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LES MOTS DE LA MODERNISATION DES RELATIONS


ADMINISTRATIVES
Geneviève Koubi

Ecole nationale d'administration (ENA) | « Revue française d'administration


publique »

2013/2 N° 146 | pages 339 à 350


ISSN 0152-7401
Article disponible en ligne à l'adresse :
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http://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-
publique-2013-2-page-339.htm
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Pour citer cet article :


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Geneviève Koubi, « Les mots de la modernisation des relations administratives »,
Revue française d'administration publique 2013/2 (N° 146), p. 339-350.
DOI 10.3917/rfap.146.0339
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II – Caractériser
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les téléservices publics

Les mots de LA modernisation


des relations administratives

Geneviève KOUBI

Professeur de droit public à l’Université de Paris VIII*

Résumé
L’administration électronique ou numérique engage autant les administrés que les administra-
tions. Or, pour certaines de ses réalisations, le choix du terme de téléservice conduit à mettre
en exergue les mesures prises pour la simplification des relations entre administrations et admi-
nistrés. La distinction entre services en ligne, services à distance et téléservices permettrait de
distinguer d’une part la confirmation de la réduction du service public à la prestation et, d’autre
part, la consolidation de la rhétorique d’un usager non plus acteur mais assujetti.

Mots‑clefs
E‑administration, administration électronique, administration numérique, service en ligne, télé-
service, relations administratives, « service‑public.fr »

Abstract
— Teleservices, Online Services or Remote Services? Terms for the Modernisation of
Administrative Relations — Electronic or digital administration involves administrations as well
as their constituencies. However in some applications, the use of the term “teleservice” has led to
a focus on measures implemented to simplify relations between administrations and the citizens.
Making a distinction between online services, remote services and teleservices would make it
possible to distinguish between on the one hand, the confirmation that public services are limited
solely to provision of services, and on the other, the consolidation of the rhetoric according to
which a user is no longer an active player but rather subjects of public service.

Keywords
E‑administration, electronic administration, digital administration, online services, teleservices,
administrative relations, “service‑public.fr”

*  CERSA‑CNRS UMR 7106.

Revue française d’administration publique n° 146, 2013, p. 339-350


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Prenant appui sur les législations relatives à la simplification du droit et à l’amé-


lioration des rapports entre les administrations et leurs publics 1, différents sites officiels
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– de l’État, des administrations centrales, des services déconcentrés ou des collectivités


territoriales – présents sur la toile d’araignée mondiale 2 renvoient à des décrets et arrê-
tés portant création de nouveaux portails, services interactifs, traitements automatisés de
données, et téléservices.
Les processus de connexion entre ces derniers sont assurés via le site officiel de
l’administration française «  service‑public.fr  » 3. Ce dernier est d’accès aisé, mais il
n’est qu’un  site d’information. Aussi, pour une concrétisation des fonctionnalités de
l’administration électronique, les correspondances entre les sites internet suscitent une
amplification du recours aux téléservices par les administrations elles‑mêmes. Cet agen-
cement s’effectue sous l’égide de la direction interministérielle pour la modernisation
de l’action publique (DIMAP). Cette dernière a, entre autres, pour mission  de favoriser
le développement de l’administration numérique  : «  elle propose les mesures tendant
à la dématérialisation des procédures administratives ; elle incite au développement de
services numériques en apportant son appui aux administrations pour l’identification des
besoins, la connaissance de l’offre, la conception des projets et l’évaluation des résul-
tats  » 4. Dans cette configuration, d’une part, les mesures de simplification émises en
faveur des citoyens et des usagers des administrations 5 ou destinées à améliorer la qualité
des relations des citoyens avec les administrations 6 placent au cœur des dispositifs mis en
œuvre un soutien aux usages d’internet ; d’autre part, l’élaboration et la complexion de
la stratégie de modernisation obligent les administrations de l’État à adapter leurs modes
de gestion aux évolutions de leurs missions (art. 3‑III).
L’e‑administration ne se construit pas à sens unique. Les administrés comme les
administrations centrales, les services déconcentrés, les collectivités locales, les éta-
blissements publics sont concernés par la démarche. Restituer aux services aména-
gés sur les réseaux leurs spécificités, en ce qu’ils relèvent d’activités non marchandes,
conduit à discerner leurs attributs pratiques. Repérer ces caractéristiques revient à cir-
conscrire les terrains entre modes d’interaction et types de services. Cette perspective
requerrait une identification formelle des services administratifs et sociaux sur internet.
Or, indépendamment de leurs régimes juridiques, la fixation des terminologies à leur
propos est primordiale.
La phraséologie administrative oscille entre ces énonciations : téléservices, services
en ligne, services à distance. Or, ces termes et expressions ne sont pas équivalents. Leurs
enjeux doivent être différenciés afin de limiter les risques de distorsion des activités et
prestations suivant les incidences liées à la libéralisation, conséquemment au phénomène
de l’individualisation.

