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Herve Platel
Université de Caen Normandie
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Neuropsychologie
de la musique : Perception,
mémoire et thérapie
Hervé Platel (Professeur de Neuropsychologie) - Inserm E0218 - EPHE - Université de Caen - herve.platel@unicaen.fr
qué : clinique, car, même s’ils sont rares, des patients porteurs de lésions cérébra-
les présentent parfois des troubles dans ce domaine qu’il faut pouvoir objectiver
à l’aide d’outils d’évaluation adaptés, puis prendre en charge. De plus, en dehors
de toute plainte spécifique portant sur la perception musicale, l’utilisation de
* la musique dans une visée rééducative et parfois thérapeutique a été depuis
longtemps envisagée. Ce sont les
avancées des recherches fonda-
Le statut de la les civilisations humaines sans
exception ? (ENCADRÉ 2) De nom-
mentales dans ce domaine qui per- musique dans la breuses études tendent à montrer
mettent aujourd’hui d’envisager que, du point de vue cognitif, la
de nouvelles approches musico- cognition humaine musique exerce une influence sur
thérapeutiques sur des bases le comportement qui va au-delà
toujours plus objectives. D’un point de vue purement biolo- des simples aspects esthétiques
gique, on pourrait penser que la et/ou affectifs qu’elle est supposée
musique est totalement inutile à transmettre (Huron, 2001).
l’évolution de l’Homme, car assuré- Y a-t-il une conception universelle
ment pas indispensable à la survie de la musique ? Dans l’esprit du
de l’espèce, et qu’elle pourrait bien musicien, du musicologue et même
ne pas exister sans que notre évolu- du citoyen non spécialiste, le terme
tion en soit perturbée. Mais si la « musique » renvoie le plus souvent
musique ne sert à rien, pourquoi la à une réalité bien établie et accep-
retrouve-t-on présente dans toutes tée. Ce « confort intellectuel » est
2
*
remis en question dès lors que l’on musique. Simha Arom (1985) signa- sante de la musique. Il ressort
élargit son champ d’investigation le que, à sa connaissance, il n’y a néanmoins de ces travaux que du
dans l’espace et dans le temps. En pas de terme dans de nombreuses point de vue du caractère social
Occident, nous donnons au terme langues africaines pour dire général de la musique :
une signification plus étroite qu’il « musique ». Il y a bien des mots elle se retrouve dans toutes les
en eut à l’origine puisque, comme pour dire « chant », pour désigner sociétés comme phénomène
nous le montre l’étymologie, il certaines catégories de chants, acoustique (pas nécessairement
s’agissait d’abord en Grèce pour les répertorier, mais le mot conceptuel) ;
antique, de l’ensemble des activités « musique » n’existe pas ; ou elle est destinée à être écoutée
gouvernées par les muses. encore, il n’existe pas de terme plus qu’à être lue ;
Par ailleurs, l’acceptation globali- générique pour « mélodie » ni on lui suppose un fondement
sante du mot est loin d’être univer- « rythme ». Le mot « musique » n’a biologique (inné et héréditaire)
sellement partagée. Au Tibet, par pas d’équivalent non plus en arabe et aussi culturel (des conven-
exemple, le terme « n’ga-ro » yéménite de même qu’en arabe tions apprises) ;
désignera toute émission sonore, classique, du moins pas avant le XXe elle accomplit un réseau
qu’elle soit « musicale » ou non siècle (Lambert, 1997). complexe de fonctions ;
(Canzio, 1985) et aucun terme L’ethnomusicologie nous montre et elle est un processus constant
n’existe pour cerner le champ que donc l’impossibilité d’arriver à une de changement.
l’on associe en Occident à la définition universellement satisfai-
Haut : Exemple de 6 flûtes extraites du site néolithique de Jiahu (province de Henan, Chine)
Des fragments d’une trentaine d’autres instruments ont également été découverts. Datés entre 7000 et 9000 ans, ce sont sans doute les
instruments de musique les plus anciens encore jouables.
Bas : Flûte dite «de Néanderthal» (grotte Divje babe I, Slovénie)
La datation au carbone 14 ne laisse aucun doute sur l’âge de cet objet : environ 45 000 ans. L’attribution de cet « instrument de musique » à la
période Néanderthalienne pose différentes questions et fait débat, notamment sur les thèses évolutionnistes concernant les capacités de
langage de l’homme de Néanderthal. Non seulement il est probable que Néanderthal parlait, mais peut-être faisait-il également de la musique !
3
Neuropsychologie parle de trouble du premier niveau
que l’on pourrait appeler « absence
rents types d’aphasies. C’est ainsi
que Ballet (1888, cité par
clinique de la de décision musicale ». Dans le Marinesco, 1905) décrit une apha-
deuxième niveau de désintégra- sie motrice pour la musique com-
perception musicale tion, la musique est bien reconnue parable à l’aphasie motrice décrite
en tant que telle, mais le patient au niveau verbal, puis à « chaque
commet des erreurs dans l’appré- forme d’aphasie verbale, Ballet
Un siècle ciation structurale des hauteurs, de oppose une aphasie musicale ». Ces
d’agnosie auditive l’intensité, de la durée, des tim- classifications sont en partie repri-
bres, des qualités esthétiques ; les ses vingt ans plus tard par
La neuropsychologie s’intéresse à sons deviennent inharmonieux, Henschen (1926) puis par Botez et
la caractérisation des troubles de la pénibles, désagréables. Wertheim (1959) ; ces derniers
perception auditive depuis mainte- L’impossibilité d’identifier une différencient l’amusie sensorielle,
nant plus d’un siècle. Les troubles mélodie connue sans trouble ou réceptive, de l’amusie motrice
centraux de l’audition ont fait majeur de l’analyse structurale des ou expressive.
