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De la découverte d’al-Lubāb fī sharḥ talkhīṣ ‘acmāl al-ḥisāb

d’al-Hawārī al-Miṣrātī

Mahdi ABDELJAOUAD Jeffrey OAKS

Université de Tunis University of Indianapolis

Résumé : Dans la première partie de cette communication, nous présentons


l’ouvrage, la richesse de ce texte et son influence sur l’enseignement des mathématiques
et, dans la deuxième partie, nous analysons quelques thèmes traités par al-Hawārī : la
vérification des opérations sur les fractions par la preuve par 7 et le calcul des radicaux.

Par ‘découverte’, nous n’entendons pas l’action de trouver ce qui est


inconnu, oublié ou caché, car al-Lubāb fī sharḥ talkhīṣ ‘acmāl al-ḥisāb écrit par
c
Abd al-cAzīz b. cAli b. Dāwud al-Hawārī al-Miṣrātī, un élève d'Ibn al-Bannā’,
avait été signalé par Djebbar et Aballagh (2001, 46 et 90). Ils précisaient que
c’était le seul commentaire du Talkhīṣ dont la publication avait été autorisée par
Ibn al-Bannā’ lui-même.

Place d’al-Lubāb par rapport à l’œuvre d’Ibn al-Bannāʾ


La lecture de la thèse d’Aballagh (1988 ; 1994) et des travaux précis et
détaillés de Djebbar et Aballagh (2001), permet d’établir une chronologie aussi
complète que possible des activités et des travaux d’Ibn al-Bannāʾ (654-721 –
1256-1321). Ces auteurs indiquent qu’Ibn al-Bannāʾ a achevé al-Uṣūl wa’l-
muqaddimāt fī’l-jabr wa’l-muqābala, un livre d’algèbre dédié à al-Milyānī, le
préfet d’Aghmāt assassiné en 686/1287. Ils signalent que l’ouvrage al-Maqālāt
al-arbaac fi l-cadad, une introduction à l’arithmétique des entiers (positifs), des
fractions et des radicaux a été achevé pendant la même période (Djebbar et
Aballagh, p. 58).
Par ailleurs, il apparaît certain qu’Ibn al-Bannāʾ a achevé d’écrire Talkhīṣ
‘acmāl al-ḥisāb avant 1301, car il est établi, qu’à cette date et suite à la demande
de ses étudiants, il a lui-même achevé un commentaire du Talkhīṣ intitulé Rafc
al-ḥijāb can wujūh ‘acmāl al-ḥisāb (ibid., p. 59). C’est donc juste après une
longue maladie – qui a duré au-moins une année – qu’Ibn al-Bannāʾ termine
Talkhīṣ ‘acmāl al-ḥisāb, se met à l’enseigner et le complète quelque temps plus
tard par Rafc al-ḥijāb.

1
Un de ses étudiants, cAbd al-ʿAzīz ibn ʿAlī ibn Dāwud al-Hawārī al-
Miṣrātī1, qui a suivi ses cours pendant cette période, obtient l’autorisation de son
maître d’illustrer les définitions, propositions et algorithmes contenus dans le
Talkhīṣ par des exemples numériques appropriés. Il en résulte al-Lubāb fī sharḥ
talkhīṣ ‘acmāl al-ḥisāb, le premier d’une longue liste de commentaires du
Talkhīṣ écrits tout au long des siècles et utilisés dans les madrasas d’abord
d’Occident, puis d’Orient 2. Malgré toutes les recherches effectuées, al-Hawārī
al-Miṣrātī reste mystérieux car peu d’informations le concernant nous sont
parvenues.3
Dans al-Lubāb, l’auteur suit pas à pas le texte du Talkhīṣ, le recopie
paragraphe par paragraphe, chacun de ces paragraphes étant suivi d’un exemple
numérique illustrant son contenu. Al-Hawārī al-Miṣrātī emprunte parfois des
paragraphes de Rafc al-ḥijāb, contenant des propositions et des exemples
numériques, sans toutefois les rapporter explicitement à cet ouvrage. En fait, dès
la préface, il justifie la composition de son livre par l’absence d’exemples
numériques dans Talkhīṣ, considérant leur nombre réduit et insuffisant dans Rafc
al-ḥijāb ; il laisse ainsi entendre implicitement qu’il puise autant de problèmes
de Rafc al-ḥijāb que nécessaire, mais que l’essentiel de son travail consiste à
inventer des exemples originaux.

1
Dans les différents manuscrits consultés, les orthographes des prénoms et des kunias
relatifs à notre auteur varient : “al-Hawāzī” à la place de “al-Hawārī” ou “Dāwūd” à la
place de “Dāwud” et al-Misrātī, avec “s”, à la place de “ṣ”.
2
Les commentateurs du Talkhīṣ dont on a retrouvé les traités sont al-Ghurbī (avant
1349), al-Mawāḥidī (avant 1382), Ibn Zakariyyā (m. 1403-4), Ibn Qunfudh (m. 1407-8),
al-ʿUqbānī (m. 1408), Ibn Haydūr (m. 1413), Isaac ben Solomon Ibn al-Aḥdab (m.
1430), Ibn Majdī (m. 1447), al-Ḥabbāk (m. 1463), al-Qalaṣādī (m. 1486) et Muḥammad
al-Ghazzī (16e s.). D’autres auteurs se sont inspirés du Talkhīṣ pour écrire des manuels
d’arithmétique et d’algèbre : Ibn al-Hāʾim (m. 1412), Ibn Marzūq (m. 1438), Ibn Ghāzī
(m. 1513), al-Wansharīsī (m. 1548-9) et Ibn al-Qādhī (m. 1616).
3
En effet, al-Hawārī lui-même n’est pas mentionné dans les travaux biographiques
d’Ibn Qunfudh (d. 1508), al-Wansharīsī (d. 1512), al-Shanshāwunī (d. 1578), ni dans des
bio-biographies importantes, la première apparition du nom d’al-Hawārī est associée
au Talkhiṣ d'Ibn al-Bannā dans la rubrique que lui réserve Ḥājjī Khalīfa (m. 1657)
dans Kashf al-ẓunūn ʿan asāmī al-kutub wa-al-funūn; mais il n’indique aucune date
pour le décès de notre auteur. La date généralement proposée pour le décès d’al-
Hawārī nous paraît incertaine car le premier à la situer aux environs de 745 H/1344,
Ismac īl al-Baghdādī (m. 1920) ne présente aucune justification pour ce choix. Cette
date est reprise par tous ses successeurs. Notre seule certitude est qu’al-Hawārī était
vivant en 1305.

