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PROLOGUE

Editorial
LES REPRESENTATIONS
ENTREPRENEURIALES : UN CHAMP
D’ÉTUDES EN EMERGENCE
Louis Jacques FILION16
Le monde des représentations cognitives est demeuré relativement
marginal dans presque tous les domaines d’études. C’est un peu comme le domaine
de la créativité en éducation. Si tous reconnaissent que l’enseignement de la
créativité devrait être une des premières priorités de tout système d’éducation, en
pratique, peu de systèmes scolaires lui réservent sa place. Nous disons qu’il en est
ainsi pour plusieurs raisons, en particulier parce que nous ne serions pas arrivés à
mettre au point des modes équitables d’en évaluer l’apprentissage. Il semble en
être de même pour les représentations cognitives, un domaine qui est demeuré
relativement marginal en sciences humaines, et plus particulièrement en
entrepreneuriat. Pourtant, ces approches sont fondamentales pour permettre aux
acteurs entrepreneuriaux de mieux structurer leur pensée en vue de définir plus
adéquatement leur système d’activités et d’améliorer leurs pratiques.

INTRODUCTION

Le texte qui suit s’adresse aux chercheurs, aux doctorants et autres


apprenants qui réfléchissent à l’entrepreneuriat et qui aimeraient explorer des
thématiques de recherche nouvelles et originales pour mieux comprendre l’acte
entrepreneurial et la pensée qui le précède. Ce chapitre suggère diverses
thématiques de recherche à partir de la perspective des représentations pour
aborder des recherches sur des thèmes généralement moins explorés du monde de
l’entrepreneur. La recherche dans ce domaine s’est beaucoup centrée sur ce qui
semble plus facilement mesurable, mais a moins exploré les liens entre les
éléments qui constituent ce que certains appellent «la boîte noire» derrière l’acte
d’entreprendre, soit les modes de penser qui conduisent à l’action entrepreneuriale,
les représentations cognitives qui expliquent les variantes de l’acte d’entreprendre.
Il importe de bien circonscrire l’acte entrepreneurial et de le distinguer nettement
de l’acte managérial ainsi que de l’acte stratégique. L’entrepreneur qui crée une
entreprise joue plusieurs rôles connexes. Le rôle entrepreneurial est celui qui
consiste à créer ou à renouveler un système organisationnel qui comprend

16
Professeur titulaire, directeur de la Chaire d’entrepreneuriat Rogers-J.-A.-Bombardier, HEC
Montréal, [www.hec.ca/chaire.entrepreneuriat;louisjacques.filion@hec.ca].

13
l’existence d’un bien ou d’un service. Ce rôle sera complété par un ensemble de
rôles connexes qui permettent au système entrepreneurial d’exister et de se
développer. Parmi ces rôles, les rôles managériaux et stratégiques occupent une
place de première ligne. Il importe de bien les circonscrire pour mieux les
comprendre et afin de mieux comprendre leurs inter-relations avec les rôles
entrepreneuriaux. Trop souvent, la recherche sur les acteurs entrepreneuriaux
étudie un ensemble de rôles sans apporter de distinctions entre les rôles
entrepreneuriaux et les autres. Il importe pourtant dans un premier temps de bien
centrer l’étude de l’acteur entrepreneurial sur l’acte d’entreprendre de même que
sur le modèle mental qui le précède. C’est là que l’étude des représentations
entrepreneuriales prend tout son sens et pourrait contribuer à élaborer les
fondements d’une théorie de l’entrepreneuriat (Hernandez, 2001).
Les pages qui suivent visent à introduire le sujet des représentations en
proposant des perspectives de recherche servant à aborder et à approfondir la
conception de connaissances dans le champ d’études de l’entrepreneuriat. Elles se
veulent le complément des sujets abordés dans ce dossier, qui apportent de belles
contributions originales et qui ouvrent de nombreuses perspectives relativement
peu explorées en cette matière. Mentionnons en particulier, le texte de Christian
Bourion qui porte sur « L’entrepreneuriat comme un processus d’émergence ». Ce
texte offre des références abondantes sur le concept et les théories des
représentations qui ne sont pas reprises dans ce chapitre.
Le présent texte éditorial offre des vues personnalisées et une perspective
d’ensemble plus large que ce qui est généralement le cas des autres écrits de
l’auteur sur un sujet sur lequel il travaille depuis plus de 30 ans et qui lui est cher.
En effet, ces écrits de recherche portent généralement sur une thématique précise.
Il s’agit ici du seul texte écrit par l’auteur qui présente une vue d’ensemble sur des
sujets qui lui apparaissent intéressants à explorer par des recherches à partir des
représentations entrepreneuriales. L’entrepreneuriat ne parviendra pas à s’établir
comme discipline sans théorisation qui permette de bien comprendre l’acte
entrepreneurial, ce qui le précède et ce qui l’entoure. La recherche dans le domaine
semble avoir beaucoup progressé pour mieux comprendre ce qui entoure l’acte
entrepreneurial, mais semble avoir moins progressé pour comprendre l’acte
entrepreneurial en tant que tel. Les raisons qui expliquent cette situation sont
multiples et résident en partie dans la difficulté d’établir des bases
méthodologiques communes pour approfondir les connaissances sur l’acte
entrepreneurial.
Il convient de souligner à la fois la clairvoyance et le courage des
rédacteurs en chef de la Revue internationale de psychosociologie d’avoir eu
l’audace de s’attaquer à une thématique marginale, mais combien nécessaire pour
faire avancer la connaissance, en particulier celle qui a trait à la compréhension de
l’agir humain. Les pratiques entrepreneuriales se sont beaucoup développées au
cours des dernières décennies. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette
progression. Mentionnons le développement accéléré de nouvelles technologies

