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Partie 2. L’intégration du risque aux territoires  : entre stratégie...
Chapitre 2 : L’intégration matérielle du risque par le biais des me...
RISQUE D'INONDATION ET AMÉNAGEMENT DURABLE DES TERRITOIRES
  | 
Helga-Jane Scarwell

 Richard Laganier
Partie 2. L’intégration du risque aux territoires : entre stratégie et moyens
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Chapitre 1 : L’intégration stratégique du


risque par le biais des mesures
réglementaires et la planification : vers
une réconciliation entre la gestion des
territoires et la gestion du risque
d’inondation
p. 75-116

TEXTE NOTESILLUSTRATIONS

TEXTE INTÉGRAL
1La gestion des risques d’inondation est le fruit d’une longue évolution (passage d’une
conception techniciste à une conception hydraulicienne), liée notamment à la prise en
compte du lien inondation/aménagement du territoire. En effet, la variabilité
hydroclimatique conduit, après quelques décennies marquées par des crues de faible
ampleur, à une recrudescence des crues importantes qui pose au premier chef la question
de leur prévision et, à partir de celle-ci, des mesures préventives à prendre. Identifier les
facteurs favorisant le risque d’inondation, c’est comprendre les processus qui les
produisent et les enchaînements qui en découlent. L’inondation étant une interaction entre
un aléa et une présence humaine sur un territoire, certains espaces sont des territoires de
prédilection du risque. Indubitablement, le développement des villes, des espaces
périurbains et celui des risques entretiennent des liens au point que la fréquence et
l’intensité des inondations augmentent en fonction de la croissance et de la densité
urbaine, des mouvements de population qui se déplacent sous la pression immobilière vers
des zones à risque telles que le lit des fleuves ou sur des zones mal stabilisées.

2Ainsi, chacun s’accorde à reconnaître que la meilleure façon de gérer le risque


d’inondation est autant à chercher dans une politique de gestion intégrée de l’eau que dans
une politique d’aménagement durable du territoire.

3Au-delà d’un truisme lié au fait que les risques d’inondation voient forcément leur
récurrence varier en fonction des démarches d’aménagement du territoire qui
n’appréhendent pas correctement les enjeux liés à la gestion de l’eau, voire la prise en
compte de l’eau par la politique d’aménagement du territoire, il convient de s’interroger sur
l’articulation des modalités de prise en compte de ce lien dans le temps et l’espace, tant
par les politiques de l’eau que par les politiques d’aménagement du territoire.

 1 T. A Lille, N° 98-552 Fédération Nord-Nature c/Syndicat mixte pour la révision et le suivi de
la mi (...)

4Comme l’a démontré un jugement 1 du tribunal administratif de Lille, les démarches
d’aménagement du territoire ne peuvent ignorer les enjeux liés à la gestion de l’eau sous
peine d’annulation. Parallèlement, l’efficacité d’une politique locale de l’eau est largement
tributaire de décisions qui sont prises « en dehors » d’elles : ce sont avant tout l’occupation
des sols et le développement économique qui façonnent les milieux.

5Désormais, il s’agit de privilégier simultanément une logique de gestion intégrée de l’eau


et une logique de projet territorial de développement durable. Ces logiques répondent à la
demande sociale, économique et environnementale et présupposent la création de
nouveaux espaces de décisions, mais également un jeu d’acteurs qui s’ouvre à d’autres
partenaires. Par conséquent, l’action publique se dote de nouvelles institutions susceptibles
de prendre en compte la globalité des problématiques, voire leur transversalité sur des
territoires d’intervention différents. Toutefois la politique de l’eau, comme la politique
d’aménagement du territoire, doit s’imprégner des enjeux des uns et des autres.
6Si le rapprochement entre ces deux politiques, longtemps séparées par des logiques et
des modes d’organisation différents, n’a pas été toujours privilégié, les nouvelles lois
relatives à l’aménagement durable du territoire et la Directive cadre européenne sur l’eau
(DCE) s’engagent résolument vers une cohérence et une complémentarité des approches.
Cette approche territoriale du risque repose sur la définition de ses frontières en les
étendant ou au contraire en « libérant » le phénomène naturel de certaines contraintes
territoriales adoptées dans un but préventif, en composant avec le territoire. Les modalités
d’intégration du risque aux territoires pourraient reposer notamment sur le développement
d’outils réglementaires, sur la planification urbaine, sur une politique d’l’aménagement du
territoire et de la planification de l’eau. Ainsi, par le biais de documents de programmation
de durée variable établis entre l’Etat, les collectivités territoriales concernées et les acteurs
de l’eau, la cohérence des politiques exprimées à divers échelles garantirait la prise en
compte d’une vision intégrée du risque.

7Ce décloisonnement suggéré par les lois sera-t-il le garant d’une prise en compte
optimale du risque d’inondation dans les politiques d’aménagement du territoire ?

1. Vers une complémentarité entre la


politique de l’eau et la politique
d’aménagement du territoire : la
recomposition du territoire du risque
8Le concept de territoire constitue une clé de lecture de la politique de l’eau.

9La mise en œuvre en France de la directive cadre européenne (DCE) renforce la tendance
déjà ancienne à la territorialisation de la politique de l’eau. Aussi, le territoire est un
concept opératoire à la fois dans le domaine de l’aménagement du territoire que dans celui
de la gestion de l’eau. Cette évolution devrait être renforcée par l’acte II de la
décentralisation.

10Par essence, le territoire est un concept intégrateur. L’entrée par le territoire peut donc
représenter une nouvelle approche de la gestion intégrée de l’eau, et plus particulièrement
de la gestion du risque d’inondation dans la mesure où cette dernière inclut les principes
du développement durable. Mais que revêt ce terme ?

 2 Cf. Lévy J. et Lussault M. (dir), Dictionnaire de la Géographie et de l’espace des sociétés,


Belin, (...)
11Parce qu’il s’apparente à l’exercice du pouvoir, à la délimitation institutionnelle, le
territoire est perçu de façons diverse et répond même à « huit définitions différentes »2. On
utilise aisément ce terme comme synonyme d’« espace » ou de « lieu » ou encore pour
valoriser le rôle des acteurs locaux dans le développement.

12Certains ne lui accordent que des frontières floues et mouvantes capables de s’adapter
aux réalités fonctionnelles. Dans le contexte actuel, alors que l’on parle parfois d’une
tendance à la déterritorialisation à l’heure de la décentralisation, d’autres insistent plutôt
sur le caractère territorial des politiques de l’eau. Ce qui oblige à prendre en considération
les mutations de la réalité administrative devenue complexe au profit d’un mouvement de
territorialisation de l’action publique. Les territoires traditionnels, « naturels » selon Jean-
Marie que sont les circonscriptions administratives ne sont pas adaptés à certaines
politiques. Ainsi le bassin versant constitue le cadre de la gestion territoriale de l’eau. Bien
qu’il soit présenté parfois comme un objet géographique naturel, il n’en traduit pas moins
une forme de découpage de la nature qui renvoie toujours à une vision particulière du
territoire et de sa finalité.

13L’eau est indissociable de l’espace, mais la relation qu’elle entretient avec celui-ci et la
perception que l’on peut en avoir diffèrent selon l’usage qui lui est affecté. C’est pourquoi
la politique territorialisée de l’eau amène à réfléchir sur son adaptation à la diversité des
territoires : elle s’inscrit sur des « portions de la surface terrestre » aux caractéristiques
hydrologiques et naturelles variables, appropriées de façon différente par des groupes
sociaux selon des représentations et des intérêts souvent divergents, voire conflictuels
(Laganier, 2003). L’objectif est d’amener l’ensemble des groupes sociaux à mettre en
œuvre des pratiques de gestion de l’espace pour le maintien et la préservation de la
ressource. Ainsi, si la gestion de l’eau passe de plus en plus par une gestion des sols et de
l’espace, la question de la subordination de l’espace à celle de l’eau se pose. Finalement,
ceci traduit le lien entre la gestion intégrée de l’eau et le territoire.

14Les modes de gestion du risque d’inondation ne peuvent s’envisager qu’au travers de


l’évolution historique de la gestion plus générale de l’eau, d’abord par filière, puis dans
leur globalité, et enfin intégrée dans le cadre du bassin versant, voire à l’échelle du district
hydrologique transfrontalier. C’est pourquoi, nous évoquerons d’abord un bref historique
de l’évolution de la gestion de l’eau qui retracera le passage d’une politique consacrée
essentiellement à la gestion des flux quantitatifs et qualitatifs à une politique considérant
davantage l’interface eau-territoire. « Penser la gestion de l’eau en terme d’aménagement
du territoire » suppose de prendre en compte de façon plus générale les perspectives
d’aménagement des bassins versants et l’aménagement du territoire. Mais la politique de
gestion du risque a également ses propres outils de référence. Historiquement, ceux-ci
s’appliquaient sur des « territoires » du risque fondés sur l’aléa et illustraient une
conception hydraulicienne et techniciste de la gestion des inondations. Puis, ils ont pris en
compte la vulnérabilité des zones inondables, sans pour autant réglementer de façon
pérenne l’usage des sols. Finalement, la gestion intégrée et globale de l’eau au niveau du
district hydrographique renforcée par les différentes lois relatives à l’aménagement du
territoire et à l’intercommunalité intègre de nouvelles problématiques, répondant à une
demande tant sociale qu’économique et environnementale et favorise l’intégration du
risque d’inondation aux territoires.

15Cette prise en compte globale des problématiques par ces nouveaux territoires tend à
rapprocher les acteurs de l’eau et ceux de l’aménagement du territoire, afin d’engager des
démarches cohérentes et complémentaires. Ainsi, en soulignant la dimension temporelle,
nous mettrons l’accent sur l’évolution récente des politiques publiques dans le domaine de
l’eau, du risque et dans celui de l’aménagement du territoire. Par la dimension spatiale,
nous ferons ressortir les degrés d’articulation entre les territoires institutionnels (à partir
desquels s’organisent les réseaux d’acteurs et les actions) et l’espace géographique (où
s’expriment les phénomènes hydrologiques et les impacts des politiques publiques).

1.1. Vers une approche intégrée de la gestion de


l’eau
16Depuis que la conscience collective a été mobilisée autour de la défense du patrimoine
hydraulique, la gestion de l’eau s’est réorganisée en tenant compte de la raréfaction de la
ressource et de ses excès, comme de son caractère social et culturel. L’explosion des
besoins a fait apparaître la nécessité d’une approche globale des problèmes de l’eau, mais
aussi, de toutes les questions liées à l’environnement.

17Notre propos est de retracer rapidement la manière dont on est passé d’une gestion
sectorielle à une gestion spatiale de l’eau ou, comment de l’eau, instrument du territoire
aménagé pour les besoins de la société, on est passé à une relation eau-aménagement du
territoire, voire à un aménagement du territoire pour la préservation et la prise en compte
de la ressource.

18Autrefois, l’eau était considérée comme un bien économique inépuisable dont on pouvait
abuser sans limite. Sa gestion, basée sur l’offre abondante en qualité et en quantité, était
sectorielle (Loriferme, 1987 ; Valiron, 1990), cloisonnée par grands types d’usage (filière
agricole, industrielle et énergétique par exemple) et relevait aussi d’une action publique
fortement centralisée. Mais l’eau disponible n’apparaît plus extensible à souhait d’autant
que les ponctions et rejets en grande quantité ont des répercussions sur la ressource. Il est
devenu alors urgent de substituer une gestion intégrée et territoriale de l’eau à l’approche
par filière. De même, une meilleure connaissance des hydrosystèmes a favorisé l’intégration
du long terme dans les dimensions spatiales et temporelles de la gestion (Bravard, 1998).

1.1.1. La réintégration du linéaire fluvial dans son bassin


versant : la loi du 8 avril 1898, une gestion par filière
centralisée
19Avant la loi sur l’eau du 16 décembre 1964, la gestion de l’eau est définie comme une
gestion par filière et par usage (Barouch, 1989). Elle est caractérisée, à l’échelle de l’Etat,
par un partage des responsabilités entre différents ministères : l’irrigation et
l’aménagement dépendent du ministère de l’Agriculture, la navigation et la protection
contre les crues du ministère des Travaux publics, le ministère de l’Industrie et des Mines a
en charge la production d’énergie et de la filière eau pour l’industrie. A côté de cette
gestion verticale de l’eau, seul le ministère de la Santé Publique organise une gestion
horizontale autour des questions de l’hygiène et de la protection de la santé. De fait, la
gestion de l’eau est calquée sur les structures administratives traditionnelles.

20La loi du 8 avril 1898 constitue le texte de base du régime juridique de l’eau, même si
elle ne porte que sur les eaux courantes et organise la gestion de l’eau à partir d’une
distinction entre cours d’eau navigables et non navigables.

21La centralisation de la gestion de l’eau est renforcée immédiatement après la seconde


guerre mondiale dans le contexte de la reconstruction nationale.

