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D’abord, imaginez que vous êtes un artiste qui vit dans

une île au centre de l'Amérique. Vous aimez parler du paysage


de son pays, de la joie de la couleur qu’il existe dans les
rues et dans la nature.
Maintenant, imaginez
que tout ça a disparu à
cause d’un séisme, le
paysage s’est
totalement effondré et
la joie s’est enfuie.
Alors, qu’est-ce que
vous feriez? Comment
produire l’art à ces
conditions, parler de
la beauté dans la
tragédie?

Le 12 Janvier
Extrait du livre de poésie Anthologie Secrète, de Frankétienne. Édition Mémoire
2010, à 16 heures 53 d'encrier, Québec, 2005.
minutes et 10 secondes,
un dévastateur tremblement de terre est survenu, à 25,3 km
du Port-au-Prince. L'hypocentre du séisme a eu lieu à 10 km
de profondeur. Il y avait des cris partout; des corps
partout; du silence partout. La capitale est restée
entièrement dévastée. On ne sait pas exactement combien de
personnes sont décédées
(plus de 220.000) ou même
disparues. Tout autour
c'est ombre et cendre...
et encore une fois, cris
et silence… Le tremblement
de terre a aussi secoué la
subjectivité d’une nation.

Effectivement, l'Haïti est


un pays auquel les marques
de la colonisation sont
Ce tableau a été peint par Frankétienne, peintre, muisicien, poète et restées très sensibles,
dramaturgue haïtien, au 12 Janvier 2010. Il s'appelle Désastre et
représent le desepoire du séisme. Il est composé d'acrilyque sur toile.
quoique son indépendance
ait été réussie le 1er
Janvier 1804, une des
premières sur l'Amérique. Ses beautés naturelles
paradisiaques ne cachent pas la pauvreté de ce pays. En
revanche, émergée et sublimée de cette condition, l'art
haïtienne transpose les barrières dont elle a été
historiquement soumise. En un mot, tel quel le Brésil - et
la grosse majorité des pays dont l'Europe a saccagé sous
prétexte de civiliser les peuples autochtones - l'Haïti se
trouve au milieu de la contradiction entre la grandiose
production artistique, la beauté du pays et la pauvreté, le
sous-développement.

Comme le pays est connu à cause de la tragédie, il faut


parler de ce peuple haïtien qui existe encore derrière la
catastrophe, ce peuple dont la force a vécu le colonialisme
au XIXe siècle et qui apparaît toujours comme puissance
culturelle.

Recherchant sur les autres cultures francophones on


peut se rendre compte de la taille de la fenêtre ouverte par
la langue française. Plus: si on
défocalise la France – pays développé
et colonisateur - on trouvera plus
de points de contact entre ces
cultures et la nôtre, comprenant
mieux nos racines et nos actuelles
conditions de vie. Comme étudiants
de français dans une université
publique brésilienne, nous ne
croyons point être possible
d'oublier complètement notre
contexte de production, d’où la
moitié de la population n'a pas accès
aux services d'assainissement; dont
plus 14 millions de personnes n'ont
pas de travail; et dont la famine Ce tableau a été peint par l'artiste haïtien
atteint déjà plus de 40 millions de Jean-Claude Garoute, en 2003, sous titre de
personnes. Si on voit attentivement, TIGA
on verra que nos conditions de vie sont bien plus proches de
l'Haïti que de la France.

Ainsi, sous les conditions déjà parlées, nos


prétentions ne veulent pas atteindre la vérité, car nous
sommes loin de l’avoir. Nos connaissances sont modestes, par
contre notre créativité fera le travail d’engager le public.
Avec le projet d’immersion audiovisuelle à la culture des
arts plastiques et de la poésie haïtienne moderne, nous
choisissons environ quatre artistes, chacun avec sa
trajectoire avant et après le séisme, pour montrer à vous
avec des images et de la voix comme une catastrophe est
décrite par les poètes. C’est bien extraire de la beauté
d’une condition laide, en suivant les pas des poètes créoles
à l'époque du colonialisme français.

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