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Alain Ehrlacher Les matériaux de structures

du « développement durable » pour l’habitat


Les matériaux
de structures
du «
développement
durable » pour l’habitat
Préparé par Paul Acker, Olivier Baverel,
Laurent Brochard, Guillaume Habert, Mathieu Rivallain,
Robert Leroy et Alain Ehrlacher

Alain Ehrlacher est professeur de matériaux à l’École des Ponts


ParisTech où il dirige le département Génie mécanique et maté-
riaux. Il est Directeur de recherches de l’Institut Navier, au Pôle
de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) Université
Paris-Est. Il est lauréat du prix Henri de Parville, Arthur du Fay et
Mme E. Hamel de l’Académie des sciences de Paris en 2000.

La construction constitue un relles et 40 % de la génération


secteur d’activité très impor- des déchets en volume. C’est
tant, représentant 10 % du ce qu’on appelle le « quatre-
PIB mondial. Le domaine du quarante ».
bâtiment et travaux publics Comment agir maintenant
représente à lui seul 6 % du pour développer une construc-
PIB français (voir aussi le tion durable ? Le terme « du-
Chapitre de J. Méhu) et 28 % rable » dépasse aujourd’hui
des emplois. C’est donc un son acception première de
poids très lourd de l’écono- durée de vie des bâtiments. Il
mie mondiale. C’est aussi, renvoie désormais à l’objectif
logiquement, un poids très moderne qui demande à l’ac-
lourd de la pollution mon- tivité de construction de se
diale : 40 % de toutes les préoccuper de la préservation
émissions de gaz à effet de de la planète. Le cadre de la
serre en Europe (30 % dans le mission du constructeur se
monde), 40 % de la consom- définit donc en fonction des
mation mondiale d’énergie hypothèses sur l’évolution de
sont liés à la construction la planète et de sa population.
ainsi que 40 % de la consom- Il commence par un exercice
mation des ressources natu- de prospective.
La chimie et l’habitat

le rapport intitulé State of the


LE SECTEUR DE LA CONSTRUCTION EST GLOBALEMENT Future, rédigé par une réunion
RESPONSABLE DE : de chercheurs internationaux,
qui analyse divers aspects de
– 40 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre en l’évolution de l’humanité et de
Europe… (30 % dans le monde), la planète ; le rapport GT 2030
– 40 % de la consommation mondiale d’énergie, du ministère de la Défense
– 40 % de la consommation des ressources naturelles, français, rapport « géostra-
tégique » qui présente une
– 40 % de la génération de déchets (en volume).
prospective à l’horizon des
trente prochaines années1.
Ce dernier rapport donne des
1 Pour quel monde
devons-nous
maintenant construire ?
éléments d’information assez
troublants et parfois quelque
peu déprimants…
La Figure 1, extraite du rap-
1.1. Le changement port qui a servi d’introduction
climatique et ses au sommet de Copenhague
conséquences sur le climat en 2009, rappelle
Il faut d’abord citer ses ré- l’augmentation des concen-
Figure 1 férences. Elles proviennent trations de dioxyde de carbone
essentiellement de trois docu- (CO2) et de méthane (CH4) dans
Évolution des concentrations
atmosphériques en dioxyde de ments : les rapports du som- l’atmosphère depuis 1980. Il
carbone (CO2) et en méthane (CH4) met de Copenhague de 2009 est maintenant admis que ces
depuis une trentaine d’années. sur le changement climatique, augmentations sont dues à
l’activité de l’homme et que
sa première conséquence est
le réchauffement global de
la planète. La Figure 2, ex-
380 traite aussi de ce rapport,
montre une augmentation de
CO2
la température de la planète
CO2 (ppm)

d’environ 1 °C en une cen-


360 taine d’années. Ramenée à la
masse de la planète ou à celle
des océans, ce simple degré
340 est considérable en termes
d’énergie.
Cette augmentation de tem-
pérature, comme la produc-
1 800 CH4 tion de dioxyde de carbone
et de méthane (gaz à effet
de serre), est toujours active.
CH4 (ppb)

1 700 1. The Copenhagen Diagnosis


(2009). Updating the World on
the Latest Climate science ; The
Millennium Project of the Ameri-
can Council for the United Nations
1 600 University ; rapport de « Prospec-
tive géostratégique à l’horizon des
1980 1990 2000 2010 trente prochaines années », GT
176 2030 du ministère de la Défense.
Les matériaux de structures du « développement durable » pour l’habitat
1 Figure 2
Température (déviation de la moyenne 1880-1920) Le réchauffement climatique
0,8 depuis 1850.
Température globale moyenne
entre 1850 et 2009 par rapport à la
0,6 ligne de base de la
période 1880-1920, estimée à
partir des données de la NASA/
0,4 GISS et de Hadley.