22Plusieurs facteurs vont cependant mener à un changement dans la politique de l’eau : la


croissance démographique, un exode rural qui concentre de plus en plus les populations en
ville, un développement industriel et une élévation du niveau de vie impliquant à la fois une
augmentation de la mobilisation de la ressource en eau et une dégradation de la qualité des
eaux, avec l’accroissement des rejets. Désormais, toute réforme du droit de l’eau ne peut
se limiter à ses seuls aspects quantitatifs. L’harmonisation des actions de lutte contre la
pollution comme la gestion de la pénurie d’eau ou des inondations demeure très difficile
dans les années 1950 en raison d’une législation et d’une organisation administrative de la
gestion de l’eau mal adaptées aux impacts qui se font jour ou s’accentuent. Ainsi, la police
de l’eau ne s’exerce que sur les eaux domaniales, soit moins de 7 % des 270 000 km du
réseau hydrographique. La lutte contre les impacts qualitatifs et quantitatifs, qui demeure
sous la responsabilité de différents ministères, amène parfois à des contradictions dans les
actions engagées. Cette législation éparse et sectorielle ne conduit pas à une gestion
rationnelle des problèmes de l’eau.

23L’intensification des tensions pour l’utilisation de l’eau, les problèmes de pollution et le


sur-prélèvement dans les nappes d’eau souterraines provoquent une réaction de l’Etat qui
se traduit par la création en 1959 d’une commission nationale de l’eau, chargée de mener
une réflexion sur une gestion plus rationnelle de la ressource (Hubert, 2001). Cette gestion
sectorielle va être remise en cause par la loi sur l’eau du 16 décembre 1964.

1.1.2. Une amorce de décentralisation de la gestion de


l’eau : la loi sur l’eau du 16 décembre 1964
24La loi sur l’eau de 1964 marque un tournant décisif. Elle traduit le nécessaire passage
d’une gestion par filière à une gestion globale de la ressource en eau, même si la lutte
contre la pollution reste le thème privilégié de la loi. En effet, face à la difficulté croissante
d’approvisionnement suffisant en eau souterraine des agglomérations, les eaux de surface
sont de plus en plus sollicitées. A l’évidence, la protection de la ressource contre la
pollution s’impose. La loi de 1964 illustre cet impératif de qualité des eaux.

25Cette loi est fondée sur quelques principes :

26- l’interdépendance et la solidarité entre les usagers, liées au fait que les pratiques d’un
usager sur un cours d’eau, une nappe ou un bassin versant influencent les dynamiques
hydrologiques et donc les possibilités des autres usagers en aval (création des organismes
de bassin). Cette nouvelle circonscription « administrative » reconnaissant la spécificité du
bassin hydrographique traduit les multiples interrelations qui existent au sein des
hydrosystèmes tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Le territoire métropolitain va être
découpé en six grands bassins fluviaux (Artois-Picardie, Rhin-Meuse, Seine-Normandie,
Loire-Bretagne, Adour-Garonne et Rhône-Méditerranée-Corse) dont les délimitations, aux
seuls critères hydrographiques ou culturels sont contestables, mais qui répondent à la
volonté de dépasser le cadre des régions adminstratives, aux frontières irréelles, ce qui
conduit à organiser l’action publique de l’Etat autour de ce nouvel échelon et illustre la
mise en place d’une politique territoriale.

27Ainsi, l’administration des bassins est confiée à des Agences financières de bassin,
appelées dorénavant Agences de l’eau (depuis l’arrêté du 14 novembre 1991) et à des
Comités de bassin.

28Les Agences de l’eau sont des établissements publics administratifs (EPA) dotés de la
personnalité civile et de l’autonomie financière. Chaque agence est gérée par un conseil
d’administration composé de représentants des collectivités territoriales, d’un tiers des
représentants des usagers, et d’un tiers de représentant de l’Etat, auxquels s’ajoutent un
représentant du personnel et son président.

29Le rôle de l’agence de l’eau est de préparer et de mettre en œuvre, grâce aux redevances
qu’elle perçoit, des programmes pluriannuels d’intervention (ouvrages et actions d’intérêt
commun) pour améliorer la ressource tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Elle travaille
par programmes quinquennaux autour d’axes précis. Elle consulte par le biais du président
du Conseil d’Administration de l’Agence le Comité de bassin qui donne son avis sur les
programmes, sur l’assiette et sur les taux de redevance proposés par l’agence.

30Le Comité de bassin, véritable « parlement régional de l’eau » peut aussi être consulté
par l’Etat en cas de conflits entre départements, communes ou structures intercommunales.
Il regroupe, en trois collèges égaux, les représentants des usagers, des collectivités locales
et de l’Etat. Le Comité appuie son action sur des commissions géographiques, instances
locales de concertation et d’échanges. Ces commissions correspondent aux principaux
sous-bassins hydrographiques qui structurent le territoire du Bassin. Elles sont constituées
des membres du Comité de Bassin concerné par le secteur géographique et d’acteurs
locaux (maire de grandes villes, industriels, agriculteurs et autres usagers, représentants du
monde associatif et des services de l’Etat). Elles se réunissent environ une fois par an.

31- l’unicité de la ressource en eau dans le cadre des bassins hydrographiques (relation


entre les eaux superficielles et les eaux souterraines, entre les aspects qualitatifs et
quantitatifs, entre l’amont et l’aval) ;

32- la valeur de l’eau et l’impact économique des risques hydrologiques (pollution,


inondation, étiages) : l’eau a un coût, lié aux équipements nécessaires à son épuration et à
son acheminement dans les lieux de consommation comme à l’assainissement des eaux
usées rejetées. Elle a aussi une valeur esthétique et culturelle qu’une pollution peut
fortement altérer (application du principe pollueur payeur : « les frais résultant des
mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être
supportés par le pollueur », art. L. 110-1-II-3° C. env.). Signalons que cette loi traduit déjà
le lien entre l’eau et l’aménagement du territoire puisque la création des agences
financières de Bassin avait pour objectif d’éviter que la pénurie d’eau, en qualité, et en
quantité ne soit un obstacle à l’aménagement du territoire. Ce n’est d’ailleurs pas un
hasard si c’est à la DATAR que fut confiée la tutelle des agences dont le programme se
devait d’être cohérent avec les orientations du plan.
33La reconnaissance dans un premier temps d’une ouverture nécessaire des processus de
décision tant aux acteurs locaux qu’aux principaux usagers dominants de l’époque
(énergie, industrie, agriculture) sera renforcée dans un second temps par l’introduction
d’autres usagers naturels de l’eau, notamment les pêcheurs et les associations de
protection de l’environnement et de consommateurs. Cette évolution est à mettre en
parallèle avec la création du ministère de l’environnement en 1971 et l’adoption d’une
législation spécifique de protection de la nature (loi du 10 juillet 1976 sur la protection de
la nature).

34Ainsi, la période 1960-1980 connaît une mutation de la gestion de l’eau par


l’introduction d’un premier niveau de décentralisation (les comités de bassin) et la
reconnaissance de nouveaux acteurs qui revendiquent une participation plus grande dans
les processus de décision.

35Ce mouvement de décentralisation de 1982 – 87 se caractérise notamment pour l’eau


par :

 la multiplication des niveaux d’intervention


 l’élaboration de politiques propres par les collectivités territoriales

 3 Directive 75/440 CEE relative à la qualité requise des eaux superficielles destinées à la

productio (...)

la montée en puissance du niveau européen dans le domaine de l’eau par le biais des
directives communautaires3.

36Le monde de l’eau se trouve ainsi en relation avec l’ensemble des acteurs du territoire et,
comme le soulignent D. Salles et MC. Zellem « dans les années quatre-vingt, les lois de
décentralisation (le développement des réglementations européennes […], ont conduit à la
prolifération des politiques contractuelles […]. Même lorsqu’on a affaire à des politiques
initiées par l’Etat, les procédures de décision et d’élaboration des politiques publiques sont
beaucoup plus complexes, ouvertes et pluralistes  » (Salles et Zellem, 1997). Une nouvelle
étape est franchie avec le bilan de l’application de la loi de 1964 réalisée par les pouvoirs
publics par le biais d’un débat sur la politique de l’eau (Assises de Bassin, puis Assises
Nationales de l’Eau) et aboutit à la refonte du droit de l’eau consacrée par la loi du 3 janvier
1992.

1.1.3. Vers une gestion plus intégrée4 et fondée sur le


territoire : la loi sur l’eau du 3 janvier 1992
 4 L’usage de l’expression « gestion intégrée » (Valiron, 1984) est parfois préféré à celui
« d’approc (...)

 5 Elaboré par le comité de bassin à l’initiative du préfet coordonnateur de bassin, les SDAGE
fixent (...)

37L’innovation majeure de la loi du 3 janvier 1992 consiste à instituer une planification


systématique et obligatoire de la ressource en eau, tant au plan qualitatif que quantitatif,
sous la forme des Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) 5, à
l’échelle des grands bassins hydrographiques et des Schémas d’Aménagement et de
Gestion des Eaux (SAGE) à l’échelle des bassins versants de plus petite taille.

38Plus globalement, ce changement d’échelle conjugué aux dynamiques


environnementales, intercommunales ou d’aménagement du territoire, met la gestion de
l’eau en rapport direct avec le développement territorial et pose ainsi la question de son
articulation avec les territoires politico-administratifs existants et les acteurs concernés,
d’autant que l’élaboration de ces deux outils de planification nécessite l’engagement de
processus de négociation entre tous les acteurs (publics et privés) de la gestion de l’eau.

39Egalement, la loi sur l’eau débouche sur une réorganisation de la gestion au sein de
l’Etat, tant à l’échelle nationale (création d’une direction de l’eau au sein du ministère de
l’environnement), qu’à l’échelle régionale (mise en place des Directions Régionales de
l’Environnement (DIREN) en charge de la politique de l’eau ; nouveau rôle du préfet
« coordonnateur de bassin ») et départementale (création des Missions-inter-Services de
l’Eau (MISE).

1.1.4. Une approche encore plus intégratrice : la directive


cadre sur l’eau (DCE)
40La directive établit un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau
et a été adoptée sous la présidence française le 23 octobre 2000 et publiée le 22 décembre
2000. Elle vise à établir un cadre global pour la protection des eaux continentales,
souterraines et côtières, en fixant des objectifs ambitieux et une méthode. Elle propose une
approche intégratrice en prévoyant de décrire directement les milieux aquatiques à partir
des habitats et des espèces qui les composent. L’objectif à atteindre devient « le bon état
écologique » des cours d’eau qui doit être compatible avec une pression humaine
raisonnable. Elle traduit donc le passage d’une obligation de moyens vers une obligation de
résultats sur le milieu naturel qui doit être réalisé en 2015 pour le bon état écologique et
chimique des eaux souterraines, des eaux de surface (côtières et continentales), des eaux
artificielles et fortement modifiées, des zones protégées. Elle demande également aux
acteurs de l’eau d’analyser les perspectives d’aménagement du territoire préalablement à la
définition des objectifs qui seront retenus en 2009 en terme de qualité des milieux
aquatiques.

 6 Selon Noël C, ingénieur chargé de mission à la Direction de l’eau, cette participation active
s’app (...)

 7 Cf. Convention d’Aarhus du 23 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public
au (...)

41En outre, elle définit le district hydrographique, comme cadre spatial pour conduire les
actions de la protection des eaux, qui correspond à la notion actuelle de bassin
hydrographique. Des plans de gestion et des programmes de mesures sont prévus pour
chaque district, afin de répondre à l’objectif général de la directive. Elle propose une
démarche et des moyens pour atteindre les objectifs prévus, ainsi qu’un état initial des
eaux. Enfin, elle encourage la participation (art. 14 de la DCE), qu’il faut entendre comme la
participation active6 des parties intéressées, la mise à disposition des informations et la
consultation du public. Précisons que la participation active du public à la mise en œuvre de
la politique de l’eau est fortement encouragée. Elle se situe dans le droit fil de la convention
d’Aarhus7.

Figure 8 : Les directives européennes dans le domaine de l’eau

Agrandir Original (jpeg, 264k)

* Directives destinées à être intégrées dans la directive cadre 2000.


D’après Barbara Bour-Desprez, 2003

42En conclusion, cette rapide chronologie de la gestion de l’eau témoigne à la fois de


l’évolution des modes d’action publique (territorialisés et multi-objectifs) et des processus
de décision (pluri-acteurs et participatifs). Dès lors, se pose le problème de l’articulation,
dans l’espace et dans le temps, entre l’hydrosystème et le sociosystème (les acteurs
présents et leurs activités sur le territoire concerné), ce que mettra en évidence l’évolution
des outils de gestion des risques d’inondation. L’évolution de la gestion de la politique de
l’eau s’inscrit  dans une perspective de gestion intégrée  visant à mieux articuler les enjeux
de développement des territoires et les contraintes de l’hydrosystème. En effet, la
nouveauté, inscrite dans la politique de l’eau, consiste à considérer les hydrosystèmes
fluviaux comme une infrastructure naturelle à vocation patrimoniale et économique, un
bien à préserver pour le développement futur dans l’intérêt de la collectivité. Cette
intégration de l’hydrosystème au cœur des politiques de développement devrait conduire,
selon la loi, à une meilleure prise en compte des échelles spatiales et temporelles
inhérentes au cycle de l’eau.

1.1.5. Les principaux outils de planification de cette


gestion patrimoniale et équilibrée de l’eau au niveau
régional et local : le SDAGE et le SAGE
a) Le SDAGE
43Le SDAGE constitue un outil de planification stratégique fixant, pour une période de 10 à
15 ans, les axes fondamentaux pour assurer une gestion équilibrée de la ressource en eau.
Elaboré sur l’initiative du Préfet par le Comité de bassin, il présente un caractère obligatoire
pour les institutions publiques. Le comité de bassin, qui a la charge d’en assurer le suivi,
voit son rôle politique renforcé et sa légitimité reconnue.

