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L'INTÉRÊTDES ANALYSES DE MATÉRIAUX

POUR LA CONSTRUCTION ET L'ENTRETIEN


DES ROUTES FORESTIÈRES
B . de GROULARD

Class . Oxford 383

La rentabilité d'une route forestière est proportionnelle à la plus-value obtenue sur les volumes
de bois transportés sur cette route pendant une période déterminée et inversement propor-
tionnelle aux frais d'investissements et d'entretien pendant cette même période.
La fréquentation touristique, la mécanisation des exploitations — qui se traduit par une
agression accrue sur les routes forestières — l'impossibilité de continuer à assurer un entretien
convenable de ces voies par suite du manque de main-d'oeuvre, et l'importance des crédits à
engager, conduisent à se conformer à des règles techniques strictes pour tout ce qui concerne
la construction routière . La bonne qualité des matériaux et le soin apporté à leur mise en oeuvre
d'une part, l'exécution de travaux d'entretien convenablement espacés d'autre part, sont des
conditions nécessaires au maintien d'une bonne viabilité et, par suite, à la bonne rentabilité
d'une route.
Un véhicule laboratoire, jugé indispensable dès l'année 1969, a été mis en service par le
Groupement technique forestier de Nogent-sur-Vernisson du Centre technique du génie
rural, des eaux et des forêts (C .T .G .R .E .F .), au début du printemps 1976 . II est destiné aussi
bien à l'identification de matériaux en vue de la construction ou de l'entretien qu'au contrôle
des chantiers routiers.

INTERVENTIONS DU LABORATOIRE

20 000 km parcourus, 41 matériaux différents analysés, 250 personnes sensibilisées aux


problèmes de construction de routes forestières, tel est le bilan général du laboratoire mobile
entre les mois de mars et novembre 1976 . Les analyses peuvent être effectuées sur les lieux
mêmes des prélèvements, ce qui permet, dans le cas d'une recherche de matériaux routiers,
une approche plus rapide de la meilleure solution économique . Dans le cas d'un contrôle
de chantier, la présence du laboratoire, mis à part l'effet psychologique sur l ' entrepreneur,
rend possible la correction des défauts éventuels sans que soit ralenti l'avancement du chantier.
Le laboratoire intervient suivant les cas, aussi bien avant, que pendant, ou après la construction
de la route.

Avant la construction

On fait d'abord une analyse précise de la qualité du sol en place qui constituera le support
de la future route . Les résultats de cette analyse renseignent sur l'opportunité d'améliorer ce
sol par des traitements de stabilisation et sur l'épaisseur de la couche de matériau d'apport,
qui est fonction de la qualité du sol support, de la qualité du matériau d'apport lui-même et de
la circulation prévisible.
Une telle étude de sol en place a été réalisée pour le compte de la Direction départementale
de l'agriculture des Ardennes dans une forêt privée du nord du département . A la suite de

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Construction et entretien de routes forestières


Photo C .I.G .R .E.F.

Le laboratoire mobile du C .T.G .R .E .F . d'analyses de matériaux routiers et son équipement

Intervention pendant la construction d ' une route forestière Photo C .T.G .R .E.F.