0,2

Figure 3
–0,2 Hadley Recul des glaciers. A) L’une des
GISS conséquences remarquables du
réchauffement climatique est la
0,4
fonte des glaciers. B) Le glacier
1840 1860 1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000 2020
d’Easton (États-Unis) a reculé
Année de 255 mètres de 1990 à 2005.
C) Le glacier de Valdez (Alaska)
s’est aminci de 90 mètres au
Les modèles les plus pessi- Le réchauffement climatique cours du dernier siècle et des
mistes prévoient une augmen- cause une augmentation sols désertiques sont apparus sur
tation de 7 °C en un siècle, les du niveau des océans (Fi- les bords du glacier du fait de son
plus optimistes de 2 °C. On gure 4A), davantage consé- amincissement et de son recul.
D) Image de la NASA montrant
peut déjà constater certaines cutive d’ailleurs à la dilata- la formation de nombreux lacs
conséquences de ce réchauf- tion thermique de l’eau qu’à glaciaires aux terminus des
fement comme la fonte des la fonte des glaces, qui aura glaciers en recul au Bhoutan
glaces (Figure 3). des conséquences graves dans l’Himalaya.

A B

C D

177
La chimie et l’habitat

A que tornades, sécheresse,


Observations satellites inondations ou encore déser-
6
Changement du niveau de la mer (cm)

tification (Figure 5).


4
Que faut-il retenir de tout cela
du point de vue de l’activité de
l’IPCC la construction ? C’est à la fois
2 tio ns de
Prédic la perspective de futurs chan-
gements et cataclysmes et la
0 grande incertitude qui de-
meure sur leur nature exacte
et leurs intensités, provenant
–2
Tide Gauges d’abord de l’incertitude sur le
niveau des futures émissions
–4 de CO2 et autres gaz à effet de
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
serre. Toutes les écoles qui
forment des ingénieurs doi-
Année
vent sensibiliser la profession
– en particulier les futurs in-
B génieurs – pour que de moins
500
en moins de CO2 soit émis par
Changement du niveau de la mer

400 WBGU, 2006 la production des matériaux


par rapport à 1990 (cm)

Delta Commitee, 2008 de construction.


Rhamstorf, 2007 s
300 on
jecti
Pro
200 1.2. Les besoins
100 démographiques
La construction est destinée
0
Data à héberger la population ; il
1900 1950 2000 2050 2100 2150 2200 2250 2300 faut donc regarder les pré-
Année visions démographiques. La
Figure 6B, extraite de GT 2030,
montre de nouveau une forte
Figure 4 pour l’humanité. Sur la Fi- dispersion des prévisions,
gure 4A, on peut faire la triste mais un fort accroissement
A) Montée du niveau des océans constatation que la réalité a
due au réchauffement climatique.
pour les cinquante prochaines
été proche de la prévision la années : en 1950, la population
B) Les prévisions les plus
optimistes indiquent que le niveau
plus pessimiste (Figure 4B). mondiale était de 2,5 milliards
des océans aura monté de deux Si l’on extrapole jusqu’à l’an- d’individus ; cette année, elle
mètres en 2300. née 2300, la version la plus passe le cap des 7 milliards
IPCC : Intergovernmental Panel on optimiste prévoit que cette an- et la plupart des prospectives
Climate Change. née-là, le niveau des océans annoncent un chiffre de 9 mil-
Tide Gauge est une unité de aura monté de deux mètres.
mesure relative du niveau de liards en 2050. Incidemment,
C’est énorme ; le découpage on peut citer les prévisions
la mer prise par un instrument
appelé marégraphe. des côtes en serait profon- du « Millennium Project »
dément modifi é, nombre de qui annoncent que la popu-
villes et d’hectares de terres lation pourrait redescendre
agricoles auront disparu. à 5,5 milliards en 2100. Avec
Par ailleurs, il est clair pour l’allongement de la durée de
les experts que cette évolution vie, cela signifierait une pro-
du climat sera accompagnée portion énorme de personnes
de tout un cortège d’événe- âgées, ce qui peut poser cer-
178 ments météorologiques tels tains problèmes de gestion.
Les matériaux de structures du « développement durable » pour l’habitat

Cette augmentation consi- tours de 2050-2100 (Figure 7). Figure 5


dérable de la population est Ainsi l’Europe pourrait perdre
très inégalement répar tie 33 millions d’habitants entre Tornades, inondations,
désertification, sécheresse
sur la planète, comme l’il- 2010 et 2050. sont des conséquences du
lustre la Figure 6B. Mais les Le vieillissement de la popu- réchauffement climatique, indique
prévisions démographiques lation concerne directement la rapport de The Copenhaguen
sont des prévisions à long les questions de construc- Diagnosis (2009).
terme. Aujourd’hui, la réalité tion. La Figure 8, qui donne la
du monde est que le taux de proportion des plus de 65 ans
fécondité s’effondre partout, dans la population, est élo-
y compris en Afrique. Peu de quente. Le vieillissement est
pays ont un taux de fécondité le résultat des progrès de la
au-dessus du seuil de renou- biochimie et de la médecine
vellement, égal à 2,1, et ceci et n’est pas parti pour s’ar-
annonce d’assez sensibles rêter ; ainsi en 2009, l’espé-
diminutions de la population rance de vie des Français a
sur notre planète aux alen- gagné quatre mois ! Ce chiffre 179
La chimie et l’habitat Figure 6 A 14
Basse
A) Prévisions démographiques. Moyenne
12
B) Évolution de la population au Élevée
Japon, en Russie et en Europe, de
Constante
1950 à 2050. 10

