Vous êtes sur la page 1sur 13

Stéphane Resche: “Art de l’écoute et image sonore”

Fasciné par le monde réel, envoûté par le monde écrit, Italo Calvino évoluait entre ce qu’il appelait
le « vaste monde » (il mondo non scritto) et la page, « son vrai monde » (il mondo scritto), à
l’image de sa plume, à la fois objet symbolique de son quotidien d’écrivain, et outil de sublimation
privilégié de cet environnement.
Cette position frontalière était indispensable dans son désir de positionner l’écriture comme seul
moyen de retranscription de son observation du monde. D’un côté, des signaux du vivant,
recueillis et filtrés, de l’autre des mots, des récits, des (re)constructions langagières censés
proposer sous une nouvelle forme une idée du réel.
Nous disons bien « censés » car deux problèmes majeurs surgissaient au moment de jeter sur le
papier les impressions captées : l’immensité duvasto mondo, à laquelle il répondait tout
naturellement par une sélection volontaire et consciencieuse des informations ; et un handicap
physique, relatif à l’échelle du tout-un-chacun mais fondamental pour notrescrutatore,à savoir
une forte myopie. Qu’est-ce à dire ?
Lorsqu’il explicita sa raison de vivre, et donc d’écrire, au cours de son intervention à la New York
University du 30 mars 1983, Calvino saisit l’occasion pour préciser ce qu’était sa difficulté à
appréhender ce monde non-écrit qui lui était apparemment si étranger.
Après avoir argumenté sur son besoin irrépressible de s’aventurer dans les méandres du réel pour
en retracer ensuite les impressions au fil des pages de ses récits, le baroudeur du vivant semblait
en effet vouloir informer son auditoire qu’il abordait sa mission littéraire avec une méthode
sensitive amoindrie par des outils sensoriels peu performants : « il mio olfatto non è molto
sviluppato, manco d’attenzione auditiva, non sono un buongustaio, la mia sensibilità tattile è
approssimativa, e sono miope »2.
L’affirmation de cette imprécision sensorielle dont il souhaitait nous convaincre a plusieurs
conséquences. Tout d’abord, elle peut être apparentée à une déclaration de modestie : Calvino
semble vouloir prouver qu’il n’est, lui aussi, qu’un Homo legens3 sensoriellement médiocre. Ce
qui, de fait, invite chacun d’entre nous à tenter, à son image, l’aventure de l’observation, et donc
de l’écriture. La prétérition qui suit va dans le même sens :
Il mio scopo non è tanto quello di far un libro quanto quello di cambiare me stesso, scopo che
penso dovrebbe essere quello d’ogni impresa umana.4
Par ailleurs, elle suggère que toute tentative d’observation du monde non-écrit ne peut être que
partielle, et que le passage à l’écriture implique une part de création dont la fonction consiste à
combler les espaces laissés vides par l’observation. Il faut préciser que Calvino loue d’ailleurs cette
incomplétude même, en célébrant justement le manque d’acuité sensorielle, et donc le manque
d’expérience, afin de laisser intacte la force de « l’approccio all’esperienza», selon lui plus
important encore que le « senso dell’esperienza raggiunta »5 en tant que tel.
Enfin, l’affirmation de Calvino confirme que, malgré l’impos-sibilité manifeste mais nécessaire de
sa complétude, l’observation du monde doit être le plus précise possible, et que l’ensemble des
sens humains doivent être employés dans cette direction.
Pour (bien) “écrire”, il faut donc “observer” au mieux. L’auteur ligure, en vue d’une exploration de
toutes les capacités cognitives de l’Homo legens,préconisait un retour, au moins du point de vue
méthodologique, à l’Homo sapiens  dans son acception originelle, afin d’optimiser la réceptivité
des cinq sens et de recevoir le monde dans son entièreté. En d’autres termes, le scrittore-
scrutatore se devait, d’après lui, d’être également et
forcément  ascoltatore,  gustatore,  tastatore et  fiutatore6.
Par conséquent, et étant donné l’utilisation massive de termes relatifs au sens de la vue faite par
Calvino dans ses déclarations de poétique, il est fondamental de repenser à la valence de certains
termes afin de leur rendre leur plurisensorialité.
En effet, bien qu’Italo Calvino paraisse vouloir remettre en question l’“opticentrisme” comme
« idéal cognitif de la rationalité, détachement et clairvoyance»7, il n’en reste pas moins attaché à
tout un lexique du visuelqui ne traduit qu’en partie la nature plurisensorielle de l’observation du
monde non écrit.
Plongeons dans l’incontournable terme immagine que Calvino emploie comme une sacro-sainte
matrice à partir de laquelle naissent tous ses récits.
