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Cahiers de notes documentaires - Hygiène et sécurité du travail - N° 182, 1er trimestre 2001

→ C. Rousseau,
Département Homme au travail,
centre de l’INRS-Lorraine, Nancy
Perception
des risques d'accidents
sur machines-outils
PERCEPTION OF
RISKS WHEN WORKING
ACCIDENT Étude dans un lycée professionnel (*)
ON MACHINE-TOOLS
et article rend compte de résultats d'étude relatifs à la perception des pratiques de ges-
STUDY IN A TECHNICAL
EDUCATION ESTABLISHMENT C tion et des risques d'accidents dans un lycée professionnel. L'étude, menée sur le ter-
rain en 1995-96, a été initiée dans le cadre de l’accord cadre signé le 1er février 1993
his article reviews the results of a study entre la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et le
Tpractices
relative to the perception of management
and accident risks in a technical
ministère de l’Education nationale, secrétariat d’État à l’Enseignement technique.
L’objectif de l’accord était que « la maîtrise des risques devienne une composante de la
qualification professionnelle ».
education establishment. The field study, Les résultats présentés ci-dessous résument une série d’entretiens, menés auprès d’élèves et
carried out during 1995 and 1996, falls enseignants d’une section travaillant sur machines-outils (à commande manuelle ou numé-
within the framework of the agreeement rique). Ces entretiens portaient sur la perception des risques d’accidents et leur gestion.
signed on 1 february 1993 between the Les points suivants ont été abordés :
- la gestion de la sécurité au quotidien dans l’établissement,
French social security authority in charge of - les risques d’accidents sur machines et les moyens de prévention associés à ces risques,
occupational risk preventio, the Department of - la sécurité lors des stages en entreprises.
education and the Secretary of State for tech- Au terme de l’étude, il paraissait souhaitable de développer la dimension de « culture sécu-
nical education. The aim of the agreement is ritaire », afin de pérenniser et d’amplifier la prise en charge, par l’établissement, de ces
to make mastery of occupational risk an inte- risques. Dans le cadre de l’apprentissage de la maîtrise des risques, le professeur d’atelier
gral part of vocational qualifications. tient une place primordiale, dans la mesure où son attitude et ses pratiques à l’égard des
risques sont prises, le plus souvent, par les élèves comme le modèle quotidien.
The results presented below review a series of Par ailleurs, il ressortait également de ces entretiens que les stages en entreprises repré-
interviews carried out among the students and sentent des moments particulièrement sensibles, au cours desquels les lycéens sont
teachers of a section working on machine- confrontés aux risques d’accidents de leur futur milieu professionnel. Lors de ces stages,
tools (numerically or manually controlled) and ils « héritent » directement de l’état de sécurité des entreprises, où les pratiques sécuri-
focussing on the perception of accident risks taires sont variables, paraissant très dépendantes de la taille des entreprises, et où l’enca-
and their management. The following points drement des stagiaires, le tutorat, reste pour beaucoup à améliorer.
were covered:
- day-to-day safety management in the esta-  machine-outil  enseignement professionnel  accident du travail  perception
du risque  gestion du risque
blishment,
- accidents risks on machinery and the asso-
ciated means of prevention,

I
- safety during the in-company work experien- nstitués par la loi sur l'enseignement le chef de travaux étant chargé de super-
ce courses that complement the tuition. professionnel de décembre 1985, les viser l'enseignement professionnel et d'as-
The study has shown that it would be advanta- baccalauréats professionnels fournis- surer le suivi pédagogique des professeurs
geous to develop the “safety culture”dimen- sent un nouveau cadre de réflexion d'atelier. En outre, un enseignement facul-
sion in order to strengthen and secure the pour un ensemble de demandes posées tatif d'hygiène, prévention et secourisme,
long-term future of occupational risk preven- antérieurement en terme de brevet de dispensé par le professeur d'économie
tion teaching in the establishment.
technicien, voire de brevet professionnel. sociale et familiale, peut être suivi à raison
The workshop teachers, whose attitude and
En 1987, on comptait 14 baccalauréats d'une heure hebdomadaire en moyenne
practices serve as the day-to-day model for
students, have a crucial role to play in this professionnels, 22 000 jeunes y étaient sur les deux années (2).
respect. It also emerged from these interviews scolarisés ; en 1988, 47 000 élèves étaient
that in-company work experience represents a inscrits dans 19 spécialités (1).
highly sensitive moment, where the students La formation se déroule sur deux
années scolaires et a lieu alternativement (*) Cet article est extrait de la publication « Gestion de
are faced with accident risks in their future la sécurité dans l’enseignement professionnel : étude de
occupational setting. During this course, they en établissement scolaire et en entreprise, cas d’un lycée », par le même auteur (Nancy, INRS, coll.
directly “inherit”the state of safety in the firm, à raison de : Notes scientifiques et techniques, févr. 1998, NS 165).
i.e. variable safety practices, appearing to - 52 semaines en établissement scolaire, (1) In : Education et Formations, 1989, 21, pp. 25-35.
depend on the size of the firm, and students’ - 16 semaines en entreprise.
(2) In : Le guide de la formation en entreprise (Paris,
cooaching on work experience schemes still Centre national de documentation pédagogique, oct.
often leaving something to be desired. Les enseignements se répartissent en 1989). Les cours d’hygiène, prévention et secourisme
(HPS), définis par l’arrêté du 16 juin 1987 modifié par
deux domaines : l'enseignement profes- l’arrêté du 11 avril 1988, ont été depuis rénovés (arrêté du
 machine to ol  vocational training  11 juillet 2000). Les BEP et baccalauréats professionnels
occupational accident  risk perception 
sionnel et l'enseignement général. C'est le
ont été rénovés en 1995, introduisant des compétences
risk management professeur d'atelier qui assure la plus gran- en hygiène et sécurité dans le référentiel de certification
de partie de la formation professionnelle, des élèves.
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Cahiers de notes documentaires - Hygiène et sécurité du travail - N° 182, 1er trimestre 2001

