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"Ne-ga" : un prof américain suspendu pour

avoir prononcé un mot chinois à la sonorité


jugée raciste
Absurdie
Par Samuel Piquet

Publié le 11/10/2020 à 12:32


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Y aurait-il des sons racistes ? C'est la question qu'on est en


droit de se poser après que l'université de Californie du Sud a
suspendu un professeur de management pour avoir prononcé
un mot en chinois - « ne-ga » - jugé trop proche du mot
nègre en anglais.
Lors d'un cours en ligne sur la communication managériale à l'université de Californie du Sud, le professeur Greg Patton a évoqué les mots servant
à combler les trous ou à marquer une pause à l'oral, comme « euh » en français. Il a ensuite expliqué qu'en chinois, le mot d'usage était « ne-ga »,
qui signifie « comme ».

Il n'en fallait pas davantage pour que des étudiants crient au racisme, dès le lendemain. Patton s'est aussitôt excusé via mail puis sur Zoom,
expliquant qu'il allait remplacer l'exemple mandarin par un mot portugais, sans s'assurer toutefois que celui-ci ne ressemblerait pas de près ou de
loin à une insulte en espagnol qui pourrait heurter la sensibilité des minorités porto-ricaines. Bref, le professeur n'a pas semblé mesurer l'étendue
de sa désinvolture. Fort heureusement, les étudiants n'ont pas manqué de le lui faire savoir.

Dans une lettre, un groupe d'étudiants noirs anonymes a écrit que « leur santé mentale avait été affectée », elle qui était jusqu'ici au firmament. Ils
ont ajouté qu'ils préféreraient « ne pas continuer ce cours plutôt qu'avoir à endurer l'épuisement émotionnel d'avoir un enseignant qui ignore la
diversité et les sensibilités culturelles ». Car, comme chacun sait, la « diversité et les sensibilités culturelles », c'est bien, sauf quand il s'agit du
chinois, langue aux sons ouvertement racistes.

"DES MOTS QUI PEUVENT MARGINALISER"


Dans un contexte de mobilisation citoyenne contre les violences policières et le racisme, l'université n'a pas osé s'opposer aux requêtes des
étudiants et Patton a vite été remplacé par un autre professeur. Le directeur de l'école de commerce de la faculté a même déclaré qu'il « était
inacceptable pour un enseignant d'utiliser des mots qui peuvent marginaliser, blesser ou nuire au bien-être psychologique de nos étudiants ».
N'oublions pas que l'université doit avant tout remplir sa mission première de coach en développement personnel. Le directeur a ajouté qu'il
était « attristé » par cet épisode qui a causé « tant d'angoisse et de traumatisme ». La Shoah, à côté, c'est une promenade de santé. D'ailleurs, des
« mesures de soutien » ont été proposées aux étudiants, aux professeurs ou au personnel qui en ont fait la demande. Pourront-ils jamais s'en
relever ?

On pourrait s'étonner que des gens censés être des mandarins aient autant peur du chinois, on aurait tort. Dans notre époque moderne, tous les
peuples ne sont pas égaux face à la concurrence victimaire : c'est ça, le véritable progrès. Mais les étudiants chinois ne l'ont pas entendu de cette
oreille et se sont dits "choqués" qu'un mot mandarin puisse ainsi être considéré comme raciste. Une pétition défendant la liberté d'expression et
demandant que Patton puisse de nouveau enseigner ce cours a récolté plus de vingt mille signatures. Une étudiante interviewée par la BBC a
expliqué que cette mesure prise par la faculté de Californie du Sud était  « une façon d'ignorer le fait que le chinois est une vraie langue avec ses
propres prononciations qui n'ont rien à voir avec l'anglais ».

POUR COMBATTRE LE RACISME, ÉRADIQUONS LES


LANGUES ÉTRANGÈRES !
Le co-président de l'association des étudiants chinois, quant à lui, a déclaré: « Affirmer les droits d'une minorité ne doit pas se faire au détriment
des droits d'une autre minorité. Nous avons le droit de parler notre langue ». Encore un fasciste.

Moralité de cette histoire qui n'est pas loin de « ringardiser » le roman La tache de Philip Roth : pour combattre le racisme, éradiquons les langues
étrangères !