2
Bien que terminé4 en 1305, al-Lubāb surprend car on n’y trouve aucune
référence explicite aux premières œuvres d’Ibn al-Bannāʾ. En effet, ni al-Uṣūl
wa’l-muqaddimāt fī’l-jabr wa’l-muqābala, ni al-Maqālāt al-arbaaʿ fi l-cadad ne
sont cités explicitement par al-Hawārī al-Miṣrātī ; une inspection attentive des
contenus montre qu’aucun emprunt de ces deux livres n’apparaît dans Lubāb,
alors qu’ils contiennent une multitude d’exemples numériques se rapportant à
l’algèbre pour le premier, et à l’arithmétique des entiers, des fractions et des
radicaux pour le second. Est-ce à penser qu’après sa maladie, Ibn al-Bannāʾ ne
se réfère plus dans ses cours à ses écrits mathématiques achevés avant cette
maladie ? Est-ce que ces écrits dédiés à des personnalités de l’ancien régime
almohade auraient été mal vus par les nouveaux dirigeants mérinides ? On
pourrait aussi expliquer ce silence sur des ouvrages de haut niveau par la
polémique que l’on découvre chez certains de ses successeurs concernant la
paternité douteuse de ces textes qui auraient été empruntés par Ibn al-Bannāʾ à
ses maîtres. En tout cas, quelle qu’en soit la raison, al-Hawārī al-Miṣrātī ignore
ces deux ouvrages.

Présentation de l’ouvrage
Pour l’édition et l’analyse du Lubāb, nous avons privilégié le manuscrit de
Médine qui est le plus vieux manuscrit connu actuellement. 5

4
En tenant compte de l’introduction du manuscrit, Djebbar et Aballagh avaient encadré
la date d’achèvement de la rédaction du traité entre 1302 et 1305. En fait, nous avons
découvert que la date exacte est indiquée à la fin du manuscrit de Médine : le 18 Dhū al-
Qaʿda de l’année 704 de l’Hégire, correspondant au 12 juin 1305.
5
Les manuscrits utilisés sont :
- Madina, collection Ḥikmat 2856. 63 ff, 16 lignes par page, 16 x 21 cm. Copie date
du 18 Rabia I, 746H (= 19 juillet 1345).
- Istanbul, Bibliothèque Süleymaniye, Collection Şehit Ali Paşa 1977/2, ff. 54a-
103b. Copie datée du 20 Ramadan 880H (= 11 Janvier 1476 à Constantinople).
- Oxford, collection Marsh 378/3, ff. 109a-162a. Copie date de 1444 d’après
Woepcke.
- Tunis, Bibliothèque Nationale de Tunis, manuscrit n° 9940. 32 ff., 22 x 26 cm, 29
lignes par page. Copie date du 4 Jumada II, 1082 (= 8 Octobre 8, 1671 à Damas).
Manuscrits connus, mais non utilisés dans cette étude:
- Madrid, Escurial MS 953/1, ff. 2b-79a
- Madrid, Escurial MS 948/2, Copie date de 867H/1462
- London, India Office MS 770/3 ff. 19b-69b. Copie date de 856H/1452
- Rabaṭ, Bibliothèque Générale MS Q846, 69 ff.
- Rabaṭ, Bibliothèque al-Ḥassīniyya MS 2186/2, 97 ff. Incomplete.

3
al-Lubāb est caractérisé par la simplicité et la clarté des exemples
numériques et algébriques accompagnant les concepts, définitions, propositions
et procédures énoncées dans le Talkhīṣ. A chaque définition ou règle, al-Hawārī
propose un exemple numérique facile à reproduire par le lecteur. Par
exemple, pour chaque type de multiplication, il explicite les étapes de
l’algorithme à partir d’un exemple numérique simple et utilise deux
couleurs (le rouge et le noir) pour différencier le résultat des données.
Nous avons constaté qu’al-Lubāb contient des figures illustrant les
opérations sur les nombres ou les fractions utilisant l’écriture symbolique
maghrébine pour les entiers et les fractions ; par contre, les représentations
symboliques sont totalement absentes dans les chapitres consacrés aux radicaux
quadratiques et à l’algèbre. L’auteur suit en cela son maître Ibn Bannā’ qui
n’utilise pas de représentation symbolique dans Rafʿal-ḥijāb ni dans Kitāb al-
uṣūl wa l-muqaddimāt fī l-jabr wa l-muqābala. Il faudra attendre le commentaire
du Talkhīṣ par al-Mawāḥḥidī pour voir réapparaître les symboles et notations
maghrébines pour les radicaux et les expressions algébriques. Les copistes non
mathématiciens du Lubāb sont perturbés par l’agencement des opérations et
n’arrivent pas à les reproduire correctement. Seuls Ibn Ghāzī (m. 1513) et
Şeker Zāde (m. 1787) offrent des figures claires et satisfaisantes.
al-Hawārī s’encombre rarement d’explications philosophiques ou
linguistiques qui risqueraient d’alourdir son texte, il cherche au contraire
l’efficacité. C’est, pensons-nous, ce qui explique la longévité de cet
ouvrage, illustrée par sa présence remarquée en accompagnement du
Talkhīṣ, dans de nombreux livres regroupant des collections de manuscrits.