l’objet d’une attention particulière sons constitue le troisième niveau La coexistence fréquente des trou-
à travers les observations d’agno- (sémantique) de désintégration. bles de la fonction musicale et des
sies auditives. Toutefois, le domai- Pendant près d’un siècle, d’environ troubles de la fonction linguistique
ne de la perception auditive est 1865 avec les premiers travaux de laisse supposer que certains proces-
resté moins étudié que d’autres Bouillaud sur l’exploration des sus sont communs à ces deux
thèmes voisins comme la percep- capacités musicales chez des apha- fonctions, même s’il ne s’agit pas
tion visuelle et ses différentes siques, jusqu’au milieu des années d’un chevauchement intégral entre
pathologies (Platel, 2001). 1960, l’hypothèse la plus couram- aphasie et amusie. Dorgeuille
En conséquence, une certaine ment retenue sur les amusies est (1966) remarque que la moitié des
confusion a longtemps persisté qu’elles constituaient une forme cas d’amusie examinés présentent
concernant la définition des particulière des troubles apha- également une aphasie.
troubles centraux de l’audition. siques. La perte de capacités musi- Cependant, la pathologie montre
Trois grands syndromes peuvent cales était alors reliée aux atteintes bien qu’il existe également des
être décrits : des même centres cérébraux que dissociations entre les compétences
L’agnosie auditive est définie ceux impliqués dans le langage. La linguistiques et les compétences
par l’impossibilité de reconnaî- reconnaissance des sons musicaux musicales, impliquant une certaine
tre les bruits de l’environne- fut de fait assimilée à celle des sons indépendance fonctionnelle de ces
ment, la parole et la musique verbaux. processus mentaux.
que le malade déclare cepen- Aphasie sans amusie
dant entendre. L’apport Lechevalier et coll. (1985) rappel-
La surdité verbale pure est l’im- des études de cas lent que : « Les anciens auteurs
possibilité de comprendre le
n’ont pas manqué d’être intrigués
langage parlé, de répéter ou Le comportement d’un grand nom- par la conservation des facultés
d’écrire sous dictée en l’absence bre de musiciens atteints d’une musicales chez certains apha-
d’autre signe d’aphasie. lésion cérébrale droite ou gauche siques ». À propos de son observa-
La surdité corticale est définie est décrit dans la littérature sous tion 3, intitulée Grand embarras de
comme l’impression d’être forme d’études de cas. Ces observa- la parole avec conservation des
sourd contrastant avec l’intégri- tions anatomo-cliniques sont autres facultés intellectuelles,
té de l’audiogramme tonal. regroupées dans plusieurs revues Bouillaud conclut en 1865 : « Voici
Lorsque l’agnosie auditive cor- bibliographiques (Benton, 1977 ; donc une personne qui ne peut ni
respond de manière prépondéran- Marin, 1982 ; Lechevalier et coll., prononcer ni écrire de lui-même les
te à des troubles de la perception 1985 ; Vignolo, 2003). Toutefois, ces mots d’un discours, mais qui com-
musicale, on parle alors d’amusie. observations ne permettent pas de pose et écrit un morceau de
Trois niveaux de désintégration définir précisément le rôle musique ! » . De même, le malade
peuvent être distingués dans les spécifique de chaque hémisphère de Lasègue (cité par Proust, 1872)
amusies (Lechevalier et coll., 1985) : cérébral dans la fonction musicale. pouvait noter une phrase musicale
lorsque le patient confond les Les premières études portant sur qu’il entendait chanter alors qu’il
différentes sortes de sons, et que les amusies utilisaient des classifica- ne pouvait ni parler ni écrire. Les
*Innover pour mieux soigner
par conséquent la musique n’est tions comparables à celles qui études de pathologies cérébrales
pas reconnue comme telle, on permettent de distinguer les diffé- ont ainsi contribué à distinguer le
4
*
traitement du langage de celui de perturbé, mais la lecture et l’écritu- Le malade de Assal (1973) âgé de
la musique (voir Lechevalier et re étaient relativement préservées. 64 ans, chef d’orchestre de varié-
coll., 1985, pour une revue). Cependant, son aphasie ne modifia tés, sachant jouer de plusieurs
L’étude célèbre de Luria et coll. pas sa carrière et pendant les six instruments, fit à la suite d’un
(1965) concernant le compositeur années de sa survie, il écrivit de infarctus temporal gauche une
russe Shebalin montre une disso- nombreuses pièces musicales dont aphasie de Wernicke avec un
ciation entre des perturbations une 5e symphonie qui lui valut les important jargon, une alexie et
sévères du langage et des capacités éloges de Chostakovitch. À sa une agraphie. La discrimination
musicales préservées. À 59 ans, mort, l’autopsie révéla un ramollis- auditive de mots signifiants ou non
Shebalin (alors directeur du conser- sement hémorragique massif comportait 25 % d’erreurs, celle
vatoire de Moscou) fit une hémi- kystique affectant les régions des phonèmes présentés par paire
