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Préparation au CAPES Strasbourg, février 2007

Inégalité de Tchebychev
Un complément pour les leçons sur les variables aléatoires et le schéma de Bernouilli

On se place ici dans un espace probabilisé (Ω, T , P ) où l’univers Ω est fini et la tribu T
est l’ensemble des parties P(Ω) de Ω. Par conséquent toute variable aléatoire sur Ω admet
une espérance et une variance.

1. Une inégalité théorique


L’inégalité de Tchebychev (voir [FF] page 90) donne un moyen d’évaluer la distance entre
les valeurs prises par une variable aléatoire X et son espérance. Plus précisément elle donne
une majoration de la probabilité que l’écart soit grand.
Lemme 1. Soit Y une variable aléatoire positive définie sur un espace probabilisé (Ω, T , P ).
On note E(Y ) l’espérance de Y . Alors, pour tout a > 0
  E(Y )
P Y >a 6 .
a
Démonstration. Bien que ce résultat soit vrai dans un cadre plus général nous nous conten-
terons d’en donner une démonstration dans le cas où Ω est fini.
Notons (yi )i=1,...,N l’ensemble (fini) des valeurs prises par la variable Y . On peut alors écrire
  X 
P Y >a = P Y = yi .

i∈{1,...,N } yi >a

Et en utilisant l’inégalité 0 < a 6 yi on obtient


  X
aP Y > a 6 yi P (Y = yi ) .


i∈{1,...,N } yi >a

Comme, par hypothèse, Y ne prend que des valeurs positives, cette dernière expression est
inférieure ou égale à
X
yi P (Y = yi ) ,
i∈{1,...,N }

qui est, par définition, l’espérance de Y . 


Théorème 2 (Inégalité de Tchebychev). Soit X une variable aléatoire définie sur un espace
probabilisé (Ω, T , P ) et qui admet une espérance E(X) et une variance V (X). Alors pour tout
a>0
  V (X)
P |X − E(X)| > a 6 .
a2
Démonstration. Il suffit d’appliquer le lemme 1 à la variable aléatoire Y = (X − E(X))2 en
remarquant que {|X − E(X)| > a} = {(X − E(X))2 > a2 } et que par définition
 2 
E(Y ) = E X − E(X) = V (X) .


2 Nicole Bopp

2. Cas d’un schéma de Bernouilli


2.1. Rappels. Dans ce modèle1, on prend pour Ω l’espace produit Ω e n où Ω
e est un ensemble à
deux éléments notés S (pour succès) et E (pour échec). Sur Ω une probabilité Pe est déterminée
e
par la donnée de
Pe({S}) = p ∈ [0, 1] .
e Pe) est appelé épreuve de Bernouilli de paramètre p.
L’espace probabilisé (Ω,
On choisit sur Ω la probabilité Pn définie comme le produit des probabilités Pe c’est-à-dire
n
Y
Pn ({(x1 , . . . , xn )}) = Pe({xi }) où xi ∈ {S, E} .
i=1

L’espace probabilisé (Ω, Pn ) est appelé schéma de Bernouilli de paramètres (n, p).
On note (Xi )i=1,...,n les variables aléatoire définies par
Xi : Ω −→ {0, 1}
(
1 si xi = S ,
(x1 , . . . , xn ) 7−→
0 si xi = E .
On démontre qu’elles sont indépendantes (c’est-à-dire mutuellement indépendantes) et que
pour i = 1, . . . , n on a
E(Xi ) = p et V (Xi ) = p(1 − p) .
La variable aléatoire qui nous intéresse est la variable
Sn = X1 + X2 + · · · + Xn .

Proposition. La loi de la variable Sn est une loi binomiale de paramètre (n, p) c’est-à-dire
 
 n k
Pn Sn = k = p (1 − p)n−k pour k = 0, . . . , n .
k
On a de plus
E(Sn ) = np et V (Sn ) = np(1 − p) .
Rappelons que l’espérance estPlinéaire d’où la formule pour E(Sn ) mais que la variance ne
l’est pas. On obtient V (Sn ) = V (Xi ) car les variables Xi étant mutuellement indépendantes
sont a fortiori deux à deux indépendantes.