1.  Loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les admi-
nistrations, JORF, 13 avril 2000 ; loi n° 2007‑1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit,
JORF, 21 décembre 2007  ; loi n°  2009‑526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et
d’allègement des procédures, JORF, 13 mai 2009 ; loi n° 2011‑525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amé-
lioration de la qualité du droit, JORF, 18 mai 2011.
2.  Web, selon la Commission générale de terminologie et de néologie, JORF, 16 mars 1999.
3. http://www.service‑public.fr/.
4.  Article 3 II ‑ 1° et 2°, D. n° 2012‑1198 du 30 octobre 2012 portant création du secrétariat général pour
la modernisation de l’action publique, JORF, 31 octobre 2012.
5.  Chapitre I, Loi n° 2009‑526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allège-
ment des procédures, JORF, 13 mai 2009.
6. Chapitre I, Loi n°  2011‑525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du
droit, JORF, 18 mai 2011.

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Du e‑ au tÉlÉ‑ : un cadrage sÉmantique officiel


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La connaissance des services de l’État ou des collectivités territoriales sur internet


dépend, pour une part, de leur dénomination. Un service en ligne n’est pas un service
à distance, et un téléservice, s’il s’avère aussi effectué à distance ou en ligne, serait à
la fois l’un et l’autre ou ne serait ni l’un ni l’autre. Si le terme de téléservice est entré
dans le langage courant, qualifié de public il ne reflète que très partiellement les activités
d’intérêt général dont sont investies les autorités administratives ; il ne retrace en rien les
circuits qu’empruntent les modes de traitement des prestations qu’il suppose ; il ne révèle
aucune préoccupation quant aux modalités de réception de ces activités par les usagers.
Les activités dont s’emparent les services en ligne, services à distance ou téléservices,
sont réduites à la fourniture de service. Parfois seul un commencement d’exécution de
la prestation est concerné (téléchargement de formulaire, téléprocédure) ; d’autres fois,
la délivrance de la prestation peut tout aussi bien être réalisée par une personne privée.
L’institution de tels services défait les lignes de partage entre sphères administratives et
privées. De plus, ces services bien que pensés à destination des administrés, bénéficient
en définitive principalement à l’administration.
L’arrêté du 30 décembre 1988 relatif à la terminologie des télécommunications 7
présentait la définition du téléservice en ces termes : « service de télécommunication qui
assure tous les aspects de la communication entre usagers, conformément à des proto-
coles établis par l’entité exploitante ou par accord avec les entités exploitantes ». Cette
spécification, insérée dans le lexique des techniques de l’information et de la communi-
cation (TIC) par la Commission générale de terminologie et de néologie, n’a pas varié.
L’ordonnance n°  2005‑1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques
entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives 8
opte pour une autre caractérisation  ; est considéré comme téléservice, «  tout système
d’information permettant aux usagers de procéder par voie électronique à des démarches
ou formalités administratives » (article 1, 4), le système d’information étant lui entendu
comme «  tout ensemble de moyens destinés à élaborer, traiter, stocker ou transmettre
des informations faisant l’objet d’échanges par voie électronique entre autorités admi-
nistratives et usagers ainsi qu’entre autorités administratives » (article 1, 1). Passant d’un
service de télécommunication à un système d’information, la fonction du téléservice
s’inscrit dans le registre de la dématérialisation, sous la griffe de la facilitation des procé-
dures administratives.

La déclinaison des préfixes

Le choix du préfixe télé‑ ne va pas de soi. Ce préfixe rapporte une idée de distance
et, corrélativement, de déplacement. Présumant une démarche effectuée par le biais des
communications électroniques, il ne transforme ni le sens, ni l’objet, ni la fonction du
service en cause. Or, d’autres modèles auraient pu être retenus au regard des formules
de service en ligne et de services à distance. Celles‑ci ne sont pas écartées dans l’espace
administratif mais elles correspondent à des activités particulières qui ne se résument pas
en téléprocédures ou téléchargements de formulaire. Elles intègrent autrement que par