situe dans le cadre d’analyse compréhen- On rappelle, en premier lieu, les thèmes
1. Descriptif sive de points de vue et de pratiques de abordés et le trait mis en exergue. Les
de la structure sécurité différents intertlocuteurs d’un lycée pro-
fessionnel. Les points de vue de quelques
extraits d’entretiens sont choisis pour leur
valeur illustrative, eu égard aux sujets
dans les lycées professeurs sur la prise en charge effecti- abordés.
professionnels ve de la sécurité dans le lycée sont
d’abord exposés. On traite ensuite de la Analyse des entretiens
perception des risques d’accidents sur des
machines-outils et des moyens de protec- Dans une perspective d'amélioration de
L'enseignement professionnel forme tions existants. Une mise en regard des la gestion de la sécurité qui tendrait vers
des jeunes à un métier et de fait, se trou- perceptions des enseignants (professeur une prise en charge de celle-ci par l'éta-
ve à la croisée des chemins de l'Éducation d’atelier et chef de travaux), avec celles blissement, l’analyse des entretiens montre
nationale et du milieu professionnel. Cette des 14 élèves d’une classe de première, qu’il est prioritaire d’organiser et de coor-
position charnière explique l'intervention sera effectuée. donner les tentatives de prise en charge,
de plusieurs institutions, qui sont : Ces lycéens préparent un baccalauréat individuelle et sporadique, par la présen-
- l'Inspection du travail, de productique mécanique. Ils sont titu- ce d'un interlocuteur privilégié dans le
- l'Inspection académique. laires d’un brevet d’étude professionnel lycée.
Ces institutions ont un double rôle à (BEP), le plus souvent celui d’usinage Toutefois, cette proposition appelle
exercer : de contrôle, pour faire appliquer (opérateur-régleur), choisi en majorité quelques commentaires. En effet, un cer-
la réglementation en vigueur, et aussi de pour l’intérêt porté à la mécanique. En tain nombre de discours sur la sécurité
conseil en prévention. première, la moyenne d’âge est de 19 ans. encouragent les entreprises à décentraliser
Ils ont tous redoublé au moins une classe, leurs services de prévention, voire à les
La Commission d'hygiène la sixième ou la cinquième. A la suite de « diluer » dans des fonctions de produc-
et de sécurité (CHS) ces difficultés scolaires, ils ont été réorien- tion ou de maintenance. Dans les faits, il
(décret du 27 novembre 1991) tés en quatrième technologique. Le choix existe plusieurs types d’organisation de la
de la filière productique mécanique est la sécurité répondant à la diversité des entre-
Le décret prévoit notamment une suite logique de leur choix en BEP. prises selon leurs stades de maîtrise du
réunion par trimestre en séance ordinaire Leurs compétences techniques acquises risque (3). Concernant le niveau de prise
à l'initiative du chef d'établissement. Dans à l’issue du BEP concernent principale- en charge de la sécurité dans l’établisse-
l'exercice de sa mission, la Commission ment l’usinage sur des machines-outils à ment étudié, il paraît ici plus pertinent
procède à des visites de locaux, notam- commande manuelle (tours et fraiseuses). d’avoir un interlocuteur privilégié permet-
ment des ateliers, chaque fois qu'elle le Durant leur formation au baccalauréat, ils tant ainsi une centralisation des informa-
juge utile et au moins une fois par an. apprennent à travailler sur des machines- tions et un suivi des actions.
outils à commande numérique (MOCN). Cette personne serait, il va sans dire,
L'infirmière Dans le domaine de la recherche en d’autant plus efficace que ses objectifs
prévention, cette population de futurs seront bien définis dans les domaines de
Sa présence est obligatoire, s'il y a un professionnels est intéressante car ayant l’information, de la formation et de la
internat dans le lycée. peu, voire pas d’expérience profession- coordination. L’existence de moyens suffi-
nelle, l’étude de leur perception à l’égard sants et de budget spécifique sont aussi
Les cours théoriques sur la prévention des risques d’accidents du travail apporte- des conditions à satisfaire pour améliorer
(annexe III de l'arrêté du 16 juin 1987 ra des éléments de connaissance relative à réellement la sécurité.
modifié par l'arrêté du 11 avril 1988 : l’impact de l’expérience professionnelle Cette organisation devrait être, bien
définition des épreuves) sur la construction du risque. entendu, soumise à un réexamen à la
lumière des améliorations obtenues. Enfin,
Les élèves peuvent suivre un enseigne- il serait probablement judicieux d’avoir
ment facultatif d'hygiène, prévention et une commission d’hygiène et de sécurité
secourisme à raison d'une heure hebdo-
madaire en moyenne sur les deux années.
2. Perception de la composée de façon paritaire, représen-
tants d’élèves et représentants de
L'épreuve, facultative au baccalauréat, gestion de la sécurité l’Education nationale, cette participation
est écrite et dure deux heures. Elle a pour
but de vérifier que le candidat maîtrise les
par l'équipe enseignante pouvant être considérée comme une acti-
vité de formation intégrée à la formation
connaissances de base de microbiologie et (encadré 1) professionnelle (4).
de physiologie indispensables à la pra-
tique de l'hygiène, de la prévention et du
secourisme dans son activité profession- Afin d’apprécier la réalité de la gestion
nelle. Des questions relatives au secouris- de la sécurité au quotidien, nous avons
me devront obligatoirement être posées. conduit des entretiens avec les interlocu- (3) Selon Monteau (1992), « la maîtrise des accidents du
teurs suivants : proviseur, professeur d’ate- travail dans l’entreprise résulte d’une évolution des
conceptions de la sécurité et des pratiques qui en
Les résultats présentés ici sont issus lier, chef de travaux, professeur d’écono- découlent. La sécurité connaît ainsi trois grandes
d’une étude relative à la gestion indivi- mie sociale et familiale, infirmière. étapes correspondant successivement à la maîtrise des
risques techniques, à celle des risques organisation-
duelle et/ou collective des risques d’acci- L’analyse de contenu thématique permet nels et enfin à une maîtrise des aléas à l’origine de dys-
fonctionnements divers ». In : Performances
dents dans un établissement de l’ensei- de dégager quelques traits saillants, four- Humaines et Techniques, nov.-déc. 1992, 61, pp. 29-34
gnement professionnel (Rousseau, 1998). nissant ainsi des repères sur la culture
(4) Cf. note (**) de l’encadré ci-contre.
La démarche de recherche utilisée ici se sécuritaire de l’établissement.
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ENCADRE 1

