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et aménagemen... Chapitre 1 : L’intégration straté...
Presses universitaires du
Septentrion
Partie 2. L’intégration du risque aux territoires : entre stratégie...
Chapitre 2 : L’intégration matérielle du risque par le biais des me...
RISQUE D'INONDATION ET AMÉNAGEMENT DURABLE DES TERRITOIRES
|
Helga-Jane Scarwell
,
Richard Laganier
Partie 2. L’intégration du risque aux territoires : entre stratégie et moyens
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TEXTE NOTESILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1La gestion des risques d’inondation est le fruit d’une longue évolution (passage d’une
conception techniciste à une conception hydraulicienne), liée notamment à la prise en
compte du lien inondation/aménagement du territoire. En effet, la variabilité
hydroclimatique conduit, après quelques décennies marquées par des crues de faible
ampleur, à une recrudescence des crues importantes qui pose au premier chef la question
de leur prévision et, à partir de celle-ci, des mesures préventives à prendre. Identifier les
facteurs favorisant le risque d’inondation, c’est comprendre les processus qui les
produisent et les enchaînements qui en découlent. L’inondation étant une interaction entre
un aléa et une présence humaine sur un territoire, certains espaces sont des territoires de
prédilection du risque. Indubitablement, le développement des villes, des espaces
périurbains et celui des risques entretiennent des liens au point que la fréquence et
l’intensité des inondations augmentent en fonction de la croissance et de la densité
urbaine, des mouvements de population qui se déplacent sous la pression immobilière vers
des zones à risque telles que le lit des fleuves ou sur des zones mal stabilisées.
3Au-delà d’un truisme lié au fait que les risques d’inondation voient forcément leur
récurrence varier en fonction des démarches d’aménagement du territoire qui
n’appréhendent pas correctement les enjeux liés à la gestion de l’eau, voire la prise en
compte de l’eau par la politique d’aménagement du territoire, il convient de s’interroger sur
l’articulation des modalités de prise en compte de ce lien dans le temps et l’espace, tant
par les politiques de l’eau que par les politiques d’aménagement du territoire.
1 T. A Lille, N° 98-552 Fédération Nord-Nature c/Syndicat mixte pour la révision et le suivi de
la mi (...)
4Comme l’a démontré un jugement 1 du tribunal administratif de Lille, les démarches
d’aménagement du territoire ne peuvent ignorer les enjeux liés à la gestion de l’eau sous
peine d’annulation. Parallèlement, l’efficacité d’une politique locale de l’eau est largement
tributaire de décisions qui sont prises « en dehors » d’elles : ce sont avant tout l’occupation
des sols et le développement économique qui façonnent les milieux.
7Ce décloisonnement suggéré par les lois sera-t-il le garant d’une prise en compte
optimale du risque d’inondation dans les politiques d’aménagement du territoire ?
9La mise en œuvre en France de la directive cadre européenne (DCE) renforce la tendance
déjà ancienne à la territorialisation de la politique de l’eau. Aussi, le territoire est un
concept opératoire à la fois dans le domaine de l’aménagement du territoire que dans celui
de la gestion de l’eau. Cette évolution devrait être renforcée par l’acte II de la
décentralisation.
10Par essence, le territoire est un concept intégrateur. L’entrée par le territoire peut donc
représenter une nouvelle approche de la gestion intégrée de l’eau, et plus particulièrement
de la gestion du risque d’inondation dans la mesure où cette dernière inclut les principes
du développement durable. Mais que revêt ce terme ?
12Certains ne lui accordent que des frontières floues et mouvantes capables de s’adapter
aux réalités fonctionnelles. Dans le contexte actuel, alors que l’on parle parfois d’une
tendance à la déterritorialisation à l’heure de la décentralisation, d’autres insistent plutôt
sur le caractère territorial des politiques de l’eau. Ce qui oblige à prendre en considération
les mutations de la réalité administrative devenue complexe au profit d’un mouvement de
territorialisation de l’action publique. Les territoires traditionnels, « naturels » selon Jean-
Marie que sont les circonscriptions administratives ne sont pas adaptés à certaines
politiques. Ainsi le bassin versant constitue le cadre de la gestion territoriale de l’eau. Bien
qu’il soit présenté parfois comme un objet géographique naturel, il n’en traduit pas moins
une forme de découpage de la nature qui renvoie toujours à une vision particulière du
territoire et de sa finalité.
13L’eau est indissociable de l’espace, mais la relation qu’elle entretient avec celui-ci et la
perception que l’on peut en avoir diffèrent selon l’usage qui lui est affecté. C’est pourquoi
la politique territorialisée de l’eau amène à réfléchir sur son adaptation à la diversité des
territoires : elle s’inscrit sur des « portions de la surface terrestre » aux caractéristiques
hydrologiques et naturelles variables, appropriées de façon différente par des groupes
sociaux selon des représentations et des intérêts souvent divergents, voire conflictuels
(Laganier, 2003). L’objectif est d’amener l’ensemble des groupes sociaux à mettre en
œuvre des pratiques de gestion de l’espace pour le maintien et la préservation de la
ressource. Ainsi, si la gestion de l’eau passe de plus en plus par une gestion des sols et de
l’espace, la question de la subordination de l’espace à celle de l’eau se pose. Finalement,
ceci traduit le lien entre la gestion intégrée de l’eau et le territoire.
15Cette prise en compte globale des problématiques par ces nouveaux territoires tend à
rapprocher les acteurs de l’eau et ceux de l’aménagement du territoire, afin d’engager des
démarches cohérentes et complémentaires. Ainsi, en soulignant la dimension temporelle,
nous mettrons l’accent sur l’évolution récente des politiques publiques dans le domaine de
l’eau, du risque et dans celui de l’aménagement du territoire. Par la dimension spatiale,
nous ferons ressortir les degrés d’articulation entre les territoires institutionnels (à partir
desquels s’organisent les réseaux d’acteurs et les actions) et l’espace géographique (où
s’expriment les phénomènes hydrologiques et les impacts des politiques publiques).
17Notre propos est de retracer rapidement la manière dont on est passé d’une gestion
sectorielle à une gestion spatiale de l’eau ou, comment de l’eau, instrument du territoire
aménagé pour les besoins de la société, on est passé à une relation eau-aménagement du
territoire, voire à un aménagement du territoire pour la préservation et la prise en compte
de la ressource.
18Autrefois, l’eau était considérée comme un bien économique inépuisable dont on pouvait
abuser sans limite. Sa gestion, basée sur l’offre abondante en qualité et en quantité, était
sectorielle (Loriferme, 1987 ; Valiron, 1990), cloisonnée par grands types d’usage (filière
agricole, industrielle et énergétique par exemple) et relevait aussi d’une action publique
fortement centralisée. Mais l’eau disponible n’apparaît plus extensible à souhait d’autant
que les ponctions et rejets en grande quantité ont des répercussions sur la ressource. Il est
devenu alors urgent de substituer une gestion intégrée et territoriale de l’eau à l’approche
par filière. De même, une meilleure connaissance des hydrosystèmes a favorisé l’intégration
du long terme dans les dimensions spatiales et temporelles de la gestion (Bravard, 1998).