En milliards d’habitants
8

0
1950 1975 2000 2007 2050

B
680

580
En millions d’habitants

480
Japon
Russie
380
Europe

280

180

80
1950 2007 2015 2025 2050

Figure 7 8
Afrique
Évolution de l’indice de fécondité Asie
dans le monde. 7 Europe
Amérique Latine et Caraïbes
Amérique du Nord
6 Océanie

0
1970-1975 2005-2010 2045-2050
(moyenne des hypothèses)
180
Les matériaux de structures du « développement durable » pour l’habitat
est impressionnant. Il est im- en % de la population
portant de prévoir comment 25 Japon
vivra cette population car les Italie
technologies de construction
à utiliser ne seront pas les
mêmes pour les paysans et France
pour les citadins (Figure 8).
20
En fait, on continuera à avoir
affaire à la poursuite du mou-
vement actuel de sur-urbani- États-Unis
sation : l’essentiel des nou- Russie

veaux habitants ira grossir Émirats


15 arabes unis
les villes : on prévoit pour
2015 de nombreuses villes
gigantesques à très for te
population (Figure 9). L’ur- Chine
banisation à grande échelle
entraîne malheureusement la 10
Brésil
plupart du temps l’apparition
de bidonvilles avec ses ca-
tastrophes humaines, sécu-
ritaires et sanitaires. On doit
donc prévoir la multiplication 5
d’habitats dans des bâtiments
de type « tour ». L’impératif Niger
sera de faire des construc-
tions à très hautes caracté-
ristiques mécaniques pour 0
permettre les fortes charges 1950 1975 2000 2025
qu’impliquent les grandes
hauteurs. S’il faut certaine-
ment prêter attention aux ma- le bois, le verre (le verre est Figure 8
tériaux bio-sourcés comme le abordé dans le Chapitre de
bois, la paille (à propos des J. Ruchmann), mais c’est le Évolution de la part des plus de
matériaux bio-sourcés, voir 65 ans.
béton qui est de loin le ma-
le Chapitre de D. Gronier), la tériau le plus utilisé ; on en
priorité restera tout de même fabrique la quantité colossale
aux nouvelles variantes des de 25 milliards de tonnes par
bétons. an mondialement.
Ce qui rend le béton diffici-
lement remplaçable dans la

2 Les matériaux et leur construction, c’est sa résis-


empreinte écologique tance à la compression alliée
à un coût raisonnable (le béton
est également abordé dans
2.1. Les principaux matériaux
les Chapitres de J. Méhu et
utilisés
J.-P. Viguier). La courbe de
La Figure 10 présente l’en- la Figure 11A présente dif-
semble des les matériaux uti- férentes réalisations im-
lisés par l’activité humaine. por tantes en béton. En
Pour la construction, on uti- 1988, le pont de l’Île-de-Ré
lise essentiellement l’acier, (Figure 11B) a été construit 181
La chimie et l’habitat A
9
8
7
Cattenom. Les recherches
6
continuent et les laboratoires
5 promettent des matériaux
4 de plus en plus résistants,
3 l’avantage étant que de plus
faibles quantités sont utili-
2
sées pour des performances
1 équivalentes, mais l’inconvé-
0 nient est qu’aux résistances
1950 1975 2000 2005 2050
élevées, le béton est cher. On
Urbaine Rurale Total utilise rarement des bétons
à 200 MPa pour faire de la
1950 2000 Pekin construction ; cependant, les
Los Angeles Tokyo
B Mexico Osaka
Shanghaï
évolutions techniques per-
Manille mettraient d’avoir des résis-
New York New York
tances de plus en plus éle-
Le Caire Jakarta vées, avec des prix de plus en
Osaka
Lagos
Calculta
Bombay
plus élevés.
Rio de Janeiro Karachi
101 100 26,4 Delhi
São Paulo
Population (en millions) Buenos Aires
2.2. Les empreintes
1975 2015 Tianjin

Tokyo
Los Angeles
Pekin
Tokyo écologiques
Mexico Mexico Osaka
Shanghai Shanghai
Manille L’empreinte écologique est le
New York New York
point noir des bétons, devenus
Istambul
Le Caire Jakarta très performants du point de
Bangkok
Lagos
Dakha
Calcuta
vue des constructeurs. Si la
São Paulo Rio de Janeiro
São Paulo
Hyderabad
Bombay construction est responsable
Karachi
Buenos Aires Dehli de 40 % des émissions de gaz à
effet de serre (voir le « quatre-
Figure 9 avec un béton qui atteignait quarante » cité en introduc-
80 MPa, valeur considé- tion de ce chapitre), quelle est
A) Population rurale et urbaine rée comme exceptionnelle la part qui doit en être attri-
dans le monde, de 1950 à 2030 (en
à l’époque. Le ductal®, qui buée aux matériaux ? Le bilan
miliards) ; B) Agglomérations de
plus de 10 millions d’habitants. est un matériau atteignant énergétique de la consomma-
(GT 2030) 200 MPa, a permis de faire tion moyenne d’un logement
la tour aérofrigérante de la en Europe est environ : 50 %
centrale électronucléaire de dus au chauffage des locaux,

Figure 10 1012
Métaux Polymères Céramiques Autres
Production annuelle des principaux 1011
Béton
Production annuelle (tonnes/an)