7.  JORF, 17 février 1989.


8.  JORF, 9 décembre 2005.

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des identifiants numériques les conditions d’accès aux services publics qu’elles peuvent
désigner, ces conditions étant graduées suivant des paramètres exclusifs et selon des cri-
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tères caractéristiques.
La diversité des préfixes qui ont déterminé les néologismes utilisés par les adminis-
trations publiques, s’est atténuée afin de dominer le e‑, signe des flux électroniques issus
de la langue anglaise. Ces préfixes – audio‑ (du latin audire, entendre) ; hyper‑ (du grec
huper, ce qui est au‑dessus) ; vidéo‑ (du latin videre, voir) ou visio‑ (du latin visio, action
de voir) ; cyber‑ (du grec : kubernêtikê, processus de contrôle) – ont été recouverts par
la méthodologie commerciale qui, affectant les langages relationnels, commande l’usage
des affixes se rapportant aux activités étatiques et administratives sur internet. Le télé‑ (du
grec têle, au loin) a été privilégié. La Commission générale de terminologie et de néo­
logie déplorait « un usage croissant du préfixe e‑ (pour électronique), calqué sur l’anglais
(d’où une graphie fluctuante, de e‑ à i‑, en passant par é‑), pour désigner des activités
fondées sur l’utilisation des réseaux informatiques et de télécommunication » 9. De fait,
« la signification en est confuse et fluctuante, puisqu’il s’emploie pour désigner indif-
féremment tout ce qui est lié aux techniques de l’information et de la communication :
technique, procédure, missions ou organismes. » Bien qu’attachée à la formule en ligne,
la Commission préconise l’utilisation du préfixe télé‑ « chaque fois que c’est possible
sans créer d’ambiguïté, notamment avec des notions relevant strictement du domaine de
la télévision ou des activités à distance ».
L’usage du préfixe télé‑ prévaut désormais, qu’il s’agisse de télé‑procédures, de
télé‑chargements ou de télé‑services, la suppression du trait d’union, marqueur de l’affixe,
n’étant pas sans incidences.

Les fonctions attribuées aux préfixes

Le maniement du préfixe télé‑ dans le cadre des activités d’intérêt général se réper-
cute sur les formes de recomposition des relations administratives. En suivant les proposi-
tions de la Commission, les différents préfixes dénotant des circuits internet relevés dans
les listes de termes, expressions et définitions adoptés, peuvent être ainsi appréhendés :
Le préfixe «  cyber‑  » se trouve plus ou moins exclu des mécanismes relationnels
dans l’univers administratif. La désignation des objets inclus dans la dynamique virtuelle
qui introduit le préfixe cyber‑, peu satisfaisant étymologiquement selon la Commission,
s’attache aux lieux d’échanges (cybercafé), aux prospectives ou synthèses interac-
tives (cyber‑code), aux délimitations déterritorialisées (cybercriminalité), aux opérations
et interventions ciblées (cyber‑guerre). Elle ne se saisit pas de la notion de prestation qui
anime l’idée de téléservice. La fonction de ce préfixe est concrète, matérielle. L’exemple
des cybercentres y concourt ; les cybercentres sont des lieux ouverts à tous, particulière-
ment aux habitants des zones rurales ou des quartiers défavorisés. Structurés ou soute-
nus par des collectivités publiques (municipalité, collectivité intercommunale, structure
associative chargée de missions de service public), ils remplissent une mission sociale.
En ces zones, afin de limiter la fracture numérique – avant qu’elle ne soit légalement
circonscrite 10 –, des points d’accès avaient été déterminés par une circulaire en date du

9.  Recommandation sur les équivalents français du préfixe e‑, JORF, 22 juillet 2005.
10. Loi n°  2009‑1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, JORF,
18 décembre 2009.

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les mots de la modernisation des relations administratives 343

23 août 2001 relative à la mise en place des espaces publics numériques 11. Le remanie-
ment de l’idée de proximité condense la suppression des points‑relais de services publics
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et consolide leur remplacement par des points de contact virtuels, parfois assimilés aux
cyberpoints. Le déploiement du « Très haut débit » sur l’ensemble du territoire prétend
alors remédier à l’isolement que crée la disparition des services publics dans quelques
parties du territoire.
L’émergence d’une forme de spatialisation quasi‑exclusivement électronique des
relations administratives – à travers des plates‑formes, des portails, des comptes person-
nalisés ou des cartes à puce qui supposent tous une exploitation de données à caractère
personnel par les services administratifs contactés et connectés – contribue ainsi à l’éva-
nescence des services publics.
La fonction du « e‑ » est limitée à l’accès au réseau internet ; elle signifie en ligne.
La plupart des portails officiels institutionnalise des services en ligne, le premier étant
de l’ordre de l’information juridique et administrative : « Legifrance.gouv.fr ». En relè-
veraient aussi les jeux en ligne sur internet 12 ainsi que les paiements en ligne comme,
par exemple, le « paiement par internet, dans le respect de la réglementation bancaire,
des titres de recettes et factures de régie émis par les collectivités territoriales et leurs
établissements publics locaux » 13. La Commission générale de terminologie et de néo-
logie retient alors le décalage existant entre les fonctions d’un apprentissage en ligne (de
l’anglais e‑learning) des réalisations d’un enseignement effectué à distance 14, lequel
pourrait tout aussi bien être compris comme relevant d’un télé‑enseignement sous cer-
taines conditions d’échange.
En tout état de cause, le « e‑ » est rarement utilisé dans les textes officiels ; l’expres-
sion en ligne, est plus consensuelle, mais la particule télé‑ tend à lui être systématique-
ment substituée.
Le préfixe « télé‑» forme un modèle plus élastique. Qu’il s’agisse de télétraitement,
compris comme un « mode de traitement selon lequel les données sont émises ou reçues
par des terminaux éloignés de l’ordinateur » ou de télémaintenance, entendue comme la
«  maintenance d’une unité fonctionnelle, assurée par télécommunication directe entre
cette unité et un centre spécialisé » 15, ce préfixe est à double détente. D’une part, il retra-
duit l’existence d’un acte, d’un comportement. L’action ou l’opération se réalise à dis‑
tance sans que le contenu de celle‑ci soit radicalement modifié par rapport à ce qu’il
aurait été s’il avait été effectué sur place, devant un guichet ou par voie postale. D’autre
part, ce préfixe télé‑ retrace une attitude, une posture. Il induit une certaine passivité, une
adhésion minimale au défilement du texte ou de l’image sur un écran dès l’acte participa-
tif de l’appui physique ou digital sur une touche donnée d’un clavier ou d’une souris, de
cliquer donc. Bien qu’usant de l’expression de service en ligne et reflétant les méthodes
de télédéclaration, l’article 6‑II de l’arrêté du 22 mars 2002 portant création par la direc-
tion générale des finances publiques d’un traitement automatisé d’informations nomina-
tives permettant la transmission par voie électronique des éléments déclaratifs en matière
d’impôt sur les revenus et portant conventions types relatives à ces opérations, avalise