Jusqu'où pousseront-ils la chasse à


l'"appropriation culturelle" ?
Billet
Par Samuel Piquet

Publié le 09/10/2020 à 8:30


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Jusqu'où s'arrête l' « appropriation culturelle » ? C'est la


question qu'on peut se poser à la lecture d'un article du
Monde paru il y a quelques jours et intitulé « Un Blanc peut-
il photographier un Noir ? », article qui s'interroge sur la
pertinence d'un tel concept dans l'art.
L' « appropriation culturelle » désignait originellement l'utilisation d'éléments d'une culture par les membres d'une autre culture, désormais cette
expression n'est plus utilisée que dans son acception péjorative de vol ou de spoliation. Même lorsqu'il s'agit de mettre en avant une autre culture,
le simple fait d'arborer des vêtements ou une coiffure qui ne correspondent pas à son pays d'origine peut être considéré comme un problème. La
chanteuse Adèle l'a appris à ses dépens à la fin du mois d'août en déclenchant un tollé sur les réseaux sociaux après avoir publié une photo d’elle
en hommage au Carnaval de Notting Hill, habillée aux couleurs du drapeau jamaïcain et coiffée de noeuds bantous. De très nombreux internautes
l'ont accusée de s’approprier la culture africaine et lui ont demandé de supprimer sa photo.

"JE N’AURAIS JAMAIS DÛ..."


Il ne s'agissait pourtant pas ici de tirer profit de cette culture affichée pour vendre un produit ou faire la promotion d'un album mais il semble que
le concept s'étire sans cesse ces dernières années au point qu'il s'applique au simple fait de « ne pas respecter l'assignation à ses origines ». Début
août, l'actrice Zoé Saldana a fondu en larmes sur Instagram et a présenté ses excuses pour avoir incarné Nina Simone à l'écran, en 2016. « Je
n’aurais jamais dû jouer Nina Simone. (...) J’aurais dû faire tout ce qui était en mon pouvoir pour confier le rôle à une femme noire pour qu’elle
puisse incarner le rôle d’une femme noire exceptionnelle », a-t-elle expliqué. L’actrice dominico-américaine avait été grimée (fond de teint noir et
faux nez) pour jouer ce rôle et s'était vue accuser de blackface. « Je pensais à l’époque que j’avais la permission parce que j’étais une femme
noire. Et je le suis, mais c’était Nina Simone. Elle était une personne unique et elle méritait mieux », confie l'actrice, sans qu'on comprenne tout à
fait ce qu'elle veut dire. Le principe du jeu d'acteur n'est-il pas précisément d'incarner quelqu'un d'autre ? Faudrait-il ressembler comme deux
gouttes d'eau au personnage historique qu'on est censé représenter pour se sentir légitime ? L'appartenance au genre humain a-t-elle encore un
sens ?

A LIRE AUSSI : De "Dix petits nègres" à "Valeurs actuelles" : quand la mauvaise foi l'emporte sur les arguments rationnels

Le problème ne se pose pas seulement lorsqu'on se met dans la peau de quelqu'un d'autre mais également lorsqu'on raconte une histoire qui n'est
pas la sienne. Ainsi, lorsque la romancière J.K Rowling a publié Histoire de la magie en Amérique du Nord en 2016, elle a été accusée
d' « appropriation culturelle ». On lui a reproché également de « véhiculer des stéréotypes réducteurs » voire de promouvoir le racisme. L'écrivain
Navajo Brian Young avait alors déclaré : « Mes ancêtres n'ont pas survécu à la colonisation pour que vous puissiez utiliser leur culture pour votre
propre promotion ». Ne doit-on plus parler que de soi ou de ses semblables pour ne plus être taxé d' « appropriation culturelle » ? Les vivants
peuvent-ils encore parler des morts ou faut-il supprimer les nécrologies ? Doit-on interdire aux enfants de dessiner des animaux ?