20La loi du 8 avril 1898 constitue le texte de base du régime juridique de l’eau, même si
elle ne porte que sur les eaux courantes et organise la gestion de l’eau à partir d’une
distinction entre cours d’eau navigables et non navigables.
26- l’interdépendance et la solidarité entre les usagers, liées au fait que les pratiques d’un
usager sur un cours d’eau, une nappe ou un bassin versant influencent les dynamiques
hydrologiques et donc les possibilités des autres usagers en aval (création des organismes
de bassin). Cette nouvelle circonscription « administrative » reconnaissant la spécificité du
bassin hydrographique traduit les multiples interrelations qui existent au sein des
hydrosystèmes tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Le territoire métropolitain va être
découpé en six grands bassins fluviaux (Artois-Picardie, Rhin-Meuse, Seine-Normandie,
Loire-Bretagne, Adour-Garonne et Rhône-Méditerranée-Corse) dont les délimitations, aux
seuls critères hydrographiques ou culturels sont contestables, mais qui répondent à la
volonté de dépasser le cadre des régions adminstratives, aux frontières irréelles, ce qui
conduit à organiser l’action publique de l’Etat autour de ce nouvel échelon et illustre la
mise en place d’une politique territoriale.
27Ainsi, l’administration des bassins est confiée à des Agences financières de bassin,
appelées dorénavant Agences de l’eau (depuis l’arrêté du 14 novembre 1991) et à des
Comités de bassin.
28Les Agences de l’eau sont des établissements publics administratifs (EPA) dotés de la
personnalité civile et de l’autonomie financière. Chaque agence est gérée par un conseil
d’administration composé de représentants des collectivités territoriales, d’un tiers des
représentants des usagers, et d’un tiers de représentant de l’Etat, auxquels s’ajoutent un
représentant du personnel et son président.
29Le rôle de l’agence de l’eau est de préparer et de mettre en œuvre, grâce aux redevances
qu’elle perçoit, des programmes pluriannuels d’intervention (ouvrages et actions d’intérêt
commun) pour améliorer la ressource tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Elle travaille
par programmes quinquennaux autour d’axes précis. Elle consulte par le biais du président
du Conseil d’Administration de l’Agence le Comité de bassin qui donne son avis sur les
programmes, sur l’assiette et sur les taux de redevance proposés par l’agence.
30Le Comité de bassin, véritable « parlement régional de l’eau » peut aussi être consulté
par l’Etat en cas de conflits entre départements, communes ou structures intercommunales.
Il regroupe, en trois collèges égaux, les représentants des usagers, des collectivités locales
et de l’Etat. Le Comité appuie son action sur des commissions géographiques, instances
locales de concertation et d’échanges. Ces commissions correspondent aux principaux
sous-bassins hydrographiques qui structurent le territoire du Bassin. Elles sont constituées
des membres du Comité de Bassin concerné par le secteur géographique et d’acteurs
locaux (maire de grandes villes, industriels, agriculteurs et autres usagers, représentants du
monde associatif et des services de l’Etat). Elles se réunissent environ une fois par an.
3 Directive 75/440 CEE relative à la qualité requise des eaux superficielles destinées à la
productio (...)
la montée en puissance du niveau européen dans le domaine de l’eau par le biais des
directives communautaires3.
36Le monde de l’eau se trouve ainsi en relation avec l’ensemble des acteurs du territoire et,
comme le soulignent D. Salles et MC. Zellem « dans les années quatre-vingt, les lois de
décentralisation (le développement des réglementations européennes […], ont conduit à la
prolifération des politiques contractuelles […]. Même lorsqu’on a affaire à des politiques
initiées par l’Etat, les procédures de décision et d’élaboration des politiques publiques sont
beaucoup plus complexes, ouvertes et pluralistes » (Salles et Zellem, 1997). Une nouvelle
étape est franchie avec le bilan de l’application de la loi de 1964 réalisée par les pouvoirs
publics par le biais d’un débat sur la politique de l’eau (Assises de Bassin, puis Assises
Nationales de l’Eau) et aboutit à la refonte du droit de l’eau consacrée par la loi du 3 janvier
1992.
5 Elaboré par le comité de bassin à l’initiative du préfet coordonnateur de bassin, les SDAGE
fixent (...)
39Egalement, la loi sur l’eau débouche sur une réorganisation de la gestion au sein de
l’Etat, tant à l’échelle nationale (création d’une direction de l’eau au sein du ministère de
l’environnement), qu’à l’échelle régionale (mise en place des Directions Régionales de
l’Environnement (DIREN) en charge de la politique de l’eau ; nouveau rôle du préfet
« coordonnateur de bassin ») et départementale (création des Missions-inter-Services de
l’Eau (MISE).
6 Selon Noël C, ingénieur chargé de mission à la Direction de l’eau, cette participation active
s’app (...)
7 Cf. Convention d’Aarhus du 23 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public
au (...)
41En outre, elle définit le district hydrographique, comme cadre spatial pour conduire les
actions de la protection des eaux, qui correspond à la notion actuelle de bassin
hydrographique. Des plans de gestion et des programmes de mesures sont prévus pour
chaque district, afin de répondre à l’objectif général de la directive. Elle propose une
démarche et des moyens pour atteindre les objectifs prévus, ainsi qu’un état initial des
eaux. Enfin, elle encourage la participation (art. 14 de la DCE), qu’il faut entendre comme la
participation active6 des parties intéressées, la mise à disposition des informations et la
consultation du public. Précisons que la participation active du public à la mise en œuvre de
la politique de l’eau est fortement encouragée. Elle se situe dans le droit fil de la convention
d’Aarhus7.
44Institué par la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 comme le prévoient les articles 2 et 3 de la
loi sur l’eau : article 2 : « Les dispositions de la présente loi ont pour objet une gestion
équilibrée de la ressource en eau. ». Cette gestion équilibrée vise à assurer :
45la conservation et le libre écoulement des eaux et la protection contre les inondations ».
La démarche planificatrice du SDAGE, engagée au plan régional, s’articule avec les grands
axes de la politique de l’eau définis au niveau national. La circulaire du 15 décembre 1994
demande à cet effet aux services extérieurs de l’Etat de s’organiser (réunions de
concertation et arbitrage inter-services), afin qu’ils se mettent d’accord sur la manière de
présenter les priorités nationales auprès des autres partenaires.
46L’ambition du SDAGE est, à travers la gestion équilibrée de l’eau et des milieux
aquatiques, de contribuer à promouvoir un développement social et économique durable.