11.  JORF, 24 août 2001.


12.  Loi n° 2010‑476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur
des jeux d’argent et de hasard en ligne, JORF , 13 mai 2010.
13.  Article 1, arrêté 22 décembre 2009 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère
personnel dénommé TIPI, JORF, 12 janvier 2010.
14.  Recommandation..., JORF , 22 juillet 2005.
15.  Vocabulaire de l’informatique, JORF, 22 septembre.

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cette indifférence recherchée de la part de l’usager : « Tout contribuable concerné peut


transmettre par voie électronique sa déclaration d’ensemble des revenus et les éventuelles
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déclarations annexes correspondant à sa situation fiscale après avoir accepté les clauses
des conditions d’utilisation du service en ligne » 16.
L’utilisation itérative du préfixe télé‑ corrobore le souci d’un acquiescement,
d’une adhésion, si ce n’est d’une soumission, aux modes de délivrance des prestations
correspondantes.
L’offre de téléservices, à l’origine envisagée suivant les impératifs de l’aménage-
ment du territoire, se transforme. Elle se substitue aux services eux‑mêmes. Le préfixe
télé‑ irrigue les relations administratives sur internet par un jeu d’interconnexions et
de captations. Si les services administratifs assurent leur modernisation cinétique à
travers leurs réseaux, l’usager d’un service public, lui, est un assujetti dont le mou-
vement participatif est réduit à la connexion, au suivi du flux, à l’obéissance aux
consignes affichées sur un écran. Quant aux services effectués à distance, comme ceux
de téléenseignement, télésurveillance ou de téléassistance, ils ne leur allouent que peu
d’espaces dialogiques.

TÉlÉservice : assortiment de traitements,


formalitÉs et prestations

Les téléservices publics sont destinés à impliquer les agents comme les administrés
dans l’amélioration du fonctionnement des services administratifs, de leur efficacité et de
leur performance. L’activité qui caractérise le service public s’efface derrière l’action de
communication. Conçus pour faciliter l’obtention de différentes prestations de l’admi-
nistration, ils présentent le plus souvent un bouquet de téléprocédures. Dépendants des
usages d’internet dont la fourniture, au moins pour un accès, devrait s’entendre d’ordre
universel afin d’éviter le fossé entre les catégories d’usagers selon qu’ils seraient connec-
tés ou pas, ils ne peuvent, pour l’instant, être imposés – sauf en certains cas. Les usa-
gers peuvent encore choisir leurs modes de communication avec les administrations.
Néanmoins, la voie électronique pourrait à terme être rendue obligatoire.
Qu’il s’agisse de téléprocédures, de télédéclarations, de téléchargements, les
téléservices qui les rassemblent sont intégrés dans les enjeux de la modernisation de
l’action publique. Leur équilibre comme leur stabilisation reposent sur la responsabi-
lisation des personnes – physiques ou morales – qui y font appel. Il s’agit en quelque
sorte de les faire participer aux impératifs économiques qui soutiennent la diffusion du
recours aux technologies de l’information et de la communication. L’usage du mot de
téléservice prime alors sur la qualification juridique du service. Externalisation aidant,
la distinction entre téléservices publics et téléservices privés n’est pas foncièrement
caractérisée, exception faite pour les interconnexions réalisées entre les administra-
tions elles‑mêmes.
La mise en perspective de la relation administrative instituée par le réseau ou le
portail qui en assure l’accès et par l’application ou le procédé utilisés, justifierait l’appel-
lation de téléservice public, même si l’expression de téléservice administratif paraîtrait
plus adaptée pour certains de ces services.