DES ETATS-UNIS À LA FRANCE


On pourrait penser que ces débats ne concernent que les Etats-Unis mais ils s'invitent fréquemment chez nous. C'est le cas en ce moment puisque
se tient à la Fondation Cartier-Bresson jusqu'au 18 octobre une exposition consacrée au photographe américain Gregory Halpern. Dans un article
intitulé « Un Blanc peut-il photographier un Noir ? », le journal Le Monde évoque l'omniprésence implicite de cette question dans l'exposition. Le
texte général de présentation précise que les portraits de Guadeloupéens ne sont pas « le produit d’une appropriation mais celui d’un échange »,
on se presse d'indiquer que Halpern sait l’histoire de la Guadeloupe, « marquée par la colonisation et l’esclavage » et qu'il s'intéresse « à la
recombinaison des cultures du monde ». Un texte accompagne même l'une des photos qui représente un homme noir tenant dans les bras une
femme blanche : « Cette photographie souligne la persistance de différences raciales, perpétuées par l’esclavage et le colonialisme », nous dit-on,
pour éviter tout malentendu. « La valeur d'une image se mesure à l'étendue de son auréole imaginaire » disait Gaston Bachelard. Désormais, elle
se mesure à l'étendue de ses qualités morales.
Que vaut un art qui nous dit quoi penser, qui bride l'imaginaire par l'interprétation toute faite qu'il donne de lui-même ? En voulant combattre
partout l' « appropriation culturelle », ne s'expose-t-on pas à la spoliation artistique et intellectuelle ?

« En art point de frontière » disait Victor Hugo. Qu'aurait-il dit au XXIe siècle 

De "Dix petits nègres" à "Valeurs actuelles" :


quand la mauvaise foi l'emporte sur les
arguments rationnels
Par Frédéric Dufoing

Publié le 22/09/2020 à 16:41


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Frédéric Dufoing revient sur la suppression du terme "nègre"


dans le titre du roman "Dix petits nègres" d'Agatha Christie,
ainsi que sur la politique fiction "Obono l'Africaine" publiée
par le magazine "Valeurs actuelles". Il montre à quel point,
dans ces deux affaires, la mauvaise foi l'a emporté sur les
arguments rationnels.
On apprenait fin août dernier que le fameux roman Les dix petits nègres était, dans sa traduction française, débaptisé en faveur de Ils étaient dix. Il
semble que la suppression du terme "nègre" ait été opérée parce qu'il pouvait être offensant pour ceux qu'il désigne, et que cette suppression
participait d'une espèce de purge culturelle qui tend à évacuer toute manifestation, verbale, picturale ou plus généralement symbolique, de racisme.
On est passé de leur dénonciation à leur élimination, c'est-à-dire à l'interdiction rétroactive de leur apparition, à leur effacement de la mémoire
collective. Bien sûr, cette volonté d'éliminer les manifestations de racisme n'est pas sans fondement : elle se justifie par les effets de ces
manifestations, comme la formation et la confirmation de stéréotypes, et donc de divers biais cognitifs qui amènent des comportements, et parfois
des politiques nuisibles.
Cependant, c'est là considérer de manière un peu grossière que les cerveaux sont des récepteurs passifs prompts aux automatismes alors qu'ils
peuvent aussi être formidablement résistants : le doute, la nuance, la méfiance, le décalage, voire le décrochage de ces automatismes, ça s'apprend
comme on apprend des mouvements de judo. Il y a une logique paternaliste et infantilisante dans ce projet de suppression du racisme comme
phénomène social par celle de ses représentations culturelles. De surcroît, quand il y a censure, il y a des institutions qui s'en chargent et, à notre
époque, de dangereuses procédures de plus en plus automatisées (comme les algorithmes sur les moteurs de recherche et les réseaux sociaux) – des
procédures immédiates, par défaut, qui n'impliquent ni débat, ni décision collective préalables.