Les commentateurs connus du Talkhīṣ ont évoqué de différentes manières


ce texte. Certains comme Ibn al-Bannā’ lui-même dans Rafc al-ḥijāb ou al-
Mawāḥḥidī au début de Taḥṣīl al-munā fī sharḥ talkhīṣ ibn al-Bannā’ supposent
que leur lecteur possède une copie du Talkhīṣ ou, tout au moins, il en connaît le
texte par cœur. Ils s’y réfèrent soit par allusion à un thème donné, comme par
exemple dans Rafc al-ḥijāb, soit en indiquant d’abord le début du paragraphe
commenté, puis la dernière expression de ce paragraphe, comme dans Taḥṣīl al-

- Damascus, al-Ẓāhirīya Library MS 6666/1, ff. 1b-112b. Copie datée de


1002H/1594
- Rich (Morocco), Ḥamzāwiyya Library MS 145/2, 117 ff.
- Tamegroute (Morocco), al-Khizāna al-Nāsiriya MS 3080.
- Caire, Bibliothèque centrale des manuscrits musulmans du Ministère des waqf, MS
1077, 80 ff. Copie date de 1270H/1853.

4
Munā où l’on trouve cette phrase : « Ibn al-Bannā’ dit : ‘le but de ce livre est de
résumer les techniques de calcul’, jusqu’à : ‘et ses structures’ ».
Par contre, al-Hawārī al-Miṣrātī reproduit intégralement le texte du Talkhīṣ
en le découpant de telle manière qu’il puisse isoler chaque définition importante,
chaque proposition significative et également l’intégralité de chaque procédure
de calcul. Cela lui permet d’intercaler une explication ou un exemple numérique
susceptible de fixer dans l’esprit du lecteur le thème traité.
Ibn al-Aḥdab et al-Qalaṣādī procèdent de même tout en effectuant un
découpage plus détaillé du texte du Talkhīṣ allant jusqu’à isoler une expression
ou même un mot pour l’expliquer dans un registre linguistique, grammatical ou
religieux.
En recopiant le texte du Talkhīṣ, al-Hawārī précède chaque emprunt par la
lettre ṣād – qui tient lieu d’abréviation pour maṣdar (texte d’origine) – et le fait
suivre par la lettre shīn – qui est la première lettre de sharḥ (commentaire) –
début des ajouts d’al-Hawārī . Ces compléments sont de quatre types :

- La définition d’un terme technique juste évoqué par Ibn al-Bannāʾ.


- Des emprunts à Rafc al-ḥijāb.
- On y trouve aussi les trois seules citations explicites ne se rapportant pas à
Rafc al-ḥijāb : la première rapporte un poème anonyme décrivant les
chiffres ghubār; la seconde est empruntée à Ibn al-Yāsamīn (m. 1204) que
nous avons pu identifier6, et la troisième se rapporte à un certain Ibn Tāhir7.
- Des remarques personnelles ajoutées par Al-Hawārī pour clarifier une
procédure ou pour conclure une section et en commencer une nouvelle.
Cela peut prendre la forme d’un court commentaire illustré d’un exemple
numérique.
-
L’auteur évite au maximum les explications rhétoriques, grammaticales ou
épistémologiques et se contente, comme il l’a annoncé, d’illustrer les définitions,
règles et algorithmes énoncés dans Talkhīṣ par un nombre important d’exemples
6
Il s’agit du produit par dénomination : Ce paragraphe d’Ibn al-Yâsamîn (116 : 5-
13) est entièrement repris par Ibn al-Bannā’ dans Talkhīṣ (5 : 4-13) et se retrouve
donc dans Lubāb (109 : 7-9 et 19-21, puis 110 : 1-4). Lorsqu’il introduit le
deuxième type de produit par dénomination, Al-Hawārī cite explicitement Ibn al-
Yāsamīn (109 : 16-18). Par la suite, Ibn Ghāzī (90 : 2-4) et Şeker Zāde (folio 27a)
reprennent cette citation.
7
Abū Muḥammad c Abd al-Ḥaq Ibn Ṭāhir est cité à propos des proportions. (Lubāb
109 : 12-13). Est-ce Ibn Tâhir al-‘Andalusī auteur de Kitāb al-uṣûl fî ṣinâc at al-
‘a cdād al-c amaliya ? Nous n’avons pas de réponse pour le moment. Notons qu’ibn
Ghāzī reprend cette citation d’Ibn Tāhir (201 : 17-18).

5
numériques et de problèmes résolus qui constituent l’essentiel de sa contribution
scientifique. Ainsi Al-Hawārī évite la compilation systématique des œuvres
d’Ibn al-Bannā’ comme le fait al-Mawāḥḥidī ou l’utilisation du Talkhīṣ comme
« un prétexte ou un fil conducteur permettant à leur auteur d’exposer à leur
manière, parfois en critiquant sévèrement Ibn al-Bannā’, les thèmes traités par ce
dernier et d’autres qu’il avait délibérément abandonnés. Parmi ces traités très riches
on peut citer le Tamḥīṣ (…) d’Ibn Haydūr et le Hāwī (…) d’Ibn Majdī. »
(Djebbar-Moyon, p. 83)

Comme dans al-Maqālat al-‘arbaca (qu’il ne cite pas) et fidèle à son


maître, il introduit dans son ouvrage les notations maghrébines relatives aux
fractions et le symbole illa de la négation, ainsi que des images des nombres
intervenant dans les diverses opérations arithmétiques ; mais aucune allusion
n’est faite aux notations des radicaux ou des expressions algébriques, connues
déjà au XIIe siècle et qui ne réapparaissent que plus tard chez certains
commentateurs du Talkhīṣ. 8