plégie brachio-faciale droite avec temporale et pariétale inférieures n’était pas possible. Les capacités
aphasie. Le langage oral était très gauches. musicales demeuraient bonnes, le
ENTRÉE AUDITIVE
MUSIQUE LANGAGE
Répertoire Lexique
SRM
Mémoire associative
5
malade exécutait très facilement présenta de gros troubles de la sie ne sont pas les seules sources
une mélodie qu’il venait d’enten- perception musicale : il ne pouvait cliniques intéressantes permettant
dre pour la première fois et recon- plus battre la mesure, son sens de faire des inférences sur l’archi-
naissait immédiatement des frag- rythmique et sa reconnaissance des tecture cognitive de la perception
ments musicaux joués au piano hauteurs avaient disparu, il ne musicale. Ainsi certaines observa-
qu’il avait entendu avant sa pouvait plus distinguer les fausses tions d’agnosie auditive ou de
maladie. Il décelait bien les erreurs notes dans une mélodie. surdité verbale sont particulière-
volontairement introduites dans Le malade de Jossmann (1926 ; cité ment intéressantes, car certains
une partition. Il lisait parfaitement par Dorgeuille), bon instrumentiste patients peuvent présenter des
la musique. Toutefois, il présentait et bon chanteur, fit un épisode troubles spécifiques de certaines
une impossibilité à lire les titres et hémiplégique gauche durant un composantes de la perception
les signes musicaux (en dehors des mois. Il n’avait pas de difficulté à musicale (hauteur, timbre,
notes de musique), quelques percevoir les hauteurs, le rythme, rythme...) associés avec des pertur-
erreurs rythmiques à la lecture de la mélodie ou l’intensité, mais il bations portant sur les sons du
la partition, des difficultés pour éprouvait des difficultés à lire la langage ou de l’environnement
écrire les notes à la dictée verbale musique et reproduisait les (Griffiths et coll., 1999).
alors que la dictée musicale (audi- mélodies et des sons simples avec
tion - écriture des notes) était des erreurs grossières.
conservée.
Peretz et coll. (1994) rapportent le
Ce même type de dissociation est cas de C.N., une jeune infirmière
L’apport
rapporté par Signoret et coll.
(1987) dans l’étude de cas excep-
sans éducation musicale qui, à la des méthodes de
suite de l’atteinte successive des
tionnelle d’un organiste aveugle deux lobes temporaux, s’est re- neuropsychologie
qui utilisait le braille (dont les
symboles pour l’alphabet et la
trouvée dans l’incapacité de recon-
naître le moindre air musical. Elle
expérimentale
notation musicale se recouvrent) ne reconnaissait plus aucun extrait
pour lire texte et musique. Après de ses propres disques à moins qu’il Même si la neuropsychologie a
une lésion cérébrale provoquant n’y ait des paroles ; elle ne pouvait pour vocation les études de
une aphasie de Wernicke, ce plus chanter comme elle en avait malades, on trouve un assez grand
musicien gardait néanmoins ses l’habitude à son jeune fils des nombre de travaux réalisés unique-
capacités musicales préservées. Il rondes enfantines qu’ils affection- ment sur des populations de sujets
pouvait notamment lire la naient tous deux. Ses capacités à sains. Ce désir de retour au sujet
musique, mais il montrait une inca- comprendre et à communiquer sain s’est exprimé dès les années
pacité à lire et à comprendre du verbalement sont cependant 1960, dans un souci de validation à
texte verbal avec les mêmes symbo- restées intactes. Il est intéressant la fois des paradigmes expérimen-
les Braille. Un important ramollis- de souligner que la mémorisation taux, mais aussi des données
sement sylvien gauche détruisant de nouveaux airs musicaux restait recueillies chez les malades. En
le lobe temporal était observé au très déficitaire chez cette patiente. effet, les performances de patients
scanner. pour des échelles d’évaluation
Les dissociations franches entre
On remarque l’absence de lésions nouvelles ne peuvent être appré-
troubles du langage et de la
significatives de l’hémisphère droit ciées correctement qu’en faisant
musique sont donc rares et consti-
dans ces observations. référence aux capacités des sujets
tuent par là même des cas excep-
normaux. Ainsi, le paradigme de
Amusie sans aphasie tionnels sur lesquels il est assez dif-
test en écoute dichotique a fait
Les observations d’amusie sont ficile de faire des généralisations.
l’objet de nombreux travaux tant
extrêmement rares dans la littéra- L’existence, même exceptionnelle,
sur des populations de sujets
ture. Quelques cas non publiés ont d’une dissociation de processus est-
volontaires sains que de malades.
été répertoriés dans la thèse de elle un argument suffisamment
Dorgeuille (1966). Ainsi, des cas fort pour concevoir des relations
d’amusies sans aphasie après modulaires et autonomes entre L’écoute dichotique
lésions hémisphériques droites ont musique et langage ? Le modèle
cognitif de la perception musicale Doreen Kimura a été l’une des
été rapportés.
