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Revue de Paléobiologie, Genève (juin 2005) 24 (1) : 243-249 ISSN 1661-5468

Comparaison dʼHortonella (algue rouge du Carbonifère)


avec une structure algaire problématique (racine?) : Lysvaella

Pedro CÓZAR1 & Daniel VACHARD2

Résumé
Le genre algaire Hortonella est bien représenté dans le sud-ouest de lʼEspagne. Cette algue fut à lʼorigine interprétée comme une
possible Codiacée. Dans la collection que nous avons étudiée, des critères permettant dʼattribuer Hortonella aux algues rouges ont
été reconnus, par exemple des genicula, des thalles différenciés, des structures reproductives en forme de sporanges, des processus
septiformes et des structures en rosette. Des structures fossiles assez similaires, préalablement décrites comme des genres dʼalgues
rouges Lysvaella et Aranea, sont aussi analysées. Toutefois ce dernier groupe de « taxons algaires » est comparé à des rhizoconcrétions
observées dans la succession stratigraphique dʼIrlande, et peut de ce fait être considéré comme des restes de racines de végétaux
supérieurs.

Mots-clés
Algues, Rhodophyta, Racines, Mississippien, Carbonifère, Espagne, Irlande.

Abstract
Comparison of Hortonella (red alga) with Carboniferous vesicular algal-like structures, Lysvaella (plant root).- Specimens of the
algal genus Hortonella are common in SW Spain. This alga was described as a possible Codiaceae. In the studied collection, features
which allow to assign Hortonella to the red algae are recognized, such as : genicula, differentiated thalli, sporangia-like reproductive
structures, septiform processes and rosette structures. On the other hand, rather similar structures from the fossil record, formerly
described as the red algal genera Lysvaella and Aranea, are also analysed. However, the latter group of “algal taxa” is compared to
rhizoconcretions observed in the stratigraphic succession from Ireland, and thus, they are considered to be plant root remains.

Key words
Algae, Rhodophyta, Roots, Mississippian, Carboniferous, Spain, Ireland.

INTRODUCTION RIDING, 1998), rattaché à la famille Archaeolithophylla-


ceae, qui est fortement diversifiée au Pennsylvanien et
Les rhodophytes sont largement diversifiées du Mésozoï- au Permien. Les genres les plus primitifs de cette famille
que à lʼActuel. Cependant leur connaissance au Paléo- sont Principia BRENCKLE in BRENCKLE et al., 1982 emend.
zoïque pose problème ; beaucoup de classifications ne CÓZAR & VACHARD, 2003, et Neoprincipia CÓZAR &
sʼaccordent pas (voir par exemple PIA,1930 ; CHUVASHOV, VACHARD, 2003. Les genres évolués, comme Archaeo-
1971 ; WRAY, 1977 ; MAMET & ROUX, 1977 ; VACHARD & lithophyllum, sont comparables aux actuelles Corallines
MONTENAT, 1981 ; ROUX, 1985 ; CHUVASHOV et al., 1987 ; Melobesiaceae. Comme ancêtre douteux des genres pri-
BOSENCE, 1991 ; POIGNANT, 1991 ; SHUYSKY, 1999). mitifs, CÓZAR & VACHARD (2003) ont proposé Hortonella
La classification la plus récente des algues rouges paléo- MAMET, 1995, bien que celui-ci ait été initialement placé
zoïques a été proposée par SHUYSKY (1999). Elle se com- parmi les algues vertes Codiaceae. Certains caractères
pose de neuf familles : Moniliporellaceae, Demidellaceae, redécrits ici, ainsi que de nouveaux critères, indiquent
Katavellaceae, Lysvaellaceae, Ungdarellaceae, Stachei- le rattachement du genre Hortonella aux algues rouges.
naceae (sic pro Stacheiaceae), Fasciellaceae, Archaeo- Une structure de « thalle » assez similaire est reconnais-
lithophyllaceae and Solenoporaceae. Le seul genre qui sable dans quelques autres genres tels que Lysvaella
fasse lʼobjet dʼun consensus est Archaeolithophyllum CHUVASHOV, 1971 ou Aranea HANCE, 1983, considérés
JOHNSON, 1956 (WRAY, 1977 ; BOSENCE, 1991 ; BROOKE & par certains auteurs comme des algues rouges (CHUVAS-

