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Nuevo Mundo Mundos Nuevos

Nouveaux mondes mondes nouveaux - Novo Mundo


Mundos Novos - New world New worlds 
Reseñas y ensayos historiográficos | 2019

Pedro Martínez Lillo, Joaquín Estefanía (dir.),


América Latina: un nuevo contrato social
Madrid, Marcial Pons, 2016, 336 p.

Stéphane Boisard

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/nuevomundo/78650
ISSN : 1626-0252

Éditeur
Mondes Américains
 

Référence électronique
Stéphane Boisard, « Pedro Martínez Lillo, Joaquín Estefanía (dir.), América Latina: un nuevo contrato
social  », Nuevo Mundo Mundos Nuevos [En ligne], Comptes rendus et essais historiographiques, mis en
ligne le 10 décembre 2019, consulté le 04 janvier 2020. URL : http://journals.openedition.org/
nuevomundo/78650

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Pedro Martínez Lillo, Joaquín Estefanía (dir.), América Latina: un nuevo cont... 1

Pedro Martínez Lillo, Joaquín


Estefanía (dir.), América Latina: un
nuevo contrato social
Madrid, Marcial Pons, 2016, 336 p.

Stéphane Boisard

RÉFÉRENCE
Pedro Martínez Lillo, Joaquín Estefanía, América Latina: un nuevo contrato social, Madrid,
Marcial Pons, 2016, 336 p.

Nuevo Mundo Mundos Nuevos , Reseñas y ensayos historiográficos


Pedro Martínez Lillo, Joaquín Estefanía (dir.), América Latina: un nuevo cont... 2

1 Le livre América Latina: un nuevo contrato


social coordonné par Pedro Martínez Lillo
et Joaquín Estefanía (Madrid: Marcial
Pons, 2016) porte un titre qui suscite
d'emblée intérêt et curiosité. Les deux
auteurs, éminents spécialistes du
continent sud-américain, partent du
constat que l'Amérique latine - tout
comme le reste du monde d'ailleurs car il
ne s'agit pas d'un tropisme uniquement
latino-américain - requiert d'un nouveau
contrat social capable d'assurer la survie
d'Etats et de sociétés en prise à de
profondes mutations. Loin d'une lecture
macro-économique béate, mais loin aussi
d'un "pessimisme anthropologique" qui
condamnerait les mondes extra-
européens n'appartenant pas aux pays
développés à économie de marché à une
sorte "d'impossibilité congénitale à la
modernité et à la démocratie", les auteurs
appuient leur hypothèse sur l'idée que l'Amérique latine a connu des années 1980 à la
fin de la première décennie du XXIe siècle de très profondes mutations : un profond
processus de démocratisation, une période de croissance économique relative due en
grande partie à l'augmentation du prix des matières premières et l'arrivée au pouvoir
de partis et coalitions situés à la gauche de l'échiquier politique qui ont mis en œuvre,
avec plus ou moins de réussite, des politiques redistributives en faveur des secteurs
marginaux et des classes moyennes. Ainsi entre 1995 et 2010, la mobilité sociale en
Amérique latine a permis à 40% de la population d'accéder à un groupe socio-
économique supérieur. Même si, selon la Banque Mondiale, la classe sociale "des
personnes vulnérables" (personnes se situant entre "pauvres" et "classe moyenne")
reste la plus nombreuse, ladite classe moyenne est tout de même passée de 100 à 150
millions de personnes en une décennie.
2 C'est à l'aune de ces transformations que les deux coordinateurs du livre invitent à
repenser ce nouveau contrat social, c'est-à-dire une "combinaison d'accords implicites
et explicites qui détermine ce que chaque groupe social doit apporter à l'Etat et ce qu'il
est en mesure et en droit de recevoir de lui" (p. 20). Même si elle est explicitée au long
des neufs chapitres qui composent ce livre collectif, cette définition d'un "nouveau
contrat social" reste quelque peu minimaliste et aurait mérité un développement
théorique plus approfondi. Toutefois, on ne peut que souscrire à cette hypothèse de
travail du fait de l'apparition de nouveaux dispositifs de pouvoir tant à l'échelle globale
que locale et de la refonte des logiques sociales sous l'impulsion du capitalisme
financier entre les années 1970 et 2000 et puis celle du capitalisme cognitif à l'œuvre
depuis le début du XXIe siècle. Ceux-ci sont venus questionner les fondements même de
la modernité politique occidentale, c'est-à-dire les rapports entre individu, classes
sociales/société civile, nation et Etat. En érigeant le principe d'égalité entre les hommes
en clé de voute des nouvelles relations sociales, les "révolutions atlantiques" (de la