44Institué par la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 comme le prévoient les articles 2 et 3 de la
loi sur l’eau : article 2 : « Les dispositions de la présente loi ont pour objet une gestion
équilibrée de la ressource en eau. ». Cette gestion équilibrée vise à assurer :

45la conservation et le libre écoulement des eaux et la protection contre les inondations  ».
La démarche planificatrice du SDAGE, engagée au plan régional, s’articule avec les grands
axes de la politique de l’eau définis au niveau national. La circulaire du 15 décembre 1994
demande à cet effet aux services extérieurs de l’Etat de s’organiser (réunions de
concertation et arbitrage inter-services), afin qu’ils se mettent d’accord sur la manière de
présenter les priorités nationales auprès des autres partenaires.
46L’ambition du SDAGE est, à travers la gestion équilibrée de l’eau et des milieux
aquatiques, de contribuer à promouvoir un développement social et économique durable.
Le SDAGE s’inscrit dans le cadre d’une hiérarchie d’instruments juridiques nettement
affirmée par la loi entre un niveau global (un ou plusieurs bassins : SDAGE) et un niveau
local (un ou plusieurs sous-bassins : SAGE). Approuvé par le Préfet coordonnateur de
bassin, il détermine des orientations et des objectifs que l’administration et les collectivités
territoriales devront intégrer dans leurs processus de décision.

47Du point de vue de sa nature juridique, le SDAGE est un acte réglementaire dont la portée
vient d’être étendue par la loi du 21 avril 2004, loi de transcription de la DCE, qui prévoit
de renforcer sa portée juridique vis-à-vis des documents d’urbanisme puisque ceux-ci
devront lui « être compatibles ».

48Il présente trois caractéristiques principales :

 il est opposable à l’administration uniquement et ne crée pas de droit, mais détermine


des orientations en matière de gestion de l’eau, des objectifs de quantité et de qualité des
eaux, ainsi que les aménagements à réaliser pour les atteindre ;
 il s’impose à l’administration de manière plus ou moins forte selon que celle-ci
intervient ou non dans le domaine de l’eau.

49L’opposabilité du SDAGE à l’administration

50Le SDAGE est opposable à l’administration, mais pas aux tiers.

51Par administration, il faut entendre Etat, collectivités locales et Etablissements publics. La


loi n’envisage en effet de relations pour le SDAGE qu’avec les « programmes et les
décisions administratives ». En conséquence, personne ne peut se prévaloir de la violation
du SDAGE par un acte privé. En revanche, toute personne intéressée pourra contester la
légalité de la décision administrative réglementaire ou individuelle qui accompagne cet acte
ou toute décision administrative qui ne prend pas suffisamment en considération les
dispositions du SDAGE.

52Toutefois, le SDAGE n’a pas vocation à créer lui-même des règles nouvelles, ni à élaborer
lui-même ses programmes.

53Cette compétence appartient aux autorités de police (préfets, maires, etc.) et de gestion.
L’apport du SDAGE est que ces autorités devront intégrer dans leurs décisions les
orientations, les objectifs, et les règles de gestion qu’il définit. La situation est donc
différente selon que la décision administrative intervient ou non dans le domaine de l’eau.
 8 Les documents d’orientation et de programmation des travaux des collectivités territoriales
et de l (...)

 9 Notion de « décisions administratives dans le domaine de l’eau ». La circulaire du 15 octobre


1992 (...)

 10 Notion de compatibilité : elle est beaucoup moins précise que celle de conformité. Le
rapport de co (...)

54Les programmes8 et les décisions administratives 9 dans le domaine de l’eau doivent être
compatibles10 ou rendus compatibles avec le SDAGE.

 11 Code de l’Urbanisme : aticle L.122-1, al.7, modifié par L.n° 2004-338, 21 avril 2004,
art.7 : JO, 2 (...)

55La notion de « décision administrative  » intervenant hors domaine de l’eau » a été fixée
par la jurisprudence. A priori, ces décisions étaient celles qui n’étaient pas visées par la
circulaire du 15 octobre 1992, mais qui devaient avoir un rapport plus ou moins « évident »
avec l’eau. Parmi ces décisions, on pouvait citer par exemple les P.O.S/PLU. et les SD/SCOT.
La jurisprudence avait précisé la signification juridique de la notion de « prise en compte ».
Toutefois ces décisions ne devaient pas ignorer le SDAGE de manière flagrante, sous peine
d’encourir le reproche d’erreur manifeste par le juge administratif. Désormais, le PLU, SCOT
et la carte communale doivent être compatibles avec les orientations fondamentales d’une
gestion équilibrée de la ressource en eau et les objectifs de qualité et de quantité des eaux
définis par les Schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) en
application de l’article L.212-1 du code de l’environnement ainsi qu’avec les objectifs de
protection définis par les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) en
application de l’article L.212-3 du même code. Cette nouvelle contrainte résulte de la loi du
21 avril 200411 qui transpose en droit français la directive européenne du 21 octobre 2000
établissant le cadre de la politique communautaire de l’eau. La loi impartit aux auteurs du
document d’urbanisme un délai de trois ans pour procéder à sa mise en compatibilité
lorsqu’un SDAGE ou un SAGE est approuvé postérieurement à l’approbation du SCOT, du
PLU ou de la carte communale.

b) Le SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux)  : un


outil de gestion de l’eau, à l’échelle du bassin versant, y compris pour
la lutte contre les inondations
56Le SAGE correspond à un outil de planification opérationnelle fixant, pour une durée de
10 ans, à l’échelle du bassin versant restreint ou d’un système aquifère, les objectifs
d’utilisation, de protection et de mise en valeur de la ressource et des milieux. Une
Commission Locale de l’Eau, composée d’acteurs de statuts différents, est en charge de son
élaboration. Son application est par contre confiée à la Communauté Locale de l’Eau ou aux
maîtres d’ouvrages publics présents sur les bassins versants. Le SAGE rassemble
collectivités, usagers, associations, Etat sur un territoire cohérent autour d’un projet
commun : "satisfaire les besoins de tous sans porter d’atteinte irréversible à
l’environnement". L’initiative d’un SAGE revient aux acteurs locaux. Il permet une
concertation entre les différents acteurs pour décider comment lutter contre les crues,
comment restaurer les paysages riverains. Le SAGE est élaboré, non pas à l’échelle d’une
portion de rivière, mais à celle d’un bassin versant. Face aux problèmes des inondations, le
SAGE est un outil de gestion qui tient compte des solidarités physiques existantes et
humaines (qui restent bien souvent à construire) à l’échelle du bassin versant.

 12 Circulaire du 30 janvier 2004 relative aux contrats de rivière ou de baie et abrogeant la


circulair (...)

57Ces deux outils traduisent la volonté d’adapter les espaces hydrologiques fonctionnels
aux particularités socio-économiques locales. Les SDAGE et les SAGE sont donc présentés,
dans les textes de loi, comme des outils de gestion équilibrée de la ressource en eau aux
échelles régionales (circonscriptions de bassin) et locales (bassin versant, système
aquifère), élaborés à partir d’une démarche participative. On pourrait y ajouter les contrats
de rivière qui, aujourd’hui, tendent à se rapprocher des SAGE. Il s’adressent aux mêmes
acteurs, s’inspirent des mêmes principes et poursuivent un même objectif opérationnel :
développer un mode de gestion équilibré à l’échelle d’un bassin versant. Le SAGE revêt
toutefois une dimension supplémentaire. Sanctionnées par un arrêté préfectoral, ses
orientations ont une portée réglementaire, elles deviennent le cadre de planification de la
politique locale de l’eau. Par ailleurs, il couvre toute la surface du bassin versant ou le seul
linéaire du cours d’eau. Pour mieux répondre aux exigences locales, ces deux outils
complémentaires se relaient sur le terrain. Le contrat peut découler d’un SAGE en offrant un
cadre adapté à la réalisation de certaines de ses orientations sur tout ou partie de son
territoire. A l’inverse, les contrats préalablement engagés représentent un premier
diagnostic du cours d’eau et un apprentissage de la concertation que le SAGE consolide. Il
appartient aux acteurs locaux de choisir la formule qui répond le mieux aux exigences du
terrain. En outre, si le contrat de rivière a pour objectif principal l’amélioration de la qualité
des eaux, il peut également définir des actions nécessaires pour améliorer la protection
contre les crues. Signalons que le MEDD vient de modifier la procédure d’élaboration
desdits contrats afin d’assurer une meilleure cohérence avec les autres politiques locales
liées à la gestion de l’eau 12. Désormais, l’agrément des contrats de rivière ou de baie sera
délivré par le comité de bassin auquel les collectivités locales ont soumis leur projet.
L’agrément devra porter sur les objectifs et moyens mis en œuvre et sur leur cohérence
avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).

58Si aujourd’hui, la gestion des inondations ne peut plus être étudiée ou gérée
indépendamment des autres usages de l’eau, parce qu’elle semblait soulever des questions
spécifiques, l’histoire de la gestion des inondations se différencie pourtant bien de celle de
la gestion de l’eau. Ceci nous conduit à analyser historiquement l’évolution des divers
outils de gestion du risque d’inondation. Cependant, il ne semble pas que cette gestion
puisse être envisagée sans prendre en compte d’autres questions et notamment celles
relatives à l’urbanisation.

2. L’évolution des outils de la politique du


risque ou la prise en compte du risque
d’inondation à travers des documents
spécifiques
2.1. Des Plans de surfaces submersibles (PSS) au
Plan de prévention des risques naturels (PPRN)
59Avant de réfléchir aux moyens qui sont nécessaires pour gérer le risque d’inondation, il
faut d’abord connaître et identifier précisément ce risque. La représentation spatiale du
risque d’inondation est liée à la maîtrise de l’usage des sols. Aussi, la cartographie
réglementaire s’est imposée progressivement comme un instrument de prévention du
risque d’inondation. Bien évidemment, la législation en matière de prévention des
inondations a progressivement évolué en fonction de la prise en compte du risque à travers
la planification mais également à travers la réforme du droit des sols. La notion de
« territoire » inondable s’est déplacée d’une échelle locale vers l’ensemble du bassin de
risque. De même, les critères et les techniques utilisés pour réaliser les documents
cartographiques relatifs aux zones inondées ont évolué.

60Dans un premier temps, les outils de référence s’appliquaient sur des « territoires » du
risque fondés sur l’aléa et illustraient une conception hydraulicienne et techniciste de la
gestion des inondations (PSS). Puis, les outils mis en œuvre ont pris en compte la
vulnérabilité des zones inondables, sans pour autant réglementer de façon pérenne l’usage
des sols en zone inondable (R. 111-3). Enfin, on s’est attaché à inscrire dans un espace
géographique homogène, s’affranchissant par cela-même des limites administratives, le
risque d’inondation par une gestion cohérente à l’échelle du bassin de risque, c’est à-dire à
l’échelle de la vallée inondable et dans certains cas à l’échelle du bassin versant (PER, puis
PPR).

61Cette nouvelle cartographie définit des prescriptions réglementaires basées à la fois sur
les aléas et les enjeux.

 13 Décret-loi du 30 octobre 1935 relatif aux mesures à prendre pour assurer l’écoulement des
eaux, pri (...)

62Ainsi, chronologiquement, la prévention des inondations était d’abord prévue à la fois


pour empêcher les constructions de faire obstacle au libre écoulement des eaux de façon
naturelle, mais également pour conserver les champs d’inondation des cours d’eaux. Le
décret-loi de 193513 instituant les PSS visait les inondations sans permettre pour autant
d’imposer des prescriptions diminuant le risque de crue pour les biens et les personnes.

63L’objectif hydrologique des PSS a montré ses limites avec la croissance urbaine. Ainsi, un
nouvel outil réglementaire fut créé : le périmètre de risque conformément à l’article R.
111.3 du code en l’urbanisme (abrogé en 1995). Il concernait concurremment le risque
d’inondation et le risque lié à l’érosion, le risque lié à l’affaissement de terrains, aux
éboulements et aux avalanches. Son application est restée néanmoins limitée en raison de
conflits avec les collectivités territoriales qui les privaient de terrains constructibles.

 14 Loi du 13 juillet 1982

 15 Art. 5 de la loi du 13 juillet 1982

64C’est pourquoi, en 1982, suite à la loi d’indemnisation des victimes de catastrophes


naturelles14, a été institué le PER (plan d’exposition aux risques naturels) dont l’effet
rétroactif autorise à réglementer l’urbanisation future, mais surtout actuelle. Son lien avec
la loi sur l’indemnisation des catastrophes naturelles oblige les populations à le prendre en
compte. En effet, l’article 5 énonçait que l’Etat était chargé d’élaborer et de faire appliquer
des PER qui « déterminent notamment les zones exposées et les techniques de prévention
à mettre en œuvre tant par les propriétaires que ou par les collectivités ou les
établissements publics »15.
 16 Les PER ont été instaurés par le décret du 3 mai 1984, modifiés par le décret du 15 mars
1993 qui r (...)