EXTRAITS D’ENTRETIENS : PERCEPTION PAR L’ÉQUIPE ENSEIGNANTE


DE LA GESTION DE LA SÉCURITÉ DANS L’ÉTABLISSEMENT
- EXTRACTS OFTHE INTERVIEWS FOCUSSING ONTHE PERCEPTION OF SAFETY MANAGEMENT INTHE ESTABLISHMENT

MOTIF DE LINTÉRÊT POUR LA PRÉVENTION Animation de la Commission d'hygiène et de sécurité -


De l'énergie à trouver et à gérer

La responsabilité pénale (*) « On a envoyé un professeur en stage par la CRAM pour l'initia-
tion au CHS, mais enfin, le professeur (ne) s'est pas tellement
« On est écouté par le patron, le proviseur parce qu'il a peur, parce investi... Il était pas franchement demandeur mais enfin, ça l'inté-
qu'il sait que (...) s'il y a un pépin dans l'établissement, c'est lui qui ressait... Mais une fois revenu dans l'établissement, il avait telle-
porte le chapeau, mais les autres ils s'en moquent royalement ». ment d'occupations autres qu'il (ne) s'est pas tellement investi dans
la CHS... Bon alors, c'est moi qui ai pris la relève finalement pour
que la CHS fonctionne parce que quand(il n’) y a pas un moteur...
l'organisme meurt de lui-même ».
RÉALITÉ DE LA COMMISSION D’HYGIÈNE ET DE SÉCURITÉ
(CHS) (**)

BUDGET SÉCURITÉ
Une certaine utilité

« La CHS fonctionne depuis ‘87 ; notre premier souci la premiè- Quasi-inexistence du budget sécurité
re année, c'était les accidents dans l'établissement, parce qu'on a eu
un nombre important d'accidents et puis, on a essayé de voir pour- « On a un budget fonctionnement qui nous permet tout juste
quoi on avait autant d'accidents ; j'ai établi une liste d'accidents, d'acheter la matière-d'oeuvre et puis les outils pour usiner, mais on
secteur par secteur, pour voir où il y avait le plus d'accidents. Il s'est n'a pas un budget sécurité. On a des budgets très restreints, qui
avéré que c'était en menuiserie parce qu'on travaille quand même sont difficiles à gérer... ».
sur des machines qui sont pour la plupart dangereuses ; et puis
nous faisons beaucoup de manutention, alors qui dit manutention «... S'il y a de gros problèmes de sécurité, on fait appel à notre
dit doigts coincés dans les planches, dit chutes... ». organisme de tutelle, c'est-à-dire la Région. Quand il faut vite faire
face à un problème lié à une machine qui devient dangereuse, on
« La CHS a du bon. Elle nous a permis de faire une campagne plonge dans les crédits atelier mais si nous puisons trop dans ces
d'affichage, de revoir certains protecteurs sur les machines ». crédits, on ne permet plus aux ateliers de fonctionner dans de
bonnes conditions... ».

Une instance mal ajustée à l'Éducation nationale - « La priorité c'est l'enseignement, c'est pas l'infirmerie.
Une obligation subie L'infirmerie et la prévention, c'est tout-à-fait quelque chose d'acces-
soire, c'est du luxe... »
« Je suis certainement la personne la plus critique et la plus
contestataire (des membres de la CHS)... Ce qui est presque dom-
mage c'est que les CHS ont été calquées sur ceux [les CHSCT] des Logique budgétaire administrative
entreprises ; c'est une erreur... Il aurait fallu dire : bon, la sécurité
c'est l'affaire de tout le monde, de tous les professeurs, même de « ... Il faudrait que les moyens financiers soient plus vite mis à la dis-
l'enseignement général... et du professeur d'éducation physique... position des établissements, mais on sait aussi quelle est la lourdeur
La CHS se réunit deux fois par an : les gens viennent à la réunion administrative. Par exemple depuis trois ans, j'avais des élèves qui,
parce qu'il faut remplir les papiers. La CHS, elle est faite parce qu'on dans les douches à l'internat, glissaient et se fracturaient une jambe,
doit la faire... J'ai toujours été terriblement déçue par les CHS, parce un poignet, parce que dans un premier temps, la Région s'est battue
qu'on nous dit (il) y a ça mais surtout, ne faites pas grand-chose, avec les assurances des entreprises qui avaient fait des malfaçons ;
pour ne pas déranger les autres. Ça se dit pas mais on le ressent parce qu'ensuite, il a fallu obtenir les meilleurs prix pour faire les tra-
dans les comportements... Maintenant ça fonctionne mieux, depuis vaux. J'ai attendu trois ans pour que les travaux soient réalisés ».
que la Sécurité sociale est venue mettre son grain de sel dans les
accidents, en demandant pourquoi ces accidents... Il y a eu la peur
du gendarme ».
(*) La responsabilité évoquée était qualifiée de « civile » lors des entretiens ;
il s’agit plutôt, dans ce cas précis, de responsabilité pénale.