La place de Rafc al-ḥijāb dans l’ouvrage d’al-Hawārī


Alors que toutes les citations du Talkhīṣ sont clairement indiquées car
précédées de la lettre ṣād, les emprunts d’al-Hawārī à Rafc al-ḥijāb, nombreux et
souvent longs, ne sont jamais explicitement attribués à cet ouvrage, mais
considérés comme un commentaire puisque l’auteur précède ces paragraphes de
la lettre shīn (pour sharḥ); ce qui revient à considérer que tout ce qui n’est pas
dans Talkhīṣ est un commentaire pas nécessairement attribuable à l’élève.
Lorsque le texte de Rafc al-ḥijāb contient un exemple numérique, al-Hawārī
l’emprunte ; mais si Ibn al-Bannā’ a omis d’illustrer un ajout théorique par un
exemple numérique, al-Hawārī en propose autant que nécessaire.

Nous avons trouvé 43 définitions, algorithmes et exemples numériques


empruntés par al-Hawārī’ à Rafc al-ḥijāb. Les exemples numériques empruntés à
Rafʿal-ḥijāb constituent environ 14% des exemples proposés par al-Hawārī dans
son ouvrage ; leur rareté dans les calculs des radicaux (4 sur 54) et des
expressions algébriques (5 sur 64) permet de mieux apprécier l’apport de notre
auteur. Nous avons vérifié que les exemples numériques absents de Rafʿal-ḥijāb
n’appartiennent pas non plus aux ouvrages antérieurs d’Ibn al-Bannāʾ.

8
Les symboles et notations pour les radicaux et les expressions algébriques sont
absents des commentaires du Talkhīṣ composés par Ibn Haydūr et Ibn al-Hā’im,
mais se trouvent dans ceux d’al-Mawāḥidī, d’al-c Uqbānī, d’ibn Qunfudh, d’Isaac
Ibn Salomon, d’al-Qalasādī, d’al-Qatrawānī, d’Ibn Majdī et d’Ibn Ghāzī.

6
Table 1 : Emprunts par al-Hawārī dans al-Lubāb à l’ouvrage Rafc al-ḥijāb9
Chapitres Thèmes Al-Lubāb Rafc al-ḥijāb
Les entiers Ordres d’un nombre 68: 19 – 69: 1 212: 9-10
Définition de la suite géométrique 73: 7-9 214: 3-5
Définition de la suite arithmétique 73: 17-19 214: 13-15
214: 18 –
La suite de nombres la plus connue 73: 24
215:1
Nature des sommes d’entiers
Additions 74: 4-8 226: 4-7
consécutifs
Règle générale pour l’addition des
78: 14-18 220: 8-12
termes ayant des différences connues
Somme d’une suite dont le premier
82: 1-3 228: 13-16
terme n’est pas 1.(*)
Soustractions répétées. (*) 85: 19 – 86: 8 245: 2-9
Exemple numérique de soustractions 245: 10 –
86: 9 – 87: 14
répétées 247:2
La preuve par 7 appliquée à la
92: 15-16 248: 11-12
multiplication des fractions
Soustrac-
Exemple numérique de la règle
tions 92: 17 – 93 : 5 248: 13-17
précédente
Exemple de la preuve par 7 appliquée à 248: 18 –
93: 15-21
la division des fractions 249:4
Exemple de la preuve par 7 appliquée à
94: 5-12 249: 5-11
la dénomination des fractions
Multiplica
Deux types de multiplications 95: 3-14 255: 3-12
-tions
263: 4 – 264:
Deux types de divisions. (*) 117: 9-15
8
Divisions Recherche du plus petit commun
122: 11-14 266: 15-18
diviseur
La simplification 123: 4-8 267: 1-5
Dénomina La moins connue des dénominations.
124: 10-13 267: 11-14
-tions (*)
Les Exemples de recherche du numérateur 272: 14–
135: 9 – 137: 12
fractions des différents types de fractions 273:19

9
Les références renvoient d’une part aux pages et lignes d’al-Lubāb (2013) édité
par Abdeljaouad et Oaks et d’autre part à celles de Rafc al-ḥijāb (1999) édité par
Aballagh. Certaines définitions ou procédures incluses dans Rafc al-ḥijāb semblent être
considérées par al-Hawārī comme faisant partie du Talkhīṣ, sans pour autant figurer dans
le texte édité par le professeur Souissi, nous les avons marqués par une étoile (*).