Le SDAGE s’inscrit dans le cadre d’une hiérarchie d’instruments juridiques nettement
affirmée par la loi entre un niveau global (un ou plusieurs bassins : SDAGE) et un niveau
local (un ou plusieurs sous-bassins : SAGE). Approuvé par le Préfet coordonnateur de
bassin, il détermine des orientations et des objectifs que l’administration et les collectivités
territoriales devront intégrer dans leurs processus de décision.
47Du point de vue de sa nature juridique, le SDAGE est un acte réglementaire dont la portée
vient d’être étendue par la loi du 21 avril 2004, loi de transcription de la DCE, qui prévoit
de renforcer sa portée juridique vis-à-vis des documents d’urbanisme puisque ceux-ci
devront lui « être compatibles ».
52Toutefois, le SDAGE n’a pas vocation à créer lui-même des règles nouvelles, ni à élaborer
lui-même ses programmes.
53Cette compétence appartient aux autorités de police (préfets, maires, etc.) et de gestion.
L’apport du SDAGE est que ces autorités devront intégrer dans leurs décisions les
orientations, les objectifs, et les règles de gestion qu’il définit. La situation est donc
différente selon que la décision administrative intervient ou non dans le domaine de l’eau.
8 Les documents d’orientation et de programmation des travaux des collectivités territoriales
et de l (...)
10 Notion de compatibilité : elle est beaucoup moins précise que celle de conformité. Le
rapport de co (...)
54Les programmes8 et les décisions administratives 9 dans le domaine de l’eau doivent être
compatibles10 ou rendus compatibles avec le SDAGE.
11 Code de l’Urbanisme : aticle L.122-1, al.7, modifié par L.n° 2004-338, 21 avril 2004,
art.7 : JO, 2 (...)
55La notion de « décision administrative » intervenant hors domaine de l’eau » a été fixée
par la jurisprudence. A priori, ces décisions étaient celles qui n’étaient pas visées par la
circulaire du 15 octobre 1992, mais qui devaient avoir un rapport plus ou moins « évident »
avec l’eau. Parmi ces décisions, on pouvait citer par exemple les P.O.S/PLU. et les SD/SCOT.
La jurisprudence avait précisé la signification juridique de la notion de « prise en compte ».
Toutefois ces décisions ne devaient pas ignorer le SDAGE de manière flagrante, sous peine
d’encourir le reproche d’erreur manifeste par le juge administratif. Désormais, le PLU, SCOT
et la carte communale doivent être compatibles avec les orientations fondamentales d’une
gestion équilibrée de la ressource en eau et les objectifs de qualité et de quantité des eaux
définis par les Schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) en
application de l’article L.212-1 du code de l’environnement ainsi qu’avec les objectifs de
protection définis par les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) en
application de l’article L.212-3 du même code. Cette nouvelle contrainte résulte de la loi du
21 avril 200411 qui transpose en droit français la directive européenne du 21 octobre 2000
établissant le cadre de la politique communautaire de l’eau. La loi impartit aux auteurs du
document d’urbanisme un délai de trois ans pour procéder à sa mise en compatibilité
lorsqu’un SDAGE ou un SAGE est approuvé postérieurement à l’approbation du SCOT, du
PLU ou de la carte communale.
57Ces deux outils traduisent la volonté d’adapter les espaces hydrologiques fonctionnels
aux particularités socio-économiques locales. Les SDAGE et les SAGE sont donc présentés,
dans les textes de loi, comme des outils de gestion équilibrée de la ressource en eau aux
échelles régionales (circonscriptions de bassin) et locales (bassin versant, système
aquifère), élaborés à partir d’une démarche participative. On pourrait y ajouter les contrats
de rivière qui, aujourd’hui, tendent à se rapprocher des SAGE. Il s’adressent aux mêmes
acteurs, s’inspirent des mêmes principes et poursuivent un même objectif opérationnel :
développer un mode de gestion équilibré à l’échelle d’un bassin versant. Le SAGE revêt
toutefois une dimension supplémentaire. Sanctionnées par un arrêté préfectoral, ses
orientations ont une portée réglementaire, elles deviennent le cadre de planification de la
politique locale de l’eau. Par ailleurs, il couvre toute la surface du bassin versant ou le seul
linéaire du cours d’eau. Pour mieux répondre aux exigences locales, ces deux outils
complémentaires se relaient sur le terrain. Le contrat peut découler d’un SAGE en offrant un
cadre adapté à la réalisation de certaines de ses orientations sur tout ou partie de son
territoire. A l’inverse, les contrats préalablement engagés représentent un premier
diagnostic du cours d’eau et un apprentissage de la concertation que le SAGE consolide. Il
appartient aux acteurs locaux de choisir la formule qui répond le mieux aux exigences du
terrain. En outre, si le contrat de rivière a pour objectif principal l’amélioration de la qualité
des eaux, il peut également définir des actions nécessaires pour améliorer la protection
contre les crues. Signalons que le MEDD vient de modifier la procédure d’élaboration
desdits contrats afin d’assurer une meilleure cohérence avec les autres politiques locales
liées à la gestion de l’eau 12. Désormais, l’agrément des contrats de rivière ou de baie sera
délivré par le comité de bassin auquel les collectivités locales ont soumis leur projet.
L’agrément devra porter sur les objectifs et moyens mis en œuvre et sur leur cohérence
avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).
58Si aujourd’hui, la gestion des inondations ne peut plus être étudiée ou gérée
indépendamment des autres usages de l’eau, parce qu’elle semblait soulever des questions
spécifiques, l’histoire de la gestion des inondations se différencie pourtant bien de celle de
la gestion de l’eau. Ceci nous conduit à analyser historiquement l’évolution des divers
outils de gestion du risque d’inondation. Cependant, il ne semble pas que cette gestion
puisse être envisagée sans prendre en compte d’autres questions et notamment celles
relatives à l’urbanisation.
60Dans un premier temps, les outils de référence s’appliquaient sur des « territoires » du
risque fondés sur l’aléa et illustraient une conception hydraulicienne et techniciste de la
gestion des inondations (PSS). Puis, les outils mis en œuvre ont pris en compte la
vulnérabilité des zones inondables, sans pour autant réglementer de façon pérenne l’usage
des sols en zone inondable (R. 111-3). Enfin, on s’est attaché à inscrire dans un espace
géographique homogène, s’affranchissant par cela-même des limites administratives, le
risque d’inondation par une gestion cohérente à l’échelle du bassin de risque, c’est à-dire à
l’échelle de la vallée inondable et dans certains cas à l’échelle du bassin versant (PER, puis
PPR).
61Cette nouvelle cartographie définit des prescriptions réglementaires basées à la fois sur
les aléas et les enjeux.