(**) Dans les textes, la CHS a dorénavant une composition paritaire,


avec participation des élèves. Par ailleurs, il est prévu depuis 1998 que,
dans chaque établissement public d’enseignement professionnel,
un ACMO (agent chargé de la mise en œuvre) a la mission d’organisation
et de coordination de la sécurité, et en rend compte à « l’inspecteur
Hygiène et sécurité » (IHS) au niveau académique.
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Cahiers de notes documentaires - Hygiène et sécurité du travail - N° 182, 1er trimestre 2001

sujet de ces notions, il va sans dire que Le tableau II synthétise les points de
3. Perception des toutes les personnes interviewées utilisent vue du professeur d'atelier de productique
risques d'accidents indifféremment risque et danger. Pour
mémoire, nous rappelons que le danger
mécanique et du chef de travaux, au sujet
des risques d'accident et des moyens de
et moyens de prévention se définit par des éléments qui sont par prévention identifiables sur les trois types
sur machines-outils nature incompatibles avec l'intégrité de
l'individu : électricité, pièces en mouve-
de machines-outils présentes dans l'atelier.

ment, toxicité d'un produit... (Dumaine, Par ailleurs, il est intéressant de signaler
1985), le risque étant la probabilité qu'un l'existence de ce qu'on a appelé dans une
Les connaissances dont il est question danger s'actualise, c'est-à-dire entraîne précédente étude (Rousseau et Monteau,
ici, portent sur les risques et les moyens effectivement des dommages (Leplat, 1991) des comportements contextuels,
de prévention identifiables dans l'atelier 1995) ; autrement dit, le risque est la pro- c'est-à-dire des comportements qui, face à
de mécanique du lycée. Elles sont babilité de rencontre entre l'homme et le un même risque, varient en fonction d'élé-
recueillies au cours d'entretiens indivi- danger, comme par exemples les risques ments relevés dans la situation de travail.
duels et semi-directifs, avec le professeur de coupure, de brûlure... Ainsi défini, on
d'atelier de productique mécanique, les peut dire que le danger se constate tandis Les extraits d'entretiens suivants sont
élèves d'une classe de première, et le chef que le risque s'évalue (Parant, 1991). des illustrations de représentations sous-
de travaux. Ainsi, elles sont de nature Ainsi, dans le tableau I, le classement jacentes à ces comportements contextuels.
déclarative. donné par les élèves traduit un point de « [Il y] a un protecteur qui est, moi je
vue en termes de risque tandis que celui pense, indispensable, c'est celui du man-
Description succincte de l'atelier des professeurs est plus proche d'une ana- drin qui est une pièce tournante qui pré-
de mécanique lyse des dangers. Lors d'une visite de l'ate- sente un danger [...]. Le protecteur outil qui
lier, nous avions constaté des dangers couvre la partie où l'outil travaille n'est pas
Cet espace est séparé en deux par une identiques sur les trois machines, à savoir indispensable dans certains types de tra-
cloison vitrée : des éléments mobiles, coupants et très vaux ; quand on utilise des outils carbure
chauds. La différence entre ces machines qui envoient beaucoup de projections de
 D'un côté, se trouvent les machines à étant la présence ou non de protections, copeaux brûlants, là c'est une nécessité
commande manuelle : tours, fraiseuses et ici les carters, et leur taille. Le classement [...] ; l'outil carbure fractionne le copeau,
meuleuses. Celles-ci sont principalement donné par les professeurs rend compte de donne un copeau bleu souvent incandes-
utilisées par les BEP et les CAP, les élèves cet état de mise en protection. cent, c'est un copeau dangereux ».
de première y allant occasionnellement. Les avis des élèves expriment la prise en « Les lunettes de protection, [il] y a du
L'espace est relativement encombré et par compte de la durée d'exposition au danger pour et du contre, la lunette de protection
endroits le sol est glissant d'huile ; un pro- pondérant le caractère dangereux de la est valable quand le copeau est fractionné,
fesseur d'atelier dit à ce sujet : « ... [Il n’] y machine. Cette logique, reconstruite à partir dans certains types d'usinage. Pour meuler
a rien en état, la pompe fuit, les tuyaux de données recueillies en entretiens, c'est obligatoire […], en usinage c'est pas
fuient, les robinets fuient, tout fuit, ça gicle explique ainsi la place de la meuleuse obligatoire ».
partout [...], plus c'est dégueulasse et plus comme la machine la moins dangereuse,
ça paraît, plus le professeur a l'impression puisque effectivement les élèves l'utilisent Dans les deux extraits, il est question du
de travailler peut-être... ». très peu de temps, lors de travaux de finition. risque « copeau » dont le caractère dange-