7
Règle pour la répétition des
soustractions avec la particule « wâw » 141: 10-12 275: 8-9
accompagnant « illa ». (*)
Règle pour la répétition des
142: 12-17 275: 14-15
soustractions sans la particule « wâw »
Exemple des règles précédentes 143: 4 275: 3-5
Règle d’ajonction d’un entier à une 276: 16 –
145: 10 – 146: 2
fraction 277:3
Règle de simplification d’une fraction 146: 5-7 277: 4-6
Exemple de division de fractions 153: 18-20 279: 15-16
Types de conversions d’une fraction en 157: 2 et 9-11 et 279: 18
une autre 158 : 4 280: 1 et 8-9
280: 1-7 ;
Exemples de conversions d’une 157: 3-8 et
10-12 et 16-
fraction en une autre 157: 12 – 158: 3
18
Définition de carré exact (majdhûr) et
163: 3-4 283 : 3-4
carré non exact (ghayr majdhûr) (*)
Exemples de carrés exacts et non 163: 5-8
283: 6-11
exacts 163: 15 – 164: 2
Les Conditions indiquant l’absence d’une 164 : 3-14 et 283: 8-11 et
radicaux racine carrée exacte 165 : 3-16 285: 2-6
Exemples de calculs approchés de 283: 11 –
169: 8 – 170: 5
racines carrées 284:9
Définition de toules types de binômes 287: 19–
173: 14–176:10
et d’apotomes 288:19
Propriétés des quatre nombres
196: 16 – 197: 3 294: 3-9
proportionnels
La méthode des deux plateaux (de la
198: 3-4 297: 17-18
balance) est de nature géométrique
Les 2e matière d’aborder la méthode (règle
203: 12 – 204: 2 298: 13-19
rapports et exemple numérique)
Problème de rencontre : Trois hommes 205: 5 – 206: 2 299: 1-14 et
veulent acheter un cheval 206: 9 – 207: 5 299: 15-20
Problème de volailles : 40 oies, poules 299: 21–
207: 6 – 208: 17
et tourtereaux 300:22
Exemple d’une addition d’espèces
219: 2-3 313: 3
hétérogènes
Exemple d’une addition d’une espèce
L’algèbre 219: 5-6 313: 4-5
exceptée hétérogène
Trois exemples d’additions d’espèces
219: 8-13 313: 6-11
exceptées homogènes

8
Dans al-Lubāb, il y a 339 exemples et problèmes numériques résolus dont
33 sont empruntés à Rafʿ al-ḥijāb (cf. Table 2).

Table 2 : Exercices empruntés par al-Hawārī à Rafʿ al-ḥijāb


Entiers Fractions Radicaux Plateaux Algèbre Total

al-Hawārī 116 61 86 10 66 339


Rafc al-ḥijāb 9 6 10 3 5 33

Les huit problèmes de sommations de suites finies de nombres entiers, de


nombres pairs, de nombres impairs, de leurs carrés et de leurs cubes peuvent
tous avoir été empruntés à Kitāb Talqīḥ al-afkār fī l-cilm bi-rushūm al-ghubār10
d’Ibn al-Yāsamīn’s (m. 1204) car al-Hawārī semble connaître ce traité qu’il cite
explicitement au-moins une fois.
Nous pensons que tous les autres problèmes numériques et algébriques
d’al-Lubāb sont originaux, car ils n’apparaissent dans aucune source connue
actuellement, comme par exemple les traités d’al-Ḥaṣṣār ou d’Ibn Muncim; ces
problèmes sont, en particulier, absents des premiers traités de mathématiques
d’Ibn al-Bannāʾ.

La place d’al-Lubāb chez Ibn Ghāzī (m. 1513)


Au cours de cette recherche, nous avons découvert l’importance des
emprunts au traité d’al-Hawārī effectués par des mathématiciens aussi distincts
qu’Ibn Ghāzī (m. 1513) et Şeker Zāde (m. 1787). Nous avons également
constaté l’inclusion en 1875 d’al-Lubāb dans le curriculum de la Grande
Mosquée al-Zaytūna de Tunis.

Dans Bughyat al-ṭullāb wa sharḥ munyat al-ḥussāb, Ibn Ghāzī se réfère


deux fois directement à notre auteur :
- Concernant al-uss (l’indice de position) d’un chiffre, il écrit: « al-Miṣrātī
et d’autres se sont basés sur <cette approche> ». (Ibn Ghāzī 1983, 19 : 8-
11)
- A propos des 5 types de proportions, il écrit : « Abū Muḥammad ʿAbd al-
ʿAzīz al-Miṣrātī a dit ici, en se référant à Rafʿal-ḥijāb, … » (Ibn Ghāzī
1983, 210 : 3-6)

10
Ibn al-Yāsamīn 1993, p. 136-144.

9
Mais, le plus surprenant est de découvrir qu’Ibn Ghāzī n’a pas hésité à
reproduire à partir d’al-Lubāb plus de 113 séquences (textes, exemples et
problèmes) non contenues dans Rafc al-ḥijāb, sans les attribuer ni
explicitement ni implicitement à al-Hawārī11. Nous ne pensons pas que cet
‘oubli’ soit accidentel, il est délibéré sachant qu’Ibn Ghāzī cite les titres des
autres ouvrages dont sont issus des emprunts.

Table 3 : Exemples absents de Rafʿ al-ḥijāb et empruntés par Ibn Ghāzī


chez al-Hawā rī
Entiers Fractions Radicaux Plateaux Algèbre Total
al-Hawārī 116 61 86 10 66 339
Ibn Ghāzī 23 20 32 7 31 113

La différence fondamentale d’un problème traité par al-Hawārī et le même


traité par Ibn Ghāzī est l’absence chez le premier de symboles maghrébins et
leur présence chez le second, comme le montrent les deux exemples suivants :
Dans la table 4, nous présentons le calcul de la racine carrée du binôme
√10 + √11, d’abord énoncé par al-Hawārī, puis par Ibn Ghāzī :

√10 + √11 = 2


+ + 2

Table 4: Les radicaux chez al-Hawārī, puis chez Ibn Ghāzī

al-Hawārī
(Médine
46a)

11
Dans son édition de Bughyat al-ṭullāb, Mohamed Souissi (1983) ne signale pas les
emprunts d’Ibn Ghāzī à al-Hawārī.

10
Ibn Ghāzī
(Library
of
Congress
62a)

Dans la table 5, il s’agit du début de la résolution de l’équation x2 + 2x = 15.

Le texte d’al-Hawārī est totalement rhétorique, sans aucun symbole, alors


que celui d’Ibn Ghāzī les utilise.