2.2. Le résultat. Appliquons l’inégalité de Tchebychev à la variable aléatoire X = Sn , en


prenant a = nb avec b > 0. D’une part on a
   X + X + · · · + X 
1 2 n
Pn |Sn − E(Sn )| > nb = Pn − p > b .
n
D’autre part, par la proposition rappelée ci-dessus,
V (Sn ) = np(1 − p) .
On en déduit le
1Pour une justification de l’introduction de la probabilité P voir le paragraphe « Probabilités définies par
n
des probabilités conditionnelles » de [FF] page 56.
Inégalité de Tchebychev 3

Corollaire 3. Soient (Xj )j=1,...,n les variables aléatoires définies au paragraphe 2.1. Alors
pour tout b > 0 on a
 X + X + · · · + X  p(1 − p)
1 2 n
Pn − p > b 6 .
n nb2
3. Application au problème du chevalier de Méré
La question posée : A-t-on plus (ou moins) d’une chance sur deux d’obtenir au moins un
6 en lançant 4 dés ?
3.1. Modélisation d’un lancer de 4 dés. On fait l’hypothèse que lancer 4 dés revient à lan-
cer successivement 4 fois un dé et que ces lancers successifs sont mutuellement indépendants.
Il est donc raisonnable de modéliser cette expérience aléatoire par un schéma de Bernouilli
1
de paramètre (4, ).
6
En effet l’univers de l’expérience est {6, 6}4 où {6} est le succès « apparition d’un 6 » et {6}
est l’échec « apparition d’une des autres faces du dé ». On a évidemment fait l’hypothèse que
le dé n’est pas pipé c’est-à-dire que la probabilité d’apparition d’un 6 en lançant un dé est
1
égale à .
6
Il est facile maintenant de calculer la probabilité de l’évènement « aucun 6 n’est apparu » car
cette probabilité est égale (avec les notations ci-dessus) à P4 (X1 + X2 + X3 + X4 = 0). La
proposition implique que
 1 4  5 4
P4 (X1 + X2 + X3 + X4 = 0) = 1 − = ∈]0, 48 ; 0, 49[ .
6 6
 5 4
La probabilité d’apparition d’au moins un 6 est donc égale à 1 − .
6
Les calculs faits dans le modèle choisi permettent par conséquent de conclure que la probabilité
1
d’apparition d’au moins un 6 lors du lancer de 4 dés est supérieure à .
2
3.2. Simulation. Pour vérifier que la modélisation choisie correspond bien à l’expérience, on
peut lancer 4 dés, noter s’il apparaı̂t au moins un 6 et recommencer. C’est ce que faisait le
chevalier de Méré. Comme nous n’avons pas l’intention, d’y consacrer autant de temps que
lui, on peut utiliser un programme ou un tableur pour simuler ces lancers.
On déterminera la fréquence d’apparition d’au moins un 6 lors de n lancers de 4 dés.
Bien entendu, pour que cela présente un intérêt, il faut faire confiance au générateur aléatoire
de nombres de sa machine et admettre que ce générateur est capable de faire apparaı̂tre
chaque entier appartenant à {1, . . . , 6} avec la même probabilité (il n’est déjà pas facile de
donner un sens précis à cela).
Combien faut-il simuler de lancers de 4 dés pour avoir une chance raisonnable que la fréquence
1
obtenue soit supérieure à ?
2
3.3. Utilisation de l’inégalité de Tchebychev. En utilisant 3.1, on peut considèrer un
 5 4
lancer de 4 dés comme une épreuve de Bernouilli de paramètre 1 − .
6
La simulation consiste en une suite de n épreuves de Bernouilli. On les suppose indépendantes
 5 4
pour les modéliser par un schéma de Bernouilli de paramètre (n, 1 − ).
6
4 Nicole Bopp

Le nombre de succès lors de la répétition de n épreuves de Bernouilli est compté par


la variable aléatoire Sn (avec les notations du paragraphe 2). Pour préciser le résultat du
 5 4
corollaire 3 dans le cas où p = 1 − on calcule
6
  5 4  5 4 419375
p(1 − p) = 1 − = ∈]0, 24 ; 0, 25[
6 6 1679616
et
1 1  5 4 23
p− −= − = ∈]0, 01 ; 0, 02[ .
2 2 6 1296
On a alors
X1 + X2 + · · · + Xn 1 X1 + X2 + · · · + Xn 1
< =⇒ p − > p − > 0, 01
n 2 n 2
X + X + · · · + X
1 2 n
=⇒ − p > 0, 01 .
n
En appliquant le corollaire 3 avec b = 0, 01 on obtient
 X + X + · · · + X  104 p(1 − p) 0, 25 × 104
1 2 n
Pn − p > 0, 01 6 6 ,
n n n
d’où X + X + · · · + X
1 2 n 1  104
Pn < 6 .
n 2 4n
Sn
La fréquence d’apparition d’au moins un 6 lors de n tirages de 4 dés est donnée par .
n
Sn 1
Pour que la probabilité que « est inférieur à » soit faible, par exemple inférieure à 5%,
n 2
il suffit de faire n tirages avec
104 5
6 .
4n 100
Il suffit ( !) donc de faire 50 000 tirages pour obtenir, avec une probabilité supérieure à 95%,
1
une fréquence supérieure à .
2
Références
[E] J. Escoffier (2006), Probabilités et statistiques pour le CAPES et l’agrégation interne,
Ellipses.
[FF] D. Foata & A. Fuchs (1996), Calcul des probabilités, Masson.

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