulier. Onze Etats membres ont cette vention de Berne et une adhésion nouvelle à deux ans (11e et 12e classes), tout cela signi- il a parlé avec des parents et les a invités à
clause restrictive et ainsi ils n’ont pas de pro- avec la clause restrictive. fiait une autre coupure grave dans leur con- une réunion dans l’aula de l’école pour fon-
tection du loup. ception de l’enseignement. Si jusqu’à présent der une association. Plus de 250 parents sont
Puis le Conseil fédéral essaie d’attein- Quelle est l’importance de la Convention de les élèves de beaucoup d’écoles primaires venus. En mai 2008, l’association «Nous
dre une diminution de la protection du loup Berne? avaient passé après la quatrième dans un voulons apprendre» a enregistré son initiative
dans la Convention de Berne de la part des Je pense qu’il est important de rester dans la lycée au profil choisi par les parents, les pro- auprès du Sénat de Hambourg avec pour titre:
autres pays. Et comme je l’ai déjà mentionné, Convention de Berne – avec la clause restric- fesseurs de lycée devraient, selon la volonté «Maintien des écoles de classes supérieures
il faut davantage d’argent pour la protection tive quant au loup. Cela veut dire que nous des réformistes, aller désormais dans les éco- dans la forme actuelle à partir de la cinqui-
des troupeaux. Ces mesures particulières sont protégerons toutes les autres espèces d’ani- les primaires pour y enseigner ces profils en ème classe et droit des parents de choisir à
maintenant en main du Conseil fédéral. Ce maux et de plantes à l’exception du loup. C’est cinquième et sixième classe. partir de la quatrième classe».
dernier a promis d’accorder davantage d’ar- une meilleure solution que d’en sortir entière- Mais qu’arriverait-il si deux élèves d’une D’amorcer l’initiative populaire n’a pas de-
gent. ment. • même classe primaire se décidaient pour un mandé beaucoup d’efforts, dit Walter Scheuerl
No 39, 11 octobre 2010 Horizons et débats page 7

en se souvenant. Grâce au grand soutien du la loi de la neutralité. L’acribie et la persévé-


début, il a pu s’appuyer sur beaucoup de gens rance, mais aussi les efforts de fair-play dans
aux compétences importantes: des juristes, les reportages sont payants: avec une parti-
des personnes expertes en la matière (ensei- cipation de 39,31% (plus que lors de l’élec-
gnants, directeurs d’école) et des personnes tion pour l’Europe [34,7%]), avec une majo-
qui sont toujours atteignables (par exemple rité claire de 58 230 (en tout 276 304 ou bien
des professions indépendantes qui peuvent 58%) des voix, les citoyens de Hambourg ont
disposer de leur temps) pour les contacts à voté contre la réforme scolaire!
l’extérieur. Lui-même, avec l’assistance d’un A son corps défendant, la politique a dû
professionnel, a créé le site Internet de l’asso- publiquement enterrer son «Bébé réforme».
ciation, d’autres ont formulé le premier tract Mais ce n’est qu’au début de l’année scolaire
et l’ont imprimé sur leurs ordinateurs. Les lis- en août que l’étendue des pots cassés, causés
tes de signatures ont été diffusées par l’effet par deux ans d’ignorance de la volonté des ci-
boule de neige par des amis et connaissances. toyens dans les écoles de la ville, est devenue
Jusqu’à la date limite de remise en novem- manifeste. La sénateur verte, tout en se mé-
bre, 21 000 signatures valables étaient récol- prenant sur la volonté populaire, n’avait pas
tées (10 000 étaient nécessaires). Le Sénat ne stoppé la réalisation des projets de réforme à
s’est pas laisser dérouter et a continué à bri- l’annonce du vote populaire, mais avait conti-
coler la nouvelle loi scolaire, les partis de la nué jusqu’à la fin de l’année scolaire à pleine
municipalité n’ont pas réagi non plus. Dans vapeur. Ainsi, plusieurs écoles qui avaient tra-
le meilleur des cas, on disqualifiait l’initiative vaillé avec succès avec des enfants difficiles
comme étant celle d’un petit groupe de gens (parmi eux des enfants de migrants) ont été
aisés qui se mobilisaient pour défendre les ly- dissoutes. De nombreuses écoles primaires