Table 5 : Les équations algébriques chez al-Hawārī, puis chez Ibn Ghāzī
al-
Hawārī
(Médine
56b)

Ibn Ghāzī
(Library
of
Congress
90a)

Place d’al-Lubāb chez Şeker Zāde (m. 1787)

Lors du 10e Colloque maghrébin sur l’histoire des mathématiques arabes


(Tunis, mai 2010), nous avions présenté l’ouvrage ‘Amthilatun min Talkhīṣ Ibn
al-Bannāʾ wa l-Ḥāwī l’Ibn al-Hāʾim (Exemples <inspirés à partir> du Talkhīṣ
d’Ibn al-Bannā et du al-Ḥāwī d’Ibn al-Hā’im), du mathématicien ottoman du
XVIIIe siècle Şeker Zāde Feyzullah Sarmed. Dans cet ouvrage, les énoncés de
plus de cent-dix problèmes traités par al-Hawārī dans al-Lubāb, lui sont
attribués explicitement. Le manuel de Şeker-Zāde ne contient aucune solution
rhétorique (c’est-à-dire écrite en langue naturelle), les solutions étant toutes
rédigées en notations et symboles maghrébins, ceux-là mêmes largement utilisés
par Ibn Ghāzī et al-Qalaṣādī.
Nous insistions sur ce témoignage tardif de la circulation des notations
maghrébines en Orient, sur leur usage renouvelé, intensif et exclusif, dans la

11
résolution de problèmes numériques et algébriques, et sur le caractère
absolument original de ce travail qu’on ne trouve dans aucun autre manuel
connu. Des textes et des problèmes illustrent presque tous les feuillets du
manuscrit et sont attribués à plusieurs auteurs, dont Ibn al-Hā’im (m . 1412) ;
Ibn Haydūr al-Tādilī (m. 1413) ; Ibn Majdī (m. 1446), al-Qalasādī (m. 1486),
Sibt al-Māridinī (m. 1506), Bahā al-Dīn al-cĀmilī (m. 1622) et Muhammad
Bakīr al-Yazdī (m. 1637); mais le traité le plus cité est al-Lubāb. Nous avions
montré que la mention « min al-Lubāb » se rapportait sans aucun doute à
l’ouvrage de cAbd al-cAzīz al-Hawārī al-Miṣrātī et nous avions identifié plus
111 occurrences.

Table 6 : Exemples et problèmes empruntés par Şeker-Zāde chez al-Hawārī


Entiers Fractions Radicaux Plateaux Algèbre Total
al-Hawārī 116 61 86 10 66 339
Şeker-Zāde 54 13 0 4 40 111

A la lecture de cette table, il apparaît clairement que les exemples


numériques donnés par al-Hawārī se rapportant aux opérations sur les entiers
et sur les expressions et équations algébriques ont été considérés comme
encore pertinents, alors que ceux concernant les fractions l’étaient moins et
ceux sur les radicaux totalement inadéquats ; en fait Şeker-Zāde a lui-même
inventé une batterie d’exemples pour illustrer les propositions relatives aux
racines carrées, aux binômes et apotomes. Nous proposons en annexe 2 quelques
exemples d’emprunts de Şeker-Zāde à al-Hawārī.

Deuxième partie : Deux thèmes traités par al-Hawārī dans al-Lubāb.

Les deux thèmes (la preuve par 7 et les calculs sur les radicaux), traités par
al-Hawārī et choisis ci-dessous, permettent de noter l’apport personnel de
l’auteur.

La preuve par 7 chez al-Hawārī


Dans Talkhīṣ, Ibn al-Bannā’ achève le chapitre sur la soustraction des
entiers par une section intitulée « De la manière de faire la preuve <des
opérations> au moyen de ces restes ». Il s’agit d’appliquer la preuve par 7 pour
vérifier l’erreur éventuelle de calcul dans les opérations sur les entiers. Ibn al-
Bannā’ étend ces procédures de vérification aux fractions, en particulier dans le
cas de la division. Traduisons en termes modernes, la procédure proposée :

12
Si a : b = c , on calcule a’, b’ et c’ tels que :
a’ ≡ a (mod 7) , b’ ≡ b (mod 7) et c’ ≡ c (mod 7).
La vérification consiste à comparer le produit b’×c’ et a’. S’ils sont conformes
(mod 7), l’auteur écrit « le résultat est a’ ».

Dans al-Lubāb (93 : 15-21), al-Hawārī illustre cette règle en empruntant


l’exemple suivant à Rafc al-ḥijāb (248 : 18 à 249 : 4) :


 
« Divise + par … Le quotient est : 3 + …
Le résultat <de la preuve> est 3».

Découvrons le détail des calculs d’al-Hawārī pour la division (en notations


modernes):




  
( + ) :
= :
= ×
= = 
=3+

Le quotient 3 + a pour numérateur 19 ≡ 5 (mod 7) et pour dénominateur 6.



Multiplions le numérateur 5 de la fraction par le numérateur 1 du diviseur : ,
  
il en résulte : . Or, = et 10 ≡ 3 (mod 7). Alors 3 est le résultat <de la

preuve>.


a pour numérateur 38 et l’on a bien : 38 ≡ 3

Par ailleurs, le dividende
(mod 7). Trois est donc bien le même résultat <de la preuve>.

Dans le chapitre traitant des opérations sur les fractions, al-Hawārī procède
de la manière indiquée par Ibn al-Bannā’ dans Talkhīṣ, mais termine chaque
calcul par l’indication du résultat de la preuve par 7 sans expliciter la procédure
appliquée, comme le montre le tableau suivant (table 7).