16.  Version remaniée par un arrêté du 2 octobre 2012, JORF , 18 octobre 2012.

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les mots de la modernisation des relations administratives 345

La prévalence du préfixe sur les formules


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La dissociation entre les préfixes déterminerait les lieux et terrains principaux des
interventions administratives dans les orientations d’une reformulation des relations entre
les administrations et leurs publics. Le choix du préfixe « télé‑ » ne ressort pas seulement
d’une commodité de langage.
Dans les textes institutifs, la création des téléservices conclut souvent des actions
menées préalablement à titre expérimental 17 – parfois sans que le texte‑source puisse être
identifié. Ces expérimentations sont confirmées par quelques actes réglementaires qui
viennent en consolider la pratique. Les descriptions juridiques des différents téléservices
ainsi saisis sont polyphoniques. Elles amalgament diverses finalités. Elles sont dessinées
à partir des démarches effectuées en ligne et à distance, par l’entremise de portails ou de
plates‑formes dédiés officiellement. La plupart du temps, elles se bornent à introduire par
le préfixe télé‑ de nouvelles modalités relationnelles dans un service existant et ne créent
pas de toute pièce un nouveau service ou une nouvelle procédure, – à la différence des
composés en ligne ou à distance.
L’utilisation de l’expression de service en ligne sous‑entendrait la création de nou-
veaux procédés d’information, de communication et d’échanges. L’idée de service sur-
passe celle de prestation. Dans sa circulaire du 21 janvier 2002 relative à la mise en
œuvre d’un cadre commun d’interopérabilité pour les échanges et la compatibilité des
systèmes d’information des administrations, le Premier ministre usait de cette locution
pour rendre compte de l’utilité du regroupement des recommandations élaborées à propos
des « échanges entre les systèmes d’information des différentes administrations, ainsi que
les relations entre ces systèmes et les dispositifs utilisés par les usagers des services » 18.
Sur un autre terrain, le décret n° 2011‑1133 du 20 septembre 2011 modifiant certaines
dispositions du code du travail relatives au chèque emploi‑service universel (CESU) et
aux services à la personne 19 désigne les services en ligne du CESU comme un mode de
« gestion des comptes chèques emploi‑service universels dématérialisés » aux fins « de
faciliter la mise en relation des particuliers avec leurs salariés ou leurs prestataires », sans
en relater la problématique administrative et sociale sous‑jacente.
L’énoncé de service à distance semble s’inscrire dans un univers marchand ainsi que
la définition du commerce électronique insérée dans la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004
pour la confiance dans l’économie numérique 20 l’envisage : « Le commerce électronique
est l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par
voie électronique la fourniture de biens ou de services » (article 14), ou dans une relation
de clientèle comme l’indique l’ordonnance n° 2005‑648 du 6 juin 2005 relative à
la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs 21 : « la
fourniture de services financiers à un consommateur dans le cadre d’un système de vente
ou de prestation de services à distance organisé par le fournisseur ou par un intermédiaire
qui, pour ce contrat, utilise exclusivement une ou plusieurs techniques de communication
à distance jusqu’à, et y compris, la conclusion du contrat » 22.

17.  Ex. : Décret n° 2008‑1109 du 29 octobre 2008 portant création à titre expérimental d’un traitement
automatisé dénommé « pré‑plainte en ligne », JORF , 31 octobre 2008.
18.  JORF, 5 février 2002.
19.  JORF, 22 septembre 2011.
20.  JORF, 22 juin 2004.
21.  JORF, 7 juin 2005.
22.  Article L. 121‑20‑8 al. 1 du code de la consommation.