Pétrole et charbon
matériaux utilisés (échelle 1010
logarithmique). Laine
Acier Asphalte
PE : polycarbonate, PVC : chlorure 109
Verre Fibres
de polyvinyle, PP : polypropylène, Alliages Al PE Brique naturelles
108 PVC PP Fibres
Alliages Cu
PET : polyester. Alliages Zn PET synthétiques
107 Alliages Pb
Alliages Ni
106 Alliages Mg Fbres
Alliages Ti de
105 carbone
Argent
104
Or
103
102
182
Les matériaux de structures du « développement durable » pour l’habitat
A Ductal°
Aéroréfrigérant de B
Cattenom
(EDF, Bouygues 1998)
Résistance en compression

200
du béton (MPa)

150 Pont de l’Île-de-Ré


(Bouygues 1988)
100

50

0
1900 1920 1940 1960 1980 2000

25 % dus au chauffage de l’eau d’énergie dépensée pour le Figure 11


sanitaire et 25 % dus aux di- domaine de la construction en A) Évolution des performances du
vers équipements (voir aussi 2008. Les bâtiments présentent béton au cours du XXe siècle.
le Chapitre de D. Quénard). En une moyenne de consomma- B) Construction du pont de l’Île-
valeurs absolues, il s’agit d’en- tion d’environ 240 kWh/m2/an de-Ré (1987).
viron 200 kWh par m2 et par an. pour les 31,6 millions d’habi-
Rapporté à l’énergie cumulée tations qui existent en France
sur cinquante ans, estimation (dont la superficie est d’environ
conservatoire car la durée de 670 000 km²). L’objectif de la
vie d’un bâtiment est plutôt de profession est d’atteindre 15
l’ordre de cent ans, on trouve kWh/m2/an, et l’on en est en-
que « l’usage » (c’est-à-dire core très loin.
l’exploitation du bâtiment) À côté de labels « bâtiments
est responsable de 83 % de basse consommation (BBC) »,
la consommation énergétique un label « bâtiment à éner-
totale sur tout le cycle de vie gie positive » a été intro- Figure 12
(Figure 12). L’énergie dépensée duit (voir les Chapitre de Détail de la consommation
pour la fabrication des maté- D. Quénard et J. Souvestre). énergétique d’un logement en
riaux ne représente que 12 % ; L’école nationale des ponts Europe.
le chantier ainsi que la mainte-
nance du bâtiment coûtent peu,
de même que sa démolition Énergie cumulée
sur 50 ans :
en fin de vie. En résumé, la Consommation moyenne
consommation d’énergie et la Démolition 1% d’un logement en Europe
Maintenance
production de CO2 associées 3% Total : 200 kWh/m2/an
au bâtiment sont essentielle-
Cuisson
ment liées au chauffage. Une 7%
priorité appelée par l’objectif Éclairage
d’économie d’énergie est donc Usage 83 %
et
Chauffage
appareils
de développer des « usages » 11 % 57 %
moins coûteux en énergie et
donc des matériaux isolants Eau chaude
sanitaire
performants. 25 %
En valeurs absolues, la France Construction 1%
totalise plus de 70 millions de Matériaux 12 %
tonnes d’équivalent pétrole 183
La chimie et l’habitat

et chaussées construit à côté l’isolation des façades appa-


de son bâtiment actuel à raît ainsi comme particulière-
Marne-la-Vallée un bâtiment ment important.
à « énergie positive » – il cor- En dehors de l’Europe, cer-
respond à un investissement tains pays ont des crois-
important, mais représentera sances extrêmement élevées
un outil exceptionnel pour la et leur besoin prioritaire va
formation qui montrera aux vers des constructions nou-
jeunes ingénieurs que l’on velles. Par exemple en Chine,
peut construire un bâtiment on construit deux milliards
qui produit plus d’énergie qu’il de mètres carré par an, soit
n’en consomme. 50 % de la construction nou-
La réalité de la situation de la velle mondiale, et les besoins
construction en France, et dans chinois continuent à croître
les pays occidentaux d’une ma- au rythme considérable de
nière générale, est qu’elle est 22 % par an. D’autres pays ne
dominée par le grand nombre sont pas en reste : au Brésil,
de constructions datant de les besoins ne sont pas au
l ’après-guerre – environ même niveau, mais croissent
21 millions. Pour les bâtiments tout de même au rythme de
construits entre les années 8 % par an – et en l’occur-
1949 et 1974, la consommation rence pour des habitations
n’est pas de 240 kWh/m2 /an, qui ont des critères de confort
mais de 350 kWh/m2 /an. C’est compar ables aux nôtres.
donc en traitant ce stock de Pour la construction dans
logements que l’on pourra es- les pays émergents, la prio-
pérer tenir les objectifs envi- rité se porte vers la sélection
ronnementaux, à savoir diviser de matériaux de structure
par quatre les émissions de que l’on va vouloir « écolo-
gaz à effet de serre d’ici 2050. giques » (à faible émission
Pour comparaison, rappelons de CO 2) et pas seulement de
qu’actuellement, on ne renou- matériaux d’isolation comme
velle annuellement que moins c’est le cas dans les pays
de 1 % du parc. La priorité pour développés.
les pays développés est ainsi la
Béton et émission de CO2
réhabilitation du parc ancien,
et les industriels travaillent Comme nous l’avons vu, pour
actuellement d’arrache-pied ses propriétés mécaniques, le
à l’invention de nouveaux ma- béton reste le matériau chéri
tériaux – à l’exemple des pro- de la construction. Son incon-
metteuses « mousses de gel » vénient est d’être fabriqué à
– pour l’isolation. À ce stade, partir d’un matériau « peu
on peut citer les résultats de écologique », le ciment. À vrai
modélisations thermiques qui dire, une tonne de béton ne
quantifient l’importance des contient qu’un kilogramme de
ponts thermiques. Ils mon- ciment et c’est quelque peu
trent qu’en divisant par trois injustement que le béton est
la conductivité thermique du stigmatisé (Figure 13).
matériau de façade, on éco- Le caractère « peu écolo-
nomiserait 35 % de l’énergie gique » du béton prend sa
nécessaire au chauffage du signification quand on consi-
184 bâtiment ; le renforcement de dère les énormes quantités
Les matériaux de structures du « développement durable » pour l’habitat
1 tonne de béton ≈ 100 kg de ciment Figure 13