cées dans les quartiers privilégiés. Ils regret- ont fusionné sous la pression de réforme des
teraient amèrement cette arrogance. autorités («créer des faits»), ce qui paraît
maintenant totalement insensé, mais qui ne
184 500 signatures récoltées pourra être annulé qu’après des conférences
Car «Nous voulons apprendre» a alors mis en d’école et des votations de parents. C’est ce-
route la pétition de citoyens. «C’était vraiment pendant une tâche organisatrice immense, car
un grand défi logistique», se souvient l’avocat dans les écoles fusionnées il n’y a plus qu’un
et porte-parole de l’initiative. «Nous devions directeur d’école, un secrétariat et un corps
rassembler en trois semaines 62 000 signatu- enseignant. Si des écoles se séparent, le tra-
res, ce qui représente trois mille cinq cent si- vail de réorganisation exige tellement de tra-
gnatures par jour, car il y en a toujours qui vail, de temps et d’efforts, que pour les en-
ne sont pas valables. De plus, nous avons eu fants on peut oublier deux années scolaires,
très peu d’écho dans les médias et dans le pu- parce que le personnel a été occupé cette der-
blic. Il fallait que ça change!» Jusqu’au début nière année avec la fusion et le sera l’année
de la récolte de signatures proprement dite, il suivante avec la réorganisation.
ne restait que quelques mois de préparation. Par ailleurs, 23 écoles de la ville se sont
Ce temps devait être utilisé pour distribuer annoncées comme soi-disant «Ecoles pion-
largement des informations sur les intentions nières» («Starterschulen»). Ce sont des
de réforme du Sénat et sur les intentions de écoles primaires dans lesquelles les ensei-
l’initiative. De nouveaux tracts ont été créés, gnants et les parents étaient persuadés de la
maintenant aussi en turc. Avec des tracts justesse de la réforme et qui voulaient com-
pour des dons, des appels et des actions de mencer leur rôle de précurseur en école pri-
recherche de fonds, on a essayé de récolter maire à partir du mois d’août de cette année.
les moyens financiers nécessaires pour des T- 865 des 14 000 élèves de cinquième sont ins-
shirts, des pins, des affiches, des sandwichs crits dans ces écoles. La sénateur des écoles
logos, des annonces dans les journaux et des leur a promis une «protection de confiance»
spots à la radio. (Les juristes ont fondé une tivistes centraux de la pétition de citoyens se déclaré l’échec des négociations et annoncé (Vertrauensschutz). Les parents exigent main-
association de soutien. Ainsi on pouvait évi- rencontraient toutes les semaines pour dis- le vote populaire, malgré le risque de tomber tenant que toutes les mesures de construction
ter de citer publiquement les donateurs pour cuter de la situation. Environ un mois avant dans les vacances scolaires hambourgeoises, soient réalisées dans ces écoles, bien qu’il
protéger des donateurs dans les milieux des le début de l’initiative, un de leurs partisans à cause de la durée des négociations. soit juridiquement clair qu’il n’y aura qu’un
directeurs d’école, des enseignants, des admi- leur a fourni pour peu d’argent un magasin seul passage de cinquième en sixième classe.
nistrations et des partis.) vide en situation privilégié dans le centre. Ce Citoyens et citoyennes Pour le moment, beaucoup de ces enfants des
«Environ six mois avant le début de la sera la centrale. Beaucoup de parents con- discutent partout de l’affaire «Ecoles pionnières» suivent leurs cours dans
récolte des signatures, nous avons lancé naissent alors l’association et ses buts, et pas Mais il se passe quelque chose d’étonnant des conteneurs provisoires et ils devront être
la ‹phase chaude› avec l’appel à une ma- seulement par les 1600 affiches distribuées dans la ville: tandis que le gouvernement et intégrés après leur école primaire dans des
nifestation sur la Place du marché de l’hô- dans toute la ville. Lorsque la récolte des si- l’opposition (SPD/Die Linke) se réunissent classes des écoles secondaires qui auront déjà
tel de ville», raconte cet homme déterminé gnatures a commencé, Walter Scheuerl sort pour une alliance d’action «pour la réforme existé depuis deux ans.