Table 7 : Preuve par 7 dans les opérations sur les fractions dans al-Lubāb
Type Al-
Preuve par 7 Notations modernes pages
d’opération Lubāb



   “Sa réponse est 5”      
     ×  × 
+ = +
=
Somme de
fractions
“‫”وجوابھا بخمسة‬
 147
=  
 
4
31960 ≡ 5 (mod 7)
 

13
  


  

“Sa réponse

 
‫ اال‬
 ×


Soustrac- – = –
s’épuise” 147-
  
=
tion de
“‫”وجوابه يطرح‬ 148
 
3
fractions =
   2562 ≡ 0 (mod 7)
  



   = “Sa réponse est 1”

  ! ×


“‫”وجوابه بواحد‬ = 149
 
1443 ≡ 1 (mod 7)
  
Multipli-
 

cation de
“Sa réponse est 2”
 

  
fractions
  
 ×

 
  
“‫”وجوابه باثنين‬ = = =1+ 150

= 1
660 ≡ 2 (mod 7)



“Sa réponse est 4”

       




×  ×

: = : = =
  
=
“‫”وجوابه بأربعة‬ 151

760 ≡ 4 (mod 7) 

3
3+
 
Division de
 

اال‬

  
“Sa
fractions
!  ( - ×
réponse ) :  =
 : 
 

  
 
=
s’épuise” 151-

×  ×

“‫”وجوابه يطرح‬ = :

  
152

 
! 
455 ≡ 0 (mod 7) =


Les calculs sur les radicaux chez al-Hawārī


Les radicaux prennent une place importante dans al-Lubāb (de la page 84 à
la page 107). Al-Hawārī ne suit pas fidèlement le plan du Talkhīṣ d’Ibn al-
Bannā’ qu’il est censé commenter : par deux fois, il ne respecte pas l’ordre de
présentation des thèmes d’Ibn al-Bannā’ :
- Juste après avoir rapporté la définition que donne son maître de la racine
carrée d’un nombre, al-Hawārī emprunte à Rafc al-ḥijāb l’énoncé et la
justification de la première étape de l’extraction de la racine carrée par le
marquage des chiffres de ce nombre en « racine » – « non racine » puis, sur
sa lancée, il reproduit les conditions nécessaires pour qu’un nombre
(positif) ne soit pas un carré et celles nécessaires pour qu’un nombre
possède une racine carrée (Rafc al-ḥijāb : 156-157 et 159-160). Il illustre
ces conditions par des exemples numériques absents de Rafc al-ḥijāb.

14
- A la fin du chapitre trois, traitant de la division, al-Hawārī intercale une
règle de calcul énoncée dans Talkhīṣ, concernant les multiples et les parties
d’irrationnels quadratiques intervenant dans les opérations. En fait, al-
Hawārī a déjà illustré dans les chapitres précédents cette règle par des
exemples numériques.

Le calcul approché des racines carrées par al-Hawārī


Harbili (2002) montre que, dans Talkhīṣ, les techniques d’approximation de
la racine carrée sont originales, car Ibn al-Bannā’ réorganise et simplifie celles
proposées par ses prédécesseurs (al-Hassār, Ibn al-Yāsamīn et Ibn Muncim) et il
démontre leur validité dans Rafc al-ḥijāb (284 : 10-14, puis 285 :8 – 286 :17). En
termes modernes, si a est un nombre entier non carré parfait, on l’encadre par
deux carrés consécutifs, n2 < a < (n + 1)2, et on note le reste r = a – n2.
%
Si r ≤ n , alors √" = √# + $ ≈ n +
&
- .
%'
- Si r > n , alors √" = √# + $ ≈ n + &'
.

Ce sont là les deux formules proposées par Ibn al-Bannā’ dans Talkhīṣ.
Après les avoir reproduites, al-Hawārī passe directement aux exemples
numériques :

Pour le cas r ≤ n : √20 ≈ 4 + et √54 ≈ 7 + .

Pour le cas r > n : √92 ≈ 9 + .




Par la suite, Ibn al-Bannā’ propose d’affiner l’approximation :

« Si tu veux affiner l’approximation, dénomme-le par le double de la racine et


retranche le résultat de cette racine. Il reste un nombre dont le carré est plus proche
du nombre dont on cherche la racine que le premier carré. »

Al-Hawārī clarifie la signification des termes de cette procédure, il écrit :


« Lorsqu’il dit ‘dénomme-le’, il entend la fraction ajoutée au carré et qui a servi
à l’approximation », puis il reprend l’exemple précédent pour illustrer la
méthode. Traduisons ses calculs en écriture moderne :


 
Le point de départ est la racine : 9 + dont le carré est 92 + .


  
On dénomme le reste du double de la racine : 2×(9 + ) = 19 + ,

15

×
    
c’est-à-dire : : (19 + ) = = .


On soustrait  de la racine 9 + , il reste : 9 + .
 2

   
Ainsi (9 + ) = 92 + est plus proche de 92 que (9 + )2 = 92 + .

Plusieurs autres exemples sont traités par al-Hawārī.

Conclusion
Bien que n’étant qu’un modeste manuel d’accompagnement du Talkhīṣ
d’Ibn al-Bannā’, al-Lubāb d’al-Hawārī a été utilisé, tout au long des siècles qui
ont suivi, comme un outil pédagogique performant. Les nombreuses copies
manuscrites d’al-Lubāb fī sharḥ talkhīṣ ‘acmāl al-ḥisāb qui existent
actuellement dans plusieurs bibliothèques (Istanbul, Le Caire, Madrid, Médine,
Oxford, Rabat, Tunis, Téhéran, …) montrent que ce traité avait accompagné
l’enseignement du Talkhīs tout au long des siècles jusqu’à la fin du XIXe, tant
dans l’Occident musulman qu’en Orient, sans que son auteur reçoive la
considération scientifique qu’il mérite.
Le renouveau des mathématiques maghrébines dans l’Empire ottoman a
permis de redécouvrir «Le Talkhīṣ d’Ibn al-Bannā’, d’après le commentaire
d’al-Miṣrātī », d’en faire des copies et de le prescrire comme manuel
d’enseignement, comme le prouvent la copie utilisée à Istanbul par Şeker-
Zāde et le programme officiel, publié en 1875 dans le cadre de la réforme des
études de l’université al-Zaytūna de Tunis12.