Voici ce qu’affirme l’auteur dans la Postfazione ai Nostri Antenati (Nota 1960):
In partenza avevo solo questa spinta, e una storia in mente, o meglio, un’immagine. All’origine di
ogni storia che ho scritto c’è un’immagine che mi gira per la testa, nata chissà come e che mi porto
dietro magari per anni. A poco a poco mi viene da sviluppare questa immagine in una storia con un
principio e una fine, e nello stesso tempo – ma i due processi sono paralleli e indipendenti – mi
convinco che essa racchiude qualche significato. Quando comincio a scrivere però, tutto ciò è nella
mia mente ancora in uno stato lacunoso, appena accennato. È solo scrivendo che ogni cosa finisce
per andare al suo posto.8
Si, de prime abord, nous pourrions définir l’image comme une sorte de “photo”, ce qui frappe
avant tout, c’est la non-fixité, la mobilité de l’image mentale calvinienne. Le passage de l’image à
l’histoire semble donc s’opérer à travers l’acquisition d’un mouvement, dont l’image originelle
paraît dépourvue. Écoulement narratif du temps, organisation des éléments du récit, révélation
des différentes figures sur le support de départ, tout semble défier l’initiale inertie du
photogramme. L’immagine de Calvino est à ce titre immédiatement dotée d’une direction,
impulsée par la spinta : elle semble se mouvoir dans son esprit, lui-même prend goût à la faire
voyager en sa compagnie, puis lui attribue un début et une fin. En somme, il la charge, à travers
l’écriture, dans son espace mental puis sur le papier, d’un rapport actif au temps.
Ce processus extirpe l’image de base au moment qui lui colle habituellement à la peau, la faisant
apparaître alors à nos yeux davantage comme un film (succession d’images) que comme une
photo unique.
Les correspondances avec la technique cinématographique (en tant que succession organisée
d’images en mouvement) pourraient être une piste d’interprétation. Calvino était, d’ailleurs, un
grand cinéphile. Mais, pour éviter de tomber dans une réduction anachronique voire syllogistique
de l’œuvre d’Italo Calvino, appréhendons cette immagine – qui est d’ailleurs peut-être davantage
une “idée” – en termes sensitifs. Car ce n’est pas tant aux modalités d’organi-sation du
mouvement mais bien à la caractéristique sensorielle intrinsèque de cette immagine calvinienne,
susceptible de l’extraire de son apparente immuabilité, que nous nous intéressons.
Deux voies s’ouvrent alors à nous: soit cette immagine  s’apparente effectivement, comme son
nom l’indique, à une sorte de “photographie” – une fixation de signaux sensoriels, activable et
associable à d’autres photographies similaires –, soit elle se détache considérablement de la forme
photographique au profit d’une matérialité plus composite – elle serait alors une sorte de
conglomérat d’informations sensorielles déjà mouvantes et temporées.
Considérons la première possibilité – l’immagine  comme photogramme plurisensoriel fixé dans le
temps – et cherchons à voir quels signaux sensoriels sont en mesure de nous insuffler,
indépendamment des autres et dans leur immédiateté (c’est-à-dire dans la fixation infinitésimale
de leur perception), une sensation de temporalité que nous pourrions définir comme une
différence, autrement dit, une sensation de mouvement.
Dans ce cadre, permettons-nous une courte parenthèse physico-mathématique, susceptible
d’éclairer notre propos. Dans un référentiel galiléen, qu’est-ce que le mouvement, si ce n’est un
rapport différentiel modulo-spatial? Et, comme le temps, c’est de l’espace9, nous pourrions
affirmer que le mouvement constitue de la même manière un rapport différentiel modulo-
temporel. Le visuel n’implique pas forcément un mouvement. Cela découle du fait qu’à l’échelle
de l’homme, la vitesse de la lumière (300 000 km/s) – qui préside à notre perception oculaire –
rend la perception visuelle quasiment immédiate. Cette immédiateté annule ainsi tout différentiel
temporel. L’odorat et le goût, quant à eux, semblent entretenir un rapport au temps hyperlaxe,
imprévisible et irrégulier10. Ils nous informent davantage sur la dualité vie/mort que sur la
temporalité qui sépare ces deux états. Ils ne semblent pas non plus en mesure d’associer olfaction
ou gustation avec sensation d’écoulement du temps. Le toucher, quant à lui, ne se joue qu’au
temps zéro de la sensation car la perception tactile disparaît dès qu’elle se détache de l’instant.
L’idée de point de contact est d’ailleurs partagée par le sens humain et le curseur en mouvement
perpétuel que nous appelons communément “présent”. La différence temporelle étant inexistante
pour le toucher, il est incapable de susciter le moindre sentiment différentiel temporel.
Écoutons ce que nous dit le signal sonore. Le son est véhiculé par la matière dans laquelle nous
baignons. Sa vitesse (rappelons que la vitesse est déjà un rapport entre l’espace et le temps) est
d’ailleurs concevable à l’échelle humaine (340 m/s environ dans l’air, 1500 m/s dans l’eau).
Chaque mouvement, du plus infime au plus bruyant, provoque une vibration de l’air. Cette
vibration, aussi primaire soit-elle, nous indique à l’instant où elle nous parvient que quelque chose
a vécu, a bougé. Il n’est pas de mouvement sans son. Mieux : nous vivons dans une mer de sons, et
l’absence même de signal sonore nous prouve que quelque chose a changé, que quelque chose
s’est non seulement tu, mais également mû jusqu’à l’arrêt.