1
UEI y Departamento de Paleontología, Instituto de Geología Económica CSIC-UCM, Facultad de Ciencias
Geológicas, José Antonio Novais 2, 28040 Madrid, Espagne. E-mail : pcozar@geo.ucm.es
2
Laboratoire de Paléontologie et Paléogéographie du Paléozoïque (LP3), UMR 8014 du CNRS, Université des
Sciences et Technologies de Lille, UFR Sciences de la Terre, 59655 Villeneuve dʼAscq cedex, France. E-mail : Daniel.
Vachard@univ-lille1.fr
244 P. CÓZAR & D. VACHARD

HOV, 1971, 1974 ; WRAY, 1977 ; HANCE, 1983 ; SHUYSKY, correspondent à des faciès dʼeau peu profonde (CÓZAR
1999). Des spécimens de Lysvaella sont aussi révisés. & RODRÍGUEZ, 2004). Cependant les spécimens récoltés
Malgré leur ressemblance avec Hortonella, ils sont inter- dans la coupe du Cerro Cabello (Planche I) se rencontrent
prétés comme des racines de végétaux supérieurs, ainsi dans des faciès dʼeau relativement plus profonde, au bord
que lʼavaient suggéré CÓZAR & VACHARD (2003). dʼune plate-forme externe ou en haut dʼune pente. Ce
type dʼenvironnement se déduit de la présence fréquente
de grands systèmes de debris-flows (dʼextension kilomé-
ATTRIBUTION DʼHORTONELLA AUX ALGUES trique) et dʼolistolithes (atteignant plusieurs centaines de
ROUGES mètres de largeur) (CÓZAR & RODRÍGUEZ, 2004 ; CÓZAR
& VACHARD, 2004). Indépendamment de lʼenvironment
Le genre a été décrit par MAMET (1995) et rattaché avec de dépôt précis sur la plate-forme, les biotopes de lʼal-
doute aux Udotaceae, à cause de la présence, à lʼinté- gue sont à lʼévidence soustraits à lʼaction des courants,
rieur dʼun thalle segmenté, de tubes médullaires centraux des marées et des vagues. Ceci se déduit de lʼassociation
passant à des rameaux latéraux subangulaires. Toutefois, avec : (a) de délicates structures dʼalgues Calcifolium?
dans la présente étude, Hortonella est plutôt considérée punctatum MASLOV, 1956, (b) des structures géopétales,
comme une algue rouge, en sʼappuyant sur les critères (c) de fragiles coquilles juvéniles dʼammonoïdes ou de
suivants : (1) elle a un thalle géniculé, (2) ce thalle est segments encore articulés de trilobites, en même temps
différencié, et (3) des structures en forme de sporanges que des coquilles entières ne présentant que de rares figu-
sont présentes (voir la diagnose émendée). res dʼabrasion. Des bioturbations semblent modifier ces
Lʼorientation des thalles dans le sédiment a été sup- sédiments (CÓZAR & VACHARD, 2004). Trente spécimens
posée verticale par MAMET (1995, figs 1-2), comme dʼHortonella ont été recueillis dans les calcaires du Cerro
chez les autres Codiaceae. Dans cette étude, bien que Cabello. Douze ont une orientation horizontale, 10 sont
nous considérions le port érigé comme le plus proba- obliques et 8 se présentent verticalement par rapport à
ble (Fig. 1), cette orientation ne paraît pas entièrement la stratification. Une semblable proportion nʼéclaire donc
prouvée. Lʼorientation du thalle dans les faciès de pla- pas le problème de la position originale dʼHortonella.
tes-formes peu profondes est difficile à établir, parce La plupart des sections de thalle sont plus ou moins cylin-
que les courants, les tempêtes, les vagues ou les marées driques, mais présentent quelques irregularités, soit chez
peuvent aisément modifier sa position de croissance en les individus juvéniles (Pl. I, fig. 1), soit probablement
une position de dépôt hydrodynamiquement plus stable. à proximité des ramifications (Pl. I, fig. 8). Cependant,
Les spécimens de la coupe de La Cornuda (Planche I) dʼautres sections semblent correspondre à des dévelop-
pements laminaires (Pl. I, figs 12-13). Les spécimens
isolés, qui ont cet aspect, ne révèlent pas si cette crois-
sance laminaire est composée de thalles subcylindriques
jointifs (ce que semblent indiquer des sections telles que
celles de la Pl. I, fig. 11) ou si elle correspond à une seule
couche basale, qui présente intérieurement des cellules
de lʼhypothalle courbées dans plusieurs directions (ce
que suggère la section Pl. I, fig. 13).
Les joints calcifiés (genicula) des corallines articulées ne
sont pas normalement conservés, cependant chez Hor-
tonella, il semble quʼils soient calcifiés à cause dʼune
enveloppe de cellules épithéliales, et de ce fait parfois
observables (Pl. I, figs 4, 6).
Les cellules de lʼépithalle dʼHortonella nʼavaient pas été
mentionnées par MAMET (1995). Elles sont néanmoins
observables dans le matériel type (pl. 1, figs 5, 7, 9, 10 et
11). Ceci pose donc la question de lʼholotype de lʼalgue.
Ainsi que le préconise le Code de Nomenclature Botani-
que, la désignation dʼun holotype est nécessaire. Cepen-
dant, comme lʼa souligné MAMET (1995), la sélection
dʼindividus en deux dimensions nʼest pas entièrement
suffisante pour rendre compte dʼune algue en trois dimen-
Fig. 1 : Reconstitution dʼHortonella. Les parties en grisé cor-
respondent à de possibles sporanges ou conceptacles.
sions. MAMET (1995) a choisi pour holotype dʼHortonella
Le plan de section A se rapporte à la Pl. I, figs 5 et 8 ; le uttingii lʼindividu de la pl. 1, fig. 8. Cʼest une section lon-
plan de section B à la Pl. I, figs 2-3 ; le plan de section C gitudinale de la partie externe de lʼhypothalle (voir notre
à la Pl. I, figs 4 et 6 ; tandis que le plan de section D est Fig. 1D), qui est considérée ici comme peu représenta-
latéral et oblique. tive, et de fait ce type de section peut être confondu avec
Comparaison dʼHortonella (algue rouge du Carbonifère) 245