de 46 ans. «Avec environ 5000 participants sa vieille mobylette du garage («comme ça scolaire» (!) et que tous les «représentants
bruyants et hauts en couleurs, c’était la mani- on est plus vite en ville») et visite tous les du peuple» font bloc derrière les projets de La réalisation
festation la plus grande que Hambourg ait vu stands de l’association, car sur les marchés réforme, dans les rues, sur les places, dans d’un vote populaire couronné de succès
ces dernières années. Cela nous a valu bien hebdomadaires, dans les supermarchés, dans les écoles et les garderies, dans les familles Au début, la réalisation du résultat du vote
sûr la présence des médias.» Entre avril et oc- quelques gares et sur les places centrales les et entre voisins, le thème de la réforme sco- populaire s’est avérée difficile. Les politiciens
tobre, deux mille personnes se sont annon- collecteurs sont toujours présents. Il se rend laire est discuté. Même le plus grand jour- concernés ont bien sûr assuré vouloir réaliser
cées sur le site pour la récolte des signatures. dans les différents quartiers de la ville et dis- nal régional, le «Hamburger Abendblatt» la volonté populaire, mais les premiers échos
On a désigné des «parrains de quartier» qui cute avec beaucoup de gens différents et il est d’Axel Springer, se décide à publier des repor- des autorités scolaires concernant la réorgani-
ont coordonné les récoltes dans leurs quar- lui-même assez surpris de la large approba- tages plus pondérés et mieux informés. Tous sation de structures de réforme déjà réalisées,
tiers, parce qu’ils savent où et quand a lieu le tion qu’il trouve partout. Au bout de trois se- les jours paraissent des articles du point de donnaient plutôt l’impression qu’on voulait se
marché, où se trouvent les garderies, les éco- maines, il apporte plus de soixante-dix clas- vue des opposants ou des partisans de la ré- ménager une petite porte de sortie. Quelques
les et les rencontres de parents. Les 150 ac- seurs à la mairie – 184 500 signatures! forme. Les conséquences sont décrites avec politiciens se sont disqualifiés en se deman-
des exemples pratiques; des instituteurs, des dant publiquement s’il ne fallait pas annuler
Les politiciens parents, des représentants d’élèves, des scienti- les lois facilitant les votes populaires, et trois
cherchent à saboter le vote populaire
Horizons et débats D’un coup le Sénat s’est réveillé, car là c’était
fiques de l’éducation et des politiciens peuvent
exposer leurs arguments pour et contre de
citoyens hambourgeois qu’on ne nommera
pas, ont fait appel à un avocat de Heidelberg
Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante,
l’éthique et la responsabilité
clair que ce n’était pas «quelques gens aisés» façon exhaustive, des manifestations d’infor- pour contester le vote populaire pour fautes
pour le respect et la promotion du droit international, qui protestaient. Le maire et la sénateur des mation des deux côtés sont annoncées. Un de procédure.
du droit humanitaire et des droits humains écoles les ont invité à négocier et à l’aide de air de démocratie souffle dans la ville hanséa- Maintenant, presque deux mois plus tard,
petites concessions, ils ont essayé d’amener tique, bien qu’elle couve dans la chaleur sèche la situation semble se calmer: D’après les
Editeur
Coopérative Zeit-Fragen les initiants à lâcher du lest. Comme ça n’a de l’été. dernières nouvelles, tous les partis se seraient
Rédacteur en chef pas réussi, les politiques ont engagé comme Ce souffle ne peut être chassé par quelques mis d’accord sur une nouvelle loi scolaire
Jean-Paul Vuilleumier «médiateur» un entrepreneur connu dans la attaques antidémocratiques: Walter Scheuerl dans laquelle les conséquences du vote po-
Rédaction et administration ville. Mais on ne voulait pas vraiment négo- porte plainte pour exiger l’application de la pulaire seraient entièrement réalisées, et elle
Case postale 729, CH-8044 Zurich cier: Le prestigieux projet «Ecole primaire» loi de la neutralité (Neutralitätsgebot) parce devrait être votée en septembre par le Con-
Tél. +41 44 350 65 50 n’était pas à disposition. Tous les jours, Walter que des parents lui avaient rapporté des tenta- seil municipal.
Fax +41 44 350 65 51
Scheuerl comme chef des négociations rece- tives d’agitation du personnel scolaire, ce qui Depuis, deux nouveaux votes populaires
E-Mail: hd@zeit-fragen.ch vait plus de cent courriels qui le confortaient a provoqué une lettre de la direction des éco- sont en préparation dans la ville hanséatique:
Internet: www.horizons-et-debats.ch
à ne pas «vendre» les objectifs de la péti- les à tous les enseignants et directeurs d’éco- L’initiative «Notre Hambourg – notre réseau»
CCP 87-748485-6 tion de citoyens et de rester ferme. «C’était le. Ou bien – déjà pendant la phase de vote veut obtenir que les réseaux électriques de la
IBAN: CH64 0900 0000 8774 8485 6
BIC: POFICHBEXXX un grand soutien des citoyens de Hambourg» par correspondance – le maire qui se trouve ville seront rachetés. Des entreprises de la ville
Imprimerie dit-il encore aujourd’hui. Manfred Schult dans la panade parce que son parti se révolte comme «Hambourg Eau», les services tech-
Nüssli, Mellingen prenait aussi vivement part et l’encourageait ouvertement contre la réforme, a essayé dans niques, ou le métro aérien ne doivent pas être
Abonnement annuel 198.– frs / 108.– € avec plusieurs appels téléphoniques. Cepen- une interview de dire que les initiants étaient vendus sans l’accord des citoyens, c’est le but
dant, les médias traitaient Scheuerl de «hard- des «xénophobes». Et finalement, l’avocat a de l’alliance d’action «La ville nous appar-
ISSN 1662 – 4599
liner», «quelqu’un qui a plus d’un tour dans encore dû exiger que des affiches tendancieu- tient – pas de privatisation contre la volonté
© 2010 Editions Zeit-Fragen pour tous les textes et les illustrations.
Reproduction d’illustrations, de textes entiers et d’extraits impor-
son sac», ou «qui est avide de se profiler»; ses et des banderoles soient ôtées des bâti- populaire». Les deux initiatives ont déjà fran-
tants uniquement avec la permission de la rédaction; reproduction les activités bidon du Sénat par contre cons- ments scolaires qui servent de locaux de vote chi le premier obstacle avec succès et ils lan-
d’extraits courts et de citations avec indication de la source «Hori-
zons et débats, Zurich».
tituaient d’après eux de «généreuses conces- (là aussi c’étaient des parents qui l’y avaient cent maintenant leur pétition de citoyens! •
sions». Au bout de cinq tours, initiants ont rendu attentif) – justement en application de (Traduction Horizons et débats)
page 8 Horizons et débats No 39, 11 octobre 2010

Notre pain quotidien


Mise en scène géniale du travail artistique avec la pâte
par Heini Hofmann
Le plus grand musée de Suisse ayant pour En outre, on peut s’émerveiller devant des
thème la boulangerie, la pâtisserie et la con- appareillages tout à fait excellents comme
fiserie se situe à Benken au canton de St- des machines à couper du pain pour la soupe
Gall, un peu à l’écart, au milieu de la plai- (on coupait autrefois le pain rassis en fines
ne de la Linth entre le lac de Walenstadt et tranches, le faisait rissoler et le vendait
le lac de Zurich, à deux pas du canal de la comme accompagnement pour la soupe), un
Linth. Ce bijou des musées à thème est une frigidaire en bois équipé de bâtons de glace
sorte d’âme et de berceau de l’une des plus provenant du lac ou – ce qui montre comment
anciennes professions. le boulanger d’autrefois était économe – un
appareil de dépoussiérage constitué d’un sac
Cette documentation historique du pain quo- à farine sous forme de caisse munie d’un dis-
tidien a un antécédent tout particulier, une positif vibrant. Il ne faut pas oublier les ac-
sorte d’histoire de levure en pâte où la levure cessoires servant à la distribution du pain: les
ici signifie l’amour du métier, voire même la corbeilles, les paniers-hottes à porter sur le
passion pour cette profession. Dans le véri- dos et les huches, en passant par le vélo équi-
table sens du mot, quelqu’un a ici réalisé son pé de boîtes pour les glaces et les biscuits jus-
rêve et rendu visible la fierté de son métier – qu’aux chariots de pain destinés à être attelé
mise en scène géniale. aux chevaux.
Du pain au lieu du fromage Le travail artistique avec la pâte
Le petit Paul Wick était le seul qui n’aimait La collection de récipients colorés (des boîtes
pas le fromage parmi les huit enfants qui ont à biscuits et à bonbons peintes de manière
grandi dans la fromagerie de Benken. Il se nostalgique) est énorme et l’on est tout sim-
sentait attiré par le bois. A l’âge de 14 ans, il Une boulangerie-pâtisserie complète avec un parc de machines à voie de transmission ainsi que des plement submergé par les milliers de formes
sculpta, de son propre gré, un berceau qui de- fourneaux historiques. (photo BMB) destinées à la boulangerie, la pâtisserie et le
vait lui servir de modèle de présentation pour chocolat; car les boulangers, les pâtissiers et
une place d’apprentissage. Mais alors, un me- sin. Lorsque celui-ci tomba en décrépitude, la forme d’une boulangerie-pâtisserie complè- les chocolatiers étaient toujours aussi bien des
nuisier vint lui rendre visite et lui enleva ses Paul Wick chercha le vieux four à bois – et te avec un parc de machines à voie de trans- artisans que des artistes, qui faisaient de leurs
illusions sur ses projets d’avenir, lui prédisant il le trouva effectivement derrière un mur mission qui peut être mis en action, ainsi que produits finaux non pas seulement des régals
que dans quelques années, on ne demanderait en crépi. En 1976, il le restaura avec soin et quatre rangées de fourneaux historiques, l’un pour le palais, mais aussi le plaisir des yeux.
plus que des meubles en plastique … ainsi un vieux rêve devint réalité: Le premier d’entre eux vieux de plus de cent ans. Ici, on Les innombrables modèles de gaufriers et
C’est pourquoi, la déclaration de son par- pas en direction d’un musée de la boulange- apprend à connaître deux types de fours, le d’appareils à bretzels, les moules à kouglof et
rain, le boulanger du village, lui semblait rie était accompli. Alors, la chasse à d’autres four direct (avec un allumage compliqué et biscuits richement variés, des emporte-pièces
plus prometteuse; car celui-ci le convain- anciens ustensiles et machines de boulanger une cuisson dans la même pièce) et le four in- pour le pain d’épice, des formes en bois pour
quit qu’on mangerait toujours du pain. Alors, commença. En tant que chasseur passionné, direct (allumage et cuisson dans des comparti- les castors, et les tirggels et les béliers, tout
Paul commença en 1960 son apprentissage il avait le don de toucher une cible avec suc- ments différents). L’avantage de ce dernier: La comme les ribambelles de petits moules de
de boulanger-pâtissier à Richterswil. Puis, le cès et il avait l’instinct de collectionner les af- pièce de cuisson n’est pas salie par la suie et la chocolat pour les lapins de Pâques, les Pères
boulanger fraîchement formé alla faire ses faires déjà depuis son apprentissage. cendre et l’on peut cuire sans interruption. Noël et toutes les décorations diverses pour
expériences pendant dix ans de voyage en ef- De plus, le temps était propice à son entre- Ensuite, les diverses machines dans le le sapin de Noël, qui était alors empaquetés
fectuant des emplois d’auxiliaire à des endroits prise. Car, à ce moment-là, la grande dispa- bleu du boulanger: 15 machines différentes dans des feuilles d’étain.