À l’instant même où il nous parvient, le signal sonore pose les limites d’un différentiel temporel.
Par sa nature, par son existence, il nous propose une histoire. Ce récit est d’ailleurs bipartite. Il se
compose d’une partie “concrète”, le récit effectif du mouvement du référent, puis d’une partie
“imaginaire”, celle du récit potentiel sur le devenir du référent entre le moment T0 où le signal a
été émis, et le moment T1 où il a été perçu.
Nous pourrions en conclure que, parmi toutes ses composantes sensorielles, il semble que ce soit
la qualité sonore qui confère à l’immaginede Calvino sa potentielle mutabilité et donc son
potentiel développement en une série d’images, en une histoire.
L’immagine matricielle de Calvino dont il est question ne saurait se contenter de ce type d’analyse
microscopique que nous nous sommes permis d’improviser. Pourtant, même au niveau
macrostructural, il nous semble possible de soutenir que le magma mental qui insufflerait à
Calvino tous ses récits détiendrait une composante sonore participant de façon prépondérante de
son inscription dans un temps narratif.
Abordons maintenant la deuxième forme de l’immagine  calvinienne envisagée plus haut, à savoir
un conglomérat d’informations sensorielles déjà mouvantes et temporées. Elle serait alors formée
de bribes plurisensorielles inscrites dans un temps “actif” – une période, une époque, une
circonstance – qui leur serait propre. Elle se trouverait donc, de fait, habitée d’un perpétuel
mouvement, engendré par la conjugaison des temps différents de l’ensemble de ces bribes.
Ce matériau plurisensoriel calvinien se comporterait donc un peu comme la madeleine de Proust,
à ce détail près qu’il associe des souvenirs sensoriels de natures différentes et de temps différents
(souvenons-nous, seul le goût de la madeleine fut en mesure d’invoquer le souvenir, la vue ayant
été inefficace) et que Calvino désire employer ces remémorations consciemment et ensemble,
comme base de l’écriture, sans se contenter du seul envahissement émotionnel passif davantage
proustien. En outre, il est peu probable que Calvino ait pu (consciemment ou inconsciemment)
dissocier les signaux visuels des signaux auditifs. Les souvenirs, qui nous paraissent de prime abord
dépourvus de sons, ne sauraient être muets, tant et si bien que ce sont la plupart du temps des
moyens auditifs qui activent en nous les processus de remémoration (voix, chansons, musiques,
pour des souvenirs heureux, nostalgiques ; bruits, cris, silences, pour des traumatismes...). Cela
nous paraît d’autant plus vrai pour la raison suivante : le son appelle l’image, alors que l’image
n’engage pas forcément le son ; lorsqu’on entend quelque chose d’insolite ne cherche-t-on
pasforcément à faire correspondre une image à notre perception – on dit d’ailleurs : « C’est quoi,
ce bruit ? » – alors que quand on voit quelque chose d’insolite, le processus d’imagination sonore
n’est pas automatique, et semble plus difficile – de fait, on ne dit pas toujours : « ça fait quoi
comme bruit ? ».
L’immagine,comme concentration de souvenirs plurisensoriels, serait donc également tant soit
peu sonore11.
Même si nous ne pouvons la réduire à un son, l’immagine,que Calvino met sur un piédestal,
contiendrait, nous semble-t-il, des qualités sonores capables à leur tour d’évoquer et d’activer et
d’associer des images, ou des souvenirs visuels, en vue de créer un récit. Il ne s’agit pas là de dire
que tout est son chez Calvino. Nous cherchons seulement à préciser la caractéristique sonore qui
nous semble exister au sein même de cesimmagini matricielles calviniennes, et donc au sein
même de son écriture12.
D’aucuns pourraient à juste titre objecter que Calvino était un peu sourd, qu’il n’avait pas d’oreille.
Le compositeur Luciano Berio confirmait la défaillance de l’auteur13. Qu’importe, puisque seul
le «  saper conservare intatta la forza del desiderio  » comptait réellement pour lui dans la tentative
de permettre au mondo non-scritto de s’exprimer à travers le mondo scritto. En outre, rappelons-
le, l’auteur-myope déclarait qu’il ne se considérait pas non plus comme ce qu’on appelle un
observateur14. Ce qui ne l’a pas empêché de penser l’immagine comme base de son écriture, ou
encore de définir Palomar15 (dont le protagoniste incarne l’observateur idéal du monde non-écrit)
comme la plus autobiographique de ses œuvres.
Calvino n’affirme-t-il pas : « L’auteur est hanté par le bruit de fond de son esprit. […] Le bruit est la
source d’où sortent tous les récits »16 ?
Bien que cette affirmation date des dernières années de sa vie, une trace de cette intuition était
déjà repérable dans une création radiophonique des premières années de son activité d’écrivain.