Acier vierge
Émissions de CO2 en fonction
3 de l’énergie grise. L’énergie
grise correspond à la somme de
Émissions de CO2 (kg/kg)

2,5
toutes les énergies nécessaires
Aluminium
2 recyclé
à la production, la fabrication,
l’utilisation et le recyclage des
1,5 matériaux ou produits industriels.
Ciment Bois multicouche
1
Verre
Bois
0,5 Béton
Acier recyclé
Maçonnerie
0
0 10 20 30 40
Énergie grise (MJ/kg)

qui en sont produites, qui récupérer le CO2 produit dans


représentent actuellement les usines de fabrication de
environ 1 m 3 de ciment par ces matériaux et de le stocker.
an et par personne sur la pla-
nète, à comparer aux 200 kg
d’acier. D’après des chiffres
cités par le GIEC, l’industrie 3 Le stockage du CO2,
espoir, difficultés
et risques
du ciment présente 6,97 % des
émissions mondiales de CO2, Malgré la nocivité du CO2 dans
et l’industrie de l’acier 4,83 %. l’atmosphère du point de vue
La forte émission de CO2 as- du changement climatique,
sociée à l’industrie du béton on ne peut envisager de se
provient pour partie de la forte passer d’en rejeter, en dépit
consommation en énergie du des efforts qui sont faits pour
procédé de fabrication, qui remplacer les procédés qui en
est un procédé à très haute produisent par des procédés
température et pour partie écologiques. Ainsi, il existe
du procédé lui-même qui de grandes réserves de char-
fait intervenir une réaction bon sur la planète, suffisantes
chimique qui produit du CO2 – pour plusieurs siècles et si-
la décomposition du calcaire tuées dans des pays en train
sous l’effet de la chaleur en de se développer comme la
chaux et en CO 2 . Pour faire Chine, et qui vont bien entendu
une tonne de ciment, on émet le consommer. Il y a donc lieu
dans l’atmosphère 400 kg de de chercher à neutraliser l’ef-
CO2, qui s’ajoutent aux émis- fet nocif des concentrations de
sions liées au chauffage du CO2 dans l’atmosphère.
système. Au total, c’est l’im- Le stockage du CO 2 , tech-
portante quantité de 850 kg nique encore à l’étude, est
de CO2 qui est émise par tonne développé dans cet objectif. Le
de ciment. principe en est très simple :
Comment résoudre ce pro- le CO 2 produit en grande
blème du dégagement de CO2 quantité dans une installa-
qui semble inévitable, au vu tion industrielle est d’abord
des besoins croissants en bé- récupéré puis débarrassé
ton ? La première idée est de des fumées et des gaz qui 185
La chimie et l’habitat