 De l'autre côté, sont disposées les


machines à commande numérique, c'est-
à-dire un centre d'usinage, un tour
Realmeca® T200, d'une taille et d'une
puissance inférieures aux tours indus- TABLEAU I
triels, et une fraiseuse de type industriel.
Ces machines sont principalement utili- CLASSEMENT DES PERCEPTIONS DES TROIS TYPES DE MACHINES-OUTILS
SELON LA CARACTÉRISTIQUE « DANGER » -
sées par les élèves de première et termi-
nale, occasionnellement par les BEP et CLASSIFICATION OF THREE TYPES OF MACHINE-TOOLS ACCORDING TO THE « DANGER » CHARACTERISTIC
CAP. Cet endroit, qui représente environ Évaluation de la « dangerosité » des machines
un quart de la surface totale de l'atelier,
est bien rangé et propre. Par les élèves Par le professeur d’atelier
et le chef des travaux
Le tableau I présente le classement des Des plus dangereuses
machines, des plus au moins dange-
reuses, établi par les élèves et deux pro- Tours et fraiseuses Meuleuse
fesseurs de l'enseignement professionnel. à commande manuelle

Tours et fraiseuses Tours et fraiseuses


La comparaison des deux classements à commande numérique à commande manuelle
illustre les différences, bien connues, de
points de vue entre d'une part les utilisa- Meuleuse Tours et fraiseuses
teurs, ici les élèves, et les professeurs, qui à commande numérique
ont plutôt une position d'observateurs- aux moins dangereuses
analystes des risques et du danger. Au
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TABLEAU II
IDENTIFICATION DES RISQUES D’ACCIDENTS ET DES MOYENS DE PRÉVENTION : LE POINT DE VUE DU PROFESSEUR D’ATELIER
ET DU CHEF DE TRAVAUX - IDENTIFICATION OF ACCIDENT RISKS AND AND MEANS OF PREVENTION :
THE POINT OF VIEW OF THE WORKSHOP TEACHER AND THE WOK SUPERVISOR

Machines classées Risques identifiés Moyens de prévention


selon leur « dangerosité » associés aux risques
estimée (des plus au moins
dangereuses)

 - Meuleuse Projections de copeaux. Les lunettes de protection sont strictement obligatoires.


Commentaires des professeurs :
« Les élèves de baccalauréat productique mécanique
y travaillent très occasionnellement et l'utilisent
pour un travail de finition rapide.
Dans ces conditions, ils ne portent pas
systématiquement les lunettes. »

 - Tour et fraiseuse Chocs provoqués par la manipulation - Port de gants ;


à commande manuelle à main nue de : - Port de chaussures de sécurité ou de ville,
- barre (matière à usiner), à l'exception de tennis ;
- pièce usinée coupante. - Port d’une blouse ;
- Nettoyage machine arrêtée ;
Projections de copeaux ou bris d'outils - Carter fermé.
pendant l'usinage et le nettoyage,
machine en marche.

 - Tour et fraiseuse Chocs aux mains lors du montage - « Avoir peur de la machine » ;
à commande numérique et démontage d'outils. - Maîtriser la programmation ;
- Utiliser la vitesse d'approche pour amener
Projections de pièce lors de l'usinage l'outil sur pièce.
suite à une erreur de programmation.

TABLEAU III

IDENTIFICATION DES RISQUES D’ACCIDENTS ET DES MOYENS DE PRÉVENTION : LE POINT DE VUE DES ÉLÈVES DE PREMIÈRE,
SECTION « PRODUCTIQUE MÉCANIQUE » - IDENTIFICATION OF ACCIDENT RISKS AND AND MEANS OF PREVENTION :
THE POINT OF VIEW OF FIRST-YEAR STUDENTS IN « MECHANICAL PRODUCTION ENGINEERING »

Machines classées Risques identifiés (N (*)) Moyens de prévention


selon leur associés aux risques (N (*))
« dangerosité » estimée
(des plus au moins
dangereuses)

 - Tour et fraiseuse - Coupures avec des copeaux (2) - Blouse (3)


à commande manuelle - Chaussures (3)
- Projections de copeaux (2) - Crochet (1)
- Gants (1)
- Electrique : machines vieilles, - Lunettes (1)
pas assez entretenues (1) - Pendant l’usinage,
ne pas se mettre face à la pièce
- Projection d'une pièce lors de son serrage (2), mais décalé (1)
mains près du mandrin (1)

- Clé sur mandrin (1)

- Cheveux longs (1)

 - Tour et fraiseuse - Erreur de programmation, - Carter (tous les élèves)


à commande numérique projection de pièce ou de bris d'outils (3) - Arrêt d'urgence (3)
- Test interne (2)
- Coup de marteau sur les doigts (1) - Vitesse d'approche (1)

- Si erreur de programmation,
l'outil rentre dans la pièce :
celle-ci peut partir (1)

 - Meuleuse - Projection de copeaux (1) - Lunettes (1)

Effectif total : 14 élèves.