LOGIQUE DE PURGE
Par ailleurs, comme un mot connoté peut être mis au service d'un discours qui ne l'est pas, un message brut raciste peut fort bien être une simple
citation, servir un discours antiraciste, notamment au travers de diverses formes d'humour (l'ironie, le sarcasme, etc.), de distanciation (le travail
scientifique), ou encore d'appropriation militante comme la fameuse négritude de Senghor ou ce groupe de rap américain qui s'était
nommé Niggaz Wit Attitudes ("des nègres qui ont du style"). Aussi, supprimer un signe sans tenir compte de son contexte, de ses liens avec
d'autres signes, d'autres sens, traiter une trace comme un preuve, c'est aller fort vite en besogne et, finalement, rompre avec la pensée, renforcer les
heuristiques, les automatismes. C'est considérer qu'un Desproges avec son sketch sur les Juifs et Zemmour avec ses déclarations sur les trafiquants
de drogues noirs et arabes font la même chose quand ils s'emparent d'un stéréotype, alors que le premier le ridiculise, en montre la fausseté, tandis
que le second en fait une vérité dogmatique et violente une population.

On croit qu'en supprimant le signe de quelque chose, on supprime la chose elle-même

Le sens des mots et des discours se construit par un travail commun : si ce travail est empêché, non seulement le sens commun disparaît, mais
disparaît aussi ce qui en permet l'élaboration. N'en déplaise à ceux qui voudraient que le dictionnaire ou leur propre définition militante fasse foi, le
sens (et les connotations) d'un mot se négocie, et notamment au moment même où on l'emploie, avec ceux à qui l'on est confronté lorsqu'on
l'emploie. Non seulement, cela implique un débat, mais surtout cela implique un débat de bonne foi entre individus qui ne partagent pas le même
point de vue et cherchent ensemble à définir de quoi ils parlent, ce qui est commun, et ce qui ne l'est pas.

Il faut souligner que, dans cette logique de purge et de censure, il y a quelque chose qui relève de la pensée magique : on croit qu'en supprimant le
signe de quelque chose, on supprime la chose elle-même. Au contraire, on l'a vu avec Soral et Dieudonné : ils tiraient des poursuites contre eux la
conclusion qu'ils disaient vrai, ce qui est un sophisme grotesque, mais qui marche auprès de leurs partisans et surtout bien au delà.

LA MAUVAISE FOI DE VALEURS ACTUELLES


En face du militantisme antiraciste, il y a pire : Valeurs Actuelles qui publiait une fiction dans laquelle une députée française noire était mise en
scène comme esclave au XVIIIe siècle. Elle y était capturée par des Africains, vendue à des Arabes et libérée par un bon père blanc. Le but était de
montrer à cette députée et aux groupes de défenseurs des minorités victimes de racisme qui accusent la France d'avoir participé activement à la
traite, que cette même traite avait aussi été le fait des Africains eux-mêmes, ainsi que des Arabes et, sans doute, de rappeler, au travers du bon père
blanc, que les noirs devaient leur libération à la grandeur d'âme des Occidentaux.

Le but réel de Valeurs actuelles était clairement de déculpabiliser et d’exonérer un groupe d'une réflexion critique sur son propre passé

Tout le bruit qui suivit cette affaire fut une manifestation de mauvaise foi. En face d'une presse de droite sordide et complaisante qui appela une
fois de plus à la liberté d'expression, on conspua le racisme de la fiction parce qu'elle mettait une femme noire en scène dans une situation
d'esclavage et l'irrespect du statut de députée et de représentante de la nation, donc du peuple qu'elle représentait (sic). Or, l'opération était bel et
bien raciste, mais pas de ce point de vue. Elle l'était parce que ce récit était historiquement malhonnête et que ses objectifs l'étaient tout autant.
D'abord, on n'a rien dit quand on a dit que des "noirs" participaient à la traite si l'on n'a pas expliqué pourquoi et dans quelles conditions. Tous
ceux qui s'intéressent un peu à la question de l'esclavage, comme à celle de la colonisation, savent que rien ne peut se faire sans la collaboration de
locaux ; et qu'en deçà, tous les conquérants, d'Alexandre le Grand à Cortès, ont su jouer des divisions entre (futurs) conquis pour soumettre et
détruire. Leopold II au Congo, la Belgique au Rwanda en poussèrent la logique jusqu'à l'indicible.