une section de Principia, ou, comme lʼa indiqué MAMET tent des tailles irrégulières, nʼont pas de nette tendance à
(1995), avec certaines sections dʼArchaeolithophyllum. la décroissance. Enfin, les sections obliques, longitudina-
Les paratypes montrant : (a) lʼarrangement interne des les ou tangentielles dʼHortonella montrent des cellules
cellules, (b) les cellules centrales filamenteuses pauvre- internes filamenteuses que lʼon ne trouve jamais chez
ment calcifiées, ou (c) la différenciation hypothalle/épi- Principia. La principale différence dʼHortonella avec
thalle, sont considérés ici comme les plus représentatifs Neoprincipia, Archaeolithophyllum ou Asselahella est la
du genre ; il sʼagit des individus pl. 1, figs 10 et 11, ou paroi, microgranulaire chez Hortonella, et généralement
dans le présent article de la Pl. I, figs 1, 2, 9 et 11. Tou- recristallisée en une mosaïque calcitique chez les autres
tefois il serait illusoire de prétendre quʼune seule section genres.
puisse rassembler tous les caractères distinctifs. En conséquence, les critères qui permettent dʼattribuer
Deux de ces caractères sont notables sur les sections Hortonella aux algues rouges sont les suivants (1) pré-
obliques et latérales. Dʼabord la présence de quelques sence de genicula ; (2) possible croissance laminaire du
cellules plus grandes (voir par exemple MAMET 1995, thalle ; (3) possibles thalles jointifs ; (4) présence dʼun
pl. 1, fig. 8 ; ou ici Pl. I, figs 4 et 11), quʼon peut aussi hypothalle/périthalle avec des cellules filamenteuses
observer dans des sections tangentielles et longitudina- ayant différentes orientations et tailles ; (5) présence dʼun
les (MAMET, 1995, pl. 1, figs 10, 12 ; ou ici Pl. I, figs 1 épithalle ; (6) fortes ressemblances cellulaires avec des
et 9). Ces cellules élargies sont interprétées comme de genres dʼalgues rouges ; (7) possibles structures repro-
possibles structures de sporanges. Le second critère est ductives en forme de sporanges et/ou des conceptacles ;
la présence de rares petits centres radiaires (« rosette » (8) présence de structures en rosette ; et (9) présence de
ou « star-like structures »), où autour dʼune petite cellule processus septiformes.
subsphérique se disposent 5 ou 6 cellules trapézoïdales Seuls lʼhypothalle et le périthalle filamenteux (alors quʼils
(MAMET, 1995, pl. 1, figs 7, 8 ; ou ici Pl. I, fig. 7). De ce sont constitués de cellules chez la plupart des algues rou-
fait, cette disposition ne peut pas être aléatoire ; elle pour- ges) conduiraient à douter de lʼattribution dʼHortonella
rait correspondre à une structure physiologique, mais ce aux Rhodophyta. Dans les parties les mieux préservées
point reste à démontrer. De semblables structures étoilées de lʼhypothalle (Pl. I, figs 2, 4, 10), ces filaments sont
ou en rosette ne sont connues que chez les Solénopora- cloisonnés et peuvent être interprétés comme de lon-
cées (POIGNANT, 1991). De plus, la morphologie typique gues cellules. Dʼailleurs, les Solenoporaceae, bien que
de petits conceptacles a été observée chez dʼautres indi- nʼétant pas universellement admises comme un groupe
