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net/publication/278023343
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Fanny Descamps
Université de Mons
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All content following this page was uploaded by Fanny Descamps on 11 June 2015.
1. Introduction
Le présent article décrit des travaux qui ont été réalisés dans la région du Tournaisis en
Belgique essentiellement dans les carrières d’Antoing et du Milieu. Ces carrières exploitent
un gisement calcaire d’un peu plus de 100m d’épaisseur, et constitué de différents bancs ayant
des propriétés chimiques et mécaniques variables pour des besoins de fabrication de ciment et
de granulats. La production annuelle est de l’ordre de 10 millions de tonnes pour la carrière du
Milieu et 4 millions pour la carrière d’Antoing.
Le gisement calcaire du Tournaisis est traversé par une série de discontinuités subverticales
qui le découpent en plusieurs compartiments d’orientation est ouest ou nord-ouest sud-est. Le
réseau de fractures identifiées est à l’origine des écoulements dans les massifs et,
corollairement à des phénomènes d’altération ou karstification.
Les travaux d’exploitation du gisement Est de la Carrière du Milieu par exemple montrent que
les phénomènes d’altération peuvent prendre une importance telle que la bonne conduite de la
production s’en ressent. Il devient alors intéressant de disposer d’un outil qui permette de
décider rapidement de la destination d’un bloc abattu.
2. Description du massif
2.1. Description succincte des membres ou assises géologiques
(Hennebert et Doremus, 1997)
Le « Calcaire de Tournai » est divisé en deux formations : l’une, inférieure, assez riche en
fossiles, et l’autre, supérieure, très peu fossilifère. Ces deux formations sont désignées par
« Formation de Tournai » et « Formation d’Antoing », en prenant la limite entre les deux
formations au sommet du Gras Délit (Figure 1).
Les formations du Calcaire de Tournai sont divisées en membres, qui correspondent aux
divisions classiques de ce calcaire : Crampon, Allain, Providence, Pont-à-Rieu… Ces unités ont
été considérées comme membres parce que les différences lithologiques de l’une à l’autre sont
faibles et que leur reconnaissance se fait principalement sur la base de niveaux repères
(Carboniaux d’Allain, Banc à Moules, …).
1
Figure 1: Synthèse stratigraphique du Calcaire de Tournai. GD = Gras Délit. BM = Banc à Moules.
Nous avons conduit des analyses systématiques sur les parois des carrières dans le but
d’essayer d’appréhender la variabilité spatiale de la qualité du gisement. Il s’agissait de faire
des images numériques à partir des positions repérées par GPS, d’identifier les joints autres
que la stratification et de mesurer leur orientation et pendage. Un exemple d’une telle image
est présenté à la Figure 2 et au Tableau 1.
2
Tableau 1 : exemple de tableau donnant le détail de levé de terrain.
Levé du
Date : 15/06/2004 point fixe: X= 2915
Localisation
Générale: Etage 1-2 Y= 3784
Description profils 4DCBA et
Objectif: début profil 3
Photos
globales
des profils: Profil 4
Profil 3 fgh
N° Distance Orientation
Discontinuité X Y (m) Photo Pendage pendage Commentaire descriptif
Profil 4D
(vers CBA) 1
limite zone 4D
from 0 to
19m 2
Mesure effectuée au trait blanc sur bloc
1 2942 3783 0 82 N116E sain
2 -3 88 N148E
3 2 80 N128E
86 N12E Conjuguées
3 Discontinuité 3
4 Discontinuité 4
Joint de calcite, humidité, traces
4 5 85 N116E argileuses
86 N12E Conjuguées
zone
perturbée 5 7,5 5 85 N234E
6 8 50 N70E
7 7,7 87 N132E
zone fortement perturbée, grande
densité de fissuration (schistosité),
Schéma écrasement, patine rousse sur blocs
N°1, cahier "sains" en dehors de cette zone broyée
Fin zone broyée à 13,30
Les observations au niveau régional nous ont permis de classer les fractures de type diaclase
en deux familles S1 et S2, auxquelles vient s’ajouter une troisième famille désignée S3 qui
représente la stratification. La synthèse des mesures structurales en termes de projection
stéréographique et l’établissement des diagrammes polaires pour les profils levés ont été
réalisés avec le logiciel Rockworks02. Ce mode de représentation permet d’avoir une idée des
tendances générales en termes de direction et pendages des diaclases. Un diagramme polaire a
été calculé pour chaque profil ainsi qu’un diagramme synthétisant les mesures de fracturation
faites sur l’ensemble des profils (Figure 3).