l’accompagnent ; on le stocke aux très grands réservoirs


ensuite dans des réservoirs dans lesquels on veut stoc-
souterrains, où l’on espère ker le CO 2 et en particulier
qu’il va y rester pendant en- aux réservoirs de type « veine
viron un millier d’années. Le de charbon ». Dans un autre
GIEC, dans son rapport GIEC3, programme, on étudie les
estime qu’il y a une fourchette stockages par carbonatation
entre 15 et 55 % de l’ensemble bactérienne2 puisque c’est une
des réductions d’émissions façon alternative de stocker le
de CO 2 à l’horizon 2100 qui CO2. Le concept en est inspiré
pourraient être faites grâce par l’observation des roches
aux techniques de stockage. calcaires qui nous entourent
Le CO 2 fait déjà l’objet de et qui sont produites par
stockages à titre expérimen- l’activité vivante ; ces roches
tal dans le monde, mais l’on peuvent être vues comme des
rencontre de très nombreux sites de stockage de CO2.
obstacles qu’il faut résoudre Pour un exemple un peu plus
avant d’en faire un procédé détaillé, on peut considérer le
industriel : stockage du CO2 dans une for-
− comprendre la faisabilité et mation de charbon. Le char-
les impacts du stockage à long bon est une roche qui contient
terme (typiquement un mil- des nano-pores sur lesquels
les gaz viennent s’adsorber.
lier d’années). La technologie
Le CO 2 introduit chasse le
nécessaire pour réaliser les
méthane qui occupe géné-
opérations est à développer.
ralement ces formations, ce
L’un des points importants est
méthane étant récupéré et
de pouvoir séparer le CO2 en
utilisé. Le CO2 n’a pas la même
usine, sans que cela ne coûte
action sur la roche que le mé-
trop cher en énergie ;
thane et exerce une pression
− assurer l’étanchéité du physique qui voudrait dilater
réservoir. S’agissant d’un mil- la roche. Or les zones dans
lier d’années, on comprend lesquelles on veut stocker
bien que ce n’est pas simple sont des zones profondes où
à réaliser et à garantir. Les elle ne peut pas se dilater. Elle
espoirs initiaux d’utiliser les doit donc gonfler et referme
réservoirs ayant contenu du ses fissures, provoquant une
pétrole ou du charbon se perte de perméabilité. À l’is-
heurtent à des difficultés tech- sue de ce processus, la veine
niques ; étant devenue imperméable,
− dresser un bilan des sites on ne peut plus introduire
d’injection possibles et estimer de CO2. Des recherches sont
la capacité de stockage de CO2 actuellement conduites pour
sur la planète, aujourd’hui très comprendre le fonctionne-
mal connue. ment des sites de stockage.
Voici quelques exemples de
recherches qui sont menées
au laboratoire de l’École na-
2. Voir aussi l’ouvrage La chimie
tionale des ponts et chaussées
et la mer, ensemble au service de
autour du stockage de CO2. On l’homme. Chapitre de S. Blain.
étudie les comportements des Coordonné par Minh-Thu Dinh-
186 bouchons en ciment, destinés Audouin, EDP Sciences, 2009.
Les matériaux de structures du « développement durable » pour l’habitat
Un stockage de CO2 est une ne peut prétendre satisfaire
installation potentiellement tous les besoins. Le Chapitre
dangereuse, eu égard à la de J.-P. Viguier présente ainsi
très grande quantité de gaz une construction entièrement
concernée. Il faut évidemment en bois comme création mo-
travailler cette question qui derne.
conditionne l’appropriation À l’École des ponts, on ap-
sociale de cette technique de précie particulièrement l’as-
lutte contre l’effet de serre. La sociation du bois avec du bé-
maîtrise du risque est donc un ton, de préférence du béton
sujet de préoccupation tout à de très haute performance.
fait essentiel, au point qu’elle La Figure 14 illustre le type
constitue maintenant un do- de poutre que l’on y fabrique.
maine scientifique très actif Le bois résiste très bien aux
et régulièrement appliqué au tractions, le béton très bien
stockage du CO2. aux compressions. Pour le
laboratoire, on fabrique de
très grandes poutres sur les-

4 Des matériaux
« bio-sourcés »
pour limiter l’empreinte
quelles sont pratiqués des
essais de rupture. Le méca-
nisme de ruine apparaît sur
écologique la Figure 15. L’analyse des
La thématique « matériaux et courbes ef for ts-déplace-
écologie » conduit à évoquer ments de ce genre de poutre
les matériaux « bio-sour- convainc aisément que l’asso-
cés » (voir aussi le Chapitre de ciation du bois et du béton est
D. Gronier). Le bois est un ex- une excellente solution pour
cellent matériau et largement les constructions d’avenir.
utilisé, y compris pour des bâ- On a parlé de construction en
timents de plusieurs étages. paille, on a évoqué le torchis
Sa limitation vient de ce que de nos anciens (voir le Cha-
l’état des ressources en bois pitre de J.-C. Bernier), mais
est très inégalement réparti il y a beaucoup plus simple
Figure 14
sur la planète. D’après un rap- encore. Des recherches me-
port de l’United nations envi- nées par l’École des ponts en Poutre mixte bois-béton.
ronment programm (UNEP),
on consomme mondialement
environ 400 kg de bois par an
et par personne. Remplacer
1 m3 de béton par du bois ra-
jouterait, à ces 400 kg, 700 kg
par an et par personne ; la
ressource en bois est simple-
ment insuffisante et ne peut
être retenue pour construire
les grands bâtiments néces-
saires pour héberger en zones
urbaines les milliards de per-
sonnes qui vont venir grossir
la population de la planète. Le
bois reste naturellement un
matériau de choix, même s’il 187
La chimie et l’habitat

association avec l’École natio-


nale supérieure d’architecture
de Grenoble ressuscitent et
modernisent ce vieux concept.
Le bâtiment prototype est un
simple empilement de bottes
de paille que l’on recouvre de
terre (Figure 16). On équipe
ce bâtiment de toute la pano-
plie de capteurs nécessaire et
l’on obtient le confort absolu :
régularité thermique, régula-
rité hydrique, ce qui donne un
excellent habitat. La question
de la durée de vie du bâtiment
se pose légitimement, mais la
Figure 15 réponse issue de l’expérience
Des essais de rupture sont pratiqués au laboratoire sur de très grandes profonde des vieux murs de
poutres en bois, ce qui permet d’étudier les mécanismes de ruine. terre et de paille est très po-
sitive. Pour les bâtiments de
faible hauteur, cette solution
est en fait tout à fait perti-
Figure 16 nente : si vous avez des bottes
Petit bâtiment prototype avec des murs en paille, réalisé par des élèves du de paille, construisez votre
professeur Olivier Baverel. pavillon avec cela !