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Cependant, dans le cadre des rapports aménagés entre autorités publiques, l’idée
de service à distance est accueillie suivant d’autres fins. D’ordre instructif, l’usage de
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la locution est admis dans la vie intérieure des organismes ou établissements tant pour
des fonctions internes exigeant des autorisations ou habilitations des agents affectés à
certaines tâches ou missions que pour des formalités d’enregistrement ou d’inscription
des administrés ; or, en ce domaine, le terme de téléservice finit par effacer l’expression.
D’ordre financier, les services dont l’activité repose sur des modalités de paiement de
prestations, de frais ou d’amendes effectués à distance, tendant à s’approprier le préfixe ;
dans les textes relatifs au paiement des amendes, « les mots : “soit par l’utilisation de
moyens de paiement à distance” sont remplacés par les mots : “soit par télépaiement auto-
matisé ou par timbre dématérialisé” » 23. En revanche, la formule est maintenue lorsqu’il
s’agit de suppléer les services d’accueil, de recherche et d’offre d’emploi 24, les activités
d’instruction, de formation ou de soutien, comme celles attribuées aux organismes recon-
nus comme participant au service public de l’orientation tout au long de la vie ou, plus
sûrement, dans le cadre de l’éducation nationale : « Un service public de l’enseignement
à distance est organisé notamment pour assurer l’instruction des enfants qui ne peuvent
être scolarisés dans une école ou dans un établissement scolaire » 25.
Les procédures d’information, principalement celles à destination des autorités
de l’Union européenne en vertu de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du
Conseil, du 22 juin 1998 26 comme celles exigées du fait de la directive 2006/123/CE
du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans
le marché intérieur 27 répondent, elles, directement aux attentes d’un service à distance.
La finalité des services proposés, en téléservice, service en ligne ou service à dis-
tance est aussi, dans l’objectif de l’amélioration des relations entres les administrations et
les administrés, d’atténuer les conséquences de l’éloignement (expatriation), l’impression
d’une déconsidération (exclusion), le sentiment d’isolement (zone rurale), la sensation
d’abandon (quartiers défavorisés)... Dans le même temps, il s’agit de modérer la confu-
sion entre les effets d’une activité ou d’une action dite en ligne et les enchaînements
d’une démarche réalisée à distance selon des configurations ou des applications dotées
du préfixe « télé‑ ».
Les translations entre ces différents énoncés retraduisent une préoccupation quant à
la proximité, qu’elle soit géographique, physique ou virtuelle. Elles expliquent la difficulté
d’enregistrer la distance. Lorsque l’expression en ligne est utilisée, elle est happée par le
préfixe télé‑. Ce préfixe est alors accolé au service prétendument rendu ou à la procédure
imposée sans les rénover. La fonction de l’affixe soutient alors le processus de réduction
d’une activité d’intérêt général à son produit individualisé quel qu’en soit le bénéficiaire.
D’une part, la densification des procédures consolide l’implication des entreprises, asso-
ciations, particuliers qui, usagers, doivent se positionner en internautes dans une articu-
lation qui présume de leur consentement au système en dépit des formatages imposés, et

23.  Cet exemple est tiré du décret n° 2008‑764 du 30 juillet 2008 relatif au recouvrement des amendes
forfaitaires et à certains frais de justice criminelle ou assimilés en ce qu’il modifie des dispositions du Code de
procédure pénale, JORF, 2 août 2008.
24. http://www.pole‑emploi.fr/accueil/
25.  Article L. 131‑2 al. 2 du code de l’éducation.
26.  Circulaire du 9 décembre 1999 relative à la procédure d’information des autorités communautaires
avant l’édiction de règles applicables aux services de la société de l’information, JORF, 15 décembre 1999.
27.  Circulaire du 22 novembre 2011 relative aux obligations de notification à la Commission euro-
péenne de projets de texte et textes législatifs et réglementaires relatifs aux produits et aux services, JORF,
23 novembre 2011.

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les mots de la modernisation des relations administratives 347

d’autre part, le compactage ainsi réalisé confirme la recherche d’une transposition des
activités de service public en des prestations de service, en des services rendus. Ces deux
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projections contribuent au déclin de la notion de service public.

L’immanence du préfixe « télé‑ » 

La perméabilité des champs d’action nuit à la lisibilité des interventions étatiques.


La relégation du préfixe « e‑ » du lexique officiel objective une des préoccupations gou-
vernementales quant à la disjonction sémantique et fonctionnelle entre le thème de la
gouvernance et celui de la régulation. Si l’e‑administration implique, à des degrés divers,
la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique, ce serait pour ce qui concerne
la création mais non la gestion des téléservices publics, or ceux‑ci se multiplient sans
support législatif. L’e‑administration ne s’entend pas d’une administration en ligne. Elle
est du registre des discours de politiques publiques. La position des acteurs permet de
constater la marge délimitant l’e‑administration et la séparant de l’administration élec-
tronique d’abord, de l’administration numérique ensuite. Les téléservices appartiennent
aux modèles de l’administration électronique  ; ils relèvent de l’administration numé-
rique à travers les traitements automatisés de données à caractère personnel qui forment
leurs contreforts.
L’institution de la direction interministérielle des systèmes d’information et de com-
munication (DISIC) de l’État répond à cette dynamique. Ses fonctions sont d’orienter,
animer et coordonner les actions des administrations de l’État «  visant à améliorer la
qualité, l’efficacité, l’efficience et la fiabilité du service rendu par les systèmes d’infor-
mation et de communication », de veiller « à ce que ces systèmes concourent de manière
cohérente à simplifier les relations entre les usagers et les administrations de l’État et
entre celles‑ci et les autres autorités administratives », d’organiser et piloter « la concep-
tion et la mise en œuvre des opérations de mutualisation entre administrations de l’État,
ou entre celles‑ci et d’autres autorités administratives, de systèmes d’information ou de
communication d’usage partagé » 28.
Le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique conjugue
l’amélioration du service rendu aux citoyens et aux usagers et la bonne gestion des
deniers publics. Il « coordonne les travaux interministériels relatifs à l’amélioration du
fonctionnement des services déconcentrés de l’État [… et] veille à l’association des
agents publics, des usagers et des partenaires de l’administration à l’ensemble de ces
démarches » 29. Suivant les nomenclatures, au sein de ce secrétariat général 30, à la direc-
tion interministérielle pour la modernisation de l’action publique (DIMAP), le service
« innovation et services aux usagers » comprend trois départements : services aux parti-
culiers, services aux entreprises et services aux collectivités territoriales et associations
(article 2 II.).
Un téléservice public suppose des administrations connectées, des procédures forma-
tées, des publics ciblés. La standardisation des relations entre les usagers et les adminis-
trations de l’État est reliée à la troncation des relations entre celles‑ci et les autres autorités