3
Figure 3 : Diagramme polaire synthétisant les mesures des discontinuités sur les 3 premiers étages de la
Carrière du Milieu
4
4. Mesures diagraphiques (Tshibangu et al, 2007)
4.1. Grandeurs mesurées
La Société des Carrières du Tournaisis (SCT) a équipé une de ses machines de type Ingersoll
Rand T4 d’un dispositif de mesure diagraphiques fourni par Foralim s.a. Au cours de la
foration de production, plusieurs paramètres sont mesurés en continu et enregistrés dans un
fichier. Le traitement s’est intéressé particulièrement aux paramètres suivants :
la profondeur de mesure (tous les cm) ;
la vitesse d’avancement (Va) ;
la pression sur l’outil (Po) ;
le couple et la vitesse de rotation (Cr).
Le logiciel fourni avec l’appareil permet d’obtenir la représentation de la Figure 5.
La destruction mécanique de la roche par des outils se fait grâce à la combinaison de deux
phénomènes physiques fondamentaux (Figure 6):
le poinçonnage de la roche, obtenu en exerçant une poussée axiale Pt sur l’outil pour
l’enfoncer dans la roche ;
l’arrachement des débris de roches, obtenu en exerçant un effort latéral Pc sur l’outil, ce
qui provoque une coupe (Figure 6-a), un cisaillement (Figure 6-b) ou une fragmentation-
traction (Figure 6-c) dans le matériau selon que son comportement est de type ductile
(Figure 6-a et b) ou fragile (Figure 6-c).
5
Pt Pt
Pt
Pc Pc
Pc
Outil Outil
Outil
Dans le cas du forage, ces paramètres technologiques sont notamment la charge sur l’outil Pt et
le couple qui donne la force horizontale Pc, ce couple étant une conséquence de la vitesse de
rotation lorsque la puissance de la machine est déterminée. Selon la technique adoptée, la
poussée peut être mise en œuvre de manière statique (forage rotatif) ou dynamique (forage
percutant). La valeur de la poussée Pt détermine la profondeur de l’engagement des éléments
actifs de l’outil dans la roche, qui, au fond, détermine l’allure et la cadence de la désagrégation.
Le forage en percussion est adapté aux roches dures et fragiles qui nécessitent l’utilisation d’un
frappeur situé soit en surface (marteau hors du trou), soit entre le taillant et le train de tiges
(marteau fond de trou). La Figure 7 donne une illustration du marteau fond de trou. Le principe
de travail consiste à imprimer des mouvements alternatifs à un taillant muni de pics d’une
certaine forme. Ces pics viennent frapper violemment la surface de la roche qui éclate ainsi en
morceaux d’une certaine taille en fonction de l’énergie fournie. La rotation entre chaque frappe
permet à l’outil de frapper la roche à différents endroits formant ainsi des cratères contigus et,
utilement, le trou dans la roche. Le couple est faible en général et n’est pas responsable de la
pénétration.
Parmi les paramètres existants pour caractériser la performance d’un processus de forage,
l’énergie spécifique est la plus utilisée. Il s’agit de l’énergie consommée par unité de volume
de roche détruite ; ce qui représente une mesure usuelle de l’efficience d’une machine de
forage. Elle présente l’avantage d’être liée directement à la résistance de la roche. L’énergie
spécifique peut être déterminée en laboratoire par des méthodes comme la coupe ou le
poinçonnage. Pour illustrer ce phénomène, nous présentons à la Figure 8 la corrélation entre la
résistance au poinçonnage (image du phénomène d’éclatement de roche exploité dans le
forage percutant) et la résistance en compression simple d’une grande quantité de matériaux.
6
Figure 7 : Schéma d’un marteau perforateur fond de trou.
Rp en fonction de Rc
9000
8000
5
7000 4 3
6000
Rp (MPa)
5000
4000
1
3000
2000
2
1000
0
0,0 50,0 100,0 150,0 200,0 250,0
Rc (MPa)
1 Calcaires R²=0.7331 2 Schistes R²=0.9017 3 Grès R²= 0.9032 4 Granites R² = 0.8480 5 Gabbro R² = 0.6620
7
La formule mathématique de l’énergie spécifique est la suivante (Hartman, 1990) :
dans laquelle
e est l’énergie spécifique ;
E représente les énergies de percussion et de rotation additionnées ;
V est le volume de roche détruite ;
A est la surface du trou ;
P représente les puissances de percussion et de rotation additionnées ;
R est la vitesse linéaire d’avancement.