65Les PER16 marquent le passage de la cartographie de l’aléa » à la cartographie du risque,


intégrant sans équivoque la vulnérabilité. Pour autant, cette cartographie a connu quelques
dérives liées à l’impossibilité scientifique de justifier de la précision de la valeur des limites
entre les zones d’aléa et les zones constructibles ou non. Nathalie Pottier souligne les
aberrations dans la gestion des zones inondables liées à la délimitation des périmètres
réglementaires qui se font à l’échelle administrative et non plus à l’échelle des bassins
versants (Pottier et Hubert, 1997 ; Pottier, 1998). Par ailleurs, la lourdeur de la procédure
administrative, le manque de concertation dans l’élaboration de ces documents, mais
également des contraintes financières trop fortes pour leurs études sont à mettre en
adéquation avec le faible nombre de PER prescrits (de Vanssay, 1991 et 1995, Dourlens,
1995 et CREDECO, 1994).

66Face à ces difficultés et à la récurrence des inondations, l’Etat a insufflé un nouvel élan à
la prévention des risques lors du comité interministériel du 24 janvier 1994 qui s’inscrit
dans le cadre de la nouvelle politique de prévention des risques.

67Une circulaire interministérielle du 24 janvier 1994 relative à la prévention des


inondations et à la gestion des zones inondables en précise les objectifs : interdire les
implantations humaines dans les zones les plus dangereuses où la sécurité des personnes
ne peut être intégralement garantie ; préserver les capacités d’écoulement et d’expansion
des crues pour ne pas aggraver les risques ; sauvegarder l’équilibre des milieux dépendant
des petites crues et la qualité des paysage.

 17 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de


l’environnement. Le PP (...)

68La loi Barnier du 2 février 1995 17 institue les PPRN (Plan de prévention des risques
naturels) qui se substituent aux autres outils réglementaires et notamment aux PSS, aux
PER ainsi, qu’aux périmètres de risques délimités en application de l’article R. 111-3 du
code de l’urbanisme.

 18 Art. L. 562-1 II du code de l’environnement

69Ils ont pour objet de délimiter les zones directement exposées à des risques et d’autres
zones qui ne le sont pas directement mais où certaines occupations ou certains usages
pourraient aggraver les risques18. Ainsi, le plan de prévention des risques naturels
constitue l’un des instruments essentiels de l’action de l’État en matière de prévention des
risques naturels. Document polyvalent, il peut aussi bien être élaboré pour prévenir les
risques liés aux inondations que ceux résultants des mouvements de terrain, des incendies
de forêt, des avalanches ou encore des séismes. En matière d’inondation il prend le nom de
plan de prévention des risques d’inondation (PPRI).

2.2. Le PPRN
70Le PPRI établit un règlement précisant les règles applicables à l’occupation du sol
(constructions, activités, plantations…) selon les zones concernées. Il est élaboré par l’Etat
en concertation avec les maires, puis il est annexé aux documents d’urbanisme.

 19 Source : Ministère de l’intérieur, Direction de la Défense et de la Sécurité civile, septembre


2003

71Au 31 juin 2002, 3 700 communes étaient dotées d’un PPRN approuvé. Cette progression
par rapport à 2001 est cohérente avec l’objectif de 5000 communes dotées d’un PPR à
l’horizon 200519.

Figure 9 : PPRI prescrits et approuvés

Nombre de communes ayant fait l’objet d’une Nombre de communes ayant fait l’objet d’une
prescription de PPR approbation de PPR

2001 3081 594

2002 1128 668

Au 20 juin
331 183
2003

72Chaque plan se réfère à la crue historique locale la plus forte connue. Il crée des
servitudes rattachées aux plans locaux d’urbanisme (PLU), voire aux anciens plans
d’occupation des sols (POS) et à d’autres documents d’urbanisme comme les cartes
communales.

2.2.1. La démarche
73Les PPRI sont prescrits par arrêté préfectoral. Ils sont instruits par les services de l’État
(Direction Départementale de l’Équipement, Services de la Navigation) sur la base de
travaux réalisés par des bureaux d’études mandatés à cet effet, puis font l’objet d’une
enquête publique et d’avis des conseils municipaux des communes concernées avant d’être
rendus applicables par arrêté préfectoral (Cf. schémas).
74La procédure d’élaboration d’un PPRI doit respecter les règles de concertation de droit
commun en matière d’urbanisme : enquête publique, consultation des communes et autres
organismes, dans certains cas particuliers, étant précisé que tous les avis non rendus au
bout de deux mois sont réputés favorables (C. env., art. L-562-3).

2.2.2. Quelle est sa valeur juridique ?


75La loi impose que les PPRI soient affichés dans les mairies concernées et consultables aux
sièges des Directions Départementales de l’Équipement (DDE). Concernant leur valeur
juridique, les PPRI valent servitude d’utilité publique dès leur approbation. Cela signifie que
leur application doit être immédiate et obligatoire. Les maires ont un délai de trois mois,
après cette approbation par le Préfet, pour les annexer aux Plans Locaux d’Urbanisme
(article L. 126-1 du Code de l’Urbanisme). De même, ils doivent être annexés au plan
d’aménagement de zones (PAZ) lorsqu’ils portent sur un territoire couvert par une zone
d’aménagement concerté. Malgré cette annexion au POS/PLU, la servitude résultant du
PPRN n’est pas au nombre des servitudes visées à l’article L. 160-5 du code de l’urbanisme,
lesquelles peuvent être indemnisées dans des cas exceptionnels : CAA Nancy, 10 avril
2003, Sté Le Nid, req. N° 97NC02711.

 20 Art. L. 562-2 du code de l’environnement

76En cas de non-respect, par les tiers, des prescriptions du PPRI, des sanctions pénales
peuvent être appliquées, conformément à l’article L. 480-4 du Code de l’Urbanisme (C.
env., art. L. 562-5, al. 1). Cette disposition issue de la loi Barnier constitue une avancée en
ce qu’elle consacre une nouvelle infraction. Le préfet peut également, en cas d’urgence et
après informations des maires, rendre immédiatement opposables certaines mesures du
projet de PPR (application par anticipation) « lorsque l’urgence le justifie, le préfet peut,
après consultation des maires concernés, rendre le projet de plan immédiatement
opposable à toute personne publique ou privée, avant même le déroulement de l’enquête
publique »20.

2.2.3. De quoi est fait un PPRI ?


77Un plan de prévention des risques d’inondation se compose de trois documents :

 une notice de présentation


 un recueil de documents graphiques
 un règlement
La notice de présentation
78Elle expose l’ensemble des éléments utiles à la compréhension de la démarche globale de
gestion des inondations. Ainsi, elle précise le ou les secteurs concernés par le plan, la
nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles. Elle
précise également, dans le détail, les éléments législatifs, réglementaires et juridiques qui
encadrent la démarche du PPRI.

79Le contrôle exercé par le juge vise à examiner si, la notice de présentation ne comporte
aucune erreur ou omission susceptible d’entacher d’illégalité l’approbation du plan dans
son ensemble : TA de Nice 23 mars 2000, GAEC de la Levande c/Préfet des Alpes-
Maritimes, req. n° 99-1285, et n° 99-1675. Toutefois, le juge exerce exceptionnellement un
contrôle normal sur le zonage du PPR : TA Lille 23 avril 2001, Melle Vandroy et a./Préfet du
Nord-Pas-De-Calais, req. n° 99-1469, n° 99-1470, n° 99-1522, n° 99-1603, n° 99-1619.

Le recueil de documents graphiques


80Il permet de préciser les aléas considérés dans le plan et de déterminer le zonage
réglementaire. C’est ce dernier qui permettra de visualiser, secteur par secteur, l’ensemble
des servitudes imposées par le plan. Il doit être précis, car le juge exerce sur le zonage du
PPR un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

Le règlement
81Il précise les prescriptions, interdictions et recommandations afférentes à chaque secteur
du zonage. Dans la mesure où il existe au moins deux types de zones :

 des zones exposées à des risques (C. env., art. L. 562-1-II-1°) ;


 des zones non directement exposées à des risques, mais où l’utilisation du sol pourrait
provoquer ou aggraver des risques (C. env., art. L. 562-1-II-2°).

82Il comprend au moins deux articles : un article introductif et un article par type de zones
délimitées dans les documents graphiques.

83Conformément à l’article L. 562-8 du code de l’environnement, il peut également


désigner des zones inondables à conserver en tant que champ d’expansion de crues. Enfin,
le recours aux trois types de zones (rouge, bleue, blanche), selon l’intensité du risque
encouru, n’est plus obligatoire.

2.2.4. Réalisation du zonage réglementaire


 Le zonage réglementaire du plan résulte du croisement de la carte des aléas et du
zonage urbanistique et traduit, graphiquement, les objectifs généraux fixés initialement.
Afin de tenir compte des réalités du terrain (économiques, écologiques, etc.), deux zones se
rajoutent au zonage urbanistique, des secteurs à enjeux et des zones de reconquête.
 Ces zonages sont finalement matérialisés sur un support cartographique permettant de
visualiser les servitudes auxquelles sont soumis les différents périmètres
 L’établissement du zonage urbanistique s’appuie à la fois sur une analyse de l’actuelle
occupation des sols et sur les volontés ou projets de développement et d’urbanisation
exprimés par les collectivités.
 L’analyse de l’occupation des sols actuelle correspond à la prise en compte de la réalité
urbaine du terrain, les objectifs de protection étant variables en fonction du tissu rencontré.
Figure 10 : Zonage et servitudes (d’après Prim net)
Agrandir Original (jpeg, 608k)

2.2.5. Réalisation d’un zonage urbanistique


84Cette occupation est répertoriée en trois catégories : les centres urbains (historiques,
denses, mixtes…), les espaces bâtis (plus récents, faible densité, peu de mixité, et les
espaces non bâtis (tous les autres espaces). Cette première caractérisation permet de faire
ressortir les enjeux et de déterminer les actions potentielles. Dans un second temps, sont
examinées les volontés des collectivités en matière de développement.

 La difficulté réside dans la prise en compte d’une nécessité économique, urbanistique et


sociale tout en intégrant une logique de préservation des personnes et des biens à venir.
 La volonté d’occupation des sols est, elle aussi, répertoriée en trois catégories : les
espaces urbanisés, les zones de constructibilité importante et les espaces urbanisables.

85Les PPR symbolisent une nouvelle cohérence territoriale dans la mise en œuvre des outils
réglementaires de prévention, car ils permettent de réglementer l’usage des sols dans les
zones exposées existantes et futures, dans une perspective durable. A ce titre, signalons
que le Conseil d’Etat a jugé sur conclusions contraires du commissaire de gouvernement,
que le PPR constitue un document d’urbanisme à part entière, auquel s’applique la
notification prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme : CE, avis du 3 décembre
2001, SCI des 2 et 4 rue de la Poissonnerie, req. n° 236910, JO 24 janvier 2002, p. 1639.

 21 Cités par Ogé F. et Romi R, 2003, Etat du droit et prospective, in « Territoires : face aux
risques (...)

86Si cette mise en carte des risques est une façon de les rendre visibles et finalement de les
prendre en compte, elle n’est pas à l’abri de certaines critiques. Notamment, en raison des
enjeux qui leur sont liés, ces documents sont présentés comme étant strictement
« administrés », alors qu’en réalité ils font l’objet de multiples et incessantes négociations.
En effet, la prise en compte des risques d’inondation est localement balancée par la volonté
de préserver des possibilités de développements économiques, touristiques, voire par le
seul souci de maintenir la valeur des patrimoines. Ainsi, la mission interministérielle
d’expertise constatait en 2001 à propos des inondations en Bretagne « l’examen des PPR
conduit à se demander si toutes les données ont été recherchées et si les données
disponibles n’ont pas fait l’objet de négociations pour rendre l’aléa présentable »21.

 22 On pourrait citer d’autres rapports rédigés par Mariani T. Dauges y, Fleury J., Le Déaut J.Y.
et bi (...)
87Par ailleurs, c’est oublier que la prévention des risques naturels est extrêmement
complexe, comme cela a été souligné par certains rapports 22 et notamment le rapport
Bourrelier (Bourrelier, 1997).

Figure 11 : La procédure d’élaboration des PPRI (d’après Prim net)


Agrandir Original (jpeg, 200k)
88En effet, la délimitation du champ d’expansion de crue dans ces plans est effectué par
référence à un niveau d’aléa défini à partir des hauteurs d’eau supposées, de la durée de
submersion, ou de la vitesse d’écoulement de l’eau comme déjà souligné précédemment.
Mais une légère incertitude demeure qui peut sur le terrain se traduire par une
surestimation ou une sous-estimation de la zone d’expansion de crue. Dans la pratique, les
maires sont réticents face à ce zonage qui peut entraîner une variation de plusieurs
hectares pour un périmètre concerné.

89La crue de référence retenue dans le Nord-Pas-de-Calais est la crue centennale à défaut
de référent historique important dans la région par manque d’information ou l’existence
d’informations obsolètes en raison d’une profonde artificialisation des écoulements. Le
niveau d’aléa a été défini à partir des hauteurs et des durées de submersion, les vitesses
étant dans ce cas un critère secondaire pour la plupart des cours d’eau

 23 Padioleau J. G, (2003), inondation : la corruption du Régalien », in Pouvoirs locaux,


Territoires f (...)

