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Amazon, le géant qui craignait les syndicalistes

Intimidation, surveillance, refus du dialogue social en pleine pandémie… Amnesty


International compile dans un rapport les entraves à la liberté de représentation des
travailleurs du champion de l’e-commerce.

Une fuite de documents internes révélait l’espionnage de certains


groupes privés de travailleurs américains constitués sur
Facebook, afin de déceler «d’éventuelles futures grèves ou
manifestations». - REUTERS.

Par Amandine Cloot (/6531/dpi-authors/amandine-cloot)


Journaliste au service Economie
Le 27/11/2020 à 06:00

V ous l’avez lu et relu ces dernières semaines. Vous l’entendrez probablement


encore durant longtemps : Je Bezos, fondateur d’Amazon, est l’homme le plus
riche du monde et sans doute l’un des CEO qui a vu sa fortune le plus rapidement
enfler depuis le début de la pandémie de covid. Une rémunération en hausse des
actionnaires, conséquence d’un développement spectaculaire de l’activité du groupe
depuis le début de l’épidémie. Que le Black Friday, grand-messe annuelle des prix
cassés, événement américain littéralement récupéré par la plateforme d’e-commerce
depuis plusieurs années, suivi par des fêtes de fin d’année probablement confinées,
devrait encore un peu plus renforcer. Pour répondre à cette demande de biens en
tous genres à livrer à domicile qui explose, 175.000 personnes additionnelles ont été

/
récemment engagées par l’entreprise. Résultat : Amazon emploie actuellement plus
d’un million de travailleurs sur la planète. « Raison de plus pour donner l’exemple.
Quand une société devient à ce point incontournable, sa responsabilité sociale l’est
tout autant », rappelle Philippe Hensmans, qui dirige la section belge d’Amnesty
International.

L’ONG publie une compilation des pratiques douteuses du leader de l’e-commerce


observées dans ses quatre principaux « hub » : USA, Grande-Bretagne, France et
Pologne. L’angle choisi ? La frilosité de la direction par rapport à la représentation
syndicale. « Le droit international est clair : les travailleurs ont le droit de constituer
des organisations syndicales et d’y adhérer. » Or, comme le souligne l’étude, dans
son dernier rapport d’activité, Amazon désigne « syndicats et comités d’entreprise
comme un facteur de risque pour ses opérations internationales ».

Intimidation et surveillance
Des craintes pour sa future santé financière qui se matérialisent par des mesures
coercitives.

Amnesty International note d’abord de nombreuses tentatives d’intimidation à


l’encontre des représentants syndicaux et du personnel qui souhaite les rejoindre.
En mars et en avril dernier, l’entreprise a licencié des employés américains qui
s’étaient exprimés sur les conditions de sécurité et de santé durant la pandémie
dans les entrepôts du groupe. En Pologne et en Grande-Bretagne, plusieurs
exemples de mesures disciplinaires prises à l’encontre de syndicalistes qui tentaient
de recruter des membres à l’intérieur de l’entreprise et durant les heures de travail
sont également détaillés.

LIRE AUSSI
Amazon dans le collimateur du gendarme européen de la concurrence
(https://plus.lesoir.be/337111/article/2020-11-10/amazon-dans-le-
collimateur-du-gendarme-europeen-de-la-concurrence)

/
Plus inquiétant encore, selon l’ONG, la surveillance de la vie privée mise sur pied
afin de repérer les « profils risqués » parmi les employés. A côté d’un recours
poussif au contrôle sur le lieu de travail (via la vidéosurveillance, la collecte et
l’analyse de données), des intrusions dans la vie personnelle des travailleurs sont
également constatées. Vice News, média américain, mettait ainsi en exergue en
septembre dernier des o res d’emploi aux Etats-Unis visant à recruter des analystes
chargés de déceler notamment « les menaces en matière de syndicalisation contre
l’entreprise » (précisons que ces o res ont été supprimées et qu’Amazon a admis
une erreur). Une fuite de documents internes révélait à la même période
l’espionnage de certains groupes privés de travailleurs américains (en l’occurrence
des livreurs du service Amazon Flex) constitués sur Facebook, afin de déceler
« d’éventuelles futures grèves ou manifestations ». « Ces pratiques enfreignent les
normes internationales en matière de protection des données personnelles et de vie
privée des travailleurs », souligne le rapport.

Le cas français
Comme expliqué, l’étude se penche sur les pratiques syndicales et réponses du
groupe à ces dernières dans quatre pays, dont la France.

Amnesty précise que dans l’Hexagone, des syndicats sont bien actifs dans les
di érents entrepôts Amazon mais que ces derniers ont dû aller en justice pour
tenter de garantir la sécurité et la santé des travailleurs, faute de dialogue possible
avec la direction. « Des représentants de plusieurs syndicats français confient avoir
alerté la direction d’Amazon à plusieurs reprises concernant les risques graves et
imminents pour la santé des travailleurs en mars dernier, la société a refusé
d’engager des discussions avec ces derniers », peut-on lire dans le rapport. La
plainte en question, déposée par Solidaires en avril dernier, a finalement conduit à
une fermeture provisoire durant plusieurs semaines de la plupart des sites français
(une astreinte d’un million d’euros en cas de non-respect des règles sanitaires
requises ayant été décidée par un juge).

« C’est aussi la preuve du besoin pour les employés d’être représentés et défendus »,
estime Philippe Hensmans. « Mais il est évidemment aberrant qu’il soit nécessaire
d’aller en justice pour obtenir sécurité et protection de la santé en période de
/
pandémie ! L’épidémie de covid est révélatrice : des catégories entières de
professions sont bouleversées par des changements de pratiques de consommation
et l’hégémonie de quelques groupes encore renforcée : il faut, par conséquent, que
nos gouvernements s’assurent du respect des législations en place. »

LIRE AUSSI
Grand format – Qui veut la peau des Gafa?
(https://plus.lesoir.be/223044/article/2019-05-08/grand-format-qui-veut-
la-peau-des-gafa)

Un bénéfice net multiplié par trois

6,3 milliards de dollars (5,3 milliards d’euros). C’est le bénéfice net enregistré par Amazon au
troisième trimestre de l’année en cours. Soit des profits multipliés par trois par rapport à la
même période un an auparavant. Son chi re d’a aires a chait une hausse de 37 % sur douze
mois.

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