proposé par I. Peretz est fondé premières à utiliser le principe du
Le malade de Würtzen (1920 ; cité test d’écoute dichotique (mis au
principalement sur l’existence de
par Henschen), était un danseur de
*Innover pour mieux soigner
7
rapides et que l’aire auditive droite des activations significatives, spéci- mune aux différentes tâches ;
est préférentiellement impliquée fiques et différenciées pour chacu- 2 - l’activation spécifique du pré-
dans les modifications spectrales ne des tâches proposées (FIGURE cunéus gauche reflète l’utilisation
« lentes ». De ces particularités 4) : des activations locales dans d’une stratégie d’imagerie mentale
fonctionnelles découleraient beau- l’hémisphère gauche pour les effectuée par les sujets (d’après
coup des effets différentiels de tâches d’Identification/Familiarité leurs témoignages) pour réaliser
supériorité hémisphérique obser- (gyrus frontal inférieur et temporal cette tâche du protocole. Cet
vés pour les paramètres musicaux supérieur) et de Rythme (aire de exemple illustre la prudence avec
comme la perception de la hauteur Broca et insula), et des activations laquelle il faut interpréter les
musicale (supériorité gauche pour principalement dans l’hémisphère résultats des travaux de neuro-
les intervalles et droite pour le droit pour la tâche de Timbre imagerie ; suivant la nature des
contour mélodique) ou du rythme (gyrus précentral et frontal tâches utilisées et des comparai-
(supériorité gauche pour les tâches médian, occipital médian gauche). sons effectuées, les activations
de segmentation et droite pour La tâche de Hauteur rend compte obtenues montreront l’implication
l’évaluation métrique du tempo). d’un pattern de résultats inattendu de réseaux cérébraux plus ou
Notre étude sur la perception de avec des activations spécifiques moins étendus reflétant des
différentes composantes de la dans l’hémisphère gauche (cunéus processus primaires (décodage
musique (identification musicale, et précunéus). Ce dernier résultat perceptif) ou secondaires (straté-
rythme, timbre, hauteur) est l’un est lié à deux facteurs : 1 - l’absen- gies de traitement et d’intégration
des rares travaux de neuroimagerie ce d’activation à droite notamment de l’information).
qui couvre en même temps ces la conséquence méthodologique
différentes dimensions (Platel et de l’analyse comparative utilisée
coll., 1997). Les résultats montrent qui « efface » toute activation com-
8
*
Musique et mémoire classique d’évaluation de la « mé-
moire musicale », qui peut s’appa-
perturbation sélective de l’identifi-
cation des œuvres musicales chez
renter à la « mémoire sémantique des patients musiciens. Dupré et
Les travaux de psychologie expéri- musicale ». Il est toutefois nécessai- Nathan (1911) ont publié le cas
mentale et de neuropsychologie re de distinguer deux étapes dans d’un violoniste atteint d’une apha-
ont principalement porté sur les l’identification musicale. La pre- sie de Wernicke. Le patient avait
aspects élémentaires de la percep- mière correspond au « sentiment gardé la possibilité d’exécuter une
tion musicale et plus rarement sur de familiarité », où le sujet connaît œuvre à partir de la partition. Il
les processus mnésiques en tant un extrait musical sans pouvoir y était capable d’improviser et de
que tels. Les quelques recherches apposer une étiquette verbale pré- déceler des erreurs dans l’exécu-
de psychologie de la musique cisant l’auteur, le titre ou des paro- tion d’un morceau déjà connu de
consacrées à ce sujet se sont davan- les s’il s’agit de chansons. Celui-ci lui. En revanche, il ne reconnaissait
tage intéressées à la mémoire de peut néanmoins avoir une « repré- pas les airs populaires ou les
travail musicale plutôt qu’aux pro- sentation mentale » de la musique, chansons enfantines. Alors qu’il ne
cessus d’encodage et de récupéra- sous la forme d’un air dont il peut reconnaissait pas la Marseillaise, il
tion à long terme. Par exemple, fredonner la suite. Cette représen- pouvait en faire une dictée musica-
Diana Deutsch a particulièrement tation mentale peut correspondre le et l’harmoniser sans difficulté, ce
travaillé sur la mémoire auditive à à un « lexique musical pur », tel que qui facilitait la reconnaissance.
court terme (Deutsch, 1975). Peretz le postule dans son modèle. Malgré un infarctus cortico-cortical
Utilisant les méthodes de la La deuxième étape correspond à gauche responsable d’une aphasie
psychophysique, cet auteur a mis l’identification en tant que telle, de Wernicke, la pianiste de
au point et largement utilisé le avec rappel d’un libellé verbal défi- Souques et Baruk (1930) était capa-
paradigme « d’interférence auditi- nissant plus ou moins précisément ble d’exécuter spontanément un
ve » dans lequel les sujets doivent l’œuvre entendue. Cette distinc- morceau ou des gammes. Elle
discriminer deux stimuli auditifs tion est essentielle, notamment en déchiffrait les notes sans difficultés
(consigne pareil/différent) séparés clinique, afin de différencier une et détectait des erreurs dans des
par une séquence interférente. Ce représentation mnésique non ver- gammes jouées par l’examinateur.