188
Les matériaux de structures du « développement durable » pour l’habitat
Tableau 1
Composants minéralogiques du ciment.

Formule Formule
Dénomination
Même la bonne vieille terre chimique abrégée
pourrait ainsi, par certains cô- 3CaO.SiO2 C 3S Silicate tricalcique – Alite
tés, être considérée comme
matériau de construction mo- 2CaO.SiO2 C2S Silicate dicalcique – Belite
derne, mais elle ne se prête
pas à la construction de bâ- 3CaO.Al 2O3 C 3A Aluminate tricalcique – Celite
timents de grande hauteur,
4CaO.Al 2O3.Fe2O3 C 4 AF Aluminoferrite tétracalcique
pourtant rendu nécessaire par
l’évolution démographique et 3CaO.MgO.2SiO2 C 3MS2 Merwinite
ne peut être considérée sé-
rieusement. Qu’on le veuille 2CaO.MgO.2SiO2 C2MS2 Akermanite
ou non, il faut recourir au bé-
2CaO.Al 2O3.SiO2 C2 AS Gehlenite
ton, et l’on n’a pas le choix !
CaO.SiO2 CS Wollastonite

5 Des liants
hydrauliques
alternatifs
CaO.SO3 CS Anhydrite

La cohésion entre les éléments donne naissance à une variété


de construction qui assurent d’hydrates qui précipitent et
la solidité du bâtiment et son forment des cristaux qui s’en-
étanchéité est assurée par des chevêtrent et se gênent dans
« liants hydrauliques » qui sont leurs mouvements : c’est le
mis en forme à l’état liquide ou mécanisme de base de la co-
pâteux et sont préparés direc- hésion du matériau. Du point
tement sur le chantier. de vue du développement du-
Le liant hydraulique le plus uti- rable, ces transformations
lisé est le simple ciment (voir produisent malheureusement
aussi le Chapitre de J. Méhu), 850 kg de CO 2 par tonne de
qu’on appelle aussi le « clin- ciment produit – 400 kg liés à
ker ». Il est fait d’un mélange la décarbonatation et 450 kg à
de 80 % de calcaire et 20 % l’énergie de fabrication.
d’argile, que l’on fait chauffer Pour comprendre plus en
dans des fours qui tournent détail les propriétés des ma-
lentement. Au cours de cette tériaux de construction, il
étape, des réactions chimiques faudrait aller au-delà de leur
se produisent, dont la prin- composition chimique et consi-
cipale est la décarbonatation
dérer aussi leur état minéra-
du carbonate de calcium, qui
logique, qui joue un rôle très
donne de la chaux vive et du
important (Tableau 1). La silice
CO 2 . L’argile elle-même se
et l’alumine peuvent s’associer
scinde en silice et en alumine.
de très nombreuses façons,
Ces trois composés, qui sont
dont le Tableau 1 montre les
les trois principaux de prati-
majoritaires dans le ciment
quement tous les matériaux
de construction, se combinent anhydre avant l’hydratation.
pour donner des silicates et À partir de la synthèse de
des aluminates de chaux. C’est base, produisant les compo-
cette dernière étape qu’on ap- sés de base, chaux, silice et
pelle la « clinkerisation ». Ce alumine, il existe une variété
clinker, broyé finement, se dis- de liants hydrauliques. On
sout facilement dans l’eau et peut par exemple rajouter du 189
La chimie et l’habitat

