Les Ulamā' en Rupture Avec Le Pouvoir en Ifrīqiya D'après Le Kitāb Al-Mihan - Persée

03/06/2020 Les ‘Ulamā’ en rupture avec le pouvoir en Ifrīqiya d’après le Kitāb al-Mihan - Persée
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Les ‘Ulamā’ en rupture avec le pouvoir en Ifrīqiya d’après

le Kitāb al-Mihan [article]
Mohamed Tahar Mansouri
Mélanges de l'école française de Rome / Année 2003 / 115-1 / pp. 565-580
Résumés Référence bibliographique
https://www.persee.fr/doc/mefr_1123-9883_2003_num_115_1_9306 1/18
Introduction : la communauté des ‘ulama

* Je dois remercier les organisateurs de cette rencontre qui ont permis, malgré une tempête de fin d’automne, à
un simple esquif d’accoster à bon port. Je dois remercier l’École française de Rome pour sa générosité et la
Faculté des lettres de la Mannouba qui a financé mon voyage. Enfin, je remercie mes collègues tunisiens qui
ont bien voulu lire cette contribution et lui apporter d’enrichissantes suggestions, en particulier le Professeur M.
Yacine Essid de la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis.
MEFRM – 115 – 2003 – 1, p. 565-580.
MOHAMED TAHAR MANSOURI
LES ‘ ULAMA ¯ ’ EN RUPTURE AVEC LE POUVOIR EN IFRI ¯ QIYA D’APRÈS LE KITA ¯ B AL-MIH ˙ AN *
Ne sont éprouvés que les plus brillants parmi les savants, alors que les gens ordinaires ne peuvent faire l’objet
d’un tel supplice. Abu ¯ l-{ Arab, Mih ˙ an
De prime abord, et dans le cadre de ce séminaire qui traite de «communautés et pouvoirs » il paraît nécessaire
de s’interroger sur la communauté des ‘ ulama ¯ ’. Dans quelle mesure les ‘ ulama ¯ ’ d’une manière générale
sont-ils représentatifs d’une communauté? Et dans quelle mesure ceux qui se distinguent par les épreuves
subies constituent-ils une communauté dans la communauté? – Les ‘ ulama ¯ ’ se distinguent d’abord du reste
de la société par leur savoir juridique ou tout simplement religieux. Ils forment l’ensemble des
muh ˙ addithu ¯ n (transmetteurs des
h ˙ adı ¯ ths du Prophète), ils sont des fuqaha ¯ },
des exégètes; – ils sont souvent caractérisés, du moins dans les textes, par leur piété, leur intégrité, leur équité
et leur probité; – ils appartiennent assez souvent à des milieux aisés, sont propriétaires de terres, de pieds
d’oliviers et font parfois du commerce, seuls ou en
566 MOHAMED TAHAR MANSOURI
1 C’est le cas des femmes du village d’Ibyana, situé dans les environs de Tunis, qui se sont plaintes au juge Ibn
T ˙ a ¯ lib des viols commis sur certaines d’entre-elles par les esclaves de l’émir Ibra ¯ hı ¯ m b. Ah ˙ mad al-Ag
˙ labı ¯ , cf. Abu ¯ l-{ Arab, Kita ¯ b al-Mih ˙ an,
éd. Y. Wahı ¯ b al-Jabbu ¯ rı ¯ , Beyrouth, 1983, rééd. 1988, p. 463 (abrégé dorénavant
Mih ˙ an).
2 En réalité, il n’y a pas une grande différence entre l’islam et la chrétienté quant au culte des saints. Si en
Occident, comme l’écrit A. Vauchez (Le saint, dans
L’homme médiéval, Paris, 1989, p. 347) : «le culte des saints martyrs s’est enraciné dans ce que le
christianisme avait de plus authentique et de plus original par rapport aux autres religions avec lesquelles il était
alors en concurrence » dans l’islam ces
‘ ulama ¯ ’, à mi-chemin entre la sainteté et la science religieuse, font l’objet d’une vénération de leur vivant. Le
cas d’al-Buhlu ¯ l b. Ras ˇ ı ¯ d constitue un bel exemple de cette pratique.
association (Buhlu ¯ l possède des terres, exploitées par son frère dans la campagne de Kairouan, Sah ˙ nu ¯ n
possède des pieds d’oliviers); – ils forment une communauté dans laquelle se recrutent essentiellement les
juges, les muh ˙ tasib/ s, les distributeurs d’aumônes et les collecteurs d’impôts; – ils bénéficient d’une certaine
notabilité dans la société; respect et égards leur sont témoignés. On peut dire qu’ils représentent une
communauté morale, qui exerce un ascendant sur le reste de la société. Ils sont en fait une communauté
intermédiaire entre le pouvoir et la société. Cette position s’exprime au moment des crises, du côté tantôt du
pouvoir, tantôt de la société. C’est aux
‘ ulama ¯ ’, exerçant une fonction officielle ou non, qu’on s’adresse pour se plaindre des vexations du pouvoir,
quand celles-ci se produisent1. Ainsi ils jouent le rôle de régulateur social à chaque fois que l’occasion leur est
offerte. Quant aux ‘ ulama ¯ ’ éprouvés, ils représentent une frange réfractaire qui, à un moment ou à un autre,
eurent à exprimer un avis critique sur la manière dont étaient conduites les affaires de la communauté des
croyants. Cela leur vaut le courroux du sultan et la médisance des rivaux évoluant dans les cercles du pouvoir,
des savants qui se sont ralliés aux positions du sultan et que les éprouvés qualifient sans ambages de ‘ ulama ¯
’ al-su ¯ } («savants du malheur » ). Ce sont assez souvent ces derniers qui prononcent les sentences et veillent
à leur exécution. Opposés à ce groupe, des savants affichent leur rupture avec le sultan. Cette rupture va du
simple refus de recevoir les présents ou les donations des émirs aghlabides ou des califes fatimides jusqu’à
l’organisation et la direction d’insurrections ou de séditions armées contre le pouvoir. Cette attitude
antigouvernementale leur a valu une certaine vénération ou un culte de leur vivant2.

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MEFRM – 115 – 2003 – 1, p. 565-580.

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muh ˙ addithu ¯ n (transmetteurs des

h ˙ adı ¯ ths du Prophète), ils sont des fuqaha ¯ },

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