28.  Article 2, décret n° 2011‑193 du 21 février 2011 portant création d’une direction interministérielle
des systèmes d’information et de communication de l’État modifié, JORF, 22 février 2011.
29.  Extrait article 2, III et IV, Décret n° 2012‑1198 du 30 octobre 2012.
30. Arrêté du 30 octobre 2012 portant organisation du secrétariat général pour la modernisation de
l’action publique, JORF, 31 octobre 2012.

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administratives, les collectivités territoriales étant là concernées. Le terme téléservice n’est


toutefois pas employé dans ces textes relatifs à la modernisation de l’action publique.
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Pourtant les trois figurations se retrouvent sur le portail « service‑public.fr ».


Service‑public.fr distingue, en effet, entre les téléservices proposés aux particuliers,
ceux obligés à destination des entreprises et ceux créés pour les associations. Les col-
lectivités territoriales ne sont pas mentionnées, pas plus que ne sont repérés les services
en réseau au sein des administrations ou entre elles. Les services propres à assurer des
liaisons entre les administrations s’entendent en interconnexions et les procédures qui
leurs sont appliquées ne sont perceptibles qu’à deux titres : en premier lieu, suivant les
décisions individuelles d’habilitation ou d’autorisation, au regard des textes juridiques
faisant état des aptitudes des agents publics à connaître, utiliser, exploiter les informa-
tions enregistrées ; en second lieu, par le biais des programmes élaborés auparavant par
l’Agence pour le développement de l’administration électronique. Ce n’est donc pas à
partir du site « service‑public.fr » qu’une liste des services en ligne (expression utilisée
en onglet) pourrait être établie. Seuls les téléservices proposés aux tiers à l’administration
y sont répertoriés.
Pensés en termes de prestations, les téléservices classés par le portail « service‑public.
fr » sont de nature, d’objet, de finalité disparates. Il peut s’agir de services information-
nels tels les renseignements ou les téléchargements de formulaire, de services interactifs
supposant l’existence d’échanges ou de réponses ciblées aux interrogations, de services
transactionnels englobant déclarations, certifications, permissions, paiement d’une rede-
vance ou d’une amende ou de services didactiques dans les domaines de l’emploi, de
l’enseignement ou de la culture. Mais les modes d’utilisation de ces téléservices ne sont
pas harmonisés. Quelques‑uns sont communs aux trois catégories identifiées (change-
ment d’adresse, réexpédition du courrier postal). D’autres exigent des convergences entre
les différentes catégories de publics (par exemple entre employeurs et salariés) ou s’éta-
blissent suivant des formes de partage d’informations substantielles entre des opérateurs
et des acteurs publics et privés.
La rhétorique de la compétitivité économique sous‑tend l’institution des téléser-
vices à destination des entreprises, des professions réglementées, des commerçants.
Ces téléservices sont plus contraignants que ceux proposés aux particuliers. Les entre-
prises et les professionnels doivent se plier au régime des télédéclarations, télé‑ins-
criptions, télé‑enregistrements, et respecter les téléprocédures que tout téléservice
comporte pour nombre d’activités – qu’il s’agisse de marchés publics (par renvoi au
Bulletin officiel des marchés publics  : «  http://www.bomap  », ou à la Plate‑forme
des achats de l’État  : «  https://www.marches‑publics.gouv.fr/?page=entreprise  »)
ou d’applications douanières (vers le site transactionnel Prodouane  : «  https://pro.
douane.gouv.fr  »). L’introduction des entreprises dans les téléservices mis à leur
disposition conduit les processus décisionnels. Il en est ainsi des téléservices de
demande d’autorisation et de certification comme des téléservices transmetteurs
des attestations et garanties, parfois liés aux bases de données à caractère person-
nel 31. Il en est de même pour les téléservices de fonction régulatrice. Par exemple, le

31.  Exemple : arrêté du 23 octobre 2008 portant création d’un traitement automatisé de données à carac-
tère personnel dénommé « application de prédemande d’habilitation et d’agrément »..., JORF, 18 novembre
2008 ; arrêté du 9 février 2009 autorisant la création d’un traitement automatisé de données à caractère per-
sonnel dénommé « Téléc@rtepro », JORF, 11 février 2009 ; arrêté du 23 septembre 2010 autorisant la mise
en œuvre par la direction générale des douanes et droits indirects d’un téléservice de traitement des demandes
d’agrément des opérateurs, JORF, 14 octobre 2011.

