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Date : 26/07/2019

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Avant première Nouveau À la Fondation Cartier, l’arbre sort du bois

Vue de l’exposition «Nous les arbres», à la Fondation Cartier. - Crédits photo : VOISIN Thibaut/Fondation
Cartier

En exposant des travaux de botanistes et des œuvres d’artistes, l’institution parisienne montre à la fois la
splendeur et la fragilité de ces végétaux.

Je me demande si le rapport premier aux arbres n’est pas d’abord esthétique, avant même d’être scientifique.
Quand on rencontre un bel arbre, c’est tout simplement extraordinaire.» C’est un botaniste d’un genre un
peu particulier qui illustre par cette phrase l’exposition que la Fondation Cartier vient d’ouvrir entre extérieur
et intérieur. Francis Hallé a passé sa vie à observer les arbres. Et pour mieux rendre son observation, il
les a dessinés . Des milliers de croquis plus tard, il ne s’en est toujours pas remis. L’arbre continue de le
fasciner. Il en découvre toujours de plus extraordinaires comme ces «arbres timides», spécimens rares et
bien particuliers qui ne se touchent jamais entre eux quand tous les autres adorent jouer à collé serré dans
la moiteur de la forêt.

On ne va pas critiquer la Fondation Cartier pour nous proposer ce qui est devenu, par le truchement de
quelques succès d’édition et le discours répétitif du retour aux racines, un vrai «marronnier». L’arbre est
plus que jamais un sujet vendeur. À voir la foule qui se presse dans l’enceinte de la Fondation à Paris, on
se doute que «Nous les arbres» sera le tube de l’été. Le lieu y est effectivement propice. «Il ne faut pas
oublier qu’ici on vit parmi les arbres, rappelle Hervé Chandès, le directeur de la Fondation. Jean Nouvel a
organisé l’architecture autour d’eux et pour eux en prenant le cèdre planté par Chateaubriand comme pivot
de son projet.» L’auteur des Mémoires d’outre-tombe qui s’y connaissait pour en avoir planté quelques
remarquables à la Vallée aux loups n’y retrouverait plus ses arbrisseaux. Dans cette exposition, il en vient de
partout, depuis l’Amérique du Sud, l’Iran ou encore l’Italie. Et l’on constate que le groupe de fans ne cesse de
s’élargir. Raymond Depardon et Claudine Nougaret sont allés filmer «ceux qui les côtoient, les chérissent, les
soignent, les admirent». Leur film est éloquent. Le discours latent: les arbres désormais qualifiés d’intelligents

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sont bien plus complexes que l’on croit et sont, autant que les espèces animales menacées, des victimes
des excès de l’homme.

«Les botanistes ont toujours dessiné. Photographier en 1/50 de seconde ne suffit pas à faire connaissance
avec l’arbre. Moi, il me faut une matinée pour le dessiner.»

Francis Hallé, botaniste


Mais comment exposer l’arbre sur des cimaises sans cacher la forêt? Réponse encore de Francis Hallé:
«Les botanistes ont toujours dessiné. Photographier en 1/50 e de seconde ne suffit pas à faire connaissance
avec l’arbre. Moi, il me faut une matinée pour le dessiner.» La feuille de papier est donc bien la reine de
ce parcours sylvestre qui mène le visiteur des forêts sud-américaines jusqu’aux futaies européennes. Les
dessins sont signés par des scientifiques, mais aussi des artistes et nous disent la fascination de l’homme pour
l’arbre. Par tradition branchée sur l’Amérique latine, la Fondation a sollicité ses messagers comme autant de
lanceurs d’alerte. Les Indiens Yanomami, habitants de l’Amazonie entre Brésil et Venezuela, ont envoyé des
dessins colorés. Ils montrent qu’ils n’ont pas attendu les neurobiologistes végétaux pour dire que les arbres
étaient bien doués d’esprit. Les leurs sont tour à tour guerriers et soigneurs. Ils abritent une foule d’animaux,
d’insectes et d’oiseaux.

Le Brésilien Luis Zerbino proclame: «Je me situe à l’exact opposé de la nature morte.» Il a installé une
immense table-herbier au centre de la première salle, au mur de grandes toiles qui figurent la nature s’invitant
dans les villes et des monotypes emprisonnant des feuilles. Ça bourgeonne de partout. Son inspiration est
100 % végétale. Avec sa lime et son rabot, son compatriote Afonso Tostes a détourné des outils anciens en
leur fabriquant de nouveaux manches en bois sculptés. Ils évoquent à la fois des os humains et les troncs
noueux des arbres. D’eux émane une étrange beauté.

La menace qui rôde

Plus contemplatifs, les Italiens Cesare Leonardi et Franca Stagi ont consacré dix ans de leur vie à élaborer
le grand livre des arbres ( L’Architettura degli alberi ). Ces architectes et designers de Modène ne
pouvaient concevoir de dessiner le plan d’un parc sans en connaître exhaustivement les arbres. Après avoir
photographié les plus majestueux, ils les ont dessinés à l’échelle 1/100 avec et sans feuillage, en étudiant
minutieusement leurs variations au fil du temps et des saisons. Ils sont aussi les créateurs de la «cité des
arbres» du Bosco Albergati, où «les visiteurs sont les invités, les arbres les habitants», tout un programme.
Leurs dessins somptueux sont exposés pour la première fois. Tout comme les carnets de Francis Hallé,

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le fervent défenseur des forêts primaires, qui n’a cessé de proclamer l’altérité de ces végétaux et parvient
aujourd’hui à le faire entendre.

Mais tant de beauté ne protège pas de la menace qui rôde rappelle l’exposition. Les photos du Péruvien
Sebastian Mejia montrent tristement que l’arbre est encore bien mal loti dans nos sociétés. Plantés au milieu
des espaces publics étriqués, ils disent aussi un rapport à la nature autrement moins harmonieux.

«Tous, artistes ou scientifiques, ont une relation profonde et ancienne aux arbres. Ils sont en ce “nous”
que nous avons voulu mettre dans le titre de l’exposition» prévient Hervé Chandès qui, par la voix de ces
«nouveaux messagers», revendique le discours militant de l’exposition, mi-leçon de choses, mi-contemplation
esthétique. Pari tenu: quand on sort du bois, sur le boulevard Raspail, les arbres enracinés dans le bitume
prennent une allure étrangement accusatrice.

«Nous les arbres», à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris XIV e, jusqu’au 10 novembre.
Catalogue de l’exposition, 376 p., 49 euros. Rens.: 01 42 18 56 67.

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