L'histoire de Olaudah Equiano, capturé par un peuple rival au sien et vendu à des Africains d'abord, à des blancs ensuite, est bien connue et
exemplaire d'une situation complexe au sein de laquelle existaient diverses sortes d'esclavages (les esclavages africains qui permettaient souvent
une "réintégration" sociale à terme, n'avaient pas grand chose à voir avec ceux des Européens ou des Arabes, si ce n'est leur brutalité
fondamentale) et d'intérêts sociaux : ceux des rois ou potentats locaux s'opposant à ceux des paysans, par exemple. La question des armes à feu
avait un rôle fondamental, ces armes ne pouvant souvent être acquises que par la traite... pour éviter d'en être victime : vendre ou être vendu était
bien souvent le choix des peuples de la côte ouest de l'Afrique... Même si nombre d'individus passèrent quand même du statut de vendeur à celui
de vendu, ou en sens inverse, du statut d'esclave à celui de prédateur.

Le but réel de Valeurs actuelles était clairement de déculpabiliser et d’exonérer un groupe d'une réflexion critique sur son propre passé en disant :
"les autres aussi l'ont fait" tout en accusant ces autres de mauvaise foi, avec le calcul mesquin qui consiste à parier que les horreurs des premiers
seront oubliées au profit des horreurs des victimes ou, plutôt, de leurs apparentés catégoriels, les autres "noirs". Autrement dit : "Nous, blancs,
n'avons pas à nous repentir de la traite des noirs puisque les noirs y participaient eux-mêmes, et aussi les Arabes.

Si Valeurs Actuelles avait été sincère dans sa volonté de faire de l'Histoire avec une histoire, elle aurait au moins évoqué la complexité de la
situation et ces révoltes
A ce propos, que Valeurs actuelles ait mis en scène la traite arabe, passe encore : elle fut au moins aussi odieuse, peut-être même aussi meurtrière,
et son aspect raciste semble de plus en plus avéré, même s'il fait encore débat. Mais que l'histoire finisse par le sauvetage par un père blanc est tout
simplement ignoble. D'abord parce que l'Eglise catholique, comme institution, porte une lourde responsabilité dans le colonialisme comme dans
l'esclavage et que, si elle eut ses voix discordantes, celles-ci furent longtemps peu entendues ; ensuite parce que cette histoire de père blanc sauvant
les petits noirs des griffes arabes est très exactement ce qui fut raconté pour justifier la colonisation léopoldiste du Congo – cela, alors même que
l'administration mise en place par le roi Leopold s'alliait avec Tippo Tip, l'un des esclavagistes arabes du Congo, et mettait au travail forcé une
population entière.

Le procédé est d'autant plus hideux que, si Valeurs actuelles avait vraiment voulu rétablir des vérités historiques, il aurait dû raconter le
marronnage (les communautés clandestines d'esclaves en fuite), les innombrables révoltes d'esclaves sur les bateaux négriers, dans les ports, dans
les plantations, à St Domingue, au sud des Etats-Unis et même dans les vastes territoires cultivés par les esclaves africains en territoire musulman.

SUBTILITÉ...
Ces révoltes rendirent la traite bien plus difficile et, à terme, bien moins rentable qu'elle ne l'aurait été. Si le magazine Valeurs Actuelles avait été
sincère dans sa volonté de faire de l'Histoire avec une histoire, elle aurait au moins évoqué la complexité de la situation et ces révoltes, peut-être
même aurait-elle mis à la tête de l'une d'entre elles cette députée, lui montrant que le marronnage ou la révolte haïtienne de 1791 était une affaire
plus noble, plus digne et infiniment plus utile que la députation. Valeurs actuelles aurait aussi pu s'interroger sur le fait qu'Haïti dut "rembourser"
les anciens propriétaires d'esclaves (comme cela se fit partout quand cette institution atroce fut abolie) pour la perte de leurs "propriétés" –
cependant que les "propriétés" en question, elles, ne recevaient aucun salaire ou dommage et intérêt pour des vies entières passées sous le fouet à
engraisser les propriétaires...

C'est dans ce que Valeurs actuelles évite de dire, évite de montrer, évite de préciser, évite de nuancer, évite d'évoquer qu'est le racisme de son
discours. C'est l'absence insupportable de ces centaines de milliers – probablement beaucoup plus – de petits nègres résistants, résilients, dignes,
intègres et courageux, éliminés un à un de notre mémoire collective qui fait de Valeurs Actuelles une soupe aux grimaces raciste.

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