type de tâche permet d’évaluer les bale d’une représentation verbale Cependant, elle était dans l’incapa-
capacités de la mémoire de travail de la musique. Dans les deux cas cité de reconnaître le moindre air
musicale et de déterminer s’il y a (familiarité ou identification), des connu, elle ne pouvait les reprodui-
indépendance des traitements en informations contextuelles concer- re au piano, et ne faisait même pas
mémoire entre les stimuli cibles (la nant les conditions spatiale et tem- preuve d’un vague sentiment de
paire à comparer) et les stimuli porelle d’acquisition peuvent éven- familiarité. Eustache et coll. (1990)
interférents. De manière générale, tuellement être rappelées (par ont rapporté deux études de cas
la proximité perceptive entre la exemple, des circonstances particu- conduisant à une double dissocia-
paire cible et la séquence interfé- lières lors de la première ou de la tion entre les capacités de recon-
rente diminue significativement dernière écoute d’un air musical) ; naissance et de discrimination de
les performances des sujets. Ce si de telles informations sont pré- matériel sonore (courtes mélodies
paradigme expérimental a permis sentes, on parlera de traces mné- familières et non familières). Ainsi
de montrer que les mémoires à siques épisodiques plutôt que le premier patient, professeur de
court terme musicale et verbale sémantiques. Cette mémoire épiso- mathématiques de 31 ans et mélo-
semblent autonomes, et que dique musicale peut être en rap- mane, présenta une aphasie à la
certains paramètres psycho- port avec des souvenirs contextuels suite d’un infarctus sylvien gauche.
acoustiques comme le timbre et la autobiographiques : « Ils passaient Il était dans l’incapacité d’identifier
hauteur sont traités de manière cette chanson à la radio quand j’ai des mélodies connues (4 sur 20),
indépendante en mémoire de tra- fait mon infarctus » ou faire réfé- mais il pouvait les différencier si
vail (Semal & Demany, 1991, 1993). rence à un cadre précis d’encodage elles étaient distinctes (présenta-
Concernant la mémoire musicale à dans un paradigme expérimental. tion par paires). Par ailleurs, il
long terme, il est tout d’abord dénommait bien les bruits non
nécessaire de distinguer différents musicaux, reproduisait correcte-
aspects ; mémoire sémantique et
Mémoire sémantique ment les rythmes et détectait les
sentiment de familiarité, mémoire et « sentiment erreurs dans une mélodie familiè-
sémantique et épisodique musica- de familiarité » re. Dans ces quelques cas, l’identifi-
le. La capacité d’un sujet ou d’un cation d’une œuvre musicale sem-
Il existe dans la littérature
patient à identifier des extraits ble être rattachée à des compéten-
quelques rares observations de
musicaux connus est un moyen ces de l’hémisphère gauche, cepen-
9
Figure 5 : Mémoires sémantique et
épisodique musicale
Régions cérébrales activées lors d’une tâche
de mémoire sémantique musicale (en rouge),
et lors d’une tâche de mémoire épisodique
musicale (en vert).
On observe très peu de recouvrement entre
les deux réseaux de régions actives
(Platel et coll., 2003).
dant ces patients présentaient fique à la musique. Pour I. Peretz, truites pour lesquelles les sujets
généralement une aphasie. Même ce cas clinique apporte des argu- indiquent si les deux dernières
si l’évaluation a pu être réalisée sur ments pour démontrer l’existence notes des mélodies sont jouées à la
un mode non verbal (épreuve de d’un système mnésique à long même hauteur. Les comparaisons
désignation par pointage), ces terme propre à la musique. de chaque tâche de mémoire avec
observations ne permettent pas de les tâches perceptives font apparaî-
différencier strictement un lexique trent deux réseaux distincts
verbal et un lexique musical et
Mémoire sémantique et (FIGURE 5). Pour la tâche épiso-
n’apportent pas d’argument défi- épisodique de la musique dique, des activations bilatérales
nitif sur l’autonomie neurale de ces Afin d’étudier spécifiquement les (plus marquées à droite) des
traces mnésiques. La patiente C.N. mémoires sémantiques et épiso- régions frontales moyennes et
publiée par Isabelle Peretz (1994), diques de la musique, nous avons supérieures ainsi que du précunéus
que nous avons déjà évoquée, ne réalisé une étude TEP chez des sont observées. Ce pattern est
reconnaissait plus aucun extrait de sujets jeunes, droitiers et non musi- conforme aux résultats d’imagerie
ses propres disques à moins qu’il ciens (Platel et coll., 2003). Le para- cérébrale déjà obtenus pour du
n’y ait des paroles. Trois années digme comprend 5 tâches d’activa- rappel épisodique verbal ou
après sa prise en charge, elle était tion (une sémantique, deux épiso- visuospatial, et ne représente pas
capable d’identifier 5 chansons diques, et deux tâches contrôles un réseau spécifique à la mémoire
populaires sur 80. Après 7 ans de perceptives). Dans la tâche séman- musicale (FIGURE 6). La tâche
suivi, cette patiente ne présente tique, les sujets doivent préciser si sémantique produit des activations
pratiquement plus de perturba- chaque extrait est familier ou non. bilatérales des régions frontales
tions perceptives, mais l’identifica- La moitié des stimuli correspond à médianes, ainsi que du gyrus angu-
tion reste sélectivement déficitaire, des mélodies sélectionnées comme laire de l’hémisphère gauche et des
à moins qu’un indice verbal ne l’ai- étant statistiquement « fami- gyri temporaux moyen et supérieur
de à se souvenir du titre et de l’au- lières », l’autre moitié des stimuli gauche (FIGURE 7). Des activations
teur du morceau présenté (l’identi- correspond à des mélodies décla- frontales médianes ont déjà été