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dans tous les domaines de la science et la pression des besoins de renouvellement
du tissu économique de nombreuses sociétés, mais surtout le fait que nous sommes
en train de vivre des transformations profondes de valeurs. Nous sommes passés de
la modernité à la postmodernité, puis à l’hypermodernité, période où les valeurs de
réalisation de soi et d’autonomie semblent prendre davantage d’ampleur
(Marchesnay, 2007). Nous assistons maintenant à la création d’un nombre toujours
plus élevé de micro-entreprises chaque année. Mais les approches réflexives si
fondamentales pour comprendre et préparer l’agir humain sont demeurées
relativement peu nombreuses, en particulier dans les recherches en entrepreneuriat.
Ce livre ouvre des perspectives prometteuses en cette matière. Il devrait contribuer
à stimuler l’imagination des chercheurs, en particulier des chercheurs en
émergence.
Le lecteur moins familier avec le monde de l’entrepreneuriat et des
représentations entrepreneuriales trouvera dans ce texte un vocabulaire et des
expressions qui n’y sont pas toujours définis mais qui l’ont été dans des écrits
antérieurs ou qui proviennent de différents auteurs du domaine. Des termes tels
«modèles mentaux», «approches réflexives», «approches cognitives», «images»,
sont tous des composantes du domaine des représentations. Le terme «acteur
entrepreneurial» est souvent utilisé pour référer tant aux entrepreneurs, créateurs
d’entreprises, intrapreneurs, technopreneurs, écopreneurs, micro-entrepreneurs,
enfin à toute personne qui joue un rôle entrepreneurial dans les organisations ou la
société.

L’ENTREPRENEURIAT : UN MONDE SUBJECTIF

Une meilleure compréhension des représentations de soi et du réel offre


des clés qui permettent de mieux s’inter-relier au monde. Par exemple, nos
recherches montrent un nombre toujours grandissant d’acteurs entrepreneuriaux
issus des sciences exactes où les modèles mentaux sont essentiellement dominés
par la compréhension du réel à partir d’une perspective objectiviste, alors que les
mondes entrepreneuriaux de même que ceux de la gestion organisationnelle, et en
particulier péemmiste17, se construisent à partir de modèles mentaux où la
subjectivité, la relativité, la personnalisation ainsi que la différenciation des
comportements constituent des assises qui sont acceptées et bien comprises.

La proportion de nouvelles entreprises créées par des équipes augmente


sans cesse et nos recherches montrent des niveaux de tension élevés entre les
partenaires entrepreneuriaux issus en grande partie des domaines de l’ingénierie et

17
Le mot «péemmiste» est entré dans le vocabulaire des spécialistes de l'entrepreneuriat/PME pour se
référer à ce qui concerne une PME. Il est employé fréquemment dans le livre collectif «Le management
des PME» , éd. Pearson Éducation, Paris, août 2007, sous la direction de L., J., Filion.

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des sciences exactes où les modèles objectivistes dominent. C’est nettement le cas
des entreprises de haute technologie où près de 98 % des entreprises sont créées
par des équipes entrepreneuriales (Borges, Filion, Simard, 2006). Ces acteurs
entrepreneuriaux ne sont pas préparés à gérer des intersubjectivités, ce qui est
pourtant le cas de l’acteur entrepreneurial qui doit pouvoir intégrer dans un
ensemble cohérent une panoplie de subjectivités parfois hétéroclites, tant à
l’intérieur qu’à l’extérieur des entreprises, comprenant à la fois des collaborateurs,
des fournisseurs et des clients aux valeurs et aux cultures souvent très différentes.
Le champ de l’entrepreneuriat s’est beaucoