Romain BOFFA
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TOUT LE PROGRAMME DE DROIT CIVIL EN 26 LECONS
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Documents et conseils de lecture - Exercices commentés
LLG] DI) J]Exercices
3 exercice
Cas pratique
Présentation générale de l'exercice
Le cas pratique est une sorte de consultation juridique. Il s'agil pour Le juriste d'un exercice
fondamental, qui est pratiqué quotidiennement par les magistrats, les avocats, les notaires,
L’objet du cas pratique n'est pas de citer des connaissances au de recopier des arréts trauvés
dans le code: létudiant doit au contraire démontrer sa capacité de raisonnement. C'est le
raisonnement, la démonstration, plus que la solution trouvée, qui impertent
Pour ce faire, il convient de recourir 8 la méthode du syllogisme. Toute question commande
de déterminer le droit applicable [majeure], de (appliquer aux fails du cas [mineure], avant
de conclure [conclusion]
Contrairerent aux autres exercices, la résolution du cas pratique ne suppose pas d’élaborer
un plan, Pour autant, le propos doit étre structure.
Structure du cas pratique
Le cas pratique est rédigé en trois lemps
1/ Le rappel des faits: il nest ni utile ni nécessaire de recopier 'énoncé. En revanche, pour
la bonne campréhensian du cas pratique, il convient de résumer en quelques lignes les faits
du litige, Das lors, il ne faut retenir que Les faits pertinents, en élirninant les circonstances
anecdotiques qui n’ont pas @ intérét pour la résolution du cas,
2/ La question posée: tout cas pratique souléve une ou plusieurs questions gu’ convient
d'identifier. Un conseil peut ici étre donné. Pour chaque pratique, saul lorsque la question
est trés simple, il convient de ne pas énumérer en un seul bloc toutes les régles, mais de
confronter la régle aux faits au fur et a mesure de la démonstration. En d'autres termes, il
est conseillé d'effectuer des « mini-syllogismes», c’est-a-dire d’ identifier des sous-questions,
Le syllogisme est alors effectué au sein de chaque sous-question, Cela permet de procéder
par 6lapes et de faciliter la confrontation du droit au fail
Par exemple, si une question de divarce se pose, sans que le fondement ne sait précisé dans
Ueénoncé, il ne faut pas, dans la majeure, présenter en une seule fois tous les cas de divorce,
avant de les confronter aux faits. C'est proprement indigeste. Il faut prendre séparément
chaque cas de divorce, avec, pour chacun, le droit applicable, Vapplication aux faits et la
conclusion
3/La résolution du cas: celle ci reprend la méthode du syllogisme
Majeure: textes et jurisprudence applicables au cas [ex. textes ot jurisprudence sur le divorce
pour fautel
Mineure: confrontation du droit aux faits du litige, IL faut ici faire un travail de qualification et
d'interprétation, pour se demander si les régles exposées s'appliquent ou non aux fails du
521DROIT civil
litige [ex. + établir si Uinfidélité de Mme X est constitutive d'une violation grave ou renouvelée
des obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie cornmune]
Conelusion: il faut répondre, en une ou deux phrases, a la question posée (M. X peut demander
le divorce pour faule a Lencontre de Madame X]
Application de ces conseils
Résoudre le cas pratique suivant
Jeanne, 30 ans, vient vous consulter. Elle accumule les soucis et 3 besoin de vos conseils
avisés, Elle s'est mariée ily a dix ans avec Luc. Ne pouvant pas avoir d’entant, le couple
a eu recours & une mére porteuse aux Etats-Unis, en utilisant les spermatozoides d'un
ami de Luc, Michel, et ses propres ovocytes. L’entant est né ily a six mois en Californie,
mais les services de l'état civil francais refusent de retranscrire Lacte de naissance. Cette
situation a entrainé des tensions au sein du couple. Jeanne souhaiterait divorcer, mais
son mari refuse calégoriquement, car il Laime encore, méme s'il 's trompée une fois il
ya trois ans. Enfin, au décés de son pére Gérard, Jeanne vient d'apprendre par sa mére
qu'il n’était pas son géniteur: celle-ci avait eu des relations intimes hors mariage avec un
certain Joseph, et sa conception correspond & un moment ai! Gérard était parti en missian
a étranger pour trois mois. Jeanne voudrait faire reconnaitre sa filiation biologique, car
elle a perdu tous ses repéres.
Que pensez-vous de la situation?
1, Sur la reconnaissance du lien de filiation
Jeanne a eu recours 3 une GPA’ Létranger avec ses progres ovocyles et les services d'état
civil refusent la transcription de Uacte de naissance de enfant [faits]
Peut-elle oblenir la reconnaissance de son lien de filiation? (question)
La gestation pour autrui est interdite en France par le Code civil : « toute convention portant
sur la procréalion ou la gestation pour le comple d’autrui est nulle» [art 16-7]. Mais est-il
possible de faire élablir un lien de filiation en France a Uégard d'un enfant né a la suite
d'une GPA elfectuée & Uétranger?
On sait que, dans un premier temps, la Cour de cassation s'est montrée intransigeante, se
relusant & faire produire tout effet au regard de la filiation 4 une GPA contractée a 'étranger,
méme licitement (Cass. 1" civ., 6 avr. 2011, n° 09-17130, Bull, civ. |, n? 70]. Mais, par deux
arréts, ls Cour européenne des droils de ‘homme a estimé qu’en [aisant obslacle tant a la
reconnaissance qu’a Uétablissement en droit interne de la filiation 2 Uégard de leur pere
biologique, la France a porté a l'intérét des enfants une alleinte excessive gui justifie une
condamnation [CEOH, 26 juin 2014, n® 65192/11, Mennesson c/ France ; 6594 1/11, Labassée
c/France]. En revanche, en Vabsence de tout lien biologique, |'Etat n'est pas obligé de recon-
naitre une filiation légale pour les couples ayant recouru a la GPA(CEDH, 24 janv. 2017,
n° 25358/12, Paradiso et Campanelli c/ Italie]. La Cour de cassation a pris acte de cette
condamnation, en retenant qu’en présence d'un acte de naissance qui n'est irrégulier, ni
falsifié, et de feits déclarés correspandant é la réalité, la convention de gestation pour autrui
conclue entre le pére de l'enfant et le mére porteuse ne fait pas obstacle a la transcription
52Frercices
de Vacte de naissance (Cass, ass. plén., 3 juill, 2015, n° 13-0002, 14-21323]. Pour autant,
clle a ensuite précisé que Cacte d'état cwvil doit, pour satisfaire aux exigences de l'article 47
du Code civil, décrire la réalité de Caccouchement, ce qui interdit de retranserire Uacte de
naissance établi 4 Létranger qui désigne comme mére la mére d'intention (Cass. 1” civ.
5 juill, 2017, n° 15-28597]
Quen est-ilen Vespéce?
L’existence d'un lien biologique existe ici, non pas entre le pre d'intention et Lenfant, mais
entre la mére et l'enfant. Nous sommes donc en dehars des hypathéses précédemment
jugées: dans lintérét de Jeanne, ily @ lieu de raisonner par analogie, et de considérer que
Uintérét supérieur de Venfant commande de reconnaitre un lien de filistion avec s3 mere
biologique, méme si elie n’a pas porté Venfant, De fait, te pre non plus ne le porte pas!
Pour aulanl, un obstacle vient se dresser devant celle demande.
En effet, la Cour de cassation subordonne la transcription au fait que l'acte de naissance ne
soit ni falsifié, ni irrégulier. Si Jeanne demande la transcription de l'acte de naissance de
Venfant, c'est done qu'elle apparait comme sa mére. Peut-on considérer qu'il est falsifié,
dés lors qu'elle n'a pas porté Venfant, ni accouché, mais qu'elle en est le parent biolo
gique? A lire Carrét du 5 juillet 2017, la réalité est celle de laccouchement, de sorte que
Jeanne, qui n’a pas accouché, ne peut étre considérée comme a mére de l'enfant. Mais il
est possible de faire valoir ici que Jeanne, si elle n’a pas accouché, est la mére biologique
de Uenfant. On pourrait dés lors plaider que constitue une atteinte disproportionnée 3 la
vie privée et familiale garantie par (article 8 de Le Convention LDH, le fait pour une mare
de ne pas pouvoir faire reconnaitre son lien biologique avec l'enfant, aux motifs qu'elle
n’a pas accouché de son enfant et que la filiation 8 '8gard du pére ne correspond pas ala
réalité, La filiation étant divisible, elle doit étre reconnue a légard de la mere [ce que fait
dailleurs la Cour de cassation en reconnaissant la filiation du pére et pas celle de la mare
dintention). Un doute existe sur (issue d'une telle requéte. Mais c'est ce qu'il convient de
plaider dans lintérét de Jeanne
2. Sur le divorce
Jeanne souhaile divorce de son mari. Mais ce dernier refuse (Iaits])
Sur quel fondement peut-clle obtenir le divorce? [question]
Son conjoint ne voulant pas divorcer, cela écarte Uhypothése du divorce par consentement
mutuel ou du divorce accepté, Restent le divorce pour faute et le divarce pour altération
définitive du lien conjugal
S‘agissant du divorce pour faute, Varticle 242 du Code civil impose une violation grave ou
renouvelée des devairs et obligations du conjoint qui rend intelérable le maintien de La vie
commune. La jurisprudence précise que les deux criléres sont alternatifs: il suflit que (2
violation soit grave ou renouvelée (majeure)
En Vespéce, le fait que Vadultére n’ait été commis qu'une fais n'est pas dirimant. Toutetais,
esi-ce sulfisant pour rendre intolérable le maintien de la vie commune, alors que Luc
déclare toujours aimer son conjoint et que les difficultés actuelles du couple ne sont pas
imputables 8 cet adultére trés lointain? Cela n'est pas certain, Il faut en autre veiller 4 ce
que la réconciliation prévue par article 244 du Code civil ne soit pas établie [mineure]
Tout ceci rend done plus que douteuse Vobtention d'un divorce pour faute [conclusion],
[Remarque: voici un exemple de mini-syllogisme: les divorces sont trailés séparément)
523DROIT civil
Svagissant du divorce pour altération définitive du lien conjugal, il suppose une cessation de
la vie commune depuis deux ans lors de Vassignation en divorce (C. civ., art. 238]. Certes, le
prononcé d'un lel divorce est également possible sans condition de délai, si une demande
en divorce pour faute est formée a titre reconventionnel (ari. 238 al. 2]. Mais le texte n’a
pas ici vocalion 3 s’appliquer, le mari de Jeanne ne souhailant pas divorcer: il ne va done
pas former contre Jeanne une demande de divorce pour faute & titre reconventionnel. Des
lors, faut-il conseiller a Jeanne de quitter immédiatement le domicile conjugal? Nous ne
le pensons pas, car elle pourrait Gtre en faute, au regard du devair de cohabitation, sauf si
le comportement de son conjoint rend intolérable le maintien de la vie commune, ce qui
ne semble pas étre le cas
En réalité, il convient de se rappeler que la procédure de divorce ne commence pas par
assignation en divorce, mais par une requéte initiale, prévue par article 251 du Code civil.