fication des chansons par la présen- rées « inconnues » sur les mêmes montrées lors de tâche de catégori-
tation du texte est parfaite). La critères. Deux tâches épisodiques sation d’association sémantique
mémorisation de nouveaux airs ont été construites, une unique- noms propres et visages. Dans
musicaux reste très déficitaire, et la ment avec des mélodies familières, notre étude précédente (Platel et
création de nouvelles associations l’autre avec des mélodies non fami- coll., 1997), nous avions déjà trou-
musiques/titres est difficile et insta- lières. Dans chacune de ces tâches, vé des activations temporales pour
ble dans le temps. L’absence d’effet les sujets doivent reconnaître les des traitements sémantiques musi-
d’amorçage musical chez cette items déjà présentés lors de la caux (tâche de familiarité), tout à
*Innover pour mieux soigner
patiente rend compte de l’impossi- tâche sémantique. Deux tâches fait comparables à ces nouveaux
bilité d’accès et d’encodage spéci- contrôles perceptives ont été cons- résultats. Nous pensons donc que
10
*
ces régions sous-tendent des anciens (Rigg, 1937) ont montré émotions à l’écoute de la musique
processus sémantiques non ver- que le tempo et le mode d’une et est parfaitement capable de
baux ; en particulier la partie anté- mélodie jouent un rôle important catégoriser des musiques comme
rieure du lobe temporal semble sur l’expérience émotionnelle tristes ou gaies avec le même
sous-tendre l’accès aux concepts les vécue par le sujet lors de l’écoute niveau de performance que des
plus abstraits (FIGURE 8), et peut- de celle-ci. Il a été démontré que sujets contrôles. Cette dissociation
être l’accès à une mémoire séman- lorsque le tempo est rapide, le entre jugement perceptif et émo-
tique musicale. Cependant, l’auto- sujet est dans un état émotif tionnel a été retrouvée par Blood
nomie fonctionnelle entre une joyeux (inversement pour un et coll. (1999), qui ont observé en
mémoire musicale pure et une tempo lent qui induit plutôt la tris- imagerie fonctionnelle que les
mémoire linguistique n’a pas tesse) et, lorsqu’on modifie le aires cérébrales activées lorsque
encore été clairement démontrée, mode, l’émotion ressentie est soit des sujets doivent discriminer deux
et une comparaison directe entre joyeuse quand le mode de la mélo- accords ou juger de leur dissonance
tâches d’identification linguistique die est majeur, ou triste quand le (jugement esthétique) appartien-
et musicale à l’aide d’une mode est mineur. Des études récen- nent à des réseaux clairement
technique d’imagerie métabolique tes montrent que les aspects cogni- distincts. La neuropsychologie pro-
reste à faire. tifs (traitements des attributs per- pose quant à elle peu de travaux
ceptifs, discrimination, reconnais- expérimentaux dans ce domaine.
sance et catégorisation) sont fonc- Cependant, les études cliniques
Mémoire tionnellement et structurellement montrent que la préservation du
et émotion musicale distincts des aspects esthétiques et « plaisir » musical peut perdurer
Si la mémoire musicale a été par- émotionnels de la musique. Peretz, alors que des troubles de la percep-
fois étudiée pour elle-même, de Gaudreau et Bonnel (1998) rappor- tion sont flagrants. À l’opposé,
nombreux travaux se sont intéres- tent le cas d’une patiente cérébro- quelques études de cas montrent
sés aux liens entre mémoire et lésée qui demeure incapable de une altération plus ou moins spéci-
émotion musicale. Des travaux déjà discriminer deux mélodies entre fique du plaisir de l’écoute de la
elles, mais qui ressent encore des musique alors que les troubles per-
Figure 6 :
Rappel épisodique
de mélodies
familières et
non familières
11
ceptifs sont minimes (Platel, 2004). Figure 7 : Activités cérébrales lors de tâches de familiarité musicale
Comme le rappelle Peretz (2002), Les images montrent les régions cérébrales spécifiquement actives lors de tâches de familiarité
l’étude des aspects affectifs ou musicale (les sujets doivent dire si les séquences musicales présentées leurs sont familières ou pas).
émotionnels de la musique a Les deux études portent sur des extraits musicaux différents, difficilement verbalisables pour les
rarement été envisagée d’un point sujets non musiciens sélectionnés. On retrouve dans ces deux travaux une activité cérébrale très
latéralisée à gauche, impliquant en particulier la partie antérieure du lobe temporal.
de vue expérimental, sans doute
associée à la croyance selon laquel-
le les réponses émotionnelles liées
à la musique sont subjectives et
variables. Cependant, certains
jugements émotionnels pour la
musique (mélodies « gaies » ou
« tristes ») sont pourtant homogè-
nes puisqu’elles sont ressenties de
la même manière pour des indivi-
dus de même culture et que ces
jugements peuvent se faire sur des
temps de présentation très courts
(Bigand, Filipic & Lalitte, 2005).
L’émotion induite par l’écoute de
musique a été utilisée expérimen-
talement par Sutherland, Newman
et Rachman (1982). Les sujets
étaient alors invités à utiliser la
musique pour atteindre l’humeur
escomptée en suivant leurs propres
stratégies. Dans les premières
recherches, les sujets pouvaient
choisir le morceau de musique
qu’ils souhaitaient, mais rapide-
ment les chercheurs ont associé à
chaque type d’humeur des extraits
musicaux spécifiques. Diverses
recherches ont ainsi mis en éviden- réponse émotionnelle est fréquem- comportement est peu probable
ce de réels changements d’hu- ment donnée comme la raison dans d’autres types de démences
meurs avec cette procédure, et les première de l’écoute d’une telles que la maladie d’Alzheimer ».