La production Vento nel camino, atto radiofonico cominciato il 15  novembre 1942 - finito il 19
novembre 1942, retrace le quotidien de trois employés (De Mattia, De Matteo et De Matteis)
travaillant dans un grenier misérable meublé d’un seul vieux réchaud. Lorsque le vent se lève à
l’extérieur, et souffle dans le conduit d’aération de leur abri, il produit un son qui couvre leur
dialogue, pour ensuite se transformer, « secondo le fantasticherie di ciascuno, nel rumore del
mare, nel riso di una donna, nell’assolo di un violino», puis traiter des épisodes de la vie, à travers
les récits d’un marin, d’un amoureux heureux, d’un concertiste reconnu17.
Cet exemple, qui illustre la capacité créatrice d’un son et aborde le rapport son/image/récit, nous
permet de progresser dans notre propos et d’aborder à présent le cœur de l’œuvre de Calvino, et
non plus sa méthode d’écriture.
En effet, si le son lui permet, en quelque sorte, d’écrire, Calvino écrit-il le son ?
Tout d’abord, nous pouvons observer que d’un point de vue thématique, le son est très présent
dans l’ensemble de son œuvre. Bien entendu, il y a çà et là des chansons écrites, des musiques
décrites, ou bien évoquées. Mais le son, chez Calvino se présente surtout sous la forme de
descriptions de bruits singuliers – les coups de feu entendus par Pin dans le Sentiero,ou encore
ceux évoqués dans la nouvelle éponyme du recueil  Ultimo viene il corvo18 – oude bruits
chaotiques – ceux de la ville dans Le città invisibili19,dans Marcovaldo20 ou encore dans la
nouvelle  Il Silenzio e la città21. C’est d’ailleurs souvent dans le pendant négatif du son que Calvino
aime à placer ses personnages: le silence. Le Marcovaldo hivernal22, mais également le Qfwfq
cosmique23 se retrouvent tour à tour aux prises avec l’absence de sons.
Le silence, comme espace-temps neutre de la perception auditive, permet justement aux sons
d’acquérir des caractéristiques des plus visuelles. Dans le récit Dall’opaco, Calvino, comme atteint
d’une synesthésie lumino-auditive, aborde le sonore et le visuel de concert :
Ed è solo di notte che i suoni trovano i loro posti nel buio, misurano le loro distanze, il silenzio che
si portano intorno descrive lo spazio, la lavagna del buio è segnata da punti e tratteggi sonori,
l’abbaio picchiettato d’un cane, il crollo sfumato d’una vecchia foglia di palma, la riga discontinua
del treno un po’ scancellata un po’ ricalcata agli imbocchi e agli sbocchi dei tunnel, e appena non si
sente più il treno c’è il mare che emerge come un’ombra bianca nel punto dove il treno è
scomparso, si fa sentire per mezzo minuto e poi basta.24
Ici, l’absence d’acuité visuelle permet aux sons de récupérer les compétences des couleurs. Là, une
succession de sons paraît pouvoir supplanter le trait de l’écriture ou du dessin. Plus loin, la trace
laissée par les signaux sonores reforme sur le tableau noir du silence toute une organisation du
monde.
Ce que Rousseau appelait « l’œil dans l’oreille »25, et qu’il attribuait à la musique comme instance
sonore organisée, semble du coup être applicable au bruit calvinien à partir du moment où la
lumière, et donc la vue, brillent par leur absence.
Autrement dit, la sonorité calvinienne semble en mesure d’effec-tuer une organisation du
vivant26.
Certes, Calvino (d)écrit souvent le son en même temps qu’il (d)écrit l’image. Mais il développe et
emploie la puissance du son, qu’il intègre au silence comme on appliquerait un signe visible sur
une page vierge, pour mieux contourner la surabondance sémantique des signaux visuels. Ainsi
décentré, l’auteur/narrateur paraît trouver une position privilégiée pour mieux décrire/dessiner
ses impressions.
Les signaux sonores calviniens, dépouillés de leurs référents, semblent en effet parfois plus précis
que leurs cousins visuels, et récupèrent les compétences habituellement attribuées aux
représentations visuelles (couleurs, traits, portraits, architectures du monde) :
E già s’affrettano i galli lontani e i galli vicini a tracciare la prospettiva che inquadri tutti i segni
sonori nel buio, prima che la spugna dell’alba impiastricci la lavagna da un angolo all’altro e alla
luce del giorno non c’è più un suono che arrivi sapendo da che parte viene, il cigolio della
macchina per il solfato s’impiglia nel rombo della motocicletta, il ronzio della segheria elettrica
involge il carillon della giostra, per chi osserva da fermo il mondo si sfalda discontinuo alla vista e
all’udito nella frana dello spazio e del tempo.27
En mettant en sourdine ce qui enchaîne le plus l’homme à sa condition d’Homo legens – la vue qui
préside à la lecture du monde – Calvino paraît ainsi mieux maîtriser ses capacités cognitives.
L’ouïe, gouvernante par intérim de la république des sens humains et supplantant une vue
brouillonne et soupçonnée de corruption sémantique, aide ainsi notrescrutatore à mieux
retranscrire le mondo non-scritto.