tout à fait différents, au pays et à l’étranger, où rition des boulangeries en Suisse commença, pour mélanger, malaxer et pétrir (les plus Ainsi, l’on apprend que les lapins de
il apprit à connaître tous les secteurs du bou- un processus analogue à celui des fromageries. anciennes de 1903), 20 éléments différents Pâques étaient déjà été créés à partir de bis-
langer en passant par le pâtissier et confiseur Beaucoup des innombrables entreprises, qui de machines pour la pâte (pour la mettre en cuit dans des moules en céramique avant
jusqu’au chocolatier. A cette époque, il exis- étaient trop petites pour survivre, périssaient, portions au lieu de la peser). En outre, se que l’on connaisse le chocolat, que les pre-
tait encore une distinction plus sévère; les pâ- si bien que de vieux objets, auxquels plus per- trouvent des machines à tamiser la farine, des mières formes pour le chocolat étaient en
tissiers étaient «la couche supérieure» dans le sonne ne s’intéressait, étaient accessibles en machines à dérouler la pâte, des machines à cuivre et que celles qui sont venues ulté-
corps du métier des ateliers de boulangerie. permanence. Toutefois, les objets collection- râper et à moudre les amandes, les noix, les rieurement étaient en métal zingué, tan-
En 1971, cela devenait sérieux: Paul Wick nés étaient devenus si nombreux qu’il fallait pépins et le fromage, des machines à éplucher dis qu’aujourd’hui, elles sont en acier chro-
reprit, dans la ville des roses de Rapperswil, les montrer: C’est pourquoi, Paul Wick ouvra les amandes (pour les amandes blanches), des mé ou en plexiglas. Un objet tout particulier
une boulangerie-pâtisserie en entreprise indi- en 1992 à Rapperswil un petit musée de bou- machines à râper et à rouler, des machines à dans cette exposition est la machine à glace
viduelle, soutenu par sa femme Marianne. A langerie qu’il créa lui-même, que l’on pouvait passer, des machines pour battre les blancs en âgée de 150 ans, où dans un manteau exté-
ce moment-là – à peine croyable! – il y avait visiter en s’inscrivant à l’avance. Mais, comme neige et pour malaxer des grandes quantités rieur, un mélange de glace et de sel produisait
à Rapperswil et à Jona encore 16 boulange- la demande était tellement grande, et qu’en d’œufs, de crème et de crèmes à garnir, des une température de – 18°, tandis que dans un
ries et en plus trois pâtisseries. (Aujourd’hui, plus d’autres pièces de collection provenant machines à biscuits pour la fabrication des espace creux intérieur, le liquide glacé était
à Rapperswil-Jona, communes fusionnées, de l’Archive suisse pour l’étude du pain et des petits gâteaux, des machines à spéculoos pour rendu onctueux par un malaxage permanent.
avec beaucoup plus d’habitants, il n’y a plus pâtisseries venaient s’y ajouter, une nouvelle les petits gâteaux aux épices, des machines à On remplissait de cette pâte des moules en
que trois entreprises, et les boulangeries pures solution devenait nécessaire. bonbons, en outre des torréfacteurs de café et forme de fruits, de fleurs et d’animaux. En
ont complètement disparu.) des poêles à frire et des mortiers (précurseurs bref: Les professionnels de la branche du
Un rêve devenait réalité des machines à râper) tout comme – et encore pain d’autrefois étaient en même temps des
La grande disparition des boulangeries Pour pouvoir complètement se concentrer à mentionner – des moules en bois (pour pé- artisans d’art.
Le cordonnier, August Gübeli, un original du sur son objectif final de rêve de collection- trir et stocker la pâte). A Benken, ces temps revivent où il y avait
village de Jona, fut son premier et meilleur neur – un vrai musée public sur la boulange- encore des pièces de vingt et de dix et même
collaborateur à cette époque – le bon vieux rie avec des thèmes sur la restauration – Paul aussi – on s’étonne! – de cinq et d’un centime.
temps avec son don artisanal multiple se rap- et Marianne Wick remirent leur magasin de Comme au bon vieux temps On a peine à s’imaginer cela aujourd’hui – un
pelle à nous! Paul Wick se souvient que «pen- Rapperswil à leurs garçons et déménagèrent hh. Comme Paul Wick avait beaucoup de petit gâteau pour un centime! On ne pourrait
dant la journée, il réparait les chaussures, et à Benken. Là, dans la fromagerie parentale, centres d’intérêts et un large cœur de col- plus le payer aujourd’hui, car il n’y a plus de
la nuit, il pesait la pâte chez moi». C’est pour- leur rêve put se réaliser – par propre initiative lectionneur, le musée de la boulangerie petit centime. En outre, on trouve dans une