13 Décret-loi du 30 octobre 1935 relatif aux mesures à prendre pour assurer l’écoulement des
eaux, pri (...)
63L’objectif hydrologique des PSS a montré ses limites avec la croissance urbaine. Ainsi, un
nouvel outil réglementaire fut créé : le périmètre de risque conformément à l’article R.
111.3 du code en l’urbanisme (abrogé en 1995). Il concernait concurremment le risque
d’inondation et le risque lié à l’érosion, le risque lié à l’affaissement de terrains, aux
éboulements et aux avalanches. Son application est restée néanmoins limitée en raison de
conflits avec les collectivités territoriales qui les privaient de terrains constructibles.
66Face à ces difficultés et à la récurrence des inondations, l’Etat a insufflé un nouvel élan à
la prévention des risques lors du comité interministériel du 24 janvier 1994 qui s’inscrit
dans le cadre de la nouvelle politique de prévention des risques.
68La loi Barnier du 2 février 1995 17 institue les PPRN (Plan de prévention des risques
naturels) qui se substituent aux autres outils réglementaires et notamment aux PSS, aux
PER ainsi, qu’aux périmètres de risques délimités en application de l’article R. 111-3 du
code de l’urbanisme.
69Ils ont pour objet de délimiter les zones directement exposées à des risques et d’autres
zones qui ne le sont pas directement mais où certaines occupations ou certains usages
pourraient aggraver les risques18. Ainsi, le plan de prévention des risques naturels
constitue l’un des instruments essentiels de l’action de l’État en matière de prévention des
risques naturels. Document polyvalent, il peut aussi bien être élaboré pour prévenir les
risques liés aux inondations que ceux résultants des mouvements de terrain, des incendies
de forêt, des avalanches ou encore des séismes. En matière d’inondation il prend le nom de
plan de prévention des risques d’inondation (PPRI).
2.2. Le PPRN
70Le PPRI établit un règlement précisant les règles applicables à l’occupation du sol
(constructions, activités, plantations…) selon les zones concernées. Il est élaboré par l’Etat
en concertation avec les maires, puis il est annexé aux documents d’urbanisme.
71Au 31 juin 2002, 3 700 communes étaient dotées d’un PPRN approuvé. Cette progression
par rapport à 2001 est cohérente avec l’objectif de 5000 communes dotées d’un PPR à
l’horizon 200519.
Nombre de communes ayant fait l’objet d’une Nombre de communes ayant fait l’objet d’une
prescription de PPR approbation de PPR
Au 20 juin
331 183
2003
72Chaque plan se réfère à la crue historique locale la plus forte connue. Il crée des
servitudes rattachées aux plans locaux d’urbanisme (PLU), voire aux anciens plans
d’occupation des sols (POS) et à d’autres documents d’urbanisme comme les cartes
communales.
2.2.1. La démarche
73Les PPRI sont prescrits par arrêté préfectoral. Ils sont instruits par les services de l’État
(Direction Départementale de l’Équipement, Services de la Navigation) sur la base de
travaux réalisés par des bureaux d’études mandatés à cet effet, puis font l’objet d’une
enquête publique et d’avis des conseils municipaux des communes concernées avant d’être
rendus applicables par arrêté préfectoral (Cf. schémas).
74La procédure d’élaboration d’un PPRI doit respecter les règles de concertation de droit
commun en matière d’urbanisme : enquête publique, consultation des communes et autres
organismes, dans certains cas particuliers, étant précisé que tous les avis non rendus au
bout de deux mois sont réputés favorables (C. env., art. L-562-3).
76En cas de non-respect, par les tiers, des prescriptions du PPRI, des sanctions pénales
peuvent être appliquées, conformément à l’article L. 480-4 du Code de l’Urbanisme (C.
env., art. L. 562-5, al. 1). Cette disposition issue de la loi Barnier constitue une avancée en
ce qu’elle consacre une nouvelle infraction. Le préfet peut également, en cas d’urgence et
après informations des maires, rendre immédiatement opposables certaines mesures du
projet de PPR (application par anticipation) « lorsque l’urgence le justifie, le préfet peut,
après consultation des maires concernés, rendre le projet de plan immédiatement
opposable à toute personne publique ou privée, avant même le déroulement de l’enquête
publique »20.
79Le contrôle exercé par le juge vise à examiner si, la notice de présentation ne comporte
aucune erreur ou omission susceptible d’entacher d’illégalité l’approbation du plan dans
son ensemble : TA de Nice 23 mars 2000, GAEC de la Levande c/Préfet des Alpes-
Maritimes, req. n° 99-1285, et n° 99-1675. Toutefois, le juge exerce exceptionnellement un
contrôle normal sur le zonage du PPR : TA Lille 23 avril 2001, Melle Vandroy et a./Préfet du
Nord-Pas-De-Calais, req. n° 99-1469, n° 99-1470, n° 99-1522, n° 99-1603, n° 99-1619.
Le règlement
81Il précise les prescriptions, interdictions et recommandations afférentes à chaque secteur
du zonage. Dans la mesure où il existe au moins deux types de zones :
82Il comprend au moins deux articles : un article introductif et un article par type de zones
délimitées dans les documents graphiques.
85Les PPR symbolisent une nouvelle cohérence territoriale dans la mise en œuvre des outils
réglementaires de prévention, car ils permettent de réglementer l’usage des sols dans les
zones exposées existantes et futures, dans une perspective durable. A ce titre, signalons
que le Conseil d’Etat a jugé sur conclusions contraires du commissaire de gouvernement,
que le PPR constitue un document d’urbanisme à part entière, auquel s’applique la
notification prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme : CE, avis du 3 décembre
2001, SCI des 2 et 4 rue de la Poissonnerie, req. n° 236910, JO 24 janvier 2002, p. 1639.
21 Cités par Ogé F. et Romi R, 2003, Etat du droit et prospective, in « Territoires : face aux
risques (...)
86Si cette mise en carte des risques est une façon de les rendre visibles et finalement de les
prendre en compte, elle n’est pas à l’abri de certaines critiques. Notamment, en raison des
enjeux qui leur sont liés, ces documents sont présentés comme étant strictement
« administrés », alors qu’en réalité ils font l’objet de multiples et incessantes négociations.
En effet, la prise en compte des risques d’inondation est localement balancée par la volonté
de préserver des possibilités de développements économiques, touristiques, voire par le
seul souci de maintenir la valeur des patrimoines. Ainsi, la mission interministérielle
d’expertise constatait en 2001 à propos des inondations en Bretagne « l’examen des PPR
conduit à se demander si toutes les données ont été recherchées et si les données
disponibles n’ont pas fait l’objet de négociations pour rendre l’aléa présentable »21.
22 On pourrait citer d’autres rapports rédigés par Mariani T. Dauges y, Fleury J., Le Déaut J.Y.
et bi (...)
