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Section 1. Introduction
Notre système juridique est gouverné par le principe de la liberté du commerce et de l'industrie,
avec son corollaire, la libre concurrence (Sur cette question, Voir supra, L. Merland, La liberté de
la concurrence).
Aussi, le fait pour un opérateur économique de capter la clientèle d'autrui est en principe licite.
Cependant, dès le XIXème siècle, la jurisprudence s'est appuyée sur l'article 1382 du Code civil pour
venir protéger les honnêtes commerçants contre les pratiques déloyales de leurs concurrents. Seule
une concurrence loyale méritait de prospérer.C'est donc sur le fondement de l'article 1382 du
Code civil que les juges ont peu à peu dégagé de la responsabilité civile de droit commun
l'action en concurrence déloyale.
Le commerçant qui se prétendait vicitime d'un agissement déloyal devait rapporter la preuve d'une
faute, d'une déloyauté de son concurrent, d'un préjudice concurrentiel et d'un lien de causalité entre
cette faute et ce préjudice.
Cette action en concurrence déloyale s'est développée puisqu'elle est aujourd'hui mise en oeuvre
par tout opérateur victime de déloyauté, indépendamment d'une situation de concurrence
avec l'auteur de la faute.
L'on considère en effet aujourd'hui que toute déloyauté à l'encontre d'un opérateur économique,
qu'elle émane ou non d'un concurrent, affaiblit artificiellement l'offre, et donc, le jeu de la libre
concurrence, ce qui justifie, entre opérateurs économiques, y compris lorsqu'ils ne sont pas en
situation de concurrence directe, l'utilisation de l'action en concurrence déloyale pour faire cesser
les agissements litigieux et réparer le trouble ainsi causé (pour une illustration récente, voir CA
Versailles, 16 décembre 2004, n° 03/07711).
Si, comme nous venons de le constater, l'action en concurrence déloyale s'étend à tout
opérateur économique au-delà des relations de concurrence, il convient néanmoins dans cette
introduction de souligner ses limites.
A cet égard, l'exemple des droits de propriété intellectuelle est topique. Le législateur, en
conférant un monopole d'exploitation au titulaire d'un droit d'auteur, d'un droit de marque ou de
brevet, exclu de facto la possibilité pour tout un chacun de venir excercer une concurrence sur ces
droits. La sanction de la violation de ce monopole d'exploitation est assurée par le biais de l'action
en contrefaçon.
L'action en concurrence déloyale et l'action en contrefaçon poursuivent ainsi des objets spécifiques.
• L'action en concurrence déloyale a pour but de faire cesser la transgression d'un devoir de
bonne conduite sur le marché et de réparer le préjudice subi par la victime
• tandis que l'action en contrefaçon a pour objet de restaurer le titulaire d'un droit privatif dans le
monopole d'exploitation qu'il a sur une création littéraire et artistique, sur une marque, sur un
brevet, sur une obtention végétale, sur un logiciel ou sur des dessins et modèles (Voir G. Ripert
et R. Roblot, par L. Vogel, Traité de droit commercial, t. 1, vol. 1, 18e éd., LGDJ, 2001, n°727).
Ces deux actions procèdent de causes différentes et ne tendent pas aux mêmes fins.
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Jurisprudence
En conséquence, la jurisprudence a pu affirmer que l'action en contrefaçon n'était ni l'accessoire ni
la conséquence ou le complément de l'action en concurrence déloyale (Cass. com., 22 sept. 1983,
Bull. civ. IV, p. 205).
La concurrence est encore interdite par le législateur lorsqu'elle a pour objet ou pour effet de
fausser le libre jeu de la concurrence sur le marché. Le législateur prohibe ainsi les ententes
anticoncurrentielles, les abus de domination ou de dépendance (sur cette question, voir items
précédents). L'action en concurrence déloyale ne trouve donc pas ici à prospérer.
Enfin, la concurrence, lorsqu'elle est interdite par le contrat (contrats ou clauses de non-
concurrence, fréquente dans les relations d'affaires ou de travail)
n'ouvre pas droit à l'action en concurrence déloyale, mais bien à l'action en responsabilité
contractuelle.
Jurisprudence
Voir récemment, Cass. com., 9 octobre 2001, Propriété industrielle, mai 2002, n°25, note J.
Smhimdt-Szalewski, censurant l'arrêt de la cour d'appel qui avait déduit le rejet de l'action en
concurrence déloyale de la nullité des modèles.
L'action en concurrence déloyale ainsi délimitée, il convient d'en préciser les conditions de
recevabilité, pour ensuite envisager son exercice.
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Section 2. Conditions de recevabilité de l'action en concurrence
déloyale
D'emblée, il convient de préciser que les conditions de recevabilité de l'action en concurrence
déloyale sont directement liées à son fondement juridique.
Celui-ci repose, même s'il est critiqué par une partie de la doctrine, sur les articles 1382 et 1383
du Code civil.
Il s'agit donc d'une action en responsabilité civile délictuelle dont la recevabilité est logiquement
subordonnée à la preuve de la trilogie classique :
• une faute
• un préjudice
• un lien de causalité entre ces deux derniers éléments
§ 1. Une faute
La condamnation pour concurrence déloyale impose dans un premier temps l'existence d'une
faute. Cette faute doit être prouvée, l'action en concurrence déloyale n'étant pas fondée sur une
présomption de responsabilité (Cass. com., 13 mai 1997, RJDA 1997, n°1588).
Jurisprudence
A preuve, cette décision qui a récemment rappelé que la condamnation pour concurrence déloyale
prononcée par le juge impose à celui-ci qu'il précise les fautes imputables à leur auteur pour
caractériser les comportements répréhensibles (Cass. com., 25 avril 2001, JCP 2001, éd. E, n°26,
p. 1099, note J-C. Fourgoux ; en ce sens, Cass. civ. 1ère, 18 janvier 2005, censurant un arrêt de la
cour d'appel de Paris pour n'avoir pas ' caractériser de manoeuvre de détournement de clientèle).
La faute est constituée par un agissement déloyal (pour plus de détail sur les différentes formes
d'actes de déloyauté, Voir supra, L. Merland, Les comportements concurrentiels déloyaux) , un acte
contraire aux usages du commerce.
Elle n'est pas nécessairement intentionnelle ; la référence à l'article 1383 du Code civil en témoigne.
Il peut donc s'agir d'un acte non intentionnel, comme d'une simple négligence.
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Jurisprudence
La jurisprudence semble cependant introduire une différence de régime entre le parasitisme et les
autres actes de concurrence déloyale, dans la mesure où elle a exigé pour le premier cas une faute
intentionnelle, la volonté de se placer dans le sillage d'autrui, Voir par exemple, CA Paris, 27 nov.
1998, JCP 2000, éd. E, n°5, p. 176, obs. D. Fasquelle, sur pourvoi, Cass. com., 16 janv. 2001, D.
2001, n°9, p. 777, note C. Rondey.
Par ailleurs, depuis une quinzaine d'années, la Haute juridiction admet que la faute peut être
constituée en dehors même de l'existence d'une clientèle commune, d'un rapport de concurrence
entre l'auteur de la loyauté et la victime de celle-ci.
Jurisprudence
C'est ainsi, par exemple, que la Cour de cassation a précisé que la désorganisation de l'entreprise
pouvait être caractérisée alors même que le bénéficiaire des actes de captation de clientèle n'en
était pas l'auteur (Cass. com., 21 mars 2000, D. 2000, n°29, p. 625).
C'est ainsi encore qu'elle a censuré l'arrêt d'appel qui avait rejeté l'action en concurrence déloyale
au motif que la clientèle n'appartenait pas à la société victime mais à un tiers (Cass. com., 30 mai
2000, D. 2001, n°31, p. 2587, note Y. Serra).
§ 2. Un préjudice
Conformément au droit commun de la responsabilité civile délictuelle, la recevabilité de l'action est
subordonnée à l'existence d'un préjudice qui doit être en principe direct et certain (Cass. com., 19
juil. 1976, JCP 1977, éd. CI , n°12330).
Généralement, le préjudice consiste dans la perte de clientèle fréquemment révélée par une
baisse du chiffre d'affaires de l'entreprise victime (G. Ripert et R. Roblot, par L. Vogel, Traité de
droit commercial, t. 1, vol. 1, 18e éd., LGDJ, 2001, n°731).
La clientèle peut avoir soit totalement disparue (à propos du parasitisme, par exemple) soit avoir
été transférée du fonds de commerce de la victime à celui de l'entreprise fautive (à propos
de la désorganisation d'un concurrent par détournement de clientèle ; sur cette question, Voir P. Le
Tourneau, De la spécificité du préjudice concurrentiel, RTD com. 1998, p. 83).
Mais compte tenu du fait que la jurisprudence n'exige plus, on l'a vu, pour retenir la concurrence
déloyale l'existence d'une clientèle commune, la forme du préjudice s'est diversifiée.
Elle ne se résume plus simplement à une perte directe, réelle ou potentielle, de clientèle.
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Jurisprudence
Le dommage peut résider dans l'atteinte à la notorité ou la réputation de la victime ou encore dans
un affaiblissement artificiel de ses ressources (CA Paris, 13 mai 2005, n° 03/12092, le détournement
de clientèle ayant entraîné une perte des investissements liés au lancement de nouveaux produits
ainsi que d'une partie du chiffre d'affaires).
Par exemple, la Cour de cassation a donné raison aux juges du fond d'avoir considéré que l'offre
faite par la société Métro à sa clientèle d'une copie service de la montre " Tank " de la société Cartier
porte manifestement atteinte à l'image de marque de cette montre qu'elle vulgarise et déprécie, la
rabaissant au rang de simple gadget publicitaire (Cass. com., 22 oct. 2002, D. 2002, jur., p. 3142,
obs. E. Chevrier). C'est, au final, la perte indirecte de clientèle qui est ici visée.
Mais les juges sont même allés jusqu'à indemniser le préjudice moral pouvant résulter d'un acte de
concurrence déloyale.
Jurisprudence
La cour d'appel de Paris, le 21 juin 2000, a indemnisé le compositeur Eric Serra en réparation
de son préjudice moral : une de ses musiques (celle du film le Grand bleu) avait été amputée de
quarante sept secondes par une société qui commercialisait une compilation de musiques de films
et d'émission de télévision (CA Paris, 4e ch. A, 21 juin 2000, D. 2001, p. 1231, obs. M-L.Izorche).
Ces derniers n'hésitent pas en effet à considérer que l'existence du préjudice s'infère
nécessairement de l'acte déloyal (CA Paris, 4e ch. A, 21 juin 2000, D. 2001, p. 1231, obs. M-L.
Izorche ; Cass. com., 14 juin 2000, RJDA 2000, n°1195), la preuve des actes déloyaux suffisant à
démontrer celle du préjudice (les juges trouvent la preuve du dommage dans celle du comportement
déloyal lui-même au moyen de la notion de trouble commercial, trouble qui constituerait un préjudice
indépendant d'une perte de clientèle, R. Bout et alii, Lamy Droit économique, 2003).
Jurisprudence
Cass. com., 22 oct. 1985, D. 1986, IR, p. 339, obs. Y. Serra, censurant l'arrêt qui avait rejeté la
demande de condamnation à des dommages et intérêts présentée par la victime d'agissements
déloyaux demeurés sans effet selon les juges du fond, parce qu'il s'inférait nécessairement des
actes déloyaux constatés l'existence d'un préjudice résultant des procédés fautifs utilisés.
Le préjudice est donc entendu largement par les juges, ce qui conduit du reste la doctrine à considérer
que le caractère de l'action en concurrence déloyale n'est pas purement de nature réparatrice,
mais est aussi préventif (L'action tend également à faire cesser pour l'avenir l'emploi de procédés
déloyaux, Voir notamment, R. Bout et alii, Lamy Droit économique, 2003, n° ; Y. Guyon, Droit des
affaires, t. 1, 11e éd., Economica, 2001, n°845).
§ 3. Un lien de causalité
La recevabilité de l'action en concurrence déloyale est en dernier lieu subordonnée à l'existence d'un
lien de causalité entre la faute et le préjudice.
La preuve de ce lien de causalité n'est pas aisée : comment être certain, en effet, que la baisse
du chiffre d'affaires résulte de l'acte concurrentiel déloyal ?
Ce résultat peut tout à fait provenir d'une mauvaise gestion, par exemple, ou d'une toute autre cause
(marasme économique, Voir par ex : Y. Guyon, Droit des affaires, t. 1, 11e éd., 2001, n°846).
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Traditionnellement la jurisprudence se contentait, pour l'établissement du lien de causalité,
de la corrélation entre le comportement déloyal et la diminution du chiffre d'affaires (F.
Dekeuwer-Défossez, Droit commercial, Activités commerciales, commerçant, fonds de commerce,
concurrence, consommation, 7e éd., Montchrestien, 2001, n°542 ; certains auteurs estiment que
le lien de causalité est présumé, d'autres pensent que l'exigence de cet élément est allégée voire
supprimée, Y. Guyon, Droit des affaires, t. 1, 11e éd., 2001, n°846). Il semble désormais néanmoins
qu'une telle position ne soit plus de droit positif.
L'arrêt de la Cour de cassation en date du 30 janvier 2001 nous permet en effet de le penser :
Jurisprudence
En cette espèce, la société N., qui distribuait du matériel destiné à l'identité judiciaire et aux
laboratoires d'enquête, a assigné la société G. (ainsi que son ancienne salariée) exerçant la même
activité, pour concurrence déloyale par débauchage, dénigrement et parasitisme, résultant de la
copie de ses catalogues. La cour d'appel a condamné la seconde société pour parasitisme aux
motifs que le catalogue G. présentait avec le catalogue N. des similitudes considérables qui ne
pouvaient en aucun cas être le fait du hasard.
Elle a encore relevé que " l'attitude parasitaire de la société G. à l'égard d'une société dont elle
connaissait les difficultés financières - Mme G., ancienne employée de la société N., qui connaissait
elle-même parfaitement lesdites difficultés, occupant le poste de directeur au sein de G.- a causé
à la société N. une préjudice très important ".
La Cour de cassation, quant à elle, se prononce en deux temps : elle rejette d'abord le pourvoi sur
le terrain de la faute, mais censure ensuite l'arrêt d'appel sur le terrain du lien de causalité. Selon
la Haute juridiction, la cour d'appel n'a pas caractérisé le lien de causalité entre la faute relevée à
l'encontre de la société G. et le préjudice dont elle a constaté l'existence.
La cour d'appel s'était référé à la connaissance des difficultés financières de la société victime par
l'auteur ; or une telle connaissance n'a pas nécessairement un effet sur le préjudice dont se plaint
l'entreprise parasitée. Il importe donc d'établir que ces difficultés financières ont été causées par
les agissements répréhensibles (dans le même sens, CA Paris, 3 novembre 2004, Lamyline).
On verra cependant que toute personne n'est pas titulaire de cette action.
Celle-ci est portée devant le juge compétent qui déterminera la sanction qui lui semblera la plus
adaptée.
Jurisprudence
Il faut toutefois signaler l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 16 décembre 2004 qui a condamné
une association sur le terrain de la concurrence déloyale et parasitaire parce ' qu'une association
a le droit de se défendre contre des agissements déloyaux d'une autre association qui tend à tirer
profit de l'action de la première en faisant l'économie de ses propres investissements (CA Versailles,
16 décembre 2004, n° 03/07711).
Encore faut-il cependant que l'opérateur économique qui agit sur le fondement de la concurrence
déloyale s'adresse à une clientèle, au moins potentielle, en proposant des produits ou des services
suffisamment indentifiés (en ce sens, CA Paris, 13 avril 2005, n° 04/22327).
Peuvent ainsi agir, dès lors qu'elles subissent un préjudice concurrentiel, qu'il soit individuel ou
collectif du reste (Voir supra, pour cette condition) , les victimes suivantes :
• les personnes physiques (commerçants)
• les personnes morales (sociétés, associations)
• les syndicats professionnels (CA Paris, 28 oct. 1996, RJDA 1997, n°739).
