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D'UNE R O C H E T R O U V Ã ‰ A K A R N A K
PAR
M. HIPPOLYTE DUCROS.
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Pendant les derniAres fouilles exécuté à Karnak en i 9 0 3 - 1 go 5 par
M. Legrain, on trouva dans la cachette, entre la salle hypostyle du p a n d
temple d'Amon et le VIIe pylône divers fragments d'une pierre incrusté
d'une matiAre verte d'apparence cristalline.
Tous ces fragments semblaient par leur structure et leur composition
faire partie d'une seule et mkme'roche.
Cette incrustation était-elldue à un dépÃprovenant de la décomposi
tion par les eaux d'infiltration des nombreux bronzes qui avaient éttrouvé
dans le mêm périmAtrmais beaucoup plus loin (environ une quinzaine
de mètre au delà )ou bien n'était-cqu'un amas naturel de sels minthaux?
Je me décidaà en chercher la composition chimique.
Les échantillonqui m'ont étremis pour êtr soumis à l'analyse pro-
viennent d'une roche archéennet offrent tout l'aspect d'un fragment gros-
sièremenfeuilletà d'un schiste micacé
De couleur gris clair, la pierre présentpar endroits des portions rouil-
lkes, imitant parfois des veines; elle est mouchetéde points bruns et noirs.
Dans certains échantillonon voit des taches jaunes qui donnent à l'ensemble
de ces incrustations salines une couleur jaune verdâtrsale. ExaminÃde près
ce sel ne présentaucune structure cristalline; il est amorphe de couleur
variant du vert bleuâtr au vert foncéet par endroits il a pris une teinte
nacréet blanche due trAs probablement à une action de déshydratationIl
imprhgne presque toute la masse de la pierre bien que cependant il se
trouve de prdférencagglomérsous forme de couches minces, de teinte
plus foncée
Certaines parties de cette roche rdsistent à l'ongle; d'autres sont raydes
par l'acier, d'autres rayent le verre. Compacte en géndralcette pierre pré
sente parfois un toucher ldgbrement onctueux.
Tous ces ddbris, trouvds épar$à et là à diverses profondeurs mdlé
aux statues dans la cachette, prdsentent le mêm aspect de composition et
semblent provenir d'un mêm gîtminier.
Quelle peut dtre l'origine de cette pierre? d'oà a-t-elle pu êtr extraite?
comment expliquer sa prdsence au temple de Karnak? Voilà autant de
questions que nous chercherons à résoudre
Tout d'abord, à n'en juger que par l'emplacement oà furent trouvds ces
fragments et par les matière terreuses auxquelles ils étaienmêlÃet qui
ont étenlevdes en mêm temps qu'eux, nul doute que ce ne soit un ddpô
remontant à l'antiquitd.
Cette roche en outre n'appartient ni au sol de Karnak ni aux montagnes
de Thèbe; les terrains de la rdgion sont des terrains d'alluvions, et les
montagnes sont calcaires. D'autre part, la structure schisteuse et micacde
de notre dchantillon indique suffisamment qu'il ne peut appartenir à un
terrain d'alluvion, mais bien à un terrain de nature druptive.
Si nous examinons dè lors la structure du sol de l'Egypte, nous voyons
qu'il existe un dnorme massif arch6en travers6 par l'effondrement de la mer
Rouge et que l'on retrouve aussi bien dans la partie mdridionale du SinaÃ
que sur la côt dgyptienne. Depuis le a s o 3 o r d e latitude nord elle prdsente
un alignement constant de hauts pics et de groupes isolds formant la ligne
de partage des eaux entre la vallédu Nil et la mer Rouge. Au sud de la
latitude Keneh-Kosseir, ce massif arrive à constituer presque tout le ddsert
oriental.