87Par ailleurs, c’est oublier que la prévention des risques naturels est extrêmement
complexe, comme cela a été souligné par certains rapports 22 et notamment le rapport
Bourrelier (Bourrelier, 1997).
89La crue de référence retenue dans le Nord-Pas-de-Calais est la crue centennale à défaut
de référent historique important dans la région par manque d’information ou l’existence
d’informations obsolètes en raison d’une profonde artificialisation des écoulements. Le
niveau d’aléa a été défini à partir des hauteurs et des durées de submersion, les vitesses
étant dans ce cas un critère secondaire pour la plupart des cours d’eau
90Enfin, signalons avec Jean-Gustave Padioleau que le PPR ne peut se réduire au traitement
de risques négatifs. A ces risques négatifs, écrit-il, s’adjoignent des risques positifs du
développement de l’emploi ou de la valorisation de patrimoines touristiques. La
représentation de ces « risques janusiens »23 doit être une idée motrice pour la conduite
des politiques de prévention.
94Paradoxalement, la prise en compte de cette transversalité n’est effective que depuis peu
de temps.
99Dans ces conditions, tout aménagement du territoire ne saurait ignorer l’impact possible
du mode d’occupation des sols sur le fonctionnement des milieux.
100A cet égard, l’Etat n’est plus le seul promoteur de l’aménagement. Certes, il fixe les
objectifs par le biais de documents prospectifs comme des schémas sectoriels ou des lois
de programmation : tous les documents inférieurs jusqu’au PLU doivent être compatibles.
101Certaines lois affirment que le développement du territoire doit être durable. Nous ne
nous interrogerons ici ni sur le sens de ce qualificatif, ni sur sa portée contraignante, en
revanche, au-delà de l’effet de mode, cette référence explicite de la loi « Voynet » dans son
titre au développement durable doit être soulignée.
33 Art. L. 333-1 à L. 33-4 du cde de l’environnement ; Art. R. 244-1 à R. 244-16 du code rural
102Cette démarche durable de développement des territoires se retrouve autant dans les
chartes des PNR33 (parcs naturels régionaux) que dans le schéma de service collectif des
espaces naturels et ruraux (Loi du 25 juin 1999) 34 qui ont pour but de fixer les orientations
permettant le développement durable de ces espaces en prenant en compte l’ensemble des
activités qui s’y déroulent, leurs caractéristiques locales ainsi que leur fonction
économique, environnementale et sociale. Des actions en faveur de l’environnement et
notamment d’information du public ou d’éducation peuvent y être menées. Certes, il ne
s’agit pas d’outils directement opérationnels de type SCOT et PLU mais une fois approuvés,
les documents d’urbanisme ainsi que les chartes de pays doivent leur être compatibles.
35 Art. 22 de la loi modifiée du 4 février 1995 ainsi que les articles 95 à 97 de la loi « Robien »
du (...)
36 Art. 23 de la loi modifiée du 4 février 1995 ; décret 2000-1248 du 21 décembre 2000 relatif
aux pro (...)
104Le contrat de plan Etat-Région (CPER) finance les orientations retenues dans les SRADT
et il comprend également un volet territorial consacré aux contrats de pays, aux contrats
d’agglomération, aux contrats de PNR.
109La plupart de ces mesures sont régies par le code de l’urbanisme et sont dotées d’une
portée juridique. On distingue la prévention issue :
110Ces règles ne s’appliquent pas aux communes dotées d’un POS/PLU et pas non plus
totalement au communes ayant des cartes communales. Toutefois, l’article L. 111-1 du
code de l’urbanisme précise que des dispositions réglementaires préciseront « celles de ces
règles qui sont ou peuvent néanmoins demeurer applicables sur les territoires couverts par
ces documents ». Il en est ainsi de l’article R. 111-2 qui prévoit que « Le permis de
construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de
prescriptions spéciales si les constructions, par leur situations ou leurs dimensions, sont de
nature à porter atteinte à la sécurité ou à la salubrité publiques ». Cet article a été modifié
par le décret du 12 octobre 1998, afin de le rendre applicable aux constructions générant
le risque, mais également à celles susceptibles de le subir (TA Versailles, 16 novembre
1993, Association de préservation de la qualité de la vie et des sites du Loing) 38. En
l’occurrence, le tribunal administratif a estimé entachée d’erreur manifeste d’appréciation
la délivrance du permis de construire visant à réaliser un ensemble de logements en zone
inondable de grand écoulement d’une rivière connue pour ses crues fréquentes.
111Afin que les communes et groupements de commune puissent mettre en œuvre ces
principes, rappelons que l’Etat doit recueillir toute information relative aux risques et
fournir aux collectivités les études techniques dont il dispose en matière de prévention de
risques par le biais du « porter à connaissance ».
Le principe d’équilibre
39 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée par loi SRU n° 2000-1208 du 13 décembre 2000,
art. 1 -A, II (...)
er
113[…] 3° la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des
pollutions et des nuisances de toute nature ».
115Instauré dans le cadre de la décentralisation 41, le PIG constitue pour l’Etat le moyen
juridique de faire prendre en considération des réalisations aux acteurs locaux désormais
compétents en matière d’urbanisme. Le PIG peut intervenir dans des cas ponctuels ou à
titre provisoire en attendant la réalisation d’un PPR.
118Ce texte concerne la prévention des risques naturels et permet de qualifier de PIG une
zone inondable comme l’a jugé le tribunal d’Orléans : TA Orléans, 9 juillet 1998,
Association de défense des communes riveraines de la Loire et a. req. n° 95-1941. Les
documents d’urbanisme doivent permettre la réalisation d’un PIG, ou tout au moins ne pas
le compromettre ou rendre plus difficile sa réalisation.
119C’est une des innovations de la loi SRU qui permet d’intégrer à la stratégie de
développement urbain durable les diverses questions qui en déterminent l’évolution : « Les
schémas de cohérence territoriale […] définissent notamment les objectifs relatifs […] à la
prévention des risques ». Ces schémas comprennent un rapport de présentation, un
document d’orientation dénommé Plan d’aménagement et de développement durable
(PADD), des documents cartographiques. Concrètement, la prise en compte des risques par
le SCOT se manifeste dans le rapport de présentation qui définit les objectifs à atteindre en
matière de prévention des risques, mais également dans les documents graphiques qui
doivent délimiter « les espaces et sites naturels ou urbains à protéger ». Ainsi, les secteurs
soumis aux risques naturels ou technologiques seront identifiables de façon précise et
devront être pris en compte par le PLU ou la carte communale (CAA Paris, 23 juin 1998,
Syndicat intercommunal d’études et de programmation pour la révision du SD des deux
Morins, req. n° 97PA00584)43.