L'action va pouvoir par ailleurs être intentée alors même que la victime n'est titulaire d'aucun droit
privatif, c'est-à-dire d'aucun droit de propriété intellectuelle.
Jurisprudence
Voir récemment, Cass. com., 22 oct. 2002, D. 2002, jur., p. 3142, obs. E. Chevrier, affirmant que
l'action en concurrence déloyale, à propos d'un agissement parasitaire, peut être intentée " même
" par celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif ; elle peut donc l'être par le titulaire d'un droit
de propriété intellectuelle.
Jurisprudence
Peu importe, également, le statut juridique de l'auteur de la faute, il peut revêtir la forme d'une
association et la victime la forme d'une société à responsabilité limitée (Cass. com., 30 mai 2000,
D. 2001, n°31, p. 2587, note Y. Serra).
§ 2. Le tribunal compétent
La victime d'un acte de concurrence déloyale devra agir devant le tribunal compétent. Elle aura
d'ailleurs dix ans pour le faire, à compter de la cessation de l'acte déloyal, (voir l'article 2270-1 du
Code civil).
Enfin, le tribunal de commerce redevient compétent lorsque la pratique déloyale se poursuit après
la rupture du contrat de travail (G. Ripert et R. Roblot, par L. Vogel, Traité de droit commercial, t.
1, vol. 1, 18e éd., LGDJ, 2001, n°734).
Ses sanctions revêtent donc une double nature : indemnitaire et préventive (G. Ripert et R. Roblot,
par L. Vogel, Traité de droit commercial, t. 1, vol. 1, 18e éd., LGDJ, 2001, n°735).
• Au principal, l'action peut aboutir à diverses sanctions, qui peuvent se cumuler.
• Mais compte tenu de la longueur des délais de procédure, les sanctions interviennent souvent
trop tard, et c'est pourquoi des mesures provisoires peuvent être sollicitées.
A. L'action principale
L'action en concurrence déloyale (F. Dekeuwer-Défossez, Droit commercial, Activités commerciales,
commerçant, fonds de commerce, concurrence, consommation, 7e éd., Montchrestien, 2001, n°545)
" peut aboutir à un triple résultat " :
• l'octroi à la victime de dommages et intérêts
• la cessation par l'auteur de ses agissements déloyaux
• la publication du jugement de condamnation
Le préjudice subit par la victime est réparé (la réparation est en principe intégrale, mais elle peut
parfois être symbolique) par des dommages et intérêts qui sont en ce domaine particulièrement
difficiles à évaluer.
Jurisprudence
Le montant des dommages et intérêts est évalué au jour du jugement selon les circonstances en
cause et peut être réduit au franc symbolique, V. par exemple, CA Paris, 9 déc. 1992, D. 1994,
somm., 223, obs. Y. Serra.
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La perte de clientèle (préjudice matériel fréquemment invoqué en la matière) est-elle véritablement
due à la déloyauté ou est-elle due à la conjoncture économique, voire à l'attitude de la victime (on
songe à une mauvaise gestion d'un fonds de commerce, par exemple, Voir supra) ?
Jurisprudence
Les juges ne doivent prendre en compte que la perte du chiffre d'affaires consécutif à l'acte de
concurrence déloyale (CA Paris, 16 décembre 2004, n° 03/05766).
Remarque
On notera que la difficulté d'évaluation du préjudice (même en cas de recours à l'expertise) n'interdit
pas toute condamnation, qui peut du reste intervenir alors que le préjudice n'est qu'éventuel (Voir
infra) , voire en l'absence totale de préjudice (R. Bout et alii, Lamy Droit économique, 2002, n°1829).
Cela étant, le juge ne peut accorder des dommages et intérêts d'un montant supérieur à celui
demandé par la victime et cette dernière ne peut pas demander en appel une somme plus
importante qu'en première instance.