L’poux dépose une requéle en divorce, sans indiquer les motifs de la rupture. Das lors, il
faut conseiller & Jeanne de former une telle requate, et de demander au juge de statuer,
au titre des mesures provisoires, sur la résidence séparée, par application de article 255
du Code de procédure civile. Fu égard au fait que la durée de validité de lordonnance de
non-conciliation est fixe & trente mois [CPC, art. 1113], cela laissera & Jeanne, si elle
persiste dans sa volonté de divorcer, la possibilité de demander le divorce pour altéra
tion définitive du lien conjugal, Le délai de deux ans pour réaliser (assignation, qui court
& compler de la séparation, sera en effel écoulé. C'est en détinitive ce divorce quil convient
de lui conseiller.
3. Sur la filiation paternelle de Jeanne
Jeanne vient apprendre que le mari de sa mére rétait pas son géniteur [faits}
Pout-elle faire établir son lien de filiation avec sen pare biologique? [question]
Aux termes de l'article 320 du Code civil, «tant qu’elle n’a pas été contestée en justice,
(a filiation également établic fait obstacle & ['établissement d'un autre lien de filiation
gui la contredirait». Das lors, avant de pouvoir agir en recherche de paternité contre son
géniteur, Jeanne doit contester le len de filiation qui le lie 8 son pére Gérard. Un premier
obstacle vient se dresser devant une telle action: le délai, En effet, lorsque la possession
@'élat conforme au Ulre @ duré au moins cing ans, seul le ministre public peul contester
lafiliation (C. civ. art, 333 al. 2}. Tel est le cas en (espace: Jeanne a 30 ans, son pere vient
de mourir et la possession d'état semble établie a son égard depuis toujours. La présomp-
tion de paternité a opéré, sa conception ne correspondant pas a une période de séparation
legale [art 312], article 333 alinéa ? est donc applicable
Afin d'y résister, il faudrait donc que Jeanne puisse invoquer que lirrecevabilité de sa
demande, qui Uempéche d’établir un lien de filiation avec son pére biologique, constitue
une atteinte dispraportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garantie par
article 8 de la Convention EDH. On sail que la Cour de cassation procéde désormais 8 ce
contréle et qu'elle peut évincer application d'un texte en pareille hypothése. Par un arrét
cu 5 octobre 2016, elle a toutefois jugé que l'article 320 poursuivait un but légitime et qu’en
Vespace, aucune atteinte disproportionnée n était établie, Venfant ayant eu le temps dagir,
ce qu'elle n'a pas fait len espace, un enfant avait été reconnu par son «pare» 8 19 ansl
Mais ici 'hypathése est différente, dans [a mesure oti Jeanne vient d'apprendre que san
pere sociologique n’était pas son géniteur, de sorte qu'elle ne pouvait pas agir auparavant
Sans préjuger du succes d'une telle prétention, le juge devra procéder a ce contrale.
524Frercices
Mais 8 supposer que sa demande soit recevable, encore faudra-t-il surmonter un probléme
de preuve: en effet, si Uexpertise biologique est de droit en matiére de filiation, Vexper-
tise génétique n'est possible que si la personne y a expressément consenti de son vivant
(C. cv., art, 16-11]. Or, san pére est mort. Le moyen de démentir cette filiation est done
d'établir positivement sa filiation biologique 4 ('égard de son géniteur, en demandant une
expertise biologique, Si le défendeur refuse de s'y soumettre, le juge pourra en tirer les
conséquences. Il n'est pas certain que cela soit suffisant a invalider le Len de filiation avec
son pére sociologique, 3 supposer, ce qui est douteux, que le délai de article 333 alinéa 2
ne lui scit pas opposé
En conclusion, Jeanne pourra Irés difficilement reconnaitre sen lien de filiation avec son
pere biologique
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Introduction générale au droit Droit des personnes
Droit de la famille
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