121Le PADD, nouveauté instituée par la loi SRU dont la portée a été réduite par la loi du 2
juillet 2003, ne fait pas référence explicitement aux risques naturels. En revanche, l’article
R. 123-9 du code de l’urbanisme énumère les différentes zones du plan qui peuvent figurer
dans le règlement. Quatre catégories (U, AU, A, N) 45 peuvent faire apparaître, s’il y a lieu,
les « secteurs où les nécessités du fonctionnement de services publics, de l’hygiène, de la
protection contre les nuisances et de la préservation des ressources naturelles ou
l’existence de risques naturels, tels que les inondations […] justifient que soient interdites
ou soumises à des conditions spéciales les constructions et installations de toute nature,
permanente ou non, les plantations, dépôts, affouillement, forages et exhaussements des
sols ». On remarquera que contrairement aux anciennes zones ND, les risques peuvent être
localisés dans n’importe quelle zone.
122« Les communes qui ne sont pas dotées d’un PLU peuvent élaborer, le cas échéant dans
le cadre de groupement intercommunaux, une carte communale précisant les modalités
d’application des règles générales d’urbanisme prises en application de l’article L. 111-
1 »46. Elles doivent assurer la prévention des risques naturels au travers du rapport de
présentation et des documents graphiques.
124L’appropriation des risques par les différents acteurs est non seulement fonction des
enjeux auxquels ils peuvent correspondre, mais aussi des moyens et outils qui peuvent être
utilisés, mobilisés pour effectuer cette appropriation. Dans cette perspective, il apparaît
particulièrement utile de définir le niveau pertinent de gestion du risque.
49 Loi n° 92-3 du 3 janvier 1992, modifiée par la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 et par
la loi n° (...)
130Leur territoire d’intervention pertinent correspond à un bassin de vie ou à un bassin
d’emploi, voire à un territoire vécu. Il est donc essentiel de faire jouer les synergies entre
les outils des deux politiques, qu’il s’agisse d’outils réglementaires directement liés à l’eau
(PPR) ou non (SCOT, PLU).
131Cette synergie peut s’effectuer de façon optimale au sein du bassin versant qui constitue
une entité pour une gestion globale et intégrée de l’eau, car c’est à l’intérieur de ses
frontières que les activités humaines (urbanisation, agriculture, tourisme, industrie, etc…)
et les aménagements influencent la sécurité des milieux et la sécurité des populations, de
l’amont vers l’aval.
50 Cf. Vitali D., (2003), « Le bassin versant comme territoire des possibles », Méditerranée,
n° 12 p. (...)
135A première vue, il peut sembler absurde de poser la question du rôle du bassin versant,
tant la réponse paraît évidente, dans la mesure où il constitue bien le cadre d’une gestion
territoriale et intégrée de l’eau, dans le respect des équilibres naturels. Pourtant, la
question de son articulation avec les autres cadres territoriaux existants est tout à fait
justifiée au regard des problèmes ou des interrogations qu’elle soulève. En effet,
l’articulation entre les cadres territoriaux existants et l’échelle hydrologique la plus
pertinente (Vanier, 1999), le bassin versant, semble a priori nécessaire pour une meilleure
appropriation par les acteurs de ce nouvel espace. Or, le bassin versant est avant tout un
espace physique dont les limites reposent sur des considérations hydrologiques,
morphodynamiques ou écologiques. Par ailleurs, la gestion des inondations peut être
menée à l’intérieur du périmètre du SAGE, ainsi que dans celui du SCOT, dont une partie se
situe dans le périmètre du SAGE. C’est pourquoi, en matière de gestion du risque
d’inondation, il ne convient pas tant de raisonner en terme de territoire, mais plutôt en
terme de projet. A ce titre, le bassin versant est bien l’unité physique, la bonne échelle de
gestion du risque d’inondation, mais également celle qui permet de mettre en cohérence la
politique de l’eau avec les autres politiques (domaine économique environnemental,
touristique, urbanistique, agricole etc.) menées sur ce même bassin. Cette gestion globale
par bassin en terme d’aménagement du territoire constitue le niveau de référence des
interventions de l’Etat, des agences de l’eau et des collectivités territoriales et de leurs
groupements. La retranscription de la DCE en droit français devrait prendre en compte les
potentiels à la fois économique, social et environnemental liés à l’aménagement et à la
gestion des cours d’eau, dans une démarche de développement durable, et en considérant
les espaces et structures naturels des fleuves comme des infrastructures naturelles.
138Le Syndicat de communes est régi par les parties législatives et réglementaires du Code
Général des Collectivités Territoriales dont l’article L. 5212-1 donne la définition suivante :
"Le syndicat de communes est un établissement public de coopération intercommunale
associant des communes en vue d’oeuvres ou de services d’intérêt intercommunal ."
139Par ailleurs, la loi du 4 février 1995 qui permet par ailleurs aux structures
intercommunales d’avoir une fiscalité propre, facilite désormais l’élaboration de projets
intercommunaux de gestion intégrée de l’eau, des espaces naturels et du patrimoine
(Lefebvre, 1998 ; Vanier, 1999 ; Logié, 2000 ; Mazet, 2000). Ce sont des EPCI à fiscalité
propre qui « ont vocation à élaborer et conduire ensemble un projet commun de
développement économique et d’aménagement de l’espace ».
140Finalement, il est possible de se retrouver avec une structure qui porte la démarche
« eau » et une autre qui porte la démarche « aménagement du territoire ». Ces structures
n’interviennent pas sur une seule et même échelle, ce qui pose la question de leur
articulation avec les structures en place ou de l’intégration des enjeux de l’eau dans les
autres politiques sectorielles. Ne faudrait-il pas dans certains cas envisager pour le nouvel
EPCI d’adhérer pour la compétence « eau » à la structure de bassin existante plutôt que de
prendre en charge lui-même cette compétence qui ne couvrirait qu’un faible pourcentage
de son territoire ?
141On citera l’exemple du SAGE de l’Arc Provençal dont la structure porteuse est le syndicat
intercommunal du bassin de l’Arc. Le SAGE a été considéré ici comme le prolongement
normal à un contrat de rivière, signé en 1986 et achevé en 1991. Il a été en outre l’occasion
d’élargir le cadre d’intervention du SABA 51 (territoire de compétence) et les objectifs de
gestion du bassin versant.
142Mais une autre alternative existe également. En effet, ne faudrait-il pas mieux que ce
soit directement l’EPCI qui porte le SAGE, comme l’illustre l’exemple de la communauté de
communes du Val de Drôme ?
144Dès 1994, le premier SAGE de France est engagé sur la rivière Drôme. En 1999, un
second Contrat de Rivière est conclu pour 7 ans. Ce contrat s’inscrit dans la continuité des
actions engagées dans le premier Contrat de Rivière et constitue également l’outil de mise
en œuvre des préconisations du SAGE. Piloté par la communauté de communes, il associe le
Syndicat Mixte de la rivière Drôme, (créé en 1982), la Communauté de Communes du Val de
la Drôme (créée en 1987) et le Syndicat d’aménagement du Diois (créé en 1981). D’autres
institutions sont également à signaler en relation avec les usages agricoles de l’eau : un
syndicat d’irrigation collective et des associations syndicales autorisées regroupant des
irrigants individuels. Elle bénéficie du soutien financier de l’Etat, l’agence de l’eau RMC 52, la
région Rhône-Alpes et le département de la Drôme. Ce programme d’action comprend 4
volets complémentaires : des travaux d’épuration de l’eau (18.3 M€), et de restauration et
de mise en valeur des cours d’eau (2.65 M€), de coordination, gestion et communication
(3.31 M€) et de gestion de la ressource en eau (2.6 M€).
53 Colloque « Prévention des inondations et responsabilité des pouvoirs publics » organisé par
l’Assoc (...)
145L’État semble mener, depuis 1995, une politique d’incitation à la constitution dans
plusieurs bassins versants, d’une maîtrise d’ouvrage « adaptée à la mise en oeuvre d’une
réelle stratégie de prévention »53, comme l’illustre l’exemple du bassin de la Meuse :
établissement public d’aménagement de la Meuse et de ses affluents constitué en 1996. De
même, l’action du préfet coordonnateur de bassin et des élus locaux a permis de confier à
une institution interdépartementale la maîtrise d’ouvrage de l’étude globale sur le Rhône,
envisagée dès 1994. En Camargue, un syndicat intercommunal destiné à prendre en charge
les travaux de confortement des digues a été constitué entre les communes d’Arles, de
Port-Louis et des Saintes-Maries-de-la-Mer et s’est transformé ensuite en syndicat mixte
associant le département des Bouches-du-Rhône et la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur.
146Dans cette perspective, la loi du 30 juillet 2003 énonce désormais que : « pour faciliter,
à l’échelle d’un bassin ou d’un sous-bassin hydrographique, la prévention des inondations
et la gestion équilibrée de la ressource en eau, les collectivités territoriales intéressées et
leurs groupements peuvent s’associer au sein d’un établissement public territorial de
bassin »54.
L’établissement public territorial de bassin (EPTB), une gestion
décentralisée de l’eau
147Si les lois de décentralisation ont confié aux collectivités territoriales des compétences
en matière de gestion de risques notamment pour les communes, elles sont par contre plus
sibyllines en ce qui concerne les pouvoirs des départements et des régions en ce domaine.
Dans cette perspective, l’EPTB permet aux départements, région et communes de se
regrouper pour intervenir à l’échelle du bassin versant.
148Si l’on reconnaît le bassin versant comme le cadre nécessaire et cohérent de l’action
publique et de l’aménagement du territoire, il convient désormais d’organiser la gestion de
l’eau sur trois types d’organismes :
150Ce sont des syndicats mixtes ou des institutions interdépartementales régis par le code
des collectivités territoriales qui regroupent des collectivités territoriales et qui travaillent à
l’échelle d’une rivière ou d’un bassin versant selon le principe de subsidiarité.
Ainsi, l’Établissement public Loire a le statut de syndicat mixte- c’est le plus grand
syndicat mixte de France - réunissant 6 régions, 16 départements, 19 villes et 10 syndicats
départementaux de communes. À l’inverse, l’Institution interdépartementale des barrages-
réservoirs du bassin de la Seine est, comme son nom l’indique, une institution
interdépartementale qui regroupe les départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la
Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Il est administré par un conseil d’administration de
24 membres, composé de douze élus du Conseil de Paris et de quatre conseillers généraux
de chacun des trois autres départements. Cette institution a été créée en 1969 à la suite de
la réforme administrative de la région Île-de-France, afin de poursuivre sur son territoire
les missions engagées par l’ancien département de la Seine.
56 Rapport n° 3386, A.N., (2001), sur les causes des inondations répétitives ou
exceptionnelles et sur (...)
153Dans cette perspective, le rapprochement entre les EPTB et les SAGE permettra de
concilier la capacité de maîtrise d’ouvrage de l’EPTB et la planification au niveau du bassin
versant du SAGE.
57 Rapport n° 3386, A.N., (2001), sur les causes des inondations répétitives ou
exceptionnelles et sur (...)
154Plus généralement, les liens entre l’EPTB et les acteurs locaux se renforceront, afin que
s’instaure un dialogue fructueux et que la cohérence des actions soit maintenue. De
surcroît, l’expertise des EPTB est un atout pour les petites collectivités. En effet, la
complexité des textes - loi de 1964, loi de 1992, projet de loi sur l’eau - et des procédures
les accompagnant fait douter de la capacité des communes, voire des syndicats
intercommunaux, à mettre en place des projets cohérents à l’échelle des micro-bassins
versants. La mise en œuvre d’EPTB au niveau territorial le plus pertinent permettra comme
le souligne, M. Henri Torre, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée-Corse, « si
l’on souhaite obtenir une plus grande efficacité sur le terrain, […] de renforcer les pouvoirs
des EPTB. Dès lors que les agences de l’eau ne peuvent pas être maîtres d’ouvrage de
travaux - et cela est souhaitable -, il faut en trouver d’autres en liaison avec l’État. Il faut
donc avoir des EPTB mieux organisés et ayant des compétences plus étendues »57.
Conclusion :
155La réforme de la politique du risque passe par un renouvellement de la manière de gérer
le territoire. Elle tente d’intégrer le caractère multidimensionnel du territoire (des flux et
des tensions économiques, sociales et politiques qui évoluent dans le temps) en privilégiant
une action planificatrice et contractuelle combinant réglementation et démocratisation du
processus décisionnel. Elle implique aussi, non sans difficultés, une recomposition des
territoires par la création de nouveaux cadres territoriaux comme le développement d’une
conscience commune de l’eau et des risques associés. Ce n’est que dans ces conditions que
le risque d’inondation comme ses modes de gestion, en prise avec les territoires, pourront
être appropriés par les populations pour conduire une politique de « ménagement » du
territoire.
NOTES
1 T. A Lille, N° 98-552 Fédération Nord-Nature c/Syndicat mixte pour la révision et le suivi de la mise
en oeuvre du schéma directeur de l’arrondissement de Lille, audience publique du 12 avril 2000.
2 Cf. Lévy J. et Lussault M. (dir), Dictionnaire de la Géographie et de l’espace des sociétés, Belin,
2003, p. 907 à 917
3 Directive 75/440 CEE relative à la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production
d’eau alimentaire, directive 76/160 sur les eaux de baignade, directive 78/659 CEE sur la qualité des
eaux ayant besoin d’être protégées ou améliorées pour la qualité du poisson ou directive 79/923 sur
les eaux conchylicoles, directives sur les eaux résiduaires et sur les nitrates d’origine agricoles
4 L’usage de l’expression « gestion intégrée » (Valiron, 1984) est parfois préféré à celui « d’approche
patrimoniale » (Barouch, 1989 ; Mermet, 1992) selon les auteurs.