Cette énergie varie donc avec la méthode de forage, les variables opératoires, la géométrie du
trou, et les propriétés des roches. Dans le but de la retrouver en fonction des paramètres mis à
notre disposition par les diagraphies, il est nécessaire d’étudier l’énergie ou la puissance en
roto-percussion. N’ayant pas au stade actuel de détail sur la répartition de puissance entre la
percussion et la rotation (manque de schéma détaillé de montage), nous allons négliger dans
un premier temps le terme de rotation.
L’énergie nécessaire à la percussion est de type cinétique et elle est donnée par :
E = ½ m v² = cWL²B² (2)
P = BE = cWL²B³ (3)
8
Figure 9 : Relation entre la pression sur l’outil et le débit de fluide dans un marteau pneumatique
(D’après catalogue Ingersoll Rand)
Dans le cas présent le marteau utilisé est un QL6 dont les caractéristiques sont les suivantes :
Poids net : 90 kg ;
Course : 100 mm ;
Alésage : 114 mm.
Dans la formule (3) donnant la puissance, la fréquence de battement peut donc être remplacée
par la pression sur l’outil multipliée par un coefficient de proportionnalité (non connu au stade
actuel). Si de plus nous considérons le poids du piston W et la course du piston L comme
constants pendant notre processus, nous pouvons démontrer facilement que l’énergie
spécifique peut se mettre sous la forme :
e = g (Po³/Va) (4)
dans laquelle la constante g dépend du marteau (poids et course) ainsi que du diamètre du
trou.
Comme les caractéristiques techniques disponibles ne nous permettent pas de déterminer le
facteur g, le traitement des diagraphies dans ce travail se fera par le biais du paramètre E’,
dans lequel on considère g comme étant égal à 1. E’ sera donc l’image de l’énergie spécifique
en termes de variation sans en avoir la valeur exacte.
La formule de E’ s’écrit donc :
E’ = Po³/Va (5)
La première démarche est d’appliquer la relation (5) à la diagraphie d’un trou en vue de voir
la variation de l’énergie spécifique. Etant donné que les mesures présentent une grande
variabilité du fait d’une part de l’hétérogénéité du massif et d’autre part des bruits et/ou
vibrations de la machine, il convient de lisser le signal pour mettre en évidence les paliers de
variation sur la hauteur du fourneau. Nous avons utilisé pour cela la technique des moyennes
9
glissantes en 1 ou plusieurs itérations. La Figure 10 montre par exemple le résultat obtenu ;
on y voit se dessiner clairementInfluence
sur le signal lissé trois paliers de résistance du matériau.
de la moyenne glissante
E'
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 220
0
4
Profondeur (m)
10
12
14
16
Etant donné que la sélectivité dans une carrière se fait sur la hauteur d’un gradin, nous avons
ensuite calculé les valeurs moyennes de E’ par trou. Ces résultats ont été combinés avec les
analyses de terrain (photos, descriptions, levés, etc.) présentées sous forme de croquis de
synthèse par zone d’abattage.
La Figure 11 est un exemple de croquis de synthèse pour 2 tirs consécutifs identifiés Est 3
AB. Les différentes zones de qualité sont identifiées par la marque PL (points limites), et nous
avons utilisé le Geological Strength Index (GSI) pour qualifier le massif. Dans ce cas on peut
diviser le tir en deux zones. La première zone est comprise entre PL 6 et PL 5. Celle-ci
correspond à une roche saine et peu fracturée. La seconde zone, quant à elle, se situe entre PL
5 et PL 2. A la différence de la première, elle comprend plusieurs zones de valeur de qualités
différentes. Ces deux zones sont désignées par des flèches vertes sur la Figure 11.
La première zone
L’analyse des histogrammes de E’ par trou nous révèle que les valeurs de la première ligne
varient entre 45 et 55. Par contre, les valeurs des trous de la seconde ligne sont plus faibles.
D’autre part, les valeurs des trous 4, 8, et 9 confirment bien le choix de l’orientation de la
limite entre les zones 1 et 2. En effet, le fait que le trou 9 possède une moyenne arithmétique
nettement plus faible que les deux autres renforce l’hypothèse que la direction de cette limite
soit proche de la direction de fracturation principale N 30° E.