vidus (Pl. I, fig. 11). dʼalgues rouges (voir par exemple : BROOKE & RIDING,
Un autre caractère décrit par MAMET (1995) est la pré- 1998 ; CÓZAR & VACHARD, 2003 ; RIDING, 2004), sem-
sence de processus septiformes chez Hortonella, qui nʼest blent présenter des groupes de sporanges qui permettent
partagée que par quelques genres de Solenoporaceae. En dʼattribuer certains de leurs genres aux algues rouges. La
outre, les filaments, à la limite de lʼhypothalle et du péri- présence chez Hortonella dʼun hypothalle/périthalle fila-
thalle, sont ramifiés dichotomiquement (Pl. I, figs 1, 3, menteux avec une orientation changeante des filaments
11). La morphologie irrégulière des cellules se déduit des est somme toute similaire à lʼorganisation générale des
types très complexes de sections en deux dimensions, filaments chez Graticula BROOKE & RIDING, 2000.
dont lʼinterprétation tridimensionnelle nʼest pas toujours
aisée. La reconstitution de ces algues (Fig. 1) est suppo-
sée être celle des individus adultes, alors que des spéci- COMPARAISON AVEC LYSVAELLA, AUTRE
mens plus jeunes montrent des figures moins complexes STRUCTURE VESICULEUSE
(Pl. I, fig. 8), chez lesquelles, notamment, le nombre des
cellules de lʼhypothalle est inférieur. CÓZAR (sous presse) Le genre Lysvaella a été choisi comme type de la famille
a reconnu deux espèces dans le genre : Hortonella uttin- dʼalgues rouges supposées : les Lysvaellaceae. Le genre
gii et Hortonella sp. 1. Cette dernière est fondée sur la fut décrit par CHUVASHOV (1971) comme un thalle non-
taille inférieure de cellules plus allongées. Ainsi que le segmenté et multisérié, composé dʼun hypothalle médian
prouve la Fig. 1D, les sections rattachées à Hortonella sp. et dʼun périthalle. Lʼhypothalle contient des filaments
1 sont probablement des sections obliques de spécimens longs et étroits. Le périthalle est composé dʼune partie
juvéniles dʼHortonella uttingii, et dès lors le genre reste interne avec de grandes cellules polygonales, dʼune par-
monospécifique. tie médiane avec des cellules allongées inclinées vers
En section latérale, Principia nʼa pas un épithalle bien la surface du thalle, et finalement, dʼune partie externe
défini, et possède une morphologie plus arrondie des cel- avec une seule file de cellules ellipsoïdales. Cet auteur
lules de lʼhypothalle et une meilleure calcification de la a décrit aussi des conceptacles localisés dans la partie
paroi. Les cellules sont polygonales chez les deux genres, médiane du périthalle (CHUVASHOV, 1971, p. 88, fig. 1).
mais chez Hortonella, elles sont plus nettement subsphé- Néanmoins la description dʼun matériel type éparpillé et
riques. Par ailleurs, les cellules de Principia ont une taille sa reconstitution très idéalisée paraissent peu appropriés
qui décroît légèrement entre lʼaxe et la partie externe de à lʼillustration du taxon. Les figures originales montrent :
lʼhypothalle, et celles dʼHortonella, bien quʼelles présen- (1) une partie interne, partiellement calcifiée et composée
246 P. CÓZAR & D. VACHARD