90Enfin, signalons avec Jean-Gustave Padioleau que le PPR ne peut se réduire au traitement
de risques négatifs. A ces risques négatifs, écrit-il, s’adjoignent des risques positifs du
développement de l’emploi ou de la valorisation de patrimoines touristiques. La
représentation de ces « risques janusiens »23 doit être une idée motrice pour la conduite
des politiques de prévention.

91Paradoxalement, c’est par les outils réglementaires imposant normes et contraintes


d’usage du sol et de l’eau que sera abordée la gestion intégrée. En effet, en matière de
gestion intégrée de l’eau, la France a adopté une position de compromis qui est à la fois
favorable à l’émergence de niveaux subsidiaires s’inscrivant dans une logique
communautaire de participation (comité de bassin et commissions locales de l’eau) et au
maintien de prérogatives au sein de l’Etat. Parce que les solidarités communautaires
d’usage de l’eau et des milieux aquatiques ne vont pas de soi et ne peuvent pas s’établir
qu’entre membres d’une seule communauté, il est nécessaire que s’exerce la vigilance de
l’Etat, dépassant les intérêts locaux (tensions entre l’amont et l’aval d’un cours d’eau sur
les questions de risques hydrologiques par exemple) ou même les intérêts à l’échelle d’un
bassin versant (transferts d’eau inter-bassins). Par ailleurs, même si les enjeux sont
multiples, la gestion du risque d’inondation doit s’articuler avec les politiques
d’aménagement du territoire. Tout le monde s’accorde à dire qu’il convient de passer de
l’aménagement du territoire au « ménagement du territoire ». Néanmoins, là encore des
discordances peuvent avoir lieu, et notamment quant aux logiques de gestion du territoire,
liées à des temporalités d’actions différentes, tout autant qu’au rapport qu’entretient
effectivement chaque acteur au territoire et à sa fonction dans le groupe considéré.

3. Vers un aménagement durable du


territoire
 24 On définit ainsi la période s’écoulant de 1945 à 1975.

92Globalement, l’aménagement du territoire se situe entre permanence et changements,


mais ces derniers prévalent notamment du fait de la décentralisation et de la montée de la
question environnementale. Plusieurs indices témoignent qu’il y a véritablement une
rupture entre l’aménagement du territoire tel que les textes l’énoncent aujourd’hui et
l’aménagement du territoire tel qu’il été conçu pendant ce qu’il est convenu d’appeler
« l’âge d’or »24.

 25 Fialaire J. citant Becet J. M, (2004), Le renouveau de l’aménagement du territoire,


L’harmattan, p. (...)

 26 Selon l’expression employée à l’article L. 110 du code de l’urbanisme.

 27 Fialaire J., (2004), Le renouveau de l’aménagement du territoire, L’harmattan, p. 21

93Ainsi, d’abord « promoteur de grands équipements collectifs »25, l’Etat s’est transformé


en gardien du « patrimoine commun de la Nation »26. Le renouveau de l’aménagement du
territoire est, comme le souligne Jacques Fialaire, marqué à la fois par sa transversalité, sa
finalité et son appel au partenariat. Contrairement à d’autres politiques, l’aménagement du
territoire n’a pas été conçu comme une politique sectorielle mais bien au contraire comme
une politique globale « interagissant entre différents secteurs où l’action publique se
réalise au moyen de politiques structurantes »27 (l’urbanisme à titre d’exemple).

94Paradoxalement, la prise en compte de cette transversalité n’est effective que depuis peu
de temps.

 28 Loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement du


Territoire, (...)

 29 Loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement


durable du terri (...)
 30 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000

 31 99-586 du 12 juillet 1999 Loi relative au renforcement et à la simplification de la


coopération int (...)

 32 Loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003

95Plusieurs lois inscrivent l’aménagement du territoire dans le champ du développement


durable et mettent en œuvre des orientations destinées à refonder les principes et les
objectifs de l’aménagement du territoire. Dorénavant, les textes privilégient une logique de
projet territorial de développement au service du développement durable, obligeant les
collectivités territoriales à prendre en compte la dimension environnementale. Tel est
l’esprit de la LOADT28 du 4 février 1995 modifiée par la loi « Voynet », loi d’orientation
pour l’aménagement et le développement durable du territoire 29 qui crée les DTA
(Directives territoriales d’aménagement), les pays et les agglomérations, mais également de
la loi SRU du 13 décembre 2000 30 qui crée les SCOT (Schéma de cohérence territoriale) et
les PLU (Plan local d’urbanisme), et de la loi sur l’intercommunalité du 12 juillet 1999 31 qui
crée les communautés d’agglomérations et les communautés de communes. C’est
également le cas de la loi « Robien » du 2 juillet 200332 qui modifie notamment certaines
dispositions du pays et du SCOT.

96Longtemps, l’aménagement et l’urbanisation ont ignoré le risque. A la prévention, on a


fréquemment préféré la mise en œuvre de protections visant à limiter l’aléa en empêchant
la réalisation du phénomène. Entre la négation du risque de naguère et l’interdiction de
toute modification d’un site, tout un éventail de possibilités existe. En ce sens, la question
des risques constitue un facteur essentiel en terme de renouvellement de cette politique.
Leur prise en compte dans les politiques d’aménagement du territoire représente un enjeu
important pour la gestion de l’eau. Désormais, s’il n’est plus concevable d’hypothéquer les
conditions de développement et de croissance, il convient de prendre en compte la
multifonctionnalité des zones inondables lors des réflexions d’aménagement. D’autant que
ces zones peuvent aussi offrir des opportunités d’aménagement.

97Dans cette perspective, l’Etat a envisagé des stratégies de remédiation et de reconquête


de certaines zones à risque.

98Ainsi, l’étalement urbain, la création de lotissements ou de zones d’activités,


d’équipements, dans le lit majeur des fleuves ou dans des zones d’expansion naturelle des
crues qui aggravaient les risques d’inondation sont désormais strictement contrôlés, voire
interdits.

99Dans ces conditions, tout aménagement du territoire ne saurait ignorer l’impact possible
du mode d’occupation des sols sur le fonctionnement des milieux.

100A cet égard, l’Etat n’est plus le seul promoteur de l’aménagement. Certes, il fixe les
objectifs par le biais de documents prospectifs comme des schémas sectoriels ou des lois
de programmation : tous les documents inférieurs jusqu’au PLU doivent être compatibles.

101Certaines lois affirment que le développement du territoire doit être durable. Nous ne
nous interrogerons ici ni sur le sens de ce qualificatif, ni sur sa portée contraignante, en
revanche, au-delà de l’effet de mode, cette référence explicite de la loi « Voynet » dans son
titre au développement durable doit être soulignée.

 33 Art. L. 333-1 à L. 33-4 du cde de l’environnement ; Art. R. 244-1 à R. 244-16 du code rural

 34 Art. 10 à 21 de la loi modifiée du 4 février 1995.

102Cette démarche durable de développement des territoires se retrouve autant dans les
chartes des PNR33 (parcs naturels régionaux) que dans le schéma de service collectif des
espaces naturels et ruraux (Loi du 25 juin 1999) 34 qui ont pour but de fixer les orientations
permettant le développement durable de ces espaces en prenant en compte l’ensemble des
activités qui s’y déroulent, leurs caractéristiques locales ainsi que leur fonction
économique, environnementale et sociale. Des actions en faveur de l’environnement et
notamment d’information du public ou d’éducation peuvent y être menées. Certes, il ne
s’agit pas d’outils directement opérationnels de type SCOT et PLU mais une fois approuvés,
les documents d’urbanisme ainsi que les chartes de pays doivent leur être compatibles.

 35 Art. 22 de la loi modifiée du 4 février 1995 ainsi que les articles 95 à 97 de la loi « Robien »
du (...)

 36 Art. 23 de la loi modifiée du 4 février 1995 ; décret 2000-1248 du 21 décembre 2000 relatif
aux pro (...)

 37 Art. 34 de la loi du 7 janvier 1983 ; circulaire du 5 juillet 2001 relative à l’intégration de


l’en (...)
103Par ricochet, les pays35 et les agglomérations36 doivent prendre en compte un certain
nombre d’enjeux et notamment, ceux qui sont identifiés par les SSC (Schémas de service
collectif). Quant aux pays, tout comme les agglomérations, ils peuvent constituer de
nouveaux relais pour la mise en œuvre d’actions locales dans le domaine de l’eau. Enfin, le
schéma régional d’aménagement37 du territoire fixe les orientations à moyen terme du
développement durable du territoire régional en définissant les principaux objectifs relatifs
à la localisation des grands équipements, des infrastructures et des services d’intérêt
général. Ils doivent être eux-mêmes compatibles avec les SSC.

104Le contrat de plan Etat-Région (CPER) finance les orientations retenues dans les SRADT
et il comprend également un volet territorial consacré aux contrats de pays, aux contrats
d’agglomération, aux contrats de PNR.

105Tous concourent à une politique durable en matière de développement économique et


social, d’éducation et de formation du public et de protection de l’environnement.

106En résumé, comme le souligne Jacques Fialaire, la politique d’aménagement du territoire


prend en compte le développement durable en s’appuyant sur :

 le développement régional durable  : on passe d’un monopole d’intervention de l’Etat à


une «  cogestion  » régionale.
 l’organisation solidaire des territoires construite sur des logiques de partenariats
économiques et institutionnels ayant la double préoccupation de créer des espaces
pertinents au regard des réalités du développement économique et de la vie collective d’une
part, d’accroître l’initiative des citoyens et leur participation à la décision publique d’autre
part. L’aménagement du territoire se territorialise, ce qui pose la question de la recherche
des meilleurs échelons d’aménagement du territoire et conduit à l’édification d’une
pyramide qui n’est pas la pyramide administrative classique.
 la préservation du cadre de vie dans la diversité des territoires
 la participation des citoyens aux grands projets  » grâce à la procédure de débat public
conformément à l’article1 loi du 25 juin 1999 ; « les citoyens sont associés à son
élaboration et à sa mise en œuvre ainsi qu’à l’évaluation des projets qui en découlent  »

107Par ailleurs, la problématique du développement durable appliquée à la ville implique la


maîtrise de l’urbanisation dans les zones plutôt à proximité des aires vulnérables au risque
d’inondation et constitue un des axes de la politique de prévention. En effet, la réduction
du nombre de personnes exposées, mais aussi la mise en valeur de certains espaces
amènent une meilleure protection des personnes.
3.1. Risques et documents d’urbanisme : quels liens
entre les documents d’urbanisme et les outils
spécifiques de qualification et de gestion des risques
naturels ?
108L’urbanisme n’ignore pas les risques naturels. Le contenu des documents d’urbanisme
et la délivrance des autorisations d’utiliser et d’occuper le sol doivent prendre en compte
l’existence et la nature des risques. Quels rôles jouent-ils en matière de prévention des
risques et quels sont les liens qu’ils entretiennent avec les documents spécifiques à la
gestion des risques ?

109La plupart de ces mesures sont régies par le code de l’urbanisme et sont dotées d’une
portée juridique. On distingue la prévention issue :

 des règles générales de l’urbanisme


 des PIG (projets d’intérêt général)
 des documents d’urbanisme
 les autorisations d’urbanisme

3.1.1. Les Règles générales de l’urbanisme


 38 Gazette du Palais, 25 décembre 1994

110Ces règles ne s’appliquent pas aux communes dotées d’un POS/PLU et pas non plus
totalement au communes ayant des cartes communales. Toutefois, l’article L. 111-1 du
code de l’urbanisme précise que des dispositions réglementaires préciseront « celles de ces
règles qui sont ou peuvent néanmoins demeurer applicables sur les territoires couverts par
ces documents ». Il en est ainsi de l’article R. 111-2 qui prévoit que « Le permis de
construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de
prescriptions spéciales si les constructions, par leur situations ou leurs dimensions, sont de
nature à porter atteinte à la sécurité ou à la salubrité publiques  ». Cet article a été modifié
par le décret du 12 octobre 1998, afin de le rendre applicable aux constructions générant
le risque, mais également à celles susceptibles de le subir (TA Versailles, 16 novembre
1993, Association de préservation de la qualité de la vie et des sites du Loing) 38. En
l’occurrence, le tribunal administratif a estimé entachée d’erreur manifeste d’appréciation
la délivrance du permis de construire visant à réaliser un ensemble de logements en zone
inondable de grand écoulement d’une rivière connue pour ses crues fréquentes.
111Afin que les communes et groupements de commune puissent mettre en œuvre ces
principes, rappelons que l’Etat doit recueillir toute information relative aux risques et
fournir aux collectivités les études techniques dont il dispose en matière de prévention de
risques par le biais du « porter à connaissance ».

Le principe d’équilibre
 39 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée par loi SRU n° 2000-1208 du 13 décembre 2000,
art. 1 -A, II (...)
er

112L’article L. 121-139 du code de l’urbanisme concerne les dispositions générales


communes aux SCOT, PLU et aux cartes communales, qui « déterminent les conditions
permettant d’assurer  »  :

113[…] 3° la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des
pollutions et des nuisances de toute nature ».

 40 BJDU 1998, n° 1, conclusion Poujade, p. 21

114Ces dispositions concernent désormais les cartes communales et les DTA et


conditionneront la validité des documents d’urbanisme (TA Nice, 25 septembre 1997,
Préfet des Alpes-Maritimesc/Commune de Mandelieu-La-Napoule, req. N° 971701) 40.

3.1.2. Le Projet d’intérêt général (PIG)


 41 Art. L 121-9 depuis la loi SRU du 13 décembre 2000, ancien article L. 121-12. Le PIG est
pris par a (...)

115Instauré dans le cadre de la décentralisation 41, le PIG constitue pour l’Etat le moyen
juridique de faire prendre en considération des réalisations aux acteurs locaux désormais
compétents en matière d’urbanisme. Le PIG peut intervenir dans des cas ponctuels ou à
titre provisoire en attendant la réalisation d’un PPR.

116L’article R. 121-3 du code de l’urbanisme en précise le contenu : « peut constituer un


projet d’intérêt général […] tout projet d’ouvrage, de travaux ou de protection présentant
un caractère d’utilité publique et répondant aux conditions suivantes ».

1171. Etre destiné à […] la prévention des risques…  ».

118Ce texte concerne la prévention des risques naturels et permet de qualifier de PIG une
zone inondable comme l’a jugé le tribunal d’Orléans : TA Orléans, 9 juillet 1998,
Association de défense des communes riveraines de la Loire et a. req. n° 95-1941. Les
documents d’urbanisme doivent permettre la réalisation d’un PIG, ou tout au moins ne pas
le compromettre ou rendre plus difficile sa réalisation.

3.1.3. Les documents de planification à portée


réglementaire prenant en compte le risque
d’inondation : SCOT et PLU et carte communale
Le SCOT42 (Schéma de cohérence territoriale)
 42 Art. L. 122-1 et s. du code de l’urbanisme.

 43 BJDU 1999, n° 1, p. 21

119C’est une des innovations de la loi SRU qui permet d’intégrer à la stratégie de
développement urbain durable les diverses questions qui en déterminent l’évolution : « Les
schémas de cohérence territoriale […] définissent notamment les objectifs relatifs […] à la
prévention des risques ». Ces schémas comprennent un rapport de présentation, un
document d’orientation dénommé Plan d’aménagement et de développement durable
(PADD), des documents cartographiques. Concrètement, la prise en compte des risques par
le SCOT se manifeste dans le rapport de présentation qui définit les objectifs à atteindre en
matière de prévention des risques, mais également dans les documents graphiques qui
doivent délimiter « les espaces et sites naturels ou urbains à protéger  ». Ainsi, les secteurs
soumis aux risques naturels ou technologiques seront identifiables de façon précise et
devront être pris en compte par le PLU ou la carte communale (CAA Paris, 23 juin 1998,
Syndicat intercommunal d’études et de programmation pour la révision du SD des deux
Morins, req. n° 97PA00584)43.

Le PLU (Plan local d’urbanisme)44


 44 Art. L. 123-1 du code de l’urbanisme (modifié par Loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 relative
à l’en (...)

120Document de référence de la réglementation urbaine locale, la loi SRU l’a transformé en


instrument porteur d’un projet urbain et générateur de conditions d’utilisation du sol et de
l’espace et de l’aménagement. Il est composé d’un rapport de présentation, d’un PADD
(Projet d’aménagement et de développement durable), de documents cartographiques, d’un
règlement et enfin d’annexes qui comprennent la liste des servitudes d’utilité publique et,
en particulier, le PPR. Comme nous l’avons évoqué dans le chapitre précédent, le PPR
constitue l’un des instruments essentiels de l’action de l’Etat en matière de prévention des
risques naturels. Les documents d’urbanisme doivent relayer ses délimitations et limiter
l’urbanisation des zones concernées. Toutefois, en cas de contradiction entre les
dispositions des documents, la mise en conformité du document d’urbanisme ne nécessite
pas une révision ou une modification immédiate. Elle peut intervenir lors de la prochaine
révision ou modification. Si elles ne sont pas annexées au POS ou au PLU, les servitudes
cessent d’être opposables aux demandes d’utiliser ou d’occuper le sol à l’expiration d’un
délai d’un an à compter de leur inscription ou de l’approbation du POS ou du PLU. Dès lors,
si le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI)
ne procède pas à la mise à jour du document, le préfet doit le mettre en demeure d’annexer
la servitude au plan et y procéder d’office si cela n’a pas été fait dans un délai de trois
mois.

 45 U (Zone urbaine) ; AU (Zone à aménager) ; A (Zone agricole) ; N (Zone naturelle)

121Le PADD, nouveauté instituée par la loi SRU dont la portée a été réduite par la loi du 2
juillet 2003, ne fait pas référence explicitement aux risques naturels. En revanche, l’article
R. 123-9 du code de l’urbanisme énumère les différentes zones du plan qui peuvent figurer
dans le règlement. Quatre catégories (U, AU, A, N) 45 peuvent faire apparaître, s’il y a lieu,
les « secteurs où les nécessités du fonctionnement de services publics, de l’hygiène, de la
protection contre les nuisances et de la préservation des ressources naturelles ou
l’existence de risques naturels, tels que les inondations […] justifient que soient interdites
ou soumises à des conditions spéciales les constructions et installations de toute nature,
permanente ou non, les plantations, dépôts, affouillement, forages et exhaussements des
sols ». On remarquera que contrairement aux anciennes zones ND, les risques peuvent être
localisés dans n’importe quelle zone.

Les cartes communales


 46 Art. L. 124-1 du code de l’urbanisme

122«  Les communes qui ne sont pas dotées d’un PLU peuvent élaborer, le cas échéant dans
le cadre de groupement intercommunaux, une carte communale précisant les modalités
d’application des règles générales d’urbanisme prises en application de l’article L. 111-
1  »46. Elles doivent assurer la prévention des risques naturels au travers du rapport de
présentation et des documents graphiques.

3.1.4. Les autorisations d’urbanisme


 47 Art. L. 410-1 du code de l’urbanisme
123Il s’agit du certificat d’urbanisme47 et du permis de construire qui doivent tenir compte
des servitudes portées au PLU, notamment celles qui sont relatives aux zones de risque :
CAA Nantes, 7 juillet 1999, Mme Odile Noe, req. n° 98NT01017. En ce qui concerne la
demande de permis de construire en zone inondable, son instruction pourra être assortie
de prescriptions particulières.

124L’appropriation des risques par les différents acteurs est non seulement fonction des
enjeux auxquels ils peuvent correspondre, mais aussi des moyens et outils qui peuvent être
utilisés, mobilisés pour effectuer cette appropriation. Dans cette perspective, il apparaît
particulièrement utile de définir le niveau pertinent de gestion du risque.

3.2. Quelles échelles territoriales pour le risque et


quelle synergie entre les outils d’aménagement du
territoire et les outils à l’échelle du bassin versant  ?
3.2.1. Echelles et articulations
125La connaissance et la gestion des risques naturels imposent de s’affranchir des limites
administratives pour prendre en compte des territoires pertinents de gestion du risque. Il
est difficile de délimiter avec précision le territoire du risque, car cette délimitation suppose
des études renouvelées et approfondies des zones concernées. Par ailleurs, cela ne règle
pas vraiment les situations antérieures à cette délimitation. Ainsi, la territorialisation du
risque doit être envisagée sous la forme d’une reconfiguration territoriale, intégrant à la
fois les zones inondables immédiatement concernées, mais aussi celles qui sans être
directement exposées, contribuent à la formation du risque (bassin versant). De la même
façon, il ne s’agit pas tant de composer un territoire institutionnel du risque, mais
davantage de composer avec ce territoire fonctionnel ou cet espace hydrologique.

126La tendance actuelle des politiques d’aménagement du territoire comme celle de la


politique de l’eau est de s’appuyer sur des territoires qui non seulement transcendent les
limites administratives, mais qui de surcroît ne sont pas identiques. Chaque territoire
répond à une logique propre et ne prétend pas faire coïncider son périmètre d’intervention.
A titre d’exemple, le périmètre du SAGE ne prétend pas correspondre à celui du SCOT, mais
il convient de prendre en compte les enjeux identifiés par l’un et par l’autre. En effet,
comment imaginer que des travaux et études financés par un contrat de rivière à l’échelle
du bassin versant pour lutter contre des inondations, relayés dans un PPR par la création de
zones d’inconstructibilité soient remis en cause dans un projet de SCOT et/ou de PLU ?
C’est bien la cohérence dans la démarche qui serait en cause et qui finalement mettrait les
personnes et les biens en situation d’insécurité.

3.2.2. Comment s’organisent les modalités de


coopération entre ces territoires ?
127En pratique, il ne s’agit pas pour chaque territoire d’agir en toute liberté, mais au
contraire de se conformer à un certain nombre de principes directeurs communs définis
tant au niveau communautaire qu’au niveau national comme au niveau des circonscriptions
de bassin (SDAGE). Cette notion d’échelle doit sous-tendre les réflexions pour concilier au
mieux la prévention du risque d’inondation avec les enjeux de l’aménagement et du
développement.

1. Le bassin versant, un territoire de projet prenant en compte le


risque d’inondation
 48 Les formes de coopération intercommunales consacrées par les lois du 5 février 1992 et du
6 février (...)

 49 Loi n° 92-3 du 3 janvier 1992, modifiée par la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 et par
la loi n°  (...)

128Les processus de recomposition territoriale issus des nouvelles lois d’aménagement du


territoire48 incitent, tout comme la loi sur l’eau 49, à se détacher des échelons traditionnels
et à construire des intercommunalités de taille pertinente (Marcelpoil et al., 1999), qui
permettraient de combiner espaces hydrologiques et territoires institutionnels (Lefevre,
1995).

129Ainsi, les politiques d’aménagement du territoire se conçoivent aujourd’hui autour de la


notion de « projet de territoire ». En effet, qu’il s’agisse de SCOT, de PLU, d’agglomération
ou de pays, il ne s’agit pas tant d’édicter dans un cas de la réglementation et dans l’autre,
de « flécher » des financements sans avoir de réflexion approfondie sur des objectifs plus
généraux. Ces projets territoriaux doivent poursuivre un objectif de développement durable
intégrant notamment l’environnement et pour certains d’entre eux un volet « eau », prenant
en compte le risque naturel.

 
130Leur territoire d’intervention pertinent correspond à un bassin de vie ou à un bassin
d’emploi, voire à un territoire vécu. Il est donc essentiel de faire jouer les synergies entre
les outils des deux politiques, qu’il s’agisse d’outils réglementaires directement liés à l’eau
(PPR) ou non (SCOT, PLU).

131Cette synergie peut s’effectuer de façon optimale au sein du bassin versant qui constitue
une entité pour une gestion globale et intégrée de l’eau, car c’est à l’intérieur de ses
frontières que les activités humaines (urbanisation, agriculture, tourisme, industrie, etc…)
et les aménagements influencent la sécurité des milieux et la sécurité des populations, de
l’amont vers l’aval.

132De cette façon, les PPRI habituellement élaborés à l’échelle communale ou


intercommunale seront consolidés à l’échelle du bassin versant. Pareillement, les SCOT qui
ont une influence sur le fonctionnement du bassin versant prendront en compte les
questions de ruissellement urbain.

133Dans cette perspective, la complémentarité des outils d’analyse du fonctionnement


global du bassin versant (SAGE, contrats de rivière,…) et des outils régissant l’occupation
des sols (SCOT, PLU, PPRI) est évidente. Les SAGE et contrats de rivière établissent le cadre
pertinent d’analyses des SCOT et des PLU. Ces derniers rendent pleinement opérationnels
les SAGE et contrats de rivière qui ne peuvent établir eux-mêmes des servitudes
d’utilisation des sols opposables aux tiers.

 50 Cf. Vitali D., (2003), « Le bassin versant comme territoire des possibles », Méditerranée,
n° 12 p. (...)

134Si le débat50 tourne encore parfois autour de la pertinence de la gestion par bassin


(optimum dimensionnel), on parle davantage aujourd’hui de gestion intégrée montrant
ainsi que le rôle de l’eau doit être abordé dans un contexte plus large que le bassin et son
hydrologie (écologique, économique, commercial, et sociopolitique), d’où la notion de
gestion intégrée par bassin. Dans cette logique organisationnelle, on conçoit que de
nouveaux territoires puissent servir de référence pour envisager une structuration
administrative de l’espace qui permettrait de dépasser le cadre communal, considéré
comme trop restreint pour gérer une politique de prévention des inondations et de
protection de la ressource en eau (Scarwell et Laganier, 2002).