sulfate de calcium : on appelle de conserver la possibilité de


le résultat CSA, d’utilisation leur mise en œuvre. Ceci ne va
courante. pas de soi, car le laitier ne se
Un liant hydraulique particu- dissout pas simplement dans
lièrement intéressant est pro- l’eau : quand il se refroidit, il
duit à partir du laitier granulé vitrifie et stocke donc l’énergie
de haut fourneau. Ce produit qui le sépare de l’état cris-
contient de nombreux consti- tallin. Cette énergie permet
tuants, mais principalement, là ensuite de dissoudre le laitier
encore, de la chaux, de la silice dans une eau – qui incidem-
et de l’alumine. Il ressemble ment doit être alcalinisée.
donc beaucoup à nos clinkers, Après dissolution du laitier,
à la différence près qu’il cristal- on observe des précipitations
lise très facilement et devient de composés sous forme d’hy-
alors inutilisable. L’une des rai- drates. Cette précipitation fait
sons de l’intérêt de l’utilisation bien sûr baisser la concentra-
du laitier est en fait artificielle tion de certains éléments, d’où
et liée à la façon dont on cal- nouvelle dissolution, nouvelle
cule les bilans CO2. Le laitier précipitation et ainsi de suite.
est un déchet de la fabrication La formation du squelette ci-
de l’acier et, en tant que « dé- mentaire en résulte. Selon la
chet », il ne lui est affecté aucun manière dont on essaye de
bilan carbone (émission zéro) ; dissoudre le laitier, on peut
par convention, le bilan carbone obtenir toutes sortes de cris-
correspondant est en effet af- taux très spectaculaires.
fecté à l’acier, produit principal Parmi d’autres concepts de
du haut fourneau et non à ses liants hydrauliques, on pour-
déchets de procédé. Si dans la rait citer les cendres volantes
fabrication du ciment, on rem- qui contiennent de la silice
place le clinker, qui produit du et de l’alumine mais pas de
CO2, comptabilisé comme tel, chaux, et partagent avec les
par du laitier, on peut écono- laitiers la propriété d’être pro-
miser – du fait des conventions duites en très grandes quan-
de calcul des émissions de CO2 tités (780 millions de tonnes
– jusqu’à 95 % de l’émission de cendres volantes sont pro-
de CO2 attribuée au ciment. On duites chaque année dans le
produit environ 250 millions de monde, dont on n’utilise que
tonnes de laitier par an dans le 14 %, tout le reste étant mis
monde, c’est-à-dire à peu près en décharge) et d’être affec-
10 % de la production actuelle tées d’un bilan carbone nul
de ciment. puisqu’elles sont considérées
L’introduction de laitier dans le comme des déchets (voir aussi
ciment fait de très beaux maté- le Chapitre de J. Méhu).
riaux, ressemblant au ciment On peut aussi citer les géopo-
blanc. Les compositions des lymères 3. À partir de produits
différents produits contenant
plus ou moins de laitier, plus 3. Voir par exemple : Joseph Da-
ou moins de clinker sont très vidovits (2002). 30 Years of Suc-
cesses and Failures in Geopolymer
similaires ; il y a là un moyen
Applications. Market Trends and
d’agir finement sur la com- Potential Breakthroughs. Geopo-
position chimique du ciment, lymer, Conference, October 28-29,
190 la limite des variations étant 2002, Melbourne, Australia.
Les matériaux de structures du « développement durable » pour l’habitat
à base de silice et d’alumine, Quand le rapport Si sur Al est
au lieu de faire des cristaux légèrement supérieur à 2, un
qui, comme on l’a vu, s’en- réseau de polymérisation se
chevêtrent et frottent, on est forme et fournit une matrice so-
capable de les assembler par lide. De très hautes propriétés
polymérisation. Les géopo- mécaniques, jusqu’à 50 MPa,
lymères sont ainsi des en- peuvent être atteintes avec un
sembles de groupes SiO3/AlO3 produit radicalement différent
accolés par un atome d’oxy- du béton dans lequel on a affaire
gène pour former des chaînes. à un enchevêtre de cristaux4.

Le défi des matériaux de structure


se présente bien
Il n’est plus guère d’hésitation sur la nécessité
de contrôler les émissions anthropiques de
dioxyde de carbone dans l’atmosphère ; tous
(presque) admettent que les évolutions démo-
graphiques à venir et l’accroissement prévi-
sible du niveau de vie des populations vont être
cause d’une dangereuse dégradation du climat
si aucune mesure n’est prise pour réduire
les émissions. Le secteur de la construction,
responsable de 40 % des émissions de gaz à
effet de serre en Europe, ne peut rester passif
devant cette situation. Le concept de « maté-
riau écologique » imprègne maintenant tous les
professionnels du bâtiment. Il s’agit d’orienter
le choix des matériaux de construction d’une
part en fonction d’une relativement faible émis-
sion de CO2 – apprécié sur toute la vie du maté-
riau – et d’autre part en veillant à l’économie
des ressources naturelles. Le ciment classique,
dont la fabrication demande une grande quantité
d’énergie, est malheureusement peu « écolo-
gique ». Devant cette situation, les laboratoires
ont travaillé sur de nouvelles façons d’utili-
ser le bois – par exemple en conjonction avec

4. Cette famille de matériaux est particulièrement étudiée à l’Institut


français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement
et des réseaux (IFSTTAR), par Guillaume Habert. 191
La chimie et l’habitat

le béton. Ils ont aussi développé de nouvelles


formulations à base de silice ou d’alumine et
fournies sous forme de laitier ou de cendres
volantes. Ces « matériaux écologiques » ne
sont pas uniquement de faibles émetteurs ; ils
se révèlent également tout à fait performants
pour la qualité des constructions.

Pour aller plus loin : Loos M., Meyer L.A. (eds.)]. Weil M., Dombrow ski K .,
Cambridge University Press, Buchwald A. (2009). Life-cycle
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Intergovernmental Panel Étude de l’effet de la durée de sable à l’architecture. Belin,
on Climate Change [Metz B., la cure sur la durabilité des Cité de s s cience s et de
Davidson O., de Coninck H.C., bétons CEMROC, 6 juillet 2006. l’industrie.
192
La chimie et l’habitat

Crédits
photographiques
Fig. 1, 2 et 4 : source : The Fig. 10, 11A, 12 et 13 : source : Paul
Copenhagen Diagnosis (2009). Acker (2010). Clé des innovations
Updating the World on the Latest dans la construction, Science-
Climate science. driven engineering of concrete.
Fig. 5B : CNRS Photothèque - Fig. 11B : Licence CC-BY-SA-1.0.,
Thery Hervé. TCI.
Fig. 6B, 7, 8 et 9 : source : GT 2030 Fig. 14 et 15 : équipe de R. Leroy à
du ministère de la Défense. l’École des Ponts ParisTech.

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