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FERRARY, Michel
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FERRARY, Michel. Les ressources humaines à risque dans le secteur bancaire : une application
de la gestion des risques opérationnels. Gestion 2000, 2009, no. 2, p. 85-102
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41643
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Michel Ferrary,
Professeur de Management des Ressources Humaines
CERAM, Sophia Antipolis,
France
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Situation
de crise
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Cependant, dans les années 90, elle a opérationnel (COO) et Thomas Russo,
chuté dans les classements. La princi- le directeur juridique5.
pale explication était que son statut
juridique de société en commandite De même Morgan Stanley qui, en
simple non-cotée qui ne lui permettait 2005 a connu une vague importante
pas de garder et d’attirer les meilleurs de démissions, a mis en place l’un des
talents face à des concurrents comme systèmes de rémunération les plus
Goldman Sachs, Lehman Brothers ou avantageux de Wall Street pour gar-
Morgan Stanley qui eux pouvaient dis- der ses talents en leur permettant de
tribuer des stock-options et des actions spéculer à titre personnel avec des
à leurs salariés. fonds prêtés par la banque6.
Pour cette raison, en 2004, sous la Certaines banques ont renoncé aux
direction de son nouveau dirigeant, activités de banque d’investissement
Bruce Wassertein, Lazard a été intro- faute de pouvoir attirer et garder les
duite en bourse à New York, permet- meilleurs banquiers. Ainsi, en 2003
tant à la banque d’attirer des talents, HSBC décida d’investir 800 millions
notamment venant de Morgan Stanley de dollars pour se constituer une com-
(Orange, 2006). pétence dans cette activité financière.
Elle recruta John Studzinski, un des
Dans la mesure où l’essentiel des dirigeants européens de Morgan
banques d’affaires sont désormais Stanley pour développer cette activité.
cotées en bourse, elles doivent mainte-
nant faire preuve d’innovations sala- Ce dernier débaucha notamment des
riales pour garder les individus déten- collaborateurs de CSFB, Goldman
teurs de compétences stratégiques ou Sachs et Lazard. En un an, près de
bien renoncer à ce type d’activité. 2000 personnes furent recrutées, aug-
mentant les coûts de 32%. En 2005, la
Ainsi, Lehman Brothers a octroyé à Direction de HSBC décida d’arrêter
Richard Fuld, le Directeur Général de ses investissements dans ce type d’ac-
la banque (CEO), un plan de stock- tivité, provoquant le départ de J.
options sur 10 ans (2007-2016) d’une Studzinski (pour le fond de private
valeur de 186 millions de dollars qui equity Blackstone) et de nombre de ses
ne seront exerçables qu’à la condition collaborateurs7.
qu’il reste à la direction de l’entreprise
jusqu’à cette date. Un contrat similaire
a été offert à deux dirigeants de la
banque : Joseph Gregory, Directeur
5 Wall Street Journal, 7 décembre 2006.
6 Les Echos, 5 octobre 2006.
90 7 Wall Street Journal, 5 octobre 2006.
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par ce risque en raison des départs respect des procédures formalisant les
massifs en retraite dans les années à processus de l’entreprise constitue un
venir. Par une articulation de la forma- risque opérationnel qui accroît d’autres
tion et de la gestion de carrière, elle types de risques. Ainsi, un conseil ban-
permet de démultiplier les compé- caire qui ne respecte pas les procé-
tences et de préparer le remplacement dures de prises de garanties prévues
des individus détenteurs de compé- lors de l’octroi d’un crédit, fait courir
tences critiques. Plusieurs banques ont des risques importants en cas de ces-
signé des accords de gestion prévi- sation de paiement du client. Dans ce
sionnelle de l’emploi et des compé- cas, le risque opérationnel démultiplie
tences dans l’objectif explicite de se le risque de crédit.
prémunir contre ce type de risque.
L’occurrence de ces incidents peut
avoir des impacts variés. Si certaines
Le risque d’erreur humaine erreurs administratives peuvent être
corrigées sans entraîner de pertes
importantes, d’autres en revanche peu-
La nature du risque d’erreur vent induire de graves préjudices.
Ainsi, un conseiller bancaire qui, par
Le comité de Bâle (2003, p. 2) identifie erreur, garantit par écrit à ses clients
un risque opérationnel lié à l’exécution une rentabilité des placements, enga-
des opérations, des livraisons et des ge la responsabilité de la banque et lui
processus bancaires. Les possibilités fait encourir un risque légal important.
d’erreurs sont nombreuses. On retrouve D’autres erreurs peuvent nuire à la
dans cette catégorie des situations aussi réputation de la banque. Par exemple,
diverses que les erreurs d’enregistre- aux Etats-Unis, la Chase Manhattan a
ment des données, les défaillances crédité par erreur de plus de
dans la gestion des sûretés, les erreurs 700.000 dollars le compte bancaire
d’accès aux comptes de la clientèle, les d’une mère célibataire. Cette dernière
erreurs de montage dans les opérations les a dépensé. Certes, la banque a
de financement ou la gestion déficiente récupéré une partie des fonds et la
des garanties des dossiers. personne a été lourdement condam-
née. Cependant, cette erreur a occa-
Les dysfonctionnements liés aux proces- sionné un procès fortement médiatisé
sus des activités de crédit (instruction qui n’a pu que nuire à l’image de la
des dossiers, réalisation, suivi du Chase Manhattan.
