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École pratique des hautes études,

Section des sciences religieuses

Conférence de M. Youssouf Cissé


Youssouf T. Cissé

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Cissé Youssouf T. Conférence de M. Youssouf Cissé. In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses.
Annuaire. Tome 94, 1985-1986. 1985. pp. 129-130;

https://www.persee.fr/doc/ephe_0000-0002_1985_num_98_94_16274

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Conférence de M. Youssouf Cissé
Chargé de Recherche au C.N.R.S.

Les conférences de l'année ont été consacrées à l'étude des masques


(sogo) et marionnettes (maani) de la région de Ségou, au Mali.
Les masques, avant d'être des objets d'art, sont essentiellement des
objets de culte. Chacune des sept sociétés d'initiation masculine mandin-
gues (Tyèblenkè, N'domo, Ton, Kômô, Kônô, Nama, et Kôrè) a le sien.
Et de toutes les cérémonies célébrées par ces sociétés, les sorties de
masques organisées par les ton sont incontestablement les plus
spectaculaires ; les plus instructives aussi.
Les tàn groupent les jeunes gens et les jeunes filles ainsi que les jeunes
femmes âgées de dix à quarante-deux ans. Ils ont leurs chefs, leurs
hérauts, leurs musiciens... Ils sont néanmoins étroitement encadrés par
les chefs religieux du village.
En plus des sorties de masques, les ton exécutent des travaux agricoles
- d'où leur nom de tyi kè tàn : « associations pour l'exécution de travaux
agricoles » - bénévolement pour le compte des économiquement faibles
et les patriarches, et moyennant une rétribution pour les nantis.
Les sorties de masques ont lieu deux fois l'an : les premières,
nocturnes, d'octobre à décembre, et les deuxièmes, diurnes, d'avril à
juin.
Chaque sortie s'échelonne sur trois nuits ou trois après-midi et met en
action plusieurs dizaines de masques. Ces derniers sont appelés soko ou
sogo, « gibier », d'abord parce que la quasi-totalité d'entre eux
reproduisent des formes d'animaux réels ou imaginaires, et ensuite et surtout
parce que, disent les Bambara, « Dieu aurait, en créant les animaux,
placé en chacun d'eux une parcelle au moins de sa science qu'ils sont
chargés de perpétuer par leurs gestes ou par leurs actes. Ainsi, la
chauve-souris, qui ne dispose que de tous petits yeux myopes, parvient-
elle à attraper les moustiques dans l'obscurité ».
Le savoir se trouve donc partout dans la nature. « Explorer cette
nature, observer les êtres et les choses qui y évoluent afin de surprendre
le secret caché en eux : telle serait, disent ces mêmes Bambara, l'une des
raisons d'être de l'Homme ».
130 Youssouf CISSE

Et la société des masques, en mettant en scène les choses et les êtres


du monde aiderait, à leurs yeux, l'Homme à comprendre la vie.
Certains masques soko portent sur le dos plusieurs marionnettes,
maani « petites personnes » - 2 à 22 en principe - qui représentent soit
des personnages mythiques, historiques, religieux, politiques ou sociaux,
soit des objets ou des signes de mutations sociales, économiques...

Les plus « sacrés » de ces objets sont ornés de signes graphiques


peints ou pyrogravés. Ces signes symbolisent en général soit des étapes
ou des résumés de la création, soit des étoiles ou des constellations telles
que Sirius, Vénus, Orion, la Grande et la Petite Ourse ainsi que le
Scorpion et la Croix du Sud qui occupent une place importante dans la
pensée religieuse mandingue.
La robe des masques est parfois aussi chargée de significations que les
signes graphiques. En effet elle peut schématiser une leçon
philosophique, une donnée biologique ou un cycle astronomique. Témoin, cette
couverture à carreaux (cf. pi. I) appelée daminyon, « mystère de la
création », fixée sur le dos du masque « Mère des
antilopes-chevalines » : comportant 266 carreaux, elle exprime à la fois la durée de la
gestation de l'être humain, soit neuf mois lunaires totalisant 266 jours.
Témoin également ce triangle (cf. pi. II) associé au daminyon et qui
matérialise deux cycles astronomiques, en l'occurrence la durée, en mois
lunaires (78 ans) de la révolution de la comète de Halley, et le « temps
(33 années lunaires) au bout duquel le calendrier lunaire coïncide de
nouveau avec le calendrier solaire ».
Chaque masque a enfin son hymne, son mythe ou son histoire que l'on
déclame lorsqu'il se produit ; il a également son pas de danse qui
évoque, dans bien des cas, soit un mythe, soit un trait de caractère de
l'Homme.
Ainsi donc les sorties de masques sogo visent à donner aux jeunes
Bambara une vision « complète » du Monde.
Dans le compte rendu que nous ferons l'an prochain de notre séminaire,
nous analyserons les différentes significations des sogo étudiés.
Élèves, étudiants et auditeurs assidus : Ahlijah Kofi, Aholou Amavi
Ambroise, Albertini Corinne, Apedoh Koffi Hamé, Bakaba Yvette
Ayala, Blonvia Koman, Clocuh Adakan, Coulibaly Mambaye, Diallo
Diariatou, Digbehi Didier, Dosseh Adadeh-Sittou, Egloh Sévi, Gadio
Abdoulaqye Djiby, Gnako Yao Adolphe, Jauregui Marie Aranzuzu,
Kessie Ore Joachim, Koffi Akossao Elisabeth, Kourdio Kouassi
Bernard, Kouamé Laurent Kouakou, Lawson-Body Freddy, Louty Spondé,
Magou Koué Maurice, Maïga Mahmoudou, Sakho Tedjini, Sery Bodé
Félix, Tal Tamari, Verger Marie-Noël.

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