Ailleurs, dans Senza colori, texte tiré des Cosmicomiche, nousretrouvons une nouvelle description
à la fois visuelle et auditive d’un monde chaotique. Au départ, c’est la fraternité de l’ouïe et de la
vue qui paraît épauler le narrateur: à la suite de la formation d’une atmosphère, Qfwfq et Ayl sont
emportés par une avalanche de sons et couleurs qui affirme du même coup la naissance
gémellaire des deux sens humains. Qfwfq renaît alors dans un environnement soudainement privé
de sa fadeur sensorielle originelle. Mais à l’exaltation des sens, correspond une limitation des
sentiments. Si, d’un côté, Qfwfq est ravi de son nouvel état, de l’autre, Ayl n’apprécie guère la
réalisation sensitive dont elle est victime. Et l’amour échappe au contrôle de Qfwfq au terme
d’une séduction orphique forcément ratée.
Son et image sont encore une fois intimement liés. En effet, le développement du
mythe28 d’Orphée et Eurydice (encore plus clair dans l’autre version de la nouvelle,
intitulée L’altra Euridice et à laquelle  Senza colori fut préférée) englobe de fait une dimension
sonore et visuelle des rapports humains. Et le sonore semble justement à nouveau prendre
l’ascendant sur le visuel, le salut d’Orphée étant conditionné par la non-vision d’Eurydice, sa bien-
aimée disparue, et par le contrôle strictement auditif de cette dernière.
Le couple son/image, en sus des capacités descriptives générales évoquées plus haut, apparaît
comme un outil narratif privilégié dans le cadre de l’analyse des relations humaines. Et pour
cause : Calvino évoque à de nombreuses reprises29 les dynamiques amoureuses à travers une
retranscription moderne du mythe orphique, celle de la conversation téléphonique.
Le téléphone est le biais par lequel se développe toute une série d’histoires d’amour (La giornata
di uno scrutatore, Il guidatore notturno, Prima che tu dica pronto, Se una notte d’inverno un
viaggiatore). Ici encore, le son surclasse l’image : la tentative de la part des protagonistes de
maîtriser le parcours dédaléen qui les sépare de ceux qu’ils/qui les écoutent, devient la condition
essentielle de l’existence du sentiment amoureux30. Non satisfait de la simple évocation d’images
que les voix exsudent, Calvino saisit l’occasion téléphonique pour mettre l’accent sur l’architecture
sonore sous-tendant la communication à distance. Écouter permet donc de retranscrire une
certaine architecture du monde.
D’ailleurs, le téléphone constitue peut-être l’outil de perception auditive le plus emblématique de
l’Homo legens. Il est, d’après Roland Barthes, « l’instrument archétypique de l’écoute moderne,
[car il] abolit tous les sens sauf l’ouïe […] ; la communication téléphonique invite l’autre à ramasser
tout son corps dans sa voix et annonce que je me ramasse moi-même tout entier dans mon
oreille »31.
Oui, Calvino écrit le son, il exploite le sonore sous diverses formes, notamment dans le rapport
riche et complexe qu’il entretient avec les autres sens. Plus particulièrement, le sonore permet à
l’auteur d’épauler, d’approfondir ou de surpasser l’indétrônable visuel, tant du point de vue de
l’illustration et de la description de l’environnement des hommes que de celui de l’analyse des
relations humaines.
Mais il existe encore un niveau de la présence du son dans l’œuvre de Calvino.
La réflexion autour du thème de l’écoute et du son a donné naissance à une série d’écrits dont
l’exemple le plus emblématique est constitué par la nouvelle  Un Re in ascolto, intégrée au recueil
posthume Sotto il sole giaguaro.Cette nouvelle est l’un des exemples les plus clairs de narration
sur le son, par le son, et pour le son, parmi les rares productions littéraires intégralement dédiées
à l’ouïe.
Nous renvoyons aux analyses d’Ulla Musarra Schrøder, dont nous proposons ici un passage :
Il racconto può essere considerato un’esplorazione in forma narrativa del fenomeno del suono e
della semiotica dell’ascolto. [...] Il re “in ascolto” cerca di decifrare, d’interpretare e di seguire i
suoni che penetrano nella sala del trono, sia quelli dei colpi battuti dal prigioniero contro le pareti
dei sotterranei del palazzo sia quelli del canto di una voce di donna che sembra provenire da
lontano. Sono suoni che si distinguono per la loro musicalità, ritmo e melodia, e che indicano dei
percorsi ben tracciati in un insieme labirintico fatto del comune fracasso quotidiano. Il disegno dei
percorsi da seguire si va però sgretolando. Le tracce delle voci si mescolano fra di loro. La voce
della donna, che costituisce una specie di filo d’Arianna, intrecciandosi e confondendosi con quella
del prigioniero e con l’ascolto attivo del re, diventa inafferrabile. Alla fine del testo il caos sonoro
ha il sopravvento : “da qualche parte, in una piega della terra, la città si risveglia, con uno
sbatacchiare, un martellare, un cigolare in crescendo. Ora un rombo, un fragore, un boato occupa
tutto lo spazio, assorbe tutti i richiami, i sospiri, i singhiozzi...”.32
Au cours d’un échange épistolaire avec Luciano Berio,Calvino avait repris à la lettre33 les bases de
l’analyse acoustique présentée dans l’Obvie et l’obtus  parRoland Barthes34. Ces bases, abordées
dans le cadre d’un travail préparatoire à la création de l’opéra Un re in ascolto, allaient par la
même occasion servir de terreau pour l’écriture de la nouvelle du même nom.