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Great Revolution à la fin du XVIIe aux révolutions hispaniques du début du XIXe siècle)
ont conduit au XXe siècle à une lente démocratisation des sociétés et à la création
d'Etats-providence chargés d'assurer un minimum de redistribution entre les
différentes classes sociales. Bien que ce processus n'ait pas été exempt de larmes et de
sang du fait de l'exploitation ouvrière et du lourd tribut payé par les peuples colonisés
au développement européen, le point d'équilibre entre libéralismes économique et
politique, c'est-à-dire la tension entre marché et démocratie, semble actuellement
rompu. Or, si l'on en juge par le fait que la dictature communiste chinoise est devenue
le principal défenseur du capitalisme mondial et que fleurissent partout dans le monde
des démocraties "illibérales", force est de constater que c'est le principe même de
démocratie, c'est-à-dire de souveraineté populaire capable d'établir un consensus a
minima de règles communes, qui est fragilisé. L'intérêt de penser en terme de contrat
social permet donc de questionner l'idée que le libéralisme - surtout lorsqu'il est
circonscrit à sa seule dimension économique - soit synonyme de démocratie. Comme l'a
fort justement rappelé C. B. MacPherson (The Life and Times of Liberal Democracy,
Oxford: Oxford University Press, 1977), le libéralisme n'est pas né démocratique mais il
s'est démocratisé tout au long des XIXe et XXe siècles, de même que la démocratie s'est
aussi progressivement libéralisée pendant ce même lapse de temps. Partir de
l'Amérique latine, cet "extrême-occident" à l'origine de la création du "système-
monde" comme Immanuel Wallerstein a nommé le processus de mondialisation
politique, économique, culturelle et biologique qui démarre symboliquement en 1492,
est une porte d'entrée roborative pour penser les changements planétaires en cours.
3 Malgré les limites inhérentes à son caractère collectif, et notamment le fait que les
chapitres sont de facture inégale tant sur le fond que sur la forme, l'intérêt de ce livre
réside dans le fait que les chapitres dialoguent entre eux. Partant de données
statistiques sociologiques et économiques, Rebeca Grynspan (¿Hacia donde va América
latina? Fortalezas y debilidades, p. 25-54) met en évidence l'émergence de nouveaux
acteurs sociaux, signe d'un empowerment citoyen qui se traduit par des demandes
sociales accrues notamment en termes d'évolutions institutionnelles, d'amélioration
des conditions de travail et des systèmes éducatifs. Toutefois Fernando Gualdoni (La
vida tras el auge de las materias primas, p. 89-110) rappelle que la croissance économique
qui a permis cette évolution sociale repose sur des bases fragiles car l'Amérique latine
reste très dépendante de l'exportation de matières premières. Cet auteur souligne aussi
une autre limite possible de cette croissance, à savoir qu'elle est largement tributaire
d'un nouvel acteur, la Chine, qui a pris de plus en plus d'importance dans les économies
latino-américaines.
4 Le chapitre rédigé par Pedro Martinez Lillo et Pablo Rubio Apiolaza (Del neoliberalismo
conservador al giro a la izquierda: el discurso político latinoamericano en la era global,
1990-2010, p. 55-87), analyse l'évolution du discours néoliberal conservateur des années
1990 et le discours des gouvernements de gauche dans les années 2000. Il offre un cadre
historique fort utile pour lire le chapitre de Joaquín Estefanía (Democracia y ciudadanía,
p. 111-125), en suggérant une périodisation de la vie politique allant de la
généralisation des régimes démocratiques au début de la décennie 90 à l'élection de
Hugo Chávez à la présidence du Venezuela en 1998. Après les années de "démocratie de
marché" chère à Ludwig Von Mises et synthétisé dans le Consensus de Washington,
l'arrivée au pouvoir du leader vénézuélien ouvre la voie à un "virage à gauche" du sous-
continent et l'apparition dans les agendas politiques de thématiques telles que
l'approfondissement de la démocratie, la promotion d'un développement économique