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l'analyse d'un sol particulièrement sensible à l'eau, il a été jugé indispensable de prévoir
une couche anticontaminante entre sol en place et corps de chaussée . Ce type d'analyse
s'est fait aussi à la demande de l'Office national des forêts de Carcassonne, de la Mission
d ' aménagement de l'île de Porquerolles, préalablement à un traitement du sol en place avec
des produits stabilisants, Je dosage de ces produits dépendant du pourcentage d'éléments
fins (éléments inférieurs à 0,08 mm) . Ailleurs, l'analyse de matériaux en place dans la région
de Raon-l'Étape, a permis de confirmer que sur un sol d'une qualité intrinsèque suffisamment
élevée il n'est pas nécessaire de mettre en place un matériau d'apport.
Pour améliorer les performances mécaniques du sol support et aussi assurer une bonne
viabilité, il est souvent nécessaire de procéder à un apport de matériau.
Une prospection de gisements situés à une distance du futur chantier telle que le prix du
transport reste dans des limites raisonnables, détermine un éventail plus ou moins large de
matériaux disponibles . S'il y a une possibilité de choix, ce choix dépendra éventuellement
d'une technique de mise en oeuvre préalablement retenue . Si le choix ne peut se faire, souvent
pour des raisons économiques plus que techniques, c'est au contraire à partir du matériau
défini que se fera la recherche d'une technique de mise en oeuvre.
Ainsi, dans les départements de la Haute-Saône, de l'Ariège, de la Haute-Garonne, l'Office
national des forêts a pu faire analyser au laboratoire respectivement les matériaux de sept,
trois et deux carrières différentes . Dans une carrière de sablon ( 1 ) de l'est de Paris, le centre
de Melun de l'Office national des forêts avait besoin de connaître le sable convenant le mieux
pour les allées d'un aménagement touristique . En forêt domaniale de Sedan, il s'est agi de
déterminer si l'exploitation d'un gisement nouvellement découvert était envisageable, l'emploi
d'un tel matériau pouvant avoir des conséquences économiques importantes tant sur le prix
du matériau que sur son transport.
Parfois le gestionnaire utilise pour ses travaux des matériaux présentant certains défauts
(mauvaise granulométrie, nocivité des éléments fins, sensibilité à l'eau) parce qu'il n'existe
pas d'autres matériaux dans un rayon raisonnable . Certes les défauts sont atténués lorsque la
mise en oeuvre se fait dans des conditions favorables, mais les entretiens ultérieurs les mettent
alors rapidement en évidence . Si, au contraire, il s'y ajoute des conditions défavorables de
mise en oeuvre, les résultats sont tout à fait négatifs.
La connaissance précise de ces défauts, obtenue grâce à l'analyse, permet au maître d'oeuvre
de s'orienter soit vers une amélioration de la qualité de ces matériaux par une correction appro-
priée, soit vers une modification du mode de mise en oeuvre par l'adoption d'une méthode
mieux adaptée.
C'est ainsi que l'on peut utiliser des matériaux imparfaits, mais provenant de gisements
relativement proches, et éviter ainsi des transports onéreux en provenance de gisements plus
éloignés.
Donc, avant la construction de la route l'utilisation du laboratoire est tout aussi valable pour
l'analyse du sol en place que pour la recherche du meilleur matériau d'apport ou la déter-
mination de la meilleure méthode de mise en oeuvre.

Pendant la construction de la route

Le but des essais est de contrôler que les caractéristiques des matériaux, la mise en oeuvre
et plus particulièrement le compactage, sont conformes au cahier des clauses techniques
particulières . Pour le matériau, avant mise en oeuvre, si le personnel de terrain peut effectuer
les contrôles de quantité, seul le laboratoire a les moyens de vérifier la qualité aussi souvent
qu'il est nécessaire au fur et à mesure de l'arrivée des camions d ' approvisionnement.

(1) Le sablon est un matériau composé essentiellement de sable fin (éléments compris entre 0,08 et 0,40 mm) et de fines
(éléments de taille inférieure à 0,08 mm) que l'on trouve dans la région parisienne.

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Construction et entretien de routes forestières

Dans le cas d'une décision de « dernière minute » pour le choix d'un matériau, celui initialement
prévu n'étant plus disponibles pour l'entreprise, la présence du laboratoire semble indispensable.
Ce problème s'est posé à Thionville pour l'Office national des forêts . Le matériau prévu pour
une couche anticontaminante n'étant plus disponible, il s'agissait de vérifier rapidement
si les autres matériaux proposés par l'entreprise présentaient les qualités requises pour leur
emploi dans une telle couche . Sur une route de Haute-Marne, les matériaux d'une assise
n'avaient pas pu être convenablement stabilisés lors de leur mise en oeuvre . Les crédits ne
permettant pas d'enlever le matériau pour le remplacer par un meilleur, les essais dia laboratoire
ont permis de dégager une solution de stabilisation par apport de liant.
Enfin le contrôle du compactage ne peut se faire que dans la mesure où la teneur en eau optimale
a été déterminée au préalable par un essai de laboratoire.

Après la construction de la route

Si le laboratoire n'est pas intervenu auparavant et si la chaussée est en mauvais état avant la
réception définitive, les résultats d'analyses simples répartissent les responsabilités entre
l'entreprise et le gestionnaire . Un tel problème a ainsi été résolu dans le Cantal . Il s'agissait
en l'occurrence de savoir si la rapide dégradation d'une route était due à de mauvais matériaux
ou à une mauvaise technique de mise en oeuvre.
Dans tous les massifs forestiers, le laboratoire intervient aussi pour déterminer parmi les
matériaux utilisés ceux qui conviennent le mieux pour l'entretien, et pour identifier
éventuellement de nouveaux gisements.

Démonstrations

Si la mission principale du I âboratoire est d'intervenir pour qu'une route forestière soit construite
ou entretenue dans les meilleures conditions, le laboratoire peut aussi par des démonstrations
pratiques, sensibiliser les forestiers de terrain à la connaissance des qualités à rechercher
pour les matériaux et aux problèmes de contrôle de chantiers routiers.
Les personnels de plusieurs centres des régions Midi-Pyrénées et Lorraine, les stagiaires du
Centre national de formation professionnelle de l'Office national des forêts à Velaine, les
stagiaires techniciens des travaux forestiers de l'État à Meymac, les élèves ingénieurs des
travaux des eaux et forêts et les élèves techniciens supérieurs — option production forestière
— à Nogent-sur-Vernisson, ont pu suivre des démonstrations d'analyses et essais et être
sensibilisés au e pourquoi » de ces opérations.