Le sémiologue français distinguait trois types d’écoute qui constituaient autant de phases de la
réception acoustique35 :
– l’écoute des signaux sonores de notre environnement : une recherche des signaux acoustiques.
– l’écoute liée au sens du message acoustique : une recherche des significations acoustiques.
– l’écoute liée à l’inter-subjectivité des auditeurs, lorsque « j’écoute » signifie aussi « écoute-
moi » : une recherche des « signifiances » acoustiques.
Si les deux premiers types d’écoute peuvent être directement reliés au désir d’appréhension et
d’analyse du monde, le troisième contient en sus une dimension communicative où émetteur et
récepteur du signal acoustique intègrent par la tension de leur oreille leur existence réciproque et
nécessaire.
Dans Un re in ascolto, l’auteur condense la narration autour de l’ouïe/l’écoute, et prive le royal
héros des autres sens humains – du moins, il n’y fait pratiquement pas référence. Le roi se
présente ainsi comme une personnification complète de l’oreille.
Par ailleurs, « chi comanda al racconto non è la voce : è l’orecchio », avait dit quelques années
auparavant Marco Polo dans Le città invisibili, mettant ainsi en exergue le rôle fondamental du
récepteur des sons dans le système narratif36. À travers la figure du roi-oreille, Calvino semble par
conséquent avoir fait d’une pierre deux coups : écrire sur l’“écoute” et sur le “récit” en
condensant autour du personnage phare de Sotto il sole giaguaro tout un réseau de sens.
En effet, l’écriture est déjà par définition une figuration graphique de l’oralité du langage. Lire (qui
constitue l’étape jumelle de l’écriture, l’une n’existant pas sans l’autre), c’est avant tout entendre
mentalement ce que les mots ont à dire dans leur version vocale.
Cette idée trouvait une ultérieure confirmation sous la plume calvinienne dans l’extrait d’une
nouvelle mettant en scène la parole écrite, la voix et les couleurs :
Leggere, – spiegò la parola scritta – è quando guardandomi si pensa al suono di me stessa parlata.
Cioè la vista conta in funzione dell’udito.37
Le système de jeu de miroirs (« un jeu de transfert infini ») de l’écoute barthésienne semble en fin
de compte trouver une application totale dans la relation entre les notions d’écriture et de
lecture38.
L’écriture et la lecture sont intimement liées, au même titre que l’émission et la réception d’un
langage sonore. Pour Calvino, écrire signifierait à la fois « j’écris/je lis/j’écoute » (à savoir tenter de
retranscrire ce «  quelque chose qui essaie de sortir de son silence, de signifier à travers le langage,
comme s’il frappait à grands coups sur le mur d’une prison »39), et « écris-moi/lis moi/écoute-
moi ». Ainsi, écrivain et graphie, Homo legens et feuille de papier, mondo scritto  et mondo non
scritto  confirmeraient finalement leur dépendance mutuelle dans une grande chaîne
communicative et dans un rapport au monde total et en éternel mouvement.
Calvino n’aurait-il pas finalement contribué à sa manière à l’inscription de l’activité de l’écriture
dans le cercle restreint des arts figuratifs, en laissant résonner dans l’ensemble de son œuvre une
notion invisible à l’œil nu, mais en harmonie totale avec l’activité d’écrivain : celle de l’écoute
littéraire ?

Notes
1  Italo Calvino,  Mondo scritto, mondo non scritto, in Saggi 1945-1985, vol. II, Milano, Mondadori,
« I Meridiani », 1995, p. 1867.
2 Ibidem, p. 1874.
3  «[...] ogni cosa che vedo nelle vie della città ha già il suo posto nel contesto dell’informazione
omogeneizzata. Questo mondo che io vedo, quello che viene riconosciuto di solito come il mondo,
si presenta ai miei occhi – almeno in gran parte – già conquistato, colonizzato dalle parole, un
mondo che porta su di sé una pesante crosta di discorsi. I fatti della nostra vita sono già classificati,
giudicati, commentati, prima ancora che accadano. Viviamo in un mondo dove tutto è già letto
prima ancora di cominciare a esistere. Non solo tutto quello che vediamo, ma i nostri stessi occhi
sono saturi di linguaggio scritto. L’abitudine di leggere ha trasformato attraverso i secoli l’Homo
sapiens in Homo legens »  – Ibidem,p. 1869.
4 Ibidem,p. 1874.
5 Ibidem, p. 1873.
6  « E quanto a udito, odorato, gusto, tatto, la superiorità [dell’Homo sapiens sull’Homo legens]
non può essere messa in dubbio »  –  Ibidem, p. 1870.