de longs filaments, bien que ceux-ci ne soient présents HOV (1971) : (a) des calcaires sableux gris finement ruba-
que dans un seul spécimen (aucun des spécimens de CHU- nés, séparés par des couches de grès et dʼargilites ; (b) les
VASHOV, 1974 ne contient de filaments internes) ; (2) la débris organiques sont communs dans les couches calcai-
partie externe ou « périthalle » renferme deux zones : une res et sont associés avec des foraminifères encroûtants,
mince file terminale de cellules obliques et une épaisse des stromatolithes avec des structures de spongiostromi-
couche interne composée de plusieurs types de vésicules, des, et des oncoïdes de type Osagia ; (c) des alternances
quelquefois polygonales, subsphériques or irrégulières, avec des roches terrigènes contenant de nombreux frag-
allongées et perpendiculaires aux parois du thalle, avec ments de plantes terrestres. Il suffirait dʼajouter à cette
des tailles très variables du micron au millimètre, et jus- description la présence de cristaux de gypse, pour la com-
quʼau centimètre ; (3) la morphologie interne individuelle parer avec celle de la base de la Formation de Meenymore
des vésicules est aussi variée, lisse, irrégulière, avec des dans le nord-ouest de lʼIrlande. Cette dernière formation
rentrants et des structures en forme de col ; (4) les pré- a été interprétée comme un dépôt de sebkha (WEST et
tendus « conceptacles » sont disproportionnés ; ils sont al., 1968 ; BRANDON, 1977). Dans la partie inférieure
parfois centimétriques dans la partie latérale du thalle, ou de cette formation se rencontrent des calcaires rubanés
bien ils sont distribués dans toute lʼépaisseur du « péri- dans lesquels des spécimens de type « Lysvaella » ont été
thalle ». Par conséquent, la réunion de la forme, de la découverts (Pl. I, figs 15-17). Ceux-ci, et par conséquent
taille et de lʼemplacement des vésicules, qui pourrait jus- le genre Lysvaella, peuvent y être interprétés comme des
tifier une différenciation du thalle, nʼa pas été observée, pédotubes ou des rhizoconcrétions. Les fréquentes rhizo-
et de fait, la structure peut seulement être qualifiée de concrétions sont en relation directe avec les nombreux
vésiculeuse. La présence de longs filaments internes est débris de plantes recueillis dans les bancs terrigènes.
inhabituelle. Le caractère le plus uniformément observé Le processus de formation de ces rhizoconcrétions a été
est la présence dʼune file terminale de cellules externes, expliqué par KLAPPA (1980, fig. 1). Par rhizoconcrétion,
qui pourrait correspondre à lʼépithalle ou aux filaments cet auteur entend des accumulations pédogénétiques
corticaux de WRAY (1977, p. 55, fig. 43), parce que les de matière minérale autour de racines. Cette accumula-
conceptacles supposés ne sont pas sans conteste identi- tion, généralement accompagnée de cimentation, peut se
ques à ceux des autres rhodophytes. produire durant la vie ou après la mort des racines de la
Un indice permettant dʼinterpréter ce curieux taxon peut plante. Dans quelques cas, une pétrification de la racine
être tiré de la description environnementale de CHUVAS- peut avoir lieu ; cʼest-à-dire une précipitation minérale à