sentiments émotionnels semblent musique. De notre côté, nous avons pu faire
être des indices important de la un certain nombre d’observations
récupération des souvenirs. Ainsi, cliniques assez surprenantes et qui
Émotion musicale, semblent plutôt étayer l’hypothèse
les chansons associées à des répon- mémoire et démence
ses émotionnelles sont mieux d’une préservation des aptitudes
rappelées et engendrent plus de La capacité à distinguer les airs musicales des malades Alzheimer,
souvenirs de type autobiogra- musicaux et à leur attribuer une et cela même à un stade relative-
phiques que des chansons dépour- « couleur émotionnelle » ne semble ment avancé de la maladie. Ces
vues de réponses émotionnelles ou pas sensible aux effets du vieillisse- observations ont été réalisées chez
caractérisées par des réponses ment et de la démence. Des des patients vivant en institution
émotionnelles modérées. chercheurs italiens (Frisony et coll., dans l’unité de vie spécialisée de la
Schulkind et coll. (1999) ont repris 2000) ont décrit deux cas de maison de retraite de Biéville-
les travaux de Krumhansl et Bower patients souffrant d’une démence Beuville (Calvados). Ainsi, suite à
afin d’établir une relation entre la fronto-temporale qui ont dévelop- des observations de patients chan-
mémoire et les émotions. Selon pé une ou deux années après le tant « de tête » des chants anciens
Krumhansl (1997), une des raisons diagnostic, un goût nouveau pour et familiers, malgré un tableau
pouvant expliquer la rétention à la musique pop. Cependant, ils clinique parfois sévère, des ateliers
long terme des chansons est que la de chants nouveaux ont été propo-
*Innover pour mieux soigner
12
*
sont révélés capables non trer la capacité préservée chez des temps que l’activité musicale pour-
seulement d’apprendre ces chants patients institutionnalisés (MMS de rait être envisagée sous un jour
nouveaux, mais aussi de les produi- 9 à 18) d’acquérir et de développer thérapeutique. On peut distinguer
re spontanément hors contexte un sentiment de familiarité pour deux grands types d’actions en
d’apprentissage. Ainsi, comme un nouveau matériel en utilisant musicothérapie : premièrement
semblent l’attester de nombreuses leur sensibilité à la musique, très une musicothérapie « réceptive »
observations, les patients atteints souvent signalée dans la littérature ou « passive », correspondant géné-
de la maladie d’Alzheimer pour- (Cuddy & Duffin, 2005). Les analy- ralement à l’écoute orientée de
raient conserver bien au-delà de ses qualitatives et quantitatives en musique ou la diffusion libre de
leurs difficultés mnésiques et cours montrent une capacité d’ap- musique dans l’environnement du
langagières une remarquable apti- prentissage implicite tout à fait patient. Les objectifs visés sont la
tude musicale. L’apprentissage des remarquable chez ces patients, et relaxation et la détente ; c’est cet
chansons nouvelles pourrait bien qui se maintient particulièrement aspect de l’écoute musicale qui est
s’appuyer essentiellement sur cette bien pour le matériel musical à dis- souvent utilisé afin de contribuer à
sensibilité musicale, et particulière- tance des séances d’expositions. La diminuer des douleurs aiguës ou
ment mélodique, comme le suggè- finalisation de ce travail devrait chroniques, ou d’aider à la relaxa-
re le modèle de Peretz. Les patients aider à améliorer leur prise en tion dans la préparation d’actes
Alzheimer à l’origine de nos inter- charge et surtout à la prolonger le chirurgicaux ou lors des accouche-
rogations semblent ne souffrir plus longtemps possible afin de ments. Parfois, c’est plutôt la
d’aucun trouble de la perception mieux accompagner ces patients stimulation physiologique qui est
mélodique puisqu’ils peuvent non quand la maladie s’aggrave, en recherchée, et qui a pu pousser cer-
seulement prendre du plaisir à imaginant des ateliers de mobilisa- tains établissements gériatriques à
chanter, mais surtout, pour cer- tion cognitive en mesure de susci- diffuser des mélodies rythmées au
tains, sont capables de reproduire ter leur intérêt et leurs ressources moment des repas afin de stimuler
des mélodies récemment apprises, attentionnelles pendant un temps l’appétit de certains résidents. La
voire même d’y associer les paroles. relativement long. deuxième catégorie d’action musi-
La prise en considération de ces cothérapeutique peut être nom-
capacités résiduelles est d’un inté- mée musicothérapie « productive »
rêt non seulement conceptuel,
Musique et thérapie : de ou « active ». On rassemblera sous
mais aussi surtout clinique pour nouvelles perspectives ? cette appellation toutes les actions
permettre d’améliorer la prise en Les liens privilégiés entre musique qui impliquent une participation
charge de ces malades. Nous élabo- et émotion, ainsi que les particula- des patients à la production de
rons actuellement différents proto- rités propres à la perception de la musique. Il s’agit soit d’activités
coles dont l’objectif est de démon- musique ont suggéré depuis long- de production instrumentale, de
D G
13
reproduction ou de synchronisa- ficacité spécifique de la musique (aspects musicaux, linguistiques,
tion motrice sur une activité dans des actions thérapeutiques. moteurs, mnésiques...), et la seule
musicale. Cette deuxième catégo- Dans ce domaine, l’utilisation de la hypothèse musicale afin d’expli-
rie a donné lieu au plus grand musique a déjà été envisagée quer les effets bénéfiques de cette
nombre d’actions dans le cadre depuis quelques dizaines d’années, activité dans un cadre clinique est
clinique, et en particulier dans le notamment en rééducation apha- évidemment trop réductrice.