Bien des gisements miniers ont dtd signalds dans cette régionSans
parler du district de Sarbet-el-Khadima au Sinaïnous voyons que dans
le ddsert oriental de l'Égypton a exploit6 les porphyres du Gebel Doukhan
dans le voisinage duquel, prè du Gebel Dara, M. Wanner a signaléil y
a peu de temps, un gisement de minerai de cuivre. Ce renseignement qui
nous a étfourni par M. Fourtau, et pour lequel nous le remercions,
confirme les dires des historiens, et des voyageurs qui ont parcouru cette
contrde : Ã Que le SinaÃn'&ait pas le seul centre minier connu et exploit6
par les anciens?. La rdgion du Ouadi Hammamat est assez connue, et
depuis longtemps les anciens y ont exploitÃle granit, la brèch verte et
peut-êtr aussi le quartz aurifère Plus bas dans les talcschistes du Gebel
Zabara on a cherchà des dmeraudes, et A. Figari bey a signalà depuis
longtemps les mines de cuivre du Gebel Baram à l'est d'Assouan(l). La
description qu'en a fait cet auteur nous prouve plus que tous les textes
que les Égyptienne devaient pas s'adresser seulement au Sinaïd'ailleurs
assez pauvre et incapable de fournir à lui seul aux besoins de toute l'Égypte
mais encore à tous les gisements miniers de ce massif, plus proches comme
le Ouadi Hammarnat, le Gebel Zabara, etc., qui nous ont étsignal& par
les historiens ou les voyageurs.
L'inscription de Redesihh nous montre en effet une divinità qui dit au
roi : w Je te donne le pays de l'or, les montagnes te donneront ce qu'il y a
en elles en fait d'or, de lapis et de mafek^ri.
Plus tard, les auteurs grecs et latins, Pline (31, Diodore de Sicile ( 4 ) et
Strabon (5), puis dans les siècleplus proches de nous, Savary (61, de Rozièr(1' ,
Wilkinson(@,Champollion Figeac(Q1,Chabas (10) et enfin rhcemment M. Gole-
nischeff ( I l ) et M. Ployer (12),nous ont donn6 d'utiles renseignements sur ces
rdgions peu connues qui, on n'en peut douter d'aprhs leurs témoignages
fournissaient de cette matièr à l'dpoque pharaonique.
Toute cette rhgion minièr n'était-ellpas du reste sillonnde de routes?
('1 BERTHELOT,
Comptes rendus des séancede l'Académides Sciences, 1g aoû 1896.
contenu dans des vases platscl), ou dans des sacs^. Enfin on Yimportà i en
Égyptsoit en tas, soit en briques oblongues, soit encore sous forme de
petits blocs de roche taillde.
Pendant son voyage au SinaïH. Brugsch a remarqud (l'autre part que les
inscriptions mentionnant le mafek se rencontraient tout auprè des mines
de turquoises^*. Faudrait4 par suite identifier le mafek à la turquoise?
Nous ne le pensons pas.
Cette pierre prkcieuse, comme sa formule l'indique AliP*011,5H20 est un
phosphate d'alumine qui contient toujours un peu de protoxyde de cuivre.
Si nous comparons donc sa composition à celle de l'échantillo que nous
venons d'analyser, nous trouvons qu'elle diffèr totalement de celle de notre
minerai qui ne contient, lui, ni alumine ni phosphore, et qui par contre se
rapprocherait de la chrysocolle et de la malachite qui sont la premièr un
silicate et la seconde un carbonate de cuivre hydratés
Enfin lesinscriptions qui accompagnent certains bas-reliefs nous mon-
trent le roi, un prêtre ou tout autre personnage présentanà la divinité
.
de l'or, de l'argent, des pierres précieuses. etc., et parfois même mais
plus rarement' du mafek (&). Les bas-reliefs du temple de Dendéranous
offrent quelques exemples à ce sujet et le tombeau de HouÃnous en donne
une peinture
Si donc ce minerai de Karnak est du mafek, nous pourrions conclure que
le mot mafek ne s'appliquerait pas à une seule espèc de pierre précieuse
turquoise ou autre, mais à tout minerai de couleur verte provenant d'une
combinaison naturelle du cuivre.
H. A. DUCROS.