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les mots de la modernisation des relations administratives 349

téléservice des réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution


(« www.reseaux‑et‑canalisations.gouv.fr ») est conçu comme un guichet unique ras-
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semblant les éléments nécessaires à l’identification des exploitants des réseaux (article
L. 554‑2 du code de l’environnement). Il est destiné à prévenir les endommagements
de réseaux de transport et de distribution qui pourraient être occasionnés lors de tra-
vaux effectués à proximité. Ainsi, une base de données informatique recense tous les
réseaux aériens, souterrains et subaquatiques implantés en France. La consultation
de cette base et son exploitation pour la réalisation des marchés publics de travaux
reposent sur le référencement des exploitants de réseaux. Si cette inscription n’est
pas obligatoire, pour l’instant, l’utilisation du téléservice par les maîtres d’ouvrage et
entreprises qui envisagent de réaliser des travaux l’est déjà, – notant que l’accès au
téléservice n’est gratuit que pour ceux qui ont répondu à l’invitation de référencement.
Même si le passage par internet ne leur est pas imposé, les associations sont
encouragées à user des téléservices pour les partenariats engagés avec les pouvoirs
publics (agréments, reconnaissance de l’utilité publique). Des guichets uniques sont
mis à leur disposition pour la gestion de leurs personnels (service civique, bénévolat).
Afin de répondre aux logiques de la concurrence, l’un des enjeux des téléservices
proposés est d’encadrer leurs activités lucratives accessoires. Les téléservices subsé-
quents consistent à centraliser les demandes en répercutant leurs traitements sous la
responsabilité décisionnelle sur les collectivités territoriales. D’une part, les « associa-
tions qui établissent des cafés ou débits de boissons pour la durée des manifestations
publiques qu’elles organisent ne sont pas tenues à la déclaration prescrite par l’article
L. 3332‑3 [du code de la santé publique] mais doivent obtenir l’autorisation de l’auto-
rité municipale dans la limite de cinq autorisations annuelles pour chaque associa-
tion » 32 ; d’autre part, pour l’organisation de braderies, foires‑à‑tout et vide‑greniers,
considérés comme ventes au déballage, une déclaration préalable doit être adressée au
maire de la commune dans laquelle l’opération de vente est prévue (art. R. 310‑8 du
code du commerce).
L’intensité du paradigme du marché est moins manifeste dans la dynamique de
simplification des formalités pour les particuliers. Paradoxalement, le spectre des télé-
services administratifs à destination des particuliers est à la fois plus étroit et plus
étendu que les précédents, même s’il englobe dans le champ des relations administra-
tives des contacts avec des organismes privés chargés de missions de service public.
Il est axé sur les aspects de la vie quotidienne. Certains de ces téléservices ne peuvent
être activés que si le particulier concerné dispose d’un compte personnel à partir de la
plate‑forme «  mon.service‑public.fr  » (déclaration du décès d’un proche). Mais, sur-
tout, alors que les téléservices à destination des entreprises s’avèrent être des modes de
participation à la décision administrative, pour les particuliers, personnes physiques, les
téléservices restent de l’ordre de l’information (Télépoints), de la déclaration (change-
ment de nom d’usage), du dépôt de la demande (autorisation de voyage aux États‑Unis)
ou de la réclamation (pré‑plainte en ligne). De plus, dans la mesure où l’accès aux
procédures et aux prestations doit être sécurisé, les téléservices publics recèlent des
traitements de données à caractère personnel... ce qui introduit une tout autre épaisseur
à la notion de téléservice public.
Comme la perception des téléservices ne peut être figée, à ces modèles, doit être
corrélée l’importance assignée au son et à l’image. Une attention spécifique devrait

32.  Article L. 3334‑2 al. 2 du code de la santé publique.

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être portée aux dispositifs constitués à partir de l’extension des préfixes « audio‑ »‑ et
«  vidéo‑  » vers celui de «  visio‑  » – pour l’heure limité aux visio‑guichets. Associant
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interaction entre personnes et interaction homme/machine, ce préfixe capterait de nou-


veaux publics ; il accompagnerait l’adéquation des perceptions de l’action publique aux
effets de la mobilité et aux demandes de visibilité de soi et de l’autre, déclassant plus ou
moins les plates‑formes de service vocal. Un dépassement du cadre conféré par le préfixe
« télé‑ » est donc déjà préfiguré...

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