cadre psychiatrique et gérontolo- siologique avec la Thérapie Il reste donc encore de nombreux
gique. Les objectifs envisagés sont Mélodique et Rythmée, bien travaux à faire et des mystères à
la mobilisation de ressources connue des orthophonistes. lever pour bien comprendre les
cognitives et physiques des L’utilisation de supports mélo- spécificités de notre « cerveau
patients, et la restauration de la diques et rythmiques pour la pro- musical », et par là même d’utiliser
communication. nonciation de mots se révèle assez de manière efficace et raisonnée
Si de nombreuses pratiques efficace dans la desinhibition du ces ressources dans un cadre
cliniques existent aujourd’hui, et langage chez les patients présen- clinique. Mais on ne peut qu’être
montrent globalement une grande tant surtout une aphasie motrice. enthousiaste à l’idée des champs
satisfaction des patients partici- L’idée initiale était de se baser sur d’applications possibles, et des
pants, on regrettera une hétérogé- les capacités supposées intactes de découvertes déjà réalisées par les
néité flagrante des actions et des l’hémisphère droit pour la musique neurosciences cliniques et fonda-
formations, ainsi qu’une quasi- et ainsi de compenser le déficit mentales concernant la musique.
absence de la mesure objective des aphasique en stimulant une réor- Bien que n’étant pas nécessaire a
effets imputables spécifiquement à ganisation fonctionnelle du langa- priori à notre survie, son absence
la musique. La plupart du temps ge à droite. Or, les travaux de rendrait certainement notre vie
aucune mesure d’efficacité ou de neuroimagerie fonctionnelle, en sociale et personnelle bien plus
gain clinique n’est réalisée, et peu particulier le travail de Belin et coll. fade.
d’études scientifiques sont réali- (1996), ont depuis bien montré que
sées afin de quantifier les bienfaits ce n’est pas l’activation de régions
de telles actions (absences de grou- hémisphériques droites (homolo-
pes contrôles ou placebo, d’échel- gues de Broca et Wernicke) qui Références
les cliniques standardisées), jetant permet la récupération des trou-
un discrédit dommageable sur l’in- bles linguistiques, mais bien au bibliographiques
térêt de certaines actions. Ainsi, il contraire une ré-activation des
reste à démontrer qu’en de nom- régions de l’hémisphère gauche au Arom S. De l’écoute à l’analyse des musiques
pourtour des lésions, grâce à ce centrafricaines.
breuses circonstances, « l’effet » cli-
Analyse musicale, 1985 ; 1 : 35-36.
nique (amélioration physiologique, type d’exercices. Ces résultats
Assal G. Aphasie de Wernicke sans amusie
cognitive, comportementale ou contre-intuitifs montrent bien que chez un pianiste.
psychologique) a pour cause direc- l’activité musicale, même si elle Revue Neurologique, 1973 ; 129 : 251-255.
te l’utilisation de la musique ou engage des ressources de Belin P, Van Eeckhout P, Zilbovicius M, Remy P,
l’hémisphère droit, fait participer Francois C, Guillaume S, Chain F, Rancurel G,
de l’activité musicale dans ces Samson Y. Recovery from non-fluent aphasia
pratiques (Hillecke et coll., 2005). l’ensemble du cerveau, et qu’une after melodic intonation therapy : a PET study.
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gauche et musique à droite, ne Benton, AL. The amusias, in D. Caplan (Ed.).
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permet pas de faire les bonnes Biological sciences of mental processes, MIT
imagerie fonctionnelle) sur Press, Cambridge, 1977. 186-230.
hypothèses sur la dynamique céré-
cette question est nouveau et tout Bever, TG, Chiarello RJ. Cerebral dominance in
brale des activités musicales. musicians and non musicians.
à fait fondamental. Une meilleure
connaissance des substrats neuraux Si la musique peut avoir un effet Science, 1974 ; 185 : 137-139.
mobilisateur ou protecteur des Bigand E, Filipic S, Lalitte P. The time course of
de la musique (perception, mémoi- emotional responses to music.
re, et émotion musicale) et des fonctions cognitives, il faut pouvoir Ann N Y Acad Sci, 2005 ; 1060 : 443-445.
interactions entre les différents en donner des explications tant Blood A, Zatorre R, Bermudez P, Evans A.
domaines de la cognition (langage, locales, spécialisation de certaines Emotional responses to pleasant and
régions pour des traitements unpleasant music correlate with activity in
raisonnement, attention...) permet
musicaux particuliers ; que globa- paralimbic brain regions.
d’envisager des actions musicothé- Nature Neuroscience, 1999 ; 2 : 382-387.
rapeutiques mieux étayées sur le les, similitude et différence de la Botez, MI, Wertheim, N. Expressive aphasia
plan fondamental. Ainsi, le cadre dynamique de l’activité cérébrale and amusia following right frontal lesion in a
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Tr o u b l e s c o g n i t i f s e t a v a n c e e n â g e
Ipsen,
la connaissance
progresse.
Engagement
Groupe pharmaceutique Européen, Ipsen est engagé aux côtés des médecins,
et au service des patients, dans la prise en charge des pathologies liées à l’âge.
2TK0063 - 07/06
Partenariat
Sous l’égide de la Fondation de France, la Fondation Ipsen réunit cliniciens et
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