5 Elaboré par le comité de bassin à l’initiative du préfet coordonnateur de bassin, les SDAGE fixent
les orientations fondamentales de la gestion équilibrée de la ressource en eau et définissent les
objectifs et les aménagements à réaliser. Ils déterminent le périmètre des SAGE dont le contenu doit
être compatible avec le SDAGE. Le SAGE, plus détaillé par définition que le SDAGE, fixe les « objectifs
généraux d’utilisation, de mise en valeur et de protection quantitative et qualitative des ressource en
eau superficielle et souterraine » (art. 5). Il est établi par une Commission locale de l’eau (CLE)
composée pour moitié d’élus locaux, pour un quart des représentants des usagers, des propriétaires
riverains, des organisations professionnelles et des associations concernées et pour un quart des
représentants de l’Etat. Sa mise en œuvre peut s’appuyer sur une communauté locale de l’eau
regroupant sous la forme d’une structure intercommunale, les communes concernées par le SAGE. La
mise à disposition du public des textes des SAGE permet aux citoyens d’exercer un contrôle
(possibilité de recours administratifs et contentieux) sur l’action de l’administration et des
collectivités territoriales.
6 Selon Noël C, ingénieur chargé de mission à la Direction de l’eau, cette participation active
s’appuiera avant tout sur les structures de concertations existantes : Comité de Bassin, Commission
locale de l’eau composée des représentants des collectivités, de l’Etat et des usagers (associations,
industriels, agriculture etc.)
7 Cf. Convention d’Aarhus du 23 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au
processus décisionnel et à l’accès à la justice en matière d’environnement. Elle fut transcrite dans le
droit français par la loi n° 2002-285 du 27 février 2002 dite loi « démocratie et proximité »
autorisant l’approbation de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au
processus décisionnel et à l’accès à la justice en matière d’environnement.
10 Notion de compatibilité : elle est beaucoup moins précise que celle de conformité. Le rapport de
compatibilité est un rapport de non contradiction déjà reconnu par le juge en matière d’urbanisme.
Ainsi, si une décision administrative contrariait les orientations fondamentales du SDAGE, le juge
pourrait annuler cette décision parce qu’elle n’est pas compatible avec lui. Ce rapport de
compatibilité sera d’autant plus facile à apprécier que les dispositions du SDAGE seront précises. La
rédaction du SDAGE se veut donc la plus claire possible dans la perspective de ses effets juridiques,
sans pour autant empiéter sur le domaine des SAGE, afin de respecter l’initiative locale et l’esprit des
textes qui parlent de schéma directeur. 2. Les autres décisions administratives doivent prendre en
compte les dispositions du SDAGE.
11 Code de l’Urbanisme : aticle L.122-1, al.7, modifié par L.n° 2004-338, 21 avril 2004, art.7 : JO, 22
avril. Code de l’Urbanisme, art.L.123-1, al.24 et 25, modifies par L.n° 2004-338, 21 avril 2004, art.
7. Code de l’Urbanisme, art.L.124-2, al4, modifié par L.n° 2004-338, 21 avril 2004, art.7)
12 Circulaire du 30 janvier 2004 relative aux contrats de rivière ou de baie et abrogeant la circulaire
du 22 mars 1993 (Circ. n° 93-36, 22 mars 1993, BO Equip. 30 avr. 1993, n° 11, p. 12) et celle du
24 octobre 1994 (Circ. n° 94-81, 24 oct. 1994, BO Equip. 10 déc. 1994, n° 33, p. 35).
13 Décret-loi du 30 octobre 1935 relatif aux mesures à prendre pour assurer l’écoulement des eaux,
pris en application de la loi du 8 juin 1935.
16 Les PER ont été instaurés par le décret du 3 mai 1984, modifiés par le décret du 15 mars 1993 qui
redéfinit de façon plus stricte l’outil et ses objectifs.
21 Cités par Ogé F. et Romi R, 2003, Etat du droit et prospective, in « Territoires : face aux risques,
Pouvoir Locaux », n° 56/2003, p. 117
22 On pourrait citer d’autres rapports rédigés par Mariani T. Dauges y, Fleury J., Le Déaut J.Y. et bien
d’autres.
35 Art. 22 de la loi modifiée du 4 février 1995 ainsi que les articles 95 à 97 de la loi « Robien » du 2
juillet 2003, décret du 19 septembre 2000
36 Art. 23 de la loi modifiée du 4 février 1995 ; décret 2000-1248 du 21 décembre 2000 relatif aux
projets d’agglomérations ; circulaire du 6 juin 2001 relative à la mise en œuvre des contrats
d’agglomérations.
er
39 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée par loi SRU n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, art. 1 -
A, II. L’article L. 121-1 a succédé à l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme auquel fait référence la
jurisprudence citée dans ce paragraphe.
41 Art. L 121-9 depuis la loi SRU du 13 décembre 2000, ancien article L. 121-12. Le PIG est pris par
arrêté préfectoral et directement intégré aux documents d’urbanismes en vigueur quitte à entraîner
leur révision.
44 Art. L. 123-1 du code de l’urbanisme (modifié par Loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 relative à
l’environnement et à l’habitat, JO du 23 juillet 2003, p. 11176
49 Loi n° 92-3 du 3 janvier 1992, modifiée par la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 et par la loi
n° 95-101 du 21 février 1995 – JO des 4 janvier 1992, 23 décembre 1992, 3 février 1995.
50 Cf. Vitali D., (2003), « Le bassin versant comme territoire des possibles », Méditerranée, n° 12 p.
29 à 34 et Ghiotti S., (2000), « Unité fonctionnelle et cadre de concertation : le bassin versant, un
outil pour l’aménagement du territoire ? », in Multi-usages et gestion de l’eau en Méditerranée,
Revue de l’économie Méridionale, n° spécial, vol. 48, n° 191, pp249-267
53 Colloque « Prévention des inondations et responsabilité des pouvoirs publics » organisé par
l’Association française des Établissements publics territoriaux de bassin à Paris, le 15 novembre
2000.
56 Rapport n° 3386, A.N., (2001), sur les causes des inondations répétitives ou exceptionnelles et sur
les conséquences des intempéries afin d’établir les responsabilités, d’évaluer les coûts ainsi que la
pertinence des outils de prévention, d’alerte et d’indemnisation. p. 176 et 177
57 Rapport n° 3386, A.N., (2001), sur les causes des inondations répétitives ou exceptionnelles et sur
les conséquences des intempéries afin d’établir les responsabilités, d’évaluer les coûts ainsi que la
pertinence des outils de prévention, d’alerte et d’indemnisation. p. 176
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