Bibliographie
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Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines.
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symboles mathématiques maghrébins inventés au 12e siècle”. in: Actes du 10ème
Colloque Maghrébin sur l'Histoire des Mathématiques Arabes (Tunis, 29-30-31
mai 2010). pp. 7-32. Tunis: Association Tunisienne des Sciences Mathématiques.

12
On y note en particulier la présence d’Al-Lubāb d’al-Hawārī parmi les quatre
ouvrages de mathématiques devant être étudiés au cycle supérieur, les trois autres
étant :
• Bughyat al-ṭullāb wa sharḥ munyat al-ḥussāb d’Ibn Ghāzī.
• Sharh tadhkirat al-Tūsī. Un commentaire d’al-Sayyīd sur un traité d’astronomie
d’al-Tūsī.
• Tahrīr al-Tūsī li maqālat Uqlīdis. Un exposé des Eléments d’Euclide.

16
al-Baghdādī Ibrāhīm Bāshā (1951), Hadiyat al-c ārifīn. ‘Asmā’ual-mu’allifīn wa
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1984.
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17
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Magistère, Ecole normale supérieure d’Alger.

18
Annexe 1 : Al-Lubāb d’Al-Hawārī (Livre I, 3e partie: Sur les radicaux)
Al-
Thèmes
Hawārī

√10 ;  ;  10 ; √10

(Rafc al-ḥijāb 279: 15-16)

163
Entiers ne possédant pas de racine carrée: 341 ; 461 ; 75 ; 185 ; 46 ; 326 ; 10 ;
164-
500 ; 30000 ; 425 ; 266 ; 349.
165
(seules les règles sont énoncées dans (Rafc al-ḥijāb 284 : 14 à 285: 6).
√625 = 25
166-
167
√20 ≈ 4 ; √54 ≈ 7  ; √92 ≈ 9  ≈ 9   ; √12 ≈ 3 

 
167-
168
√625 = 25 ; √729 = 27.
169-
(Rafc al-ḥijāb 283: 13 à 284: 9) 170

√100 = 10 ;   =  ; 12 = 3

170

 =



    
171

 10 ≈ 3 ;  10 ≈ 3 ;  ≈
  
  171-
  
   172
5 + √3 ; √5 + √3 ; 5 – √3 ; √5 – √3 . (Rafc al-ḥijāb 289: 19) 173
Binômes: 5 + √21 ; 5 + √45 ; √18 + √10 ; 2 + √2 ; 5 + √72 ; √7 + √8 174
8 + √60 = √5 + √3 175

8 − √60 = √5 − √3 8 ± √55 = 5 ± 2
175-

; 176

7 ± √112 = 85
± 1
√32 ± √14 = 24 ± 

; 176

7 ± √30 = 3 + 4
± 3 − 4


;
176-

3 ± √20 = √5 + 2
± √5 − 2

177

√10 ± √11 = 2


+ ± 2


177

Ajouter √3 à √27 ; résultat: √48 . Ajouter √2 à √8 ; résultat: √18 . 179


Ajouter √20 à 2√5 ; résultat: √45 . ;


180-
Ajouter √3 à √15 ; résultat: √3 + √15 . 181

19
√80 à √684 → Ajouter √5 à 4 ;


Ajouter

résultat: √5 + 20





Soustraire √8 de √32 ; résultat: √2 ; Soustraire √12 de √27 ;


résultat: √3.
181-
Soustraire √8 de √10 ; résultat: √10 – √8 .
182

Multiplier √8 par √9 ; résultat: √72 ;


Multiplier √5 par √7 ; résultat: √35.

Multiplier √3 par √8 ; résultat: √24.


183
;
Multiplier 3 par √7 – 2 ; résultat: √63 – 6.
Multiplier 3 par √7 ; résultat: √63 ; Multiplier 2 par √3 ; résultat: √48. 184-
Multiplier 2 par 2√7 → Multiplier 2 par √28 ; résultat: √112 . 185
Multiplier par 3 √20 → Multiplier par √5 ; résultat: √92 .


Multiplier √5 par 3 √40 → Multiplier √5 par 2 ; résultat: 62 .


185-
186
Multiplier deux fois √3 → Multiplier 2 par √3 ; résultat: √12 .
Multiplier cinq fois √7 → Multiplier 5 par √7 ; résultat: √175 .
La moitié de 3√10 → Multiplier par 3√10 ; résultat: 2 .

√60 → Multiplier par et par √60; résultat:   .


186


  
Le tiers de

Diviser √20 par √3 ; résultat: 6 . ; Diviser √3 par √8 ; résultat:  .


Diviser √6 par √2 ; résultat: √3. 187

Diviser √18 par √32 ; résultat: 




.

Diviser √14 par √2 ; résultat: 3 .




;

Diviser 2√15 par 2 ; résultat: √15.


188

Diviser √24 par √2 ; résultat: √3.




Diviser 12 par (5 + √3) → Multiplier 12 par (5 – √3) et diviser the produit 189

20
par (5 + √3)(5 – √3)) = 22 ; résultat: 2 – 
  

.
Diviser 10 par (3 – √7)
√ → Multiplier 10 par (3 + √7)) et diviser the produit
par (3 – √7)(3 + √7)) = 2 ; résultat: 15 – √175.

d l’ouvrage de Şeker-Zāde : ‘Amthilatun


Annexe 2 : Exemples extraits de Amthilatun
min Talkhīṣ Ibn al--Bannāʾ wa l-Ḥāwī l’Ibn al-Hāʾim

13b 23b

35a

59b

21

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