(*) N : les risques et les moyens de prévention associés sont suivis d’un chiffre entre parenthèses, correspondant au nombre de fois où ils ont été cités.
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Cahiers de notes documentaires - Hygiène et sécurité du travail - N° 182, 1er trimestre 2001

reux est apprécié différemment, selon (ici, plus petites) avec les « industrielles », L'existence de ces comportements
notamment l'élément, matière à usiner. sur lesquelles ils sont amenés à travailler contextuels, tant au niveau des profes-
Ces variations se répercutent naturelle- lors des stages, pour renforcer leur propos seurs que des élèves, apporte des élé-
ment sur les comportements de mise en sur le faible niveau de risque auquel ils sont ments de réponse positive sur l’existence
protection : carter fermé pendant l'usina- exposés en atelier « d'école ». des pratiques informelles de sécurité
ge, port des moyens de protections indivi- mises en œuvre par des lycéens en for-
duelles. Comme le rappellent Krawsky et Globalement, les élèves perçoivent plus mation professionnelle.
Davillerd (1997), « ...connaissance du de risques sur les machines à commande
risque, représentation et estimation du manuelle, en raison disent-ils d'une pro- Commentaires : comparaison
risque, comportement de risque (...) parti- tection moins importante que celle sur les des tableaux II et III
cipant à la décision de se protéger, dépen- machines à commande numérique.
dent du niveau d'information et d'expé- Quatre élèves déclarent qu'il n'y a aucun D'une façon générale, les risques et les
rience des individus ». risque sur ces dernières. moyens de prévention indiqués de part et
d'autre se recouvrent. La classe (tous les
Le tableau III présente le point de vue Perception des moyens de protection élèves confondus) perçoit donc les
des élèves de la classe de première, sec- mêmes risques et les mêmes moyens de
tion « productique mécanique ». En toute logique, la perception indivi- prévention que les professeurs excepté
duelle des risques se retrouve ici ; à un pour l'arrêt d'urgence, cité par les élèves et
Perception des risques risque donné, l'élève associe en général « avoir peur de la machine », indiqué par
un seul moyen de prévention. À la diffé- les professeurs. En fait, il est très probable
Les élèves ont une perception indivi- rence des professeurs, l'arrêt d'urgence que le « prêt à appuyer sur l'arrêt d'urgen-
duelle, c'est-à-dire que chaque élève (dont la fonction est de mettre et de main- ce » soit une traduction opérationnelle des
évoque spontanément un risque qui est tenir à l'arrêt un mécanisme) est cité élèves de « avoir peur de la machine ».
différent de celui de son camarade. Le comme moyen de prévention à trois
risque le plus cité (3 fois) est celui de pro- reprises. Les observations en atelier confir- Ainsi, on peut dire que malgré l'absen-
jection de pièce ou de bris d'outils, lié à ment l'importance accordée par ces élèves ce de formalisation d'un enseignement
une erreur de programmation. On note à ce moyen. En cours d'usinage, il est en aux risques d'accidents, des messages sont
que ce sont les trois mêmes élèves qui effet assez fréquent de voir l'élève le doigt passés et retenus. A ce sujet, l'extrait sui-
émettent un doute sur la fiabilité du carter à côté ou sur le bouton, prêt à appuyer en vant de l'entretien avec le professeur d'ate-
(élément de machine utilisé spécifique- cas de collision pièce/outil. lier résume la situation : «... Quand un
ment pour réaliser une protection par obs- problème se pose au niveau sécurité,
tacles). Les autres élèves, n'ayant pas évo- Pour assurer leur protection, les élèves quand je le rencontre on en parle...
qué ce risque, citent le carter comme les utilisent aussi des indices prélevés dans Attention ici, [il] faut des lunettes... Bon
protégeant complètement. Autrement dit, l'activité comme l'illustrent ces quelques attention ici, [il] y a du courant... attention
un moyen de prévention considéré extraits d'entretiens : « Les copeaux, quand ici, [il] y a danger de ceci, de cela. [Ce sont]
comme totalement efficace annulerait, en ils volent trop haut, il faut baisser la vites- des rappels ponctuels par rapport à un
quelque sorte, la perception du risque se ». « Quand on usine à grande vitesse, les danger présent. Je ne rassemble pas mes 14
concerné. Il est vraisemblable qu'il s'agit copeaux sortent assez chauds, ça dépend élèves en disant : aujourd'hui pendant une
du même processus exprimé dans le lan- des matières, celles qui chauffent le plus heure, on parle sécurité, jamais ; j'ai
gage commun par : « plus ils sont proté- c'est l'acier et la fonte, et le moins l'alu. Les jamais fait ça ».
gés, moins ils font attention ». lunettes, on les porte ou pas selon tout ça ».
« La fraiseuse, c'est en forme de cône au- Ce comportement individualisé à l'égard
L'hypothèse selon laquelle la croyance dessus ; si on la prend au cône au lieu de d'une sensibilisation à la sécurité présente
en une fiabilité totale d'un moyen de pré- la prendre par les dents, y a pas de risque l'avantage certain d'être très opérationnel
vention annule la perception du risque (...), si on la met dans la broche vaut et de ce fait, efficace auprès des lycéens
visé, serait tout particulièrement intéressan- mieux prendre un chiffon au-dessus ». concernés. Cependant, il est de nature à
te à vérifier au moment où il y a une inter- « Quand on usine, on se met pas en face de limiter une représentation globale des
rogation, au sein notamment des inspec- la pièce ». risques liés à une machine, et de laisser
tions académiques, sur les limites souhai- ainsi la porte ouverte à l'appréciation per-
tables de la protection technique des parcs Pour mémoire, rappelons que nous dis- sonnelle face à des risques méconnus.
machines des lycées professionnels. En tinguons deux catégories de pratiques
effet, dans une perspective de formation informelles de sécurité :
des élèves à la maîtrise des risques profes-  les comportements contextuels se
sionnels, est-il pertinent de vouloir tendre caractérisant par une sélection de la sécu-
vers des ateliers essentiellement équipés de rité prescrite par l'opérateur,
machines « intégralement carénées » ?  les pratiques anticipatrices, expres-
sions d'une gestion des incidents par anti-
Les lycéens interviewés citent peu de cipation des étapes de l'activité.
risques, en moyenne un seul par élève. On remarque que les comportements
contextuels rapportés au cours des entre-
Quand ils les évoquent, ils les relativisent tiens font essentiellement référence à des
presque aussitôt par l'absence d'accidents acquis en brevet professionnel (BEP), au
et la présence de moyens de prévention. cours duquel les élèves usinent sur des
Certains comparent les machines « d'école » machines non totalement carénées.
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Cahiers de notes documentaires - Hygiène et sécurité du travail - N° 182, 1er trimestre 2001