7  « Anche nella letteratura contemporanea il cosidetto “opticentrismo”, che in parte è stato
collegato ad un ideale cognitivistico di razionalità, distacco e chiarezza, costituisce il legame
privilegiato fra soggetto e mondo. », Ulla Musarra Schrøder, Personaggi “In ascolto”.  L’orecchio e
l’udibile nella  narrativa postmoderna (Calvino, Magris, Pazzi, Camilleri), in Da Calvino agli
ipertesti. Prospettive della postmodernità nella letteratura italiana, Milano, Franco Cesati Editore,
2002, pp. 103-116.
8  Italo Calvino, Postfazione ai Nostri Antenati (Nota 1960), in Romanzi e racconti, vol. I, Milano,
Mondadori, « I Meridiani », 1991, p. 1210.
9  Temps et espace peuvent être intégrés dans une même équation, grâce à leur rapport avec c, à
savoir la vitesse de la lumière. Le temps est un mouvement dans l’espace
10  « […] les parfums semblent être liés tantôt au principe vital, tantôt à la sémantique de la
putréfaction et de la mort »,
in http://www.fabula.org/actualites/article41917.php.
Présentation du colloque consacré à l’olfaction et aux arts, « Odora(r)t », organisé par l’Université
“Stefan cel Mare” de Suceava, en Roumanie, octobre 2011.
11  Je tiens à remercier, à ce propos, M. le ProfesseurChristophe Mileschi pour ses précieuses
réflexions et remarques.
12  Nous renvoyons à nos travaux universitaires de master recherche. Les mémoires
d’étude L’“Ascolto” nell’opera narrativa di Italo Calvino (Master 1, 2006), et  Le “Teatro del Suono”
d’Andrea Liberovici  : Théorie et pratique d’une nouvelle utilisation du son au théâtre (Master 2,
2007) sont consultables à la Bibliothèque de l’ENS-Lyon (site Descartes). Nous tenons, en outre, à
signaler le travail réalisé par Luana Minato dans le cadre de ses travaux de recherche doctorale. La
thèse La poétique de l’écoute dans l’œuvre d’Italo Calvino (Paris 3, 2009), dont nous venons de
prendre connaissance, n’a pu malheureusement être prise en compte dans l’élaboration de notre
contribution. Nous invitons nos lecteurs à consulter les travaux complets et approfondis de Luana
Minato disponibles à la Bibliothèque Calvino de l’Istituto Italiano di Cultura de Paris.
13  « [Calvino] non era molto musicale, andava raramente ai concerti, era stonato e la musica
suscitava in lui un po’ d’interesse solo quando c’erano parole da capire », Luciano Berio, La
musicalità di Calvino, in Italo Calvino, la letteratura, la scienza, la città. Atti del convegno nazionale
di studi di San Remo,a cura di Giorgio Bertone, Genova, Marietti, 1988, pp. 115-117.
14 «Il mio problema nello scrivere questo libro è che non sono mai stato quello che si dice un
osservatore. », Italo Calvino, Mondo scritto...,cit., p. 1873.
15  Le nombre de chapitres où l’observation de Palomar a pour base l’ouïe et non la vue, est certes
mineure, mais non négligeable (Amori delle tartarughe, Il Fischio dei merli). Nous renvoyons à Ulla
Musarra Schrøder, op.  cit., p. 105.
16  Italo Calvino, Comment j’ai écrit un de mes livres, in « Actes sémiotiques. Documents », VI, 51,
CNRS, 1984, p. 15.
17  Claudio Milanini, Prose di teatro, trattamenti e sceneggiature, in Romanzi e racconti,vol. III,
Milano, Mondadori, « I Meridiani »1994, p. 1258.
18  Italo Calvino, Ultimo viene il corvo,in  Romanzi e racconti,vol. I,cit.,pp. 266-271.
19  Italo Calvino,  Le città invisibili,in Romanzi e racconti,vol. II, Milano, Mondadori, 1992, pp. 463-
464.
20 Italo Calvino, Marcovaldo,in Romanzi e racconti,vol. I,cit.,pp. 1109-1110.
21  Italo Calvino,  Il silenzio e la città (per Fabio Borbottoni), inRomanzi e
racconti,vol. III,cit., pp. 390-396.
22  « – La neve ! – gridò Marcovaldo alla moglie, ossia fece per gridare, ma la voce gli uscì attutita.
Come sulle linee e sui colori e sulle prospettive, la neve era caduta sui rumori, anzi sulla possibilità
stessa di far rumore ; i suoni, in uno spazio imbottito, non vibravano »,Italo Calvino, Marcovaldo...,
cit.,p. 1082.
23  « Poi, il silenzio : avevi un bel gridare ! Senz’aria che vibrasse, eravamo tutti muti e sordi. […]
Lanciai un muto grido : – Ayl ! Perché sei scappata ? – Ma lei era davanti a me e mi cercava lei pure
e non mi scorgeva e silenziosamente gridò : – Qfwfq ! Dove sei ? », Italo Calvino, Senza
colori,in Romanzi e racconti,vol. II, cit.,pp. 125-127.