Jurisprudence
La Cour de cassation a donné raison aux juges du fond d'avoir imposé une interdiction d'exercer
une activité commerciale dans un rayon de 40 km à partir du siège des établissements victimes des
agissements déloyaux et pendant cinq ans, Cass. com., 28 avril 1980, Bull. civ. IV, n°166, elle est
cependant allée plus loin en approuvant les premiers juges d'avoir contraint une société à " cesser
toute activité commerciale dans la branche de la torréfaction du café dans la zone où le fonds de
commerce objet du partage était exploité ", Cass. com., 17 oct. 1984, Gaz. Pal. 1985, 1, pan., p. 101.
Jurisprudence
Ces mesures peuvent être ordonnées sous astreinte, c'est d'ailleurs souvent le cas (Cass. com.,
19 oct. 1999, Contrats, conc., consom. 2000, n°7) , et elles peuvent prononcées à titre préventif, en
l'absence de tout préjudice (Cass. com., 19 nov. 1991, RJDA 1992, n°156).
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3. La publication du jugement
Il arrive que le tribunal prescrive en sus des sanctions précédemment envisagées, la publication de
sa décision.
Jurisprudence
Cette publication peut être effectuée par la presse (Voir not., TGI Paris, 3e ch., 15 juin 1999, PIBD
1999, n°685, III, p. 457) , alors même que les actes de concurrence déloyale auraient été accomplis
sans utiliser un tel média (Voir en ce sens, A. Pirovano, Rép. com. Dalloz, V° Concurrence déloyale) ,
ou par la radio (CA Paris, 17 nov. 1970, D. 1972, jur., p. 78, note S. Guinchard) ; l'objectif étant
d'informer la clientèle des procédés déloyaux (G. Ripert et R. Roblot, par L. Vogel, Traité de droit
commercial, t. 1, vol. 1, 18e éd., 2001, n°735). La publicité est faite aux frais de l'auteur de la
concurrence déloyale (CA Paris, 26 janvier 2005, n° 04/08368).
La victime d'actes déloyaux qui souhaite rapidement y mettre fin peut donc tout à fait saisir le juge
des référés.
Il convient de préciser (V. Cass. com., 27 oct. 1992, aff. Hermès, D. 1992, jur., p. 505, note A.
Bénabent et l'article 873 NCPC) que :
" l'existence d'une contestation sérieuse ne fait pas obstacle à ce que le juge des référés prescrive
des mesures conservatoires qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire
cesser un trouble manifestement illicite ".
Jurisprudence
C'est ainsi, par exemple, que La Poste a été condamnée en référé, et sous astreinte, à cesser une
campagne publicitaire trompeuse sur les conditions d'un octroi de crédit (CA Versailles, 10 avril
1996, Contrats, conc., consom. 1996, n°81, note L. Vogel) ou qu'une société a dû cesser d'utiliser
un slogan publicitaire imitant celui d'une société concurrente (TGI Meaux, 16 sept. 1995, D. aff.
1995, n°6, p. 128 ; Contrats, conc., consom. 1995, n°184, note L. Vogel).
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On notera également que le juge des référés peut prononcer des mesures d'instruction in futurum
établissant la preuve avant tout procès d'un fait de concurrence déloyale, article 145 NCPC.
La loi du 2 juillet 1963, en son article 2 (loi portant maintien de la stabilité économique et financière) ,
prévoit que :
celui (tout commerçant, industriel ou artisan) qui introduit une action en réparation du préjudice
subi du fait d'actes de concurrence déloyale ou illicite a la possibilité de demander la cessation des
agissements reprochés (l'article 2 de la loi de 1963 envisage également la possibilité de prononcer
la publication de la décision) , " en attendant qu'il soit définitivement statué au fond, que la cessation
des agissements reprochés au défendeur soit ordonnée à titre provisoire et sous astreinte ".
Le texte poursuit que les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables en matière de propriété
industrielle.
La mise en oeuvre de cette disposition est cependant subordonnée à l'adoption d'un décret.
Or, actuellement, aucun décret d'application n'a encore été adopté, si bien que l'article 2 de la loi de
1963 est inapplicable. En conséquence, la seule action possible est le référé de droit commun.
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