ment en entreprises et qu'à ce titre il puis- de stage, afin d'exercer le raisonnement à


4. Stages se se rendre sur le lieu du stage. C'est dans l'analyse des risques, alors qu'il est bien
en entreprise ce contexte que nous avons « visité »
4 entreprises du secteur de la mécanique
plus inquiet de la difficulté à trouver des
entreprises acceptant des stagiaires ?
(une grande entreprise, 3 PME) et pu
constater que : les élèves « héritent » direc- Comme le rappelle Tanguy (1991), c'est
Au cours de leur cursus de formation, tement de l'état de la sécurité de l'entre- une banalité d'affirmer que l'entreprise est
ces lycéens doivent effectuer 16 semaines prise. En d'autres termes, la grande entre- avant tout un lieu de production et qu'el-
de stages en entreprises, réparties sur prise disposant d'un service sécurité va le ne peut devenir un lieu d'apprentissage
deux ans. Comme le rappelle le guide de prendre en charge la formation du stagiai- que sous certaines conditions, notamment
la formation en entreprise pour les bacca- re quant aux risques d'accidents et lui par une présence active de représentants
lauréats professionnels, cette formation en fournir un certain nombre de documents des entreprises locales dans les processus
entreprises est une partie importante de la sur le sujet. Il est d'ailleurs fréquent de d'orientation au sein des établissements
formation. retrouver l'intégralité de ces documents secondaires (collèges…).
En termes d'étude, il est évident que les dans les rapports de fin de stage.
stages constituent à eux seuls un objet Dans les PME visitées, la sécurité des
d'investigation à part entière qui suscite opérateurs n'était pas l'objet de formation
rapidement un questionnement relatif aux et les difficultés économiques rencontrées
conditions de sécurité dans lesquelles les par celles-ci paraissaient « justifier » la mise C ONCLUS I ONS
jeunes sont immergés. En effet, la valeur en production immédiate de cette main-
d'initiation à la vie professionnelle que d'œuvre, qualifiée et gratuite.
revêtent ces premières expériences leur Dans les lycées professionnels, l’amorce
confère une importance toute particulière. Interrogés sur les risques auxquels ils d’une gestion de la sécurité s'exprime à
On peut se demander par exemple com- sont exposés pendant leurs stages, la plu- travers des instances réglementaires,
ment le vécu relatif aux conditions de tra- part parle des projections de copeaux et comme la Commission d'hygiène et de
vail, notamment de sécurité, va s'articuler individuellement soit de risque de peintu- sécurité (CHS), et se trouve renforcée par
avec les conditions en atelier d'école ? Va- re au trichloréthylène, de coupure, coup une volonté institutionnelle de partenariat
t-il y avoir un modèle dominant auquel le d'arc, manche qui se prend dans le man- (entre le ministère de l’Éducation nationa-
jeune va plus facilement adhérer ? drin, manque d'espace autour de la le, l’INRS et la CNAMTS, pour l’enseigne-
machine... Dans les propos de ces futurs ment de la prévention des risques profes-
Dans le présent travail, on demande aux professionnels, il semble que ces risques sionnels). Toutefois, les analyses présen-
élèves ce qui, à partir de leur expérience soient déjà considérés comme « nor- tées ici montrent qu'il est souhaitable de
personnelle, les prépare le mieux à leur maux », faisant partie intégrante de la vie développer la dimension de « culture
métier : le travail en atelier ou les stages professionnelle et ne suscitant donc pas sécuritaire », afin de pérenniser et d'ampli-
en entreprises ? de demande d'information ou de forma- fier cette dynamique de prise en charge
tion particulière. par les établissements. Dans les faits, cela
Précisons qu'au cours de leur stage, peut se traduire notamment par une ana-
11 lycéens (sur 14) ont travaillé à la pro- Cette attitude par rapport aux risques se lyse, des accidents et incidents, finalisée
duction, sur des machines le plus souvent retrouve lors d'investigations réalisées par la détection de facteurs accidento-
à commande manuelle, telles que tours et auprès de jeunes accidentés (Thébaud- gènes communs à plusieurs situations de
fraiseuses, mais aussi sur des plieuses et Mony et coll., 1995). L'étude de 10 mono- travail en atelier. Cette démarche d'analy-
des postes à souder. Les 3 autres élèves graphies montre que les représentations se préventive pouvant être, à son tour,
ont fait des travaux divers, allant de la dominantes de l'accident du travail chez exposée en CHS et susciter de cette façon
peinture à la maçonnerie. les jeunes sont d'une part, la responsabili- des réactions, des discussions de plusieurs
té individuelle personnelle du jeune et interlocuteurs sur les risques d'accidents.
Les 14 avis sont exprimés, dont : 8 d'autre part, le hasard, la fatalité. Tous ces De notre point de vue, l'implication des
répondent que c'est l'atelier d'école qui les jeunes accidentés (moins de 25 ans) consi- personnes, tant du proviseur que des pro-
prépare le mieux car l'entreprise, disent-ils, dèrent qu'il s'agit d'un problème privé, fesseurs et des élèves, doit être soutenue
les « utilise » à faire de la production en série que chacun va gérer à sa façon. Aucun par le travail d'un tiers, dont le rôle sera
sur des machines manuelles. « On n'attrape d'entre eux ne met en cause l'accident essentiellement centré sur la sécurité (suivi
pas d'expérience en entreprises, on nous comme événement du travail et de son des décisions, formation et coordination).
met sur des traditionnelles et on fait de la organisation. Ainsi, comme les auteurs de
production en série ». 2 élèves trouvent que cette étude, est-on arrivé à s'interroger sur Par ailleurs, les stages en entreprises
les stages en entreprises préparent mieux le rôle de l'école dans la formation aux représentent aussi l'un des « piliers » poten-
au métier et plus précisément, à la réalité risques professionnels : par exemple, tiels de la prise en charge de la sécurité.
du travail qui les attend. 4 jeunes répon- comment l'enseignant, si ce rôle lui En effet, les stages sont des moments par-
dent que ce sont les deux, mettant l'accent incombait (?), pourrait-il apprendre aux ticulièrement sensibles, puisque les
sur leur complémentarité : l'entreprise par jeunes à demander des explications lors lycéens sont confrontés aux risques d'ac-
les conditions réelles de travail et l'atelier de situations dangereuses, voire à refuser cidents de leur futur milieu professionnel.
d'école grâce à la formation sur les de travailler, en utilisant le droit de retrait Comme nous l'avons constaté lors de
machines à commande numérique. le cas échéant ? De la même façon, com- visites d'entreprises ayant accepté des sta-
ment peut-il favoriser, lors de retour de giaires, les élèves « héritent » directement
Pendant ces stages, il est prévu que le stages, une restitution en classe des situa- de l'état de la sécurité de l'entreprise.
professeur d'atelier suive le bon déroule- tions vécues individuellement sur les lieux L'importance du choix d'un tuteur sensibi-
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lisé aux risques d'accidents fait toujours BIBL I OGRAPHI E