24  Italo Calvino, Dall’opaco,in Romanzi e racconti,vol. III, cit.,pp. 95-96.
25  Jean-Jacques Rousseau,Essai sur l’origine des langues, Bordeaux, Ducros, 1968, p. 175.
26  Le sonore échappe ici à la définition proposée par Hermann Parett :« En effet, la sonorité est
naturellement chaotique tandis que la visibilité est naturellement cosmique. La vertu cosmique du
visible s’impose à nous puisque c’est l’œil qui projette de l’ordre dans la réalité environnante. Le
bruit, par contre, reste toujours chaotique même s’il nous renvoie à une source, une voix ou un
instrument. », inSynesthésies du visible, dans « Versus. Quaderni di studi semiotici », 65-66, mai-
décembre 1993, p. 61.
27 Italo Calvino,  Dall’opaco, cit., pp. 95-96.
28  Nous pourrions également évoquer le rapport étroit entre le son et l’image dans le cadre de
l’exploitation calvinienne de la figure mythique d’Ulysse. Comme le héros d’Ithaque, les
protagonistes du Cavaliere inesistente  “Agilulisse” et “Gurdulisse”, que nous rebaptisons pour
l’occasion, viennent à bout des charmes chantants de sirènes sensuelles. Nous renvoyons
également aux textes suivants : Edoardo Sanguineti, Palomar e Ulisse, in  Italo Calvino.  A Writer
For The Next Millenium,Atti del convegno internazionale di studi di San Remo, Alessandria, Edizioni
dell’Orso, 1998, pp. 47-56 ; Italo Calvino, Sarà sempre Odissea, in « la Repubblica », 21 ottobre
1981 ; Roland Barthes, L’obvie et l’obtus, Paris, Seuil, 1982, p. 227 ; Adriana Cavarero, A più voci,
filosofia dell’espressione vocale, Milano, Feltrinelli, 2003, p. 128.
29  « I miti di Orfeo, di Diana, dei gemelli rivali, sono più o meno esplicitamente ricuperati
nell’ordito di Senza colori,  Le figlie della Luna,  Giochi senza fine. »,Italo Calvino,Lettera a Luciano
Berio di aprile 1982, inLettere 1940-1985,Milano, Mondatori, 2000, p. 1478. Nous renvoyons
également aux articles suivants : Adriana Cavarero, Orfeo il poeta, in Tu che mi guardi, tu che mi
racconti  : filosofia della narrazione, Milano, Feltrinelli, 1997, p. 121.
30  Nous renvoyons aux travaux d’Ulla Musarra Schrøder, op. cit., pp. 103-116.
31 Roland Barthes, op. cit., p. 223.
32 Ulla Musarra Schrøder, op.  cit., pp. 103-116. Sur Un re in ascolto,  voir également Adriana
Cavarero, Italo Calvino e l’orecchio del re, in Micromega, 2002, n° 5, pp. 28-34.
33 Italo Calvino, Lettre à Luciano Berio-Milano  (Roma, 10 dicembre 1981), in Lettere 1940-
1985,cit., p. 1452.
34  Nous renvoyons aux récents travaux de Luana Minato, cités à la note 12, et notamment au
chapitre 4 de la première partie, ainsi qu’au chapitre 3 de la deuxième.
35 Roland Barthes,  op. cit., p. 217.
36  Italo Calvino, Le città invisibili, cit., p. 473.
37 Italo Calvino, La parola scritta, i colori e la voce, in Romanzi e racconti,vol. III, cit., pp. 417-418.
38  « Ce qui est écouté ici et là (principalement dans le champ de l’art, dont la fonction est souvent
utopiste), ce n’est pas la venue d’un signifié, objet d’une reconnaissance ou d’un déchiffrement,
c’est la dispersion même, le miroitement des signifiants, sans cesse remis dans la course d’une
écoute qui en produit sans cesse de nouveaux, sans jamais arrêter le sens ; ce phénomène de
miroitement s’appelle la signifiance (distincte de la signification) : en “écoutant” un morceau de
musique classique, l’auditeur est appelé à “déchiffrer” ce morceau, c’est-à-dire à en reconnaître
(par sa culture, son application, sa sensibilité) la construction, tout aussi codée (prédéterminée)
que celle d’un palais à telle époque, mais en “écoutant” une composition (il faut prendre le mot
dans son sens étymologique) de Cage, c’est chaque son l’un après l’autre que j’écoute, non dans
son extension syntagmatique, mais dans sa signifiance brute et comme verticale : en se
déconstruisant, l’écoute s’extériorise, elle oblige le sujet à renoncer à son “intimité”. Ceci
vaut, mutatis mutandis, pour bien d’autres formes de l’art contemporain, de la “peinture” au
“texte” », Roland Barthes, op.  cit., p. 220.
39  Italo Calvino,  Mondo scritto..., cit., p. 1874.

Vous aimerez peut-être aussi