Après cette analyse de la zone 1, les deux hypothèses suivantes sont donc retenues.
Premièrement, la limite entre les zones 1 et 2 a une direction voisine de N 30° Est et passe
entre les trous 8 et 9. Deuxièmement, les valeurs de qualité (GSI) attribuées à la base au profil
du front Est 3 A se prolongent au moins jusqu’au front Est 3 B.
10
Zone saine (GSI = 70)
N-E Est 3 AB
GSI
20 - 40 Est 3 B
PL
5m
Est 3 A
6m
Zone 1 Zone 2
60
50
40
E' 30
20 ligne 1
0
1 2 3 4 5 10 11 12 13 lignes séparées (à gauche)
N u m ér o d u t r o u
ensemble du tir (au-dessus)
Figure 11 : Croquis de synthèse et histogrammes d’un tir au gradin Est 3 AB de la Carrière du Milieu
11
La seconde zone
Elle est comprise sur le front Est 3 A entre PL 4 et PL 3. Elle comprend une partie principale
dont la valeur de GSI est de 55. Cette partie est encadrée de chaque côté par deux bandes de
quelques mètres ayant toutes deux un GSI très faible. Ces bandes comprennent dans leurs
parties supérieures une propagation en forme de poche de roches très altérées.
L’analyse des moyennes arithmétiques montre que les valeurs des trous de la première ligne,
comprises dans cette zone, varient entre 10 et 20. Les valeurs de trous de la seconde ligne sont
quant à elles comprises entre 20 et 25 avec un pic approchant les 60 au trou 15. On peut donc
émettre ici l’hypothèse que la roche rencontrée dans toute la zone semble peu résistante en
moyenne.
Si l’on relie entre eux les paliers de même valeur de chaque trou, on obtient une forme
imaginaire en 3 dimensions faisant penser à une poche d’altération reposant sur un socle
composé de roche saine.
Figure 12 : Mesure des vibrations selon 3 directions dans la zone d’extension de la Carrière d’Antoing, les
points bleus correspondent à des tirs tandis que les point rouges correspondent à la position des capteurs
de mesure (Rosini J., 2011).
La Carrière d’Antoing s’étend dans la direction sud-est ; nous avons mené une campagne de
mesures systématiques des vibrations générées dans 3 directions de manière à mettre en
12
évidence l’anisotropie du massif (Figure 12). Les capteurs désignés par la lettre S sont placés
dans la direction N100E (vers Fontenoy), ceux désignés par A sont dans la direction N20E
(vers Antoing) tandis que les F sont dans une direction intermédiaire.
Différents paramètres peuvent être étudiés pour évaluer l’influence de la géologie sur les
résultats du tir. Nous nous contentons ici de signaler l’influence sur l’atténuation des
vibrations en fonction des distances réduites (Figure 13). Nous constatons effectivement que
l’atténuation est plus importante dans la direction d’Antoing où nous recoupons les
discontinuités de la famille S2 qui est également celle qui correspond à celle des failles
majeures du Tournaisis.
6. Conclusions
Différentes approches géomécaniques peuvent contribuer à une meilleure connaissance du
massif à abattre.
Les premières analyses incontournables concernent les observations du massif ainsi que sa
description ; nous avons concrétisé cela par le biais de l’indice géologie de résistance (GSI).
Ensuite nous avons exploité les paramètres de forage comme aide à la décision ainsi qu’un
apport supplémentaire à la connaissance d’un gisement dont la qualité est hétérogène et
« imprévisible ». Il faut toutefois que la technique d’analyse soit rapide et efficace.
Les résultats obtenus jusqu’à présent sont encourageants, mais les efforts doivent être
poursuivis pour arriver à simuler au mieux le massif dans sa complexité et coupler cela aux
effets mécaniques des explosions. Les recherches menées actuellement permettent également
de coupler les analyses avec une modélisation 3D des carrières dans un logiciel d’intégration
pour la planification de l’exploitation.
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Bibliographie
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Ingersoll Rand 1994. Technical specifications for QL6 & QL6QM.
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Tshibangu, K.J.P., Lamine, E. & Charlier, R., 1999. Mécanismes de destruction des roches et
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Tshibangu, K.J.P., Wittemans, S., Deschamps, B., Duray, S., 2007. Evaluation of the rock
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Group – London. Pp. 589-592.
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