135A première vue, il peut sembler absurde de poser la question du rôle du bassin versant,
tant la réponse paraît évidente, dans la mesure où il constitue bien le cadre d’une gestion
territoriale et intégrée de l’eau, dans le respect des équilibres naturels. Pourtant, la
question de son articulation avec les autres cadres territoriaux existants est tout à fait
justifiée au regard des problèmes ou des interrogations qu’elle soulève. En effet,
l’articulation entre les cadres territoriaux existants et l’échelle hydrologique la plus
pertinente (Vanier, 1999), le bassin versant, semble a priori nécessaire pour une meilleure
appropriation par les acteurs de ce nouvel espace. Or, le bassin versant est avant tout un
espace physique dont les limites reposent sur des considérations hydrologiques,
morphodynamiques ou écologiques. Par ailleurs, la gestion des inondations peut être
menée à l’intérieur du périmètre du SAGE, ainsi que dans celui du SCOT, dont une partie se
situe dans le périmètre du SAGE. C’est pourquoi, en matière de gestion du risque
d’inondation, il ne convient pas tant de raisonner en terme de territoire, mais plutôt en
terme de projet. A ce titre, le bassin versant est bien l’unité physique, la bonne échelle de
gestion du risque d’inondation, mais également celle qui permet de mettre en cohérence la
politique de l’eau avec les autres politiques (domaine économique environnemental,
touristique, urbanistique, agricole etc.) menées sur ce même bassin. Cette gestion globale
par bassin en terme d’aménagement du territoire constitue le niveau de référence des
interventions de l’Etat, des agences de l’eau et des collectivités territoriales et de leurs
groupements. La retranscription de la DCE en droit français devrait prendre en compte les
potentiels à la fois économique, social et environnemental liés à l’aménagement et à la
gestion des cours d’eau, dans une démarche de développement durable, et en considérant
les espaces et structures naturels des fleuves comme des infrastructures naturelles.

136Quoi qu’il en soit, la gestion du risque d’inondation implique encore l’identification


d’une structure de bassin capable d’assurer la maîtrise d’ouvrage, adaptée à la mise en
œuvre d’une réelle stratégie de prévention et dotée de moyens financiers, afin d’assurer ses
missions à l’échelle des bassins versants.

Figure 12 : Structure porteuse et gestion par bassin versant


Agrandir Original (jpeg, 268k)

Figure 13 : Echelles et outils réglementaires d’intégration du risque d’inondation

Agrandir Original (jpeg, 64k)

3.2.3. Quelle structure porteuse pour la mise en oeuvre


du S.A.G.E ?
137La mise en œuvre du SAGE peut s’appuyer sur les maîtres d’ouvrage publics présents sur
un bassin et regroupés éventuellement au sein d’une communauté locale de l’eau,
établissement public constitué dans le cadre d’un SAGE. C’est pourquoi les collectivités
territoriales intéressées s’associent dans une  communauté locale de l’eau qui prend le plus
souvent la forme d’un syndicat mixte mais qui peut également prendre la forme d’un
syndicat de communes.

138Le Syndicat de communes est régi par les parties législatives et réglementaires du Code
Général des Collectivités Territoriales dont l’article L. 5212-1 donne la définition suivante :
"Le  syndicat de communes est un établissement public de coopération intercommunale
associant des communes en vue d’oeuvres ou de services d’intérêt intercommunal ."

139Par ailleurs, la loi du 4 février 1995 qui permet par ailleurs aux structures
intercommunales d’avoir une fiscalité propre, facilite désormais l’élaboration de projets
intercommunaux de gestion intégrée de l’eau, des espaces naturels et du patrimoine
(Lefebvre, 1998 ; Vanier, 1999 ; Logié, 2000 ; Mazet, 2000). Ce sont des EPCI à fiscalité
propre qui « ont vocation à élaborer et conduire ensemble un projet commun de
développement économique et d’aménagement de l’espace ».

140Finalement, il est possible de se retrouver avec une structure qui porte la démarche
« eau » et une autre qui porte la démarche « aménagement du territoire ». Ces structures
n’interviennent pas sur une seule et même échelle, ce qui pose la question de leur
articulation avec les structures en place ou de l’intégration des enjeux de l’eau dans les
autres politiques sectorielles. Ne faudrait-il pas dans certains cas envisager pour le nouvel
EPCI d’adhérer pour la compétence « eau » à la structure de bassin existante plutôt que de
prendre en charge lui-même cette compétence qui ne couvrirait qu’un faible pourcentage
de son territoire ?

 51 Syndicat d’aménagement du bassin versant de l’ARC

141On citera l’exemple du SAGE de l’Arc Provençal dont la structure porteuse est le syndicat
intercommunal du bassin de l’Arc. Le SAGE a été considéré ici comme le prolongement
normal à un contrat de rivière, signé en 1986 et achevé en 1991. Il a été en outre l’occasion
d’élargir le cadre d’intervention du SABA 51 (territoire de compétence) et les objectifs de
gestion du bassin versant.

142Mais une autre alternative existe également. En effet, ne faudrait-il pas mieux que ce
soit directement l’EPCI qui porte le SAGE, comme l’illustre l’exemple de la communauté de
communes du Val de Drôme ?

143Historiquement, un premier contrat de rivière pour la Drôme et le Haut-Roubion a été


signé en 1990. Il visait à supprimer la pollution des rivières, restaurer et entretenir les
berges et les abords des cours d’eau. En 1992, le ministère de l’environnement a choisi le
bassin de la Drôme comme site pilote pour la nouvelle loi sur l’eau.
 52 Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse

144Dès 1994, le premier SAGE de France est engagé sur la rivière Drôme. En 1999, un
second Contrat de Rivière est conclu pour 7 ans. Ce contrat s’inscrit dans la continuité des
actions engagées dans le premier Contrat de Rivière et constitue également l’outil de mise
en œuvre des préconisations du SAGE. Piloté par la communauté de communes, il associe le
Syndicat Mixte de la rivière Drôme, (créé en 1982), la Communauté de Communes du Val de
la Drôme (créée en 1987) et le Syndicat d’aménagement du Diois (créé en 1981). D’autres
institutions sont également à signaler en relation avec les usages agricoles de l’eau  : un
syndicat d’irrigation collective et des associations syndicales autorisées regroupant des
irrigants individuels. Elle bénéficie du soutien financier de l’Etat, l’agence de l’eau RMC 52, la
région Rhône-Alpes et le département de la Drôme. Ce programme d’action comprend 4
volets complémentaires : des travaux d’épuration de l’eau (18.3 M€), et de restauration et
de mise en valeur des cours d’eau (2.65 M€), de coordination, gestion et communication
(3.31 M€) et de gestion de la ressource en eau (2.6 M€).

 53 Colloque « Prévention des inondations et responsabilité des pouvoirs publics » organisé par
l’Assoc (...)

145L’État semble mener, depuis 1995, une politique d’incitation à la constitution dans
plusieurs bassins versants, d’une maîtrise d’ouvrage « adaptée à la mise en oeuvre d’une
réelle stratégie de prévention »53, comme l’illustre l’exemple du bassin de la Meuse :
établissement public d’aménagement de la Meuse et de ses affluents constitué en 1996. De
même, l’action du préfet coordonnateur de bassin et des élus locaux a permis de confier à
une institution interdépartementale la maîtrise d’ouvrage de l’étude globale sur le Rhône,
envisagée dès 1994. En Camargue, un syndicat intercommunal destiné à prendre en charge
les travaux de confortement des digues a été constitué entre les communes d’Arles, de
Port-Louis et des Saintes-Maries-de-la-Mer et s’est transformé ensuite en syndicat mixte
associant le département des Bouches-du-Rhône et la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

 54 Art. L. 231-10 du code de l’environnement

146Dans cette perspective, la loi du 30 juillet 2003 énonce désormais que : « pour faciliter,
à l’échelle d’un bassin ou d’un sous-bassin hydrographique, la prévention des inondations
et la gestion équilibrée de la ressource en eau, les collectivités territoriales intéressées et
leurs groupements peuvent s’associer au sein d’un établissement public territorial de
bassin »54.
L’établissement public territorial de bassin (EPTB), une gestion
décentralisée de l’eau
147Si les lois de décentralisation ont confié aux collectivités territoriales des compétences
en matière de gestion de risques notamment pour les communes, elles sont par contre plus
sibyllines en ce qui concerne les pouvoirs des départements et des régions en ce domaine.
Dans cette perspective, l’EPTB permet aux départements, région et communes de se
regrouper pour intervenir à l’échelle du bassin versant.

148Si l’on reconnaît le bassin versant comme le cadre nécessaire et cohérent de l’action
publique et de l’aménagement du territoire, il convient désormais d’organiser la gestion de
l’eau sur trois types d’organismes :

 Les comités de bassin, organismes de concertation pour définir la politique de l’eau au


niveau des nouveaux districts ;
 Les agences de l’eau, organismes de financement et d’incitation financière au service de
cette politique ;
 Les Etablissements public territoriaux de bassin, organismes d’animation et de maîtrise
d’ouvrage opérationnelle à l’échelle des bassins hydrographiques.

149Ceux-ci viennent d’être reconnus officiellement comme des acteurs de la politique de


l’eau à l’échelle des bassins et des sous bassins.

150Ce sont des syndicats mixtes ou des institutions interdépartementales régis par le code
des collectivités territoriales qui regroupent des collectivités territoriales et qui travaillent à
l’échelle d’une rivière ou d’un bassin versant selon le principe de subsidiarité.
Ainsi,  l’Établissement public Loire a le statut de syndicat mixte- c’est le plus grand
syndicat mixte de France - réunissant 6 régions, 16 départements, 19 villes et 10 syndicats
départementaux de communes. À l’inverse, l’Institution interdépartementale des barrages-
réservoirs du bassin de la Seine est, comme son nom l’indique, une institution
interdépartementale qui regroupe les départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la
Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Il est administré par un conseil d’administration de
24 membres, composé de douze élus du Conseil de Paris et de quatre conseillers généraux
de chacun des trois autres départements. Cette institution a été créée en 1969 à la suite de
la réforme administrative de la région Île-de-France, afin de poursuivre sur son territoire
les missions engagées par l’ancien département de la Seine.

 55 On peut définir la gouvernance comme un processus de coordination d’acteurs, de groupes


sociaux, d’ (...)
151Aussi, la gestion de l’eau, à l’échelle d’un bassin versant, renouvelle la question de
la  «  gouvernance de bassin  »55. La politique locale de l’eau, jusqu’alors pensée à trois
(Etat, experts, collectivités locales) se redéfinit par un processus de dialogue entre les
acteurs traditionnels et de nouveaux acteurs (mouvements associatifs-ou société civile-et
secteur privé).

 56 Rapport n° 3386, A.N., (2001), sur les causes des inondations répétitives ou
exceptionnelles et sur (...)

152Historiquement, les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) sont donc en


général apparus pour porter des projets d’ouvrages lourds, puis ont développé leurs
actions et leurs missions en fonction des besoins du bassin. C’est le cas de l’Institution
d’aménagement de la Vilaine, comme le rappelle son directeur, M. Michel Allanic : « Ses
missions fondatrices étaient essentiellement la lutte contre les inondations. En 1961, il
s’agissait d’accompagner un grand projet de développement économique sur la basse
vallée de la Vilaine, dans la région de Redon et d’assurer, condition préalable jugée
indispensable, la maîtrise hydraulique d’une région régulièrement soumise aux
inondations, du fait de la conjonction récurrente des grandes marées - l’estuaire de la
Vilaine remonte à 80  kilomètres à l’intérieur des terres - et des crues de la Vilaine. Pendant
25  ans, l’Institution a essentiellement eu une fonction d’aménageur sur la basse vallée. Elle
a réalisé de grands travaux d’hydraulique fluviale, de grandes infrastructures routières et
des ponts, en liaison avec les services de l’État. Le plus significatif de ces grands travaux
est le barrage d’estuaire situé sur son embouchure, le barrage d’Arzal qui a été mis en
service en 1970 et permet d’arrêter l’onde de marée, et donc de supprimer l’une des
causes des grandes inondations dans la basse vallée, (…). Depuis 1990, l’Institution évolue
progressivement vers des missions de gestion de l’ensemble du bassin versant et de la
rivière »56.

153Dans cette perspective, le rapprochement entre les EPTB et les SAGE permettra de
concilier la capacité de maîtrise d’ouvrage de l’EPTB et la planification au niveau du bassin
versant du SAGE.

 57 Rapport n° 3386, A.N., (2001), sur les causes des inondations répétitives ou
exceptionnelles et sur (...)

154Plus généralement, les liens entre l’EPTB et les acteurs locaux se renforceront, afin que
s’instaure un dialogue fructueux et que la cohérence des actions soit maintenue. De
surcroît, l’expertise des EPTB est un atout pour les petites collectivités. En effet, la
complexité des textes - loi de 1964, loi de 1992, projet de loi sur l’eau - et des procédures
les accompagnant fait douter de la capacité des communes, voire des syndicats
intercommunaux, à mettre en place des projets cohérents à l’échelle des micro-bassins
versants. La mise en œuvre d’EPTB au niveau territorial le plus pertinent permettra comme
le souligne, M. Henri Torre, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée-Corse, « si
l’on souhaite obtenir une plus grande efficacité sur le terrain, […] de renforcer les pouvoirs
des EPTB. Dès lors que les agences de l’eau ne peuvent pas être maîtres d’ouvrage de
travaux - et cela est souhaitable -, il faut en trouver d’autres en liaison avec l’État. Il faut
donc avoir des EPTB mieux organisés et ayant des compétences plus étendues  »57.

Conclusion :
155La réforme de la politique du risque passe par un renouvellement de la manière de gérer
le territoire. Elle tente d’intégrer le caractère multidimensionnel du territoire (des flux et
des tensions économiques, sociales et politiques qui évoluent dans le temps) en privilégiant
une action planificatrice et contractuelle combinant réglementation et démocratisation du
processus décisionnel. Elle implique aussi, non sans difficultés, une recomposition des
territoires par la création de nouveaux cadres territoriaux comme le développement d’une
conscience commune de l’eau et des risques associés. Ce n’est que dans ces conditions que
le risque d’inondation comme ses modes de gestion, en prise avec les territoires, pourront
être appropriés par les populations pour conduire une politique de « ménagement » du
territoire.