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mettant fin au moins-disant social et le développement des politiques redistributives


en faveur des secteurs les plus défavorisés. J. Estefanía constate à partir de cette date
une amélioration des conditions d'exercice de la citoyenneté dans un cadre
institutionnel démocratique consolidé. Toutefois, selon lui, la démocratisation et
l'émergence d'une conscience citoyenne restent minées par les taux élevés de pauvreté
et d'inégalité qui caractérisent toujours les sociétés latino-américaines.
5 Directement lié à la problématique de la démocratie et de la citoyenneté, le défi de la
corruption au sein d'Etats aux institutions toujours fragiles est examiné par Silvina
Bacigalupo dans son chapitre sur la "criminalité économique internationale" (p.
127-154). En s'appuyant sur une typologie des délits et crimes liés à la mondialisation
économique depuis les années 1980, elle conclut qu'il manque toujours un cadre légal
solide régulé par des instances internationales reconnues et respectées pour lutter
contre la criminalité économique. Même si une analyse plus factuelle des pratiques de
corruption et des acteurs privés et publics qui en sont responsables aurait été
souhaitable, cette question est absolument cruciale pour l'évolution de l'Amérique
latine car il soulève le problème des institutions judiciaires, de leur organisation, de
leur pouvoir et de leurs moyens, et donc in fine de l'égalité des citoyens devant la loi et
de la garantie de l'existence d'un Etat de droit. Ce chapitre de S. Bacigalupo entre en
résonnance avec les études proposées par Pilar Bernard Esteban sur les systèmes
européen et américain de défense des droits de l'Homme (p. 219-252) et par Mónica
Sánchez Girao sur le principe de juridiction universelle (p. 253-291). Sans pouvoir
rendre compte dans le détail de ces deux chapitres, il faut souligner ici l'effort notoire
des auteures pour proposer des études comparées et transversales de ces
problématiques. Celles-ci permettent notamment de comprendre pourquoi les cas de
violation des droits de l'Homme en Argentine, au Chili, au Guatemala, au Salvador et au
Mexique ont pu avoir des incidences sur l'évolution du principe de juridiction
universelle en Espagne.
6 Les deux derniers chapitres posent, quant à eux, la question de l'intégration régionale
au sein d'organismes internationaux économiques et d'instances politiques nouvelles
telles que l'ALBA (l'Alliance Bolivarienne créée en 2004 à l'initiative d'Hugo Chávez),
l'UNASUR (Union des Nations Sud-américaines), un organisme officiel ayant un statut
d'observateur à l'ONU, fondé en 2011 et regroupant douze pays, et enfin, la CELAC
(Communauté des Etats Latinoaméricains et Caribéens) regroupant trente-trois pays et
créée en 2011. Même si le lien peut paraître un peu plus ténu que dans les chapitres
mentionnés précédemment, le texte de Mariana S. Leone (p. 181-217) rappelle combien
la création de ces organismes régionaux et leur importance dans l'idée d'une identité et
d'un destin communs à l'Amérique latine ont été tributaires depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale d'un pays et d'une expérience politique qui a durablement divisé les
pays d'Amérique latine : Cuba et la Révolution castriste. C'est là tout l'intérêt de
l'analyse de Carlos Alonso Zaldívar (Cuba: preguntas y respuestas, p. 155-179),
ambassadeur d'Espagne à Cuba entre 2004 et 2008, sur le rapprochement entre Raúl
castro et Barack Obama qui a conduit à leur rencontre historique en 2014. Même si tous
ces efforts semblent avoir été balayés par l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui
s'est empressé de dénoncer ces accords, il est évident que cette rencontre a mis fin, au
moins symboliquement, à la Guerre froide qui, depuis 1959, a sous-tendu avec plus ou
moins d'intensité toutes les relations géopolitiques dans le continent américain.

