Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Laurent Bossard
Laurent Bossard**
* Les principaux éléments de cet article ont été présentés à l’occasion d’une réunion consultative sur les
conséquences régionales de la crise en Côte d’Ivoire organisée par le Secrétariat du Club du Sahel et de
l’Afrique de l’Ouest (CSAO) de l’OCDE, à Cotonou les 16 et 17 décembre 2002.
Le contenu de cette communication n’engage en aucune façon l’OCDE et le Club du Sahel et de l’Afrique
de l’Ouest.
1) L’une des manifestations les plus anciennes en est la création de l’Association de défense des intérêts
des autochtones de Côte d’Ivoire (ADIACI) dans les années 1930.
• en décembre 1998, une loi sur le domaine foncier rural est votée.
Au titre de cette loi, seuls l’Etat ivoirien, les collectivités
publiques et les personnes physiques ivoiriennes ont désormais
accès à la propriété. Le lien avec le problème migratoire ne fait de
doute pour personne, même si les droits acquis antérieurement par
les non-Ivoiriens semblent a priori préservés. Mais on verra rapi-
dement que l’application de la loi fait problème, à commencer par
la question de la nationalité. Une étude récente (Chauveau, 2002)
recense diverses possibilités d’interprétations, notamment pour ce
qui concerne l’indemnisation des investissements consentis par les
non-Ivoiriens ;
Ceci étant posé, la vraie question à long terme n’est pas celle de la
limitation de l’immigration vers cette zone ; en effet, en Afrique, où
les avantages sociaux "à l’européenne" n’existent pas, on ne migre que
vers les zones où l’on a une chance de travailler, comme on le verra
plus bas. La question n’est pas non plus celle des "étrangers" en Côte
d’Ivoire car, nous le verrons également, le concept de nationalité a
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 03/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.178.39.201)
2) Les arbustes cacaoyers et caféiers ont besoin les premières années de l’ombrage des grands arbres
pour se développer ; les défrichements sur forêt secondaire offrent donc de moins bonnes conditions de
culture que les défrichements antérieurs sur forêt primaire ; là où plusieurs défrichements ont déjà eu
lieu, les sols se sont appauvris ; la végétation s’est dégradée et les possibilités d’établir de nouvelles plan-
tations s’amoindrissent toujours d’avantage.
L a
Côte d’Ivoire est le seul pays d’Afrique de l’Ouest où coexistent ainsi
DOSSIER
4) Le président Houphet Boigny était baoulé, l’actuel président Laurent Gbagbo est bété, Alassane
Ouattara est issu du groupe mandé.
battants"5 gyo de la guerre civile du Liberia, qui n’ont pas tous été
intégrés à l’armée régulière, viennent désormais prêter main-forte à
leurs parents yacouba de Côte d’Ivoire avec qui ils partagent la même
langue (du groupe mandé). Il est probable également que, la paix
étant revenue en Sierra Leone, des "anciens combattants" du RUF
sierra-léonais s’immiscent dans le conflit ivoirien en passant par le
nord du Liberia et le sud-est de la Guinée où ils sont "chez eux".
5) Ce terme "ancien combattant" n’est pas très approprié puisqu’une grande partie d’entre eux sont à
l’origine des enfants-soldats. Seule une partie des 70 000 rebelles recensés, a été réellement désarmée.
Une autre partie est "dans la forêt" ; essentiellement au Liberia ; pourquoi pas plus loin ?
Cela confirme que, sauf en cas de crise aiguë, les migrations ne sont
pas des "fuites en avant" mais résultent de stratégies raisonnées en
fonction des opportunités économiques. Lorsque ces dernières se
tarissent, les migrations cessent, parfois s’inversent dans l’attente de
jours meilleurs ou encore se réorientent vers des zones jugées plus
hospitalières.
Les vallées de l’ouest du Burkina ont toujours attiré les Mossi en dépit
de l’onchocercose (cécité des rivières) qui a longtemps rendu ces zones
difficiles à vivre. C’est le cas par exemple de la Volta Noire qui a vu,
dès le début des années 1960, arriver de nouvelles vagues de peuple-
ment, certes relativement modestes (Benoït, 1973). Cette tendance
semble s’être accélérée par la suite sous le triple effet du développe-
ment de la culture du coton, de la croissance urbaine et de l’éradica-
tion progressive de l’onchocercose (Boutillier, Quesnel et Vaugelade,
1975). Mais aujourd’hui les spécialistes nous indiquent que les val-
lées de la Volta Noire sont déjà surpeuplées et en voie de dégradation.
Il existe très probablement encore d’autres zones "à peupler", d’ores
et déjà clairement identifiées dans l’esprit des chefs de famille mossi.
sera probablement les migrations des régions pauvres vers les régions
mieux dotées en ressources et vers les villes. […] Si ce fait est recon-
nu et accepté, la question cruciale que l’on doit poser est celle des dis-
positions à prendre pour que le peuplement puisse se faire dans des
conditions acceptables."
• la zone 1 rassemble les principaux pôles de croissance urbaine dans les pays
côtiers et leur arrière-pays immédiat : avec 41 % de la population
régionale (sur 8 % de la superficie totale), la densité de population
y est forte (124 habitants au km2 en 1990) et le niveau d’urbani-
sation élevé (55 % en 1990). C’est la zone qui a connu la plus forte
croissance entre 1960 et 1990 (immigration nette de 8,3 millions
de personnes) ;
Références bibliographiques
R. Banégas et B. Losch, "La Côte d’Ivoire au bord de l’implosion",
Politique africaine, n° 87, octobre 2002.
M. Benoît, Le champ spatial mossi dans les pays du Voun-Hou et de la Volta noire,
Paris, ORSTOM, 1973.
C. Benveniste, "La boucle du cacao en Côte d’Ivoire : étude régionale des circuits
de transport", Paris, ORSTOM, 1974.
J.-L. Boutillier, "Croissance démographique et croissance économique en Côte
d’Ivoire", Paris, ORSTOM, 1971.
J.-L. Boutillier, A. Quesnel et J. Vaugelade, Systèmes sociaux économiques mossi et
migrations, Paris, ORSTOM, 1975.
J.-P. Chauveau, "Une lecture sociologique de la loi ivoirienne de 1998 sur le
domaine foncier rural", Paris, IRD REFO, septembre 2002.
CERPOD, Migrations et Urbanisation en Afrique de l'Ouest., Bamako, CILSS, 2000.
D. Cogneau et S. Mesplé-Somps, La Côte d’Ivoire peut-elle devenir un pays émergent ?,
Programme d’étude Afrique émergente", Paris, OCDE, juin 1999.
C. Coquery-Vidrovitch et G. Laclavère (dir.), Atlas historique de l’Afrique, Paris,
Editions du Jaguar, 1988.
J.-M. Cour et S. Snrech (dir.), Étude des perspectives à long terme en Afrique de
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 03/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.178.39.201)