Planche I

Fig. 1-13 : Hortonella uttingii MAMET emend. hic. Coupe de La Cornuda (PcCOR), de la Sierra Palacios 7 (PcSPL7) et
du Cerro Cabello (Pc540-550), sud-ouest de lʼEspagne, Serpoukhovien inférieur. Grossissement x 80 sauf
pour les figures 6 (x 33), 13-14 (x 26.5), et 17 (x 66).
1 : Section tangentielle juvénile. Spécimen PcCOR/6e-3-2315/28.
2 : Section tangentielle. Spécimen PcCOR/6e-0-2182/29.
3 : Section tangentielle. Spécimen PcCOR/6e-1-2315/23.
4 : Section oblique montrant le geniculum. Spécimen Pc544ʼ-2176/9.
5 : Détail dʼune ramification. Spécimen PcCOR/6e-2-2315/25.
6 : Section oblique montrant le geniculum. Spécimen Pc543-2148/9.
7 : Structure en rosette. Spécimen PcSPL7-2ʼ-2182/26.
8 : Section longitudinale. Spécimen PcCOR/6e-0-2182/30.
9 : Section longitudinale. Spécimen Pc540b-2315/1.
10 : Section longitudinale. Spécimen Pc546c-2176/12.
11 : Section oblique, notez les structures externes (à droite) en forme de conceptacles. Spécimen Pc540b-
2315/8.
12 : Section longitudinale semblant constituée par plusieurs thalles accolés latéralement en palissade. Spéci-
men PcCOR/6e-5-2316/2.
13 : Section oblique Spécimen PcCOR/6e-3-2320/11.
Fig. 14-17 : Rhizoconcrétions et pétrifications viséennes (au sens de KLAPPA, 1980).
14 : Echantillon Pc27/8/77. Structure alvéolaire (en toile dʼaraignée), ayant des ressemblances avec Aranea.
Formation de Meenymore (nord-est de lʼIrlande), Viséen supérieur.
15-17 : Formation de Ballyadams (sud-est de lʼIrlande), Viséen supérieur. 15 et 17 (échantillon Pc1588), 16
(échantillon Pc2460).
Planche I