PROCÉDURE DES OPÉRATIONS

Le laboratoire est parfaitement autonome . Tout est prévu pour que le travail se fasse correc-
tement et le plus rapidement possible à n'importe quel emplacement ; l'électricité par exemple
est fournie par un groupe électrogène . Il suffit que le laboratoire ait la possibilité de remplir
le réservoir d'eau (200 I) et de garer le véhicule la nuit en un lieu sûr.
Les quatre principaux essais que réalise le laboratoire sont : la granulométrie, l'essai Proctor,
les limites d'Atterberg et l'équivalent de sable.
— La granulométrie, qui se fait par tamisage détermine le pourcentage d'éléments fins
(dimensions inférieures à 0,08 mm) et l'allure de la courbe granulométrique étalée ou serrée,
continue ou discontinue, montrant la répartition des autres grains suivant leurs dimensions.
— L'essai Proctor consiste à compacter plusieurs échantillons d'un même sol à diffé-
rentes teneurs en eau . II a pour but de déterminer une teneur en eau permettant d'obtenir la
meilleure compacité .

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— Les limites d'Atterberg ont été ainsi définies par J . Boutin (1954) : selon sa teneur
en eau un sol est à l'état « liquide », à l'état plastique, à l'état solide . Les limites séparant ces
divers états sont appelées «limites d'Atterberg D . Ce sont les teneurs en eau correspondant
au passage d'un état à l'autre . On détermine expérimentalement par des essais standardisés
la « limite de liquidité » et la « limite de plasticité » des éléments d'un sol inférieurs à 0,5 mm
(mortier) . L'écart entre ces deux limites s'appelle e indice de plasticité D . Cet indice est une
caractéristique très intéressante car il indique la sensibilité plus ou moins grande d'un sol aux
variations de teneur en eau.
— L'essai d'équivalent de sable complète et affine la détermination de la sensibilisation
à l'eau et au gel . Il donne plus particulièrement des renseignements clairs dans les cas où les
limites d'Atterberg sont incertaines (sols à faible plasticité) . Cet essai s'effectue sur la fraction
du matériau inférieur à 5 mm, donc sur une portion plus large que pour l'essai précédent.
La connaissance de la granulométrie, de la sensibilité à l'eau et de la teneur en eau optimale
de compactage permet pour un matériau, soit de déterminer les différents emplois possibles
et de définir les améliorations éventuelles à y apporter s'il s'agit d'une étude préalable, soit
de vérifier s'il est conforme aux exigences du maître d'oeuvre s'il s'agit d'un contrôle.
Avant son départ, le technicien affecté au laboratoire laisse au demandeur les résultats d'ana-
lyses et en donne une première interprétation, particulièrement utile dans le cas d'un contrôle.
Un double de ces résultats est rapidement communiqué au Groupement technique forestier
de Nogent-sur-Vernisson, puis un dossier complet, comprenant le travail mis au propre, les
courbes tracées et une interprétation détaillée suivant les besoins est finalement envoyé à
l'utilisateur, dans les meilleurs délais.

CONCLUSION

La conception d'une voie forestière résulte d'un compromis judicieux entre de bonnes carac-
téristiques mécaniques et un prix de construction et d ' entretien peu élevé.
Les matériaux constitutifs de la chaussée, définis ou vérifiés par une analyse préalable de
laboratoire, seront la garantie des qualités de service d'une route ; l'économie sera réalisée
par l'utilisation maximale du sol en place et par une limitation adéquate de l'emploi de matériaux
d'apport .

Bruno de GROULARD
Ingénieur des techniques forestières
CENTRE TECHNIQUE DU GENIE RURAL,
DES EAUX ET DES FORETS
Division « Équipement et exploitation des forêts »
Domaine des Barres
45290 NOGENT-SUR-VERNISSON

BIBLIOGRAPHIE

BOUTIN (J .) . L'évolution des techniques de construction de routes, Revue forestière française, n° $ 8-9,
1954, pp . 519-530.

CROISÉ (R .) . Aperçus sur l'évolution de la technique routière, Revue forestière française, n° 2,


1962, pp . 119-133.

CROISÉ (R .) . Emploi de graves-émulsion en voirie forestière, Revue forestière française, n° 6, 1969, pp . 571 -
576 .

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