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7 Comme souvent, l'Amérique latine nous apparaît comme une sorte de miroir inversé de
l'Europe occidentale et des Etats-Unis d'Amérique où les problèmes sociaux y sont plus
exacerbés et prégnants du fait de l'ampleur des inégalités et de la violence qui
imprègne les relations sociales. Les choix originaux des thématiques et des perspectives
développées dans cet ouvrage en font un livre fort recommandable pour qui veut
comprendre l'Amérique latine contemporaine, et cela malgré la difficulté d'écrire sur
une actualité brûlante et mouvante. Les perspectives croisées et pluridisciplinaires
permettent d'ausculter les évolutions récentes tout en maintenant un regard critique.
On pourra regretter que ce livre reste incomplet tant dans sa couverture thématique
que géographique. On aurait apprécié, par exemple, des études sur le processus de paix
en Colombie, les relations entre le régime post-chaviste vénézuélien et ses voisins, le
rôle et l'influence des Etats-Unis d'Amérique de Donald Trump dans le contexte actuel
de tensions migratoires intercontinentales, la question des minorités ethniques (voire
des "majorités ethniques" dans certains pays) ou encore l'émergence de mouvements
féministes très revendicatifs à l'échelle du continent, sans oublier bien sûr les enjeux
écologiques à l'heure où l'Amazonie est en train de partir en fumée.
8 Au vu de l'actualité des dernières années, on attend donc avec impatience une suite à ce
livre sur la décennie 2010 marquée par l'arrivée de gouvernements de droite extrême,
parfois brutaux et agressifs comme c'est le cas au Brésil avec Jair Bolsonaro ou en
Colombie avec Iván Duque, ou "tout simplement" néo-conservateurs comme ceux de
Sebastián Piñera au Chili ou Mauricio Macri en Argentine. Au regard de la politique que
mène Jair Bolsonaro contre la grande forêt amazonienne et ses habitants, mais aussi de
la terrible répression exercée contre les populations, elles-aussi souvent
amérindiennes, qui s'opposent aux très polluantes industries d'extraction minière et
pétrolifère en Argentine, au Chili ou dans les autres pays andins, on ne peut que
suggérer l'inclusion dans le prochain volume d'un chapitre sur la question écologique.
L'investissement massif réalisé par la Chine afin de se garantir un accès aux matières
premières du continent mais aussi l'arrivée d'hommes d'affaires
"climatonégationnistes" au pouvoir dans les Amériques (Donald Trump, Sebastian
Piñera, Mauricio Macri ou Jair Bolsonaro soutenu par les tout-puissants
agrobusinessmen brésiliens) sont des facteurs qui laissent augurer une aggravation des
tensions géopolitiques et socio-économiques dans tout le continent. Il semble en effet
urgent d'interroger le rôle de ces dirigeants dans l'émergence d’un nouveau régime
climatique (Bruno Latour, Face à Gaïa, Paris: La Découverte, 2015) en questionnant notre
rapport à ce monde en crise. Car comme l'avait prophétiquement annoncé Antoni
Gramsci dans ces Cahiers de prison (Cahier 3, §34, p. 283, Paris: Gallimard, 1996) , "la crise
consiste justement dans le fait que l’ancien [monde] meurt et que le nouveau ne peut
pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus
variés. » Afin que dans ce clair-obscur ne surgissent plus de monstres, il faut
inlassablement "décrire" la réalité car « Décrire, c’est alarmer, émouvoir, mettre en
mouvement, appeler à l’action » (Bruno Latour, Face à Gaïa, p.38). On saura gré à ce livre
de Martínez Lillo et d'Estefanía, à défaut de nous apporter des réponses simples et
simplistes, d'avoir contribué à "décrire" la réalité présente de l'Amérique latine.

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INDEX
Mots-clés : démocratie, Amérique latine, politique, institutions, société
Keywords : democracy, Latin America, politics, institutions, society
Palabras claves : democracia, América latina, política, instituciones, sociedad

AUTEURS
STÉPHANE BOISARD
INU Jean-François Champollion / FRAMESPA (CNRS-UMR 5136)

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