l'unanimité dans les discours sur le sujet,
mais les pratiques dans le domaine évo-
luent peu. D'une façon générale, le pro- DUMAINE J. (1985) - La modélisation du phéno-
blème de l'encadrement du stagiaire en mène accident. Sécurité et Médecine du Travail,
entreprise reste entier, compte tenu, la 1985, 71, pp. 11-22.
plupart du temps, du manque de disponi- KRAWSKY G., DAVILLERD C. (1997) -
bilité des équipes en place. Enfin, Conditions d'acceptation des équipements de pro-
quelques professeurs ont exprimé un lien tection individuelle : étude bibliographique et posi-
tion du problème. Nancy, INRS, coll. Notes scien-
de dépendance de l'enseignement profes- tifiques et techniques, n° NS 152, 1997, 50 p.
sionnel au milieu industriel. Ce sentiment
d'être dans un rapport de force inégale, LEPLAT J. (1995) - Cause et risque dans l'analy-
se des accidents. Revue Roumaine de
explique probablement des positions Psychologie, 1995, 39, 1, pp. 9-24.
assez passives à l'égard des entreprises
quant à des exigences « sécuritaires ». PARANT C. (1991) – Danger ou risque ? La notion
de risque professionnel. Préventique, 1991, 42,
pp. 56-60.

Concernant les élèves, l'étude montre ROUSSEAU C., MONTEAU M. (1991) - La fonc-
qu'en l'absence de formation à la gestion tion de prévention chez l'opérateur. Nancy, INRS,
coll. Notes scientifiques et techniques, n° NS 88,
des risques, les « apprenants » ont une per- 1991, 54 p.
ception individuelle des risques. On relè-
ve également que ce contexte confère une ROUSSEAU C. (1998) – Gestion de la sécurité
place de première importance au profes- dans d’enseignement professionnel : étude de cas
d’un lycée. Nancy, INRS, coll. Notes scientifiques
seur d'atelier. Celui-ci est le référent pro- et techniques, n° 165, 1998, 77 p.
fessionnel « naturel » et son attitude,
comme ses pratiques à l'égard des risques, TANGUY L. (1991) - L'enseignement profession-
nel en France. Des ouvriers aux techniciens. Paris,
constituent un modèle que les élèves PUF, 1991, 227 p.
côtoient au quotidien. Pour ces raisons, le
professeur d'atelier est sans aucun doute THEBAUD-MONY A., CRU D., FRIGUL N.,
CLAPPIER P. (1995) - La construction sociale de
une « personne-pivot », incontournable l'accident de travail chez les jeunes. Commissions
dans la mise en place du dispositif de for- professionnelles consulatives, Rapport de
mation à la maîtrise des risques. recherche CPC, 1995, 117 p.

JOUVE-Paris

INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE ET DE SÉCURITÉ - 30, rue Olivier-Noyer, 75680 Paris cedex 14
Tiré à part des Cahiers de notes documentaires - Hygiène et sécurité du travail, 1er trimestre 2001, n° 182 - ND 2145 - 1 200 ex.
N° CPPAP 804/AD/PC/DC du 14-03-85. Directeur de la publication : J.L. MARIÉ. ISSN 0007-9952 - ISBN 2-7389-1031-9

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