risque, recouvrement) sont susceptibles
d’aggraver le niveau de risque intrin- La GRH, et notamment la formation,
sèque des portefeuilles. Le manque de influence le risque d’erreur car ce der-
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Absentéisme moyen
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des procédures rend beaucoup plus Les salariés peuvent entrer en conflit
difficile leur violation et, d’autre part, lorsque l’entreprise est dans une situa-
l’analyse des bases de données per- tion délicate. Ainsi, dans une banque,
met d’identifier plus rapidement des pour avoir une augmentation de rému-
comportements suspects et permet nération, le directeur du service d’émis-
d’orienter plus efficacement les mis- sions d’obligations et son adjoint ont
sions d’inspection. choisi de menacer leur employeur de
partir chez un établissement financier
concurrent au moment où la banque
Le risque de conflit qui les employait avait prévu d’émettre
des obligations. Pour ne pas compro-
mettre son financement, la banque a
La nature du risque de conflit été obligée d’accéder à la requête de
ses salariés (Godechot, 2006).
Le risque de conflit est lié au pouvoir
de négociation et de nuisance des Enfin, un salarié mécontent peut déci-
salariés. Au niveau individuel, la der de nuire à la réputation de son
détention de compétences straté- employeur. Ce fut le cas par exemple,
giques et/ou critiques confère à leur lorsqu’un salarié du CIC Paris a préve-
détenteur un pouvoir de négociation nu le Canard Enchainé, journal sati-
important. Les salariés sont des rique, que M. Noriega, dictateur pa-
acteurs stratégiques qui vont utiliser naméen, détenait un compte dans la
leur pouvoir de négociation pour opti- banque. L’établissement financier a
miser leurs intérêts. Ainsi, dans une subi un coût important en terme de
prestigieuse banque de gestion pri- réputation.
vée, un groupe de gestionnaires de
patrimoine a menacé de quitter l’en- Il existe également un risque de conflit
treprise et d’entraîner avec eux plu- au niveau collectif. Ce pouvoir est
sieurs clients fortunés s’ils ne bénéfi- déterminé par l’organisation du travail
ciaient pas du plan d’attribution de et l’existence d’une identité de groupe.
stock-options de la banque. La Le secteur bancaire, en tant qu’activité
banque croyant que le taux d’inertie de co-production de services est très
des clients était important a rejeté la sensible aux mouvements sociaux.
requête de ses salariés. Ces derniers Nombres d’opérations bancaires ne
ont quitté la banque et plusieurs peuvent pas être différées (opérations
clients les ont suivis, représentant plus de marché, traitement de chèques,
de 300 millions d’euros d’actifs. La virements automatiques) et, même
banque avait malheureusement sur- lorsque ceci est possible, cela risque
évalué l’inertie des clients. d’entraîner ultérieurement des dysfonc-
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duels et collectifs qui déterminent COMITÉ DE BÂLE, 2003, “Saines pratiques pour
la gestion et la surveillance du risque opération-
l’engagement de l’entreprise envers nel”, Banque des Règlements Internationaux.
la gestion du risque opérationnel et
DENIAU, P., RENOUX, E., 2006, «La cartogra-
la façon dont elle gère ce risque »
phie du risque opérationnel : outil réglementai-
(p.1). Cette culture est d’autant plus re ou outil de pilotage ? », Revue d’Economie
importante que le premier niveau Financière, n° 86, p. 16.
de contrôle des risques opération- ECCLES, R., CRANE, D., 1988, “Doing Deals.
nels est le fait des opérateurs ; la Investment Banks at Work”, Harvard Business
School Press, p. 273.
cellule de contrôle n’intervenant
qu’à un deuxième niveau. La créa- GODECHOT, O., 2006, “Hold-up en finance.
tion d’une culture passe par une Les conditions de possibilité des bonus élevés
dans l’industrie financière”, Revue Française de
politique de communication et de Sociologie, 47-2, pp. 341-371.
formation importante auprès de
MAHIEDDINE, Y., FEGHALI, R., MARQUER, Y.,
l’ensemble du personnel des 2006, «Etat d’avancement des banques fran-
banques. çaises en matière de gestion du risque opéra-
tionnel », Revue d’Economie Financière, n° 86,
p. 21.
Plus généralement, percevoir le capital
humain comme un facteur de risque à MANDELBROT, B.,1998, “Fractales, hasard et
finance”, Flammarion, p. 246.
gérer par l’entreprise offre une pers-
pective nouvelle à la gestion des res- MILGROM, P., ROBERTS, J., 1992, “Economics,
organization and Management”, Prentice Hall,
sources humaines. Le capital humain
p. 621.
est souvent géré comme un coût et par-
fois comme une compétence straté- NONAKA, I., 1994, “A dynamic Theory of
Organizational Knowledge Creation”, Organi-
gique. La dimension «risque » appor- zation science, 5, 1, pp. 14-37.
te un troisième angle d’analyse.
ORANGE, M., 2006, “Ces messieurs de chez
Lazard”, Albin Michel, p. 345.
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