NOTES

1 T. A Lille, N° 98-552 Fédération Nord-Nature c/Syndicat mixte pour la révision et le suivi de la mise
en oeuvre du schéma directeur de l’arrondissement de Lille, audience publique du 12 avril 2000.

2 Cf. Lévy J. et Lussault M. (dir), Dictionnaire de la Géographie et de l’espace des sociétés, Belin,
2003, p. 907 à 917

3 Directive 75/440 CEE relative à la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production
d’eau alimentaire, directive 76/160 sur les eaux de baignade, directive 78/659 CEE sur la qualité des
eaux ayant besoin d’être protégées ou améliorées pour la qualité du poisson ou directive 79/923 sur
les eaux conchylicoles, directives sur les eaux résiduaires et sur les nitrates d’origine agricoles

4 L’usage de l’expression « gestion intégrée » (Valiron, 1984) est parfois préféré à celui « d’approche
patrimoniale » (Barouch, 1989 ; Mermet, 1992) selon les auteurs.
5 Elaboré par le comité de bassin à l’initiative du préfet coordonnateur de bassin, les SDAGE fixent
les orientations fondamentales de la gestion équilibrée de la ressource en eau et définissent les
objectifs et les aménagements à réaliser. Ils déterminent le périmètre des SAGE dont le contenu doit
être compatible avec le SDAGE. Le SAGE, plus détaillé par définition que le SDAGE, fixe les « objectifs
généraux d’utilisation, de mise en valeur et de protection quantitative et qualitative des ressource en
eau superficielle et souterraine » (art. 5). Il est établi par une Commission locale de l’eau (CLE)
composée pour moitié d’élus locaux, pour un quart des représentants des usagers, des propriétaires
riverains, des organisations professionnelles et des associations concernées et pour un quart des
représentants de l’Etat. Sa mise en œuvre peut s’appuyer sur une communauté locale de l’eau
regroupant sous la forme d’une structure intercommunale, les communes concernées par le SAGE. La
mise à disposition du public des textes des SAGE permet aux citoyens d’exercer un contrôle
(possibilité de recours administratifs et contentieux) sur l’action de l’administration et des
collectivités territoriales.

6 Selon Noël C, ingénieur chargé de mission à la Direction de l’eau, cette participation active
s’appuiera avant tout sur les structures de concertations existantes : Comité de Bassin, Commission
locale de l’eau composée des représentants des collectivités, de l’Etat et des usagers (associations,
industriels, agriculture etc.)

7 Cf. Convention d’Aarhus du 23 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au
processus décisionnel et à l’accès à la justice en matière d’environnement. Elle fut transcrite dans le
droit français par la loi n° 2002-285 du 27 février 2002 dite loi « démocratie et proximité »
autorisant l’approbation de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au
processus décisionnel et à l’accès à la justice en matière d’environnement.

8 Les documents d’orientation et de programmation des travaux des collectivités territoriales et de


leurs groupements, syndicats mixtes, visés dans l’article 31 de la loi sont : aménagement et entretien
de cours d’eau, approvisionnement en eau, maîtrise des eaux pluviales et du ruissellement, défense
contre les inondations, dépollution, protection des eaux souterraines, protection et restauration des
sites, écosystèmes et zones humides…

9 Notion de « décisions administratives dans le domaine de l’eau ». La circulaire du 15 octobre 1992


précise la notion de décisions administratives dans le domaine de l’eau. Sont notamment concernés :
- les installations, ouvrages, travaux soumis à autorisation ou déclaration, définis dans la
nomenclature, objet du décret d’application de l’article 10 de la loi (prélèvements, rejets, entreprises
hydrauliques soumises à la loi de 1919…) ;
- les prescriptions nationales ou particulières fixées par le décret d’application de l’article 9 de la loi
(sécheresse, accidents, inondations…) ;
- les installations classées pour la protection de l’environnement (cf. article 11 de la loi) ;
- les périmètres de protection des captages d’alimentation en eau potable (cf. article 14 de la loi) ;

- les affectations temporaires de débits à certains usages (cf. article 15 de la loi) ;


- les plans des surfaces submersibles visant le libre écoulement des eaux, la conservation des
champs d’inondation et le fonctionnement des écosystèmes (cf. article 16 de la loi) ;
- les travaux conservatoires nécessités par l’abandon d’exploitations minières (cf. article 16 de La
loi).

10 Notion de compatibilité : elle est beaucoup moins précise que celle de conformité. Le rapport de
compatibilité est un rapport de non contradiction déjà reconnu par le juge en matière d’urbanisme.
Ainsi, si une décision administrative contrariait les orientations fondamentales du SDAGE, le juge
pourrait annuler cette décision parce qu’elle n’est pas compatible avec lui. Ce rapport de
compatibilité sera d’autant plus facile à apprécier que les dispositions du SDAGE seront précises. La
rédaction du SDAGE se veut donc la plus claire possible dans la perspective de ses effets juridiques,
sans pour autant empiéter sur le domaine des SAGE, afin de respecter l’initiative locale et l’esprit des
textes qui parlent de schéma directeur. 2. Les autres décisions administratives doivent prendre en
compte les dispositions du SDAGE.

11 Code de l’Urbanisme : aticle L.122-1, al.7, modifié par L.n° 2004-338, 21 avril 2004, art.7 : JO, 22
avril. Code de l’Urbanisme, art.L.123-1, al.24 et 25, modifies par L.n° 2004-338, 21 avril 2004, art.
7. Code de l’Urbanisme, art.L.124-2, al4, modifié par L.n° 2004-338, 21 avril 2004, art.7)

12 Circulaire du 30 janvier 2004 relative aux contrats de rivière ou de baie et abrogeant la circulaire
du 22 mars 1993 (Circ. n° 93-36, 22 mars 1993, BO Equip. 30 avr. 1993, n° 11, p. 12) et celle du
24 octobre 1994 (Circ. n° 94-81, 24 oct. 1994, BO Equip. 10 déc. 1994, n° 33, p. 35).

13 Décret-loi du 30 octobre 1935 relatif aux mesures à prendre pour assurer l’écoulement des eaux,
pris en application de la loi du 8 juin 1935.

14 Loi du 13 juillet 1982

15 Art. 5 de la loi du 13 juillet 1982

16 Les PER ont été instaurés par le décret du 3 mai 1984, modifiés par le décret du 15 mars 1993 qui
redéfinit de façon plus stricte l’outil et ses objectifs.

17 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement. Le


PPR relève de la responsabilité de l’État. Son objet est de cartographier les zones soumises aux
risques naturels et d’y définir les règles d’urbanisme, de construction et de gestion qui
s’appliqueront au bâti existant et futur. Il permet également de définir des mesures de prévention, de
protection et de sauvegarde à prendre par les particuliers et les collectivités territoriales.

18 Art. L. 562-1 II du code de l’environnement

19 Source : Ministère de l’intérieur, Direction de la Défense et de la Sécurité civile, septembre 2003

20 Art. L. 562-2 du code de l’environnement

21 Cités par Ogé F. et Romi R, 2003, Etat du droit et prospective, in « Territoires : face aux risques,
Pouvoir Locaux », n° 56/2003, p. 117

22 On pourrait citer d’autres rapports rédigés par Mariani T. Dauges y, Fleury J., Le Déaut J.Y. et bien
d’autres.

23 Padioleau J. G, (2003), inondation : la corruption du Régalien », in Pouvoirs locaux, Territoires face


aux risques, n° 56 ; 1/2003, p. 76 à 81

24 On définit ainsi la période s’écoulant de 1945 à 1975.

25 Fialaire J. citant Becet J. M, (2004), Le renouveau de l’aménagement du territoire, L’harmattan,


p. 20

26 Selon l’expression employée à l’article L. 110 du code de l’urbanisme.

27 Fialaire J., (2004), Le renouveau de l’aménagement du territoire, L’harmattan, p. 21

28 Loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement du


Territoire, JORF, 5 février 1995, p. 1973 et s.

29 Loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du


territoire, JORF, 29 juin 1999 p. 9515 et s.

30 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000

31 99-586 du 12 juillet 1999 Loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération


intercommunale.

32 Loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003


33 Art. L. 333-1 à L. 33-4 du cde de l’environnement ; Art. R. 244-1 à R. 244-16 du code rural

34 Art. 10 à 21 de la loi modifiée du 4 février 1995.

35 Art. 22 de la loi modifiée du 4 février 1995 ainsi que les articles 95 à 97 de la loi « Robien » du 2
juillet 2003, décret du 19 septembre 2000

36 Art. 23 de la loi modifiée du 4 février 1995 ; décret 2000-1248 du 21 décembre 2000 relatif aux
projets d’agglomérations ; circulaire du 6 juin 2001 relative à la mise en œuvre des contrats
d’agglomérations.

37 Art. 34 de la loi du 7 janvier 1983 ; circulaire du 5 juillet 2001 relative à l’intégration de


l’environnement dans le volet territorial des contrats de plan Etat-Région modifié par la loi du 4
février 1995

38 Gazette du Palais, 25 décembre 1994

er
39 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée par loi SRU n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, art. 1 -
A, II. L’article L. 121-1 a succédé à l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme auquel fait référence la
jurisprudence citée dans ce paragraphe.

40 BJDU 1998, n° 1, conclusion Poujade, p. 21

41 Art. L 121-9 depuis la loi SRU du 13 décembre 2000, ancien article L. 121-12. Le PIG est pris par
arrêté préfectoral et directement intégré aux documents d’urbanismes en vigueur quitte à entraîner
leur révision.

42 Art. L. 122-1 et s. du code de l’urbanisme.

43 BJDU 1999, n° 1, p. 21

44 Art. L. 123-1 du code de l’urbanisme (modifié par Loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 relative à
l’environnement et à l’habitat, JO du 23 juillet 2003, p. 11176

45 U (Zone urbaine) ; AU (Zone à aménager) ; A (Zone agricole) ; N (Zone naturelle)

46 Art. L. 124-1 du code de l’urbanisme

47 Art. L. 410-1 du code de l’urbanisme


48 Les formes de coopération intercommunales consacrées par les lois du 5 février 1992 et du 6
février 1995, et confirmées par la loi du 12 juillet 1999, apportent des réponses à ces interrogations,
en mettant l’accent à partir d’un projet commun de développement local

49 Loi n° 92-3 du 3 janvier 1992, modifiée par la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 et par la loi
n° 95-101 du 21 février 1995 – JO des 4 janvier 1992, 23 décembre 1992, 3 février 1995.

50 Cf. Vitali D., (2003), « Le bassin versant comme territoire des possibles », Méditerranée, n° 12 p.
29 à 34 et Ghiotti S., (2000), « Unité fonctionnelle et cadre de concertation : le bassin versant, un
outil pour l’aménagement du territoire ? », in Multi-usages et gestion de l’eau en Méditerranée,
Revue de l’économie Méridionale, n° spécial, vol. 48, n° 191, pp249-267

51 Syndicat d’aménagement du bassin versant de l’ARC

52 Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse

53 Colloque « Prévention des inondations et responsabilité des pouvoirs publics » organisé par
l’Association française des Établissements publics territoriaux de bassin à Paris, le 15 novembre
2000.

54 Art. L. 231-10 du code de l’environnement

55 On peut définir la gouvernance comme un processus de coordination d’acteurs, de groupes


sociaux, d’institutions pour atteindre des buts propres discutés et définis collectivement.

56 Rapport n° 3386, A.N., (2001), sur les causes des inondations répétitives ou exceptionnelles et sur
les conséquences des intempéries afin d’établir les responsabilités, d’évaluer les coûts ainsi que la
pertinence des outils de prévention, d’alerte et d’indemnisation. p. 176 et 177

57 Rapport n° 3386, A.N., (2001), sur les causes des inondations répétitives ou exceptionnelles et sur
les conséquences des intempéries afin d’établir les responsabilités, d’évaluer les coûts ainsi que la
pertinence des outils de prévention, d’alerte et d’indemnisation. p. 176

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Titre Figure 8 : Les directives européennes dans le domaine de l’eau


Légende * Directives destinées à être intégrées dans la directive cadre 2000.

Crédits D’après Barbara Bour-Desprez, 2003

URL http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/15686/img-
1.jpg

Fichier image/jpeg, 264k

Titre Figure 10 : Zonage et servitudes (d’après Prim net)

URL http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/15686/img-
2.jpg

Fichier image/jpeg, 608k

Titre Figure 11 : La procédure d’élaboration des PPRI (d’après Prim


net)

URL http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/15686/img-
3.jpg

Fichier image/jpeg, 200k

Titre Figure 12 : Structure porteuse et gestion par bassin versant

URL http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/15686/img-
4.jpg
Fichier image/jpeg, 268k

Titre Figure 13 : Echelles et outils réglementaires d’intégration du risque


d’inondation

URL http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/15686/img-
5.jpg

Fichier image/jpeg, 64k

© Presses universitaires du Septentrion, 2004


Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540
Partie 2. L’intégration du risque aux territoires  : entre stratégie et moyens
 
Chapitre 2 : L’intégration matérielle du risque par le biais des mesures stru...

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