8
5
6
9
4 7

11

10

12 13

14 15 16 17
248 P. CÓZAR & D. VACHARD

lʼintérieur des vides des structures organiques et le dépôt ged cells could be sporangia. Cells are internally poorly
de minéraux sur (incrustation) ou à lʼintérieur (imprégna- calcified, and better calcified to the external part of the
tion) du matériel mort ou vivant (KLAPPA, 1980). hypothallus. Cellular cortex well calcified.
Le genre Aranea HANCE, 1983, qui fut aussi rattaché aux
algues rouges, pourrait être une autre section tangentielle Distribution : Mississippien inférieur (Tournaisien supé-
de rhizoconcrétions (Pl. I, fig. 14). Cependant, dans ce rieur) - Permien moyen. Probablement cosmopolite, bien
cas, les rhizoconcrétions se rencontrent dans des milieux quʼencore peu cité. Algérie (MAMET, 1995 ; SEBBAR &
de plus haute énergie, généralement submergés (inter- à MAMET, 1996, 1999), Canada (MAMET, 1995), sud-ouest
subtidal), et, bien que de même âge que les racines simi- de lʼEspagne (CÓZAR, sous presse), Afghanistan central [?
laires à « Lysvaella », ils proviennent probablement dʼune VACHARD, 1980, pl. 25, fig. 12, comme Lysvaella (?) sp. ;
autre plante vasculaire. Ces types de sections sont pré- VACHARD & MONTENAT, 1981, pl. 15, fig. 3, et ? 8, comme
sents dans la sédimentation cyclique de lʼAsbien supé- Lysvaella (?) sp.], Belgique [CONIL et al., 1969, pl. 1, fig.
rieur du sud de lʼIrlande (GALLAGHER, 1992). Le sommet 1 ; identifiée comme Solénoporacée ? ; HANCE, 1988, pl.
des cycles est composé de grainstones présentant géné- 1, figs 2-4, ? 7 ; sous diverses appellations : Udoteaceae
ralement des rhizoconcrétions avec une structure interne gen. nov., Rhodophyceae, Rhodophyceae ? ou Algae ?)]
alvéolaire en plus dʼune micritisation. En section tangen-
France [(a) en Montagne Noire : MAMET & ROUX, 1977,
tielle, les rhizoconcrétions sont relativement similaires
pl. 6, fig. 5 (seulement) ; désigné comme Archaeolitho-
à la structure alvéolaire (en toile dʼaraignée) dʼAranea.
phyllum vailhani ; VACHARD & ARETZ, 2004, fig. 9. 7,
Elles auraient pu être produites par des bactéries durant
comme Hortonella sp. ; (b) dans les Pyrénées, PERRET &
la décomposition des tissus (voir KLAPPA, 1980).
VACHARD, 1977, pl. 10, fig. 5, en tant que « genre indéter-
miné » ; (c) ; Boulonnais, D.V. inédit in PRUDʼHOMME et
PALÉONTOLOGIE SYSTÉMATIQUE al., 1992, comme Lysvaella (?)].

Famille Archaeolithophyllaceae CHUVASHOV et al.,


1987, CONCLUSIONS
emend. VACHARD et al., 2001
Genre Hortonella MAMET, 1995 emend. hic Le genre Hortonella est émendé, et redécrit en tant quʼal-
gue rouge.
Diagnose émendée : Thalle géniculé subcylindrique à Dʼautres genres voisins, tels que Lysvaella ou Aranea,
laminaire (?), parfois ramifié. Différenciation du thalle algues rouges supposées, sont interprétés comme des
en une partie interne et un cortex cellulaire correspondant racines de plantes.
peut-être à un hypothalle et un périthalle. La partie interne Cet article illustre donc la complexité des taxons attri-
contient de longues cellules tubulaires semi-parallèles. bués aux algues rouges au Paléozoïque, et la nécessité de
Irrégulièrement étroites, polygonales, serrées sur lʼaxe du poursuivre leur étude.
thalle, et sʼévasant progressivement, celles-ci sʼincurvent
vers la partie externe. En bordure de la partie externe du
thalle, ces cellules deviennent plus grandes et tendent à REMERCIEMENTS
se ramifier. Le cortex cellulaire est composé dʼune file
unique de petites cellules subcylindriques. Des concepta- Nous remercions M. CONRAD et C. MEISTER (Genève) de
cles peuvent être présents dans la partie externe du thalle leurs conseils avisés.
et quelques cellules élargies peuvent être des sporanges.
Les cellules ont une faible calcification interne et sont
mieux calcifiées dans la partie externe de lʼhypothalle. Le REFERENCES
cortex cellulaire est bien calcifié.
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cortex more or less comparable with primitive hypothal- BRANDON, A. (1977) - The Meenymore Formation – an exten-
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tubular cells in the central axis of the thallus, progressi-
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vely tapering and curved to the external part. Close to the HELM (1982) - Calcareous microfossils from the Mississip-
outer part of the thallus, cells are much larger and occa- pian Keokuk Limestone and adjacent formations, Upper
sionally ramified. Cellular cortex composed of a single Mississippi River Valley : their meaning for North Ameri-
row of small and subcylindrical cells. Conceptacles can can and intercontinental correlation. Geologica et Paleon-
be present in the outer part of the thallus, and some enlar- tologica, 15 : 47-88.
Comparaison dʼHortonella (algue rouge du Carbonifère) 249

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Accepté août 2004

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