quoi, la salutation amusante lors de la prise du et sans subventions. est complété par d’autres pièces d’exposi- bibliothèque remplie de vieux livres de l’Ar-
travail le soir était: «Nous faisons d’abord du Le musée avec en tout une salle de fêtes tion, qui font revivre les anciens temps sous chive suisse sur l’étude du métier, des trou-
pain noir, et ensuite, sitôt les mains propres, du (jusqu’à 80 personnes) remplie d’ustensiles toutes leurs facettes: Dans des pièces sup- vailles en recettes originelles et des collec-
pain blanc.» Un épisode qui rappelle le maître- de boulangers se trouve dans l’ancienne por- plémentaires, une vieille forge et une ser- tions entières de dictons inscrits sur le pain
chanteur et poète de Nuremberg: «Hans Sachs cherie, tandis que le restaurant «Brezelstube» rurerie d’art, plus de 100 modèles de voi- d’épice en forme de cœur, en partant de
tures anciennes et trois voitures anciennes
était cordonnier et poète à la fois …» (salle de Bretzels) avec le «Ofenstübli» ori- «Fille, fais-toi des boucles sinon tu restes
originales, une Dodge de l’année 1924, une
L’ancienne boulangerie de Wick était si- ginel (salle avec poêle pour plus de 50 per- Buick de 1910 et – une rareté particulière – sans mari», en passant par «Je te reste fidèle
tuée autrefois dans un vieil immeuble voi- sonnes) et la «salle du boulanger» remplie de une De Dion Bouton de l’année 1899, il faut – jusqu’à la gare» jusqu’à «La belle, aime ton
trouvailles (40 places) sont hébergés dans les le noter toutes en état de fonctionner. serviteur, sinon, il deviendra capucin.» Il ap-
Réglementation espaces de l’ancienne fromagerie, complétés A l’étage supérieur du musée, on voit à pert que si Paul Wick n’avait pas autrefois
de la boulangerie de 1914 d’un jardin avec restaurant et vue sur le Speer l’échelle de 1:1, comment on vivait «au bon souri à sa femme, mais suivi le dicton inscrit
et sur le Mürtschen, ainsi que d’un amusant vieux temps», il y a cent ans et plus: A côté sur le pain d’épice «Homme, sois clair, reste
«Chaque personne qui travaille dans le ma- terrain de jeux pour enfants. d’une cuisine, d’une pièce et d’une chambre célibataire!» il n’existerait pas aujourd’hui de
gasin doit apparaître à son travail dans des à coucher, il y a aussi une buanderie et
vêtements propres. Avant la préparation
Lors de l’ouverture en juillet 2005, le syn-
même des cabinets rudimentaires; en plus,
maison de la boulangerie à Benken … •
dic de Benken honora les initiateurs du Musée (Traduction Horizons et débats)
de la pâte, chacun doit se laver les mains un magasin d’alimentation, une meune-
et les bras avec de l’eau propre. La farine Suisse de la boulangerie en tant que média- rie et une distillerie de moût, et il y a aussi
teurs entre les générations: «Wick rapproche le Musée de la boulangerie et salle des Bretzels
dont on va se servir doit être tamisée. une école d’équitation et un orgue à jouer. Le musée de la boulangerie, de la pâtisserie et
Pour des raisons d’hygiène, il est formel- passé pour les plus jeunes et réveille chez les Bien sûr, on trouve ici également le berceau de la confiserie de Marianne et Paul Wick
lement interdit de s’asseoir et de s’étendre plus âgés des souvenirs.» C’est le mélange gé- sculpté, avec lequel tout a commencé. à 8717 Benken SG est ouvert du mardi au dimanche
pendant et après les heures de travail sur nial, que cet Eldorado de la boulangerie rend En outre, il y a la possibilité de vivre des de 13 à 17 heures.
les tables de travail et établis, de même de passionnant pour toutes les catégories d’âge. aventures avec un attelage de chevaux (ex-
Visites guidées sur demande: +41 55 293 50 93,
fumer dans les locaux de magasins et de cursions en fiacre pour quatre personnes
www.baeckereimuseum.ch
cracher sur le sol. Antiquités et raretés ou des voyages en chevaux attelés avec des
Il est strictement interdit de dévoiler des voitures de société pour 12 personnes), de Il existe d’autres musées à Echallens, Einsiedeln,
Les grands et petits ustensiles de boulangerie Saas-Fee et Törbel, et dans l’Alimentarium de Vevey
secrets professionnels, des recettes, des faire du roller autour du Benknerbüchel ou
comportements ou habitudes spéciales du des temps déjà lointains, entre 1550 et 1950, tout simplement de se détendre au bord qui traitent le thème de la boulangerie. Il existe plus
magasin à une tierce personne.» sont exposés sur environ 600 mètres carrés de du canal de la Linth. de 50 musées au sujet du pain en Europe (Bread Mu-
surface. Un secteur imposant se présente sous seums in Europe, CIP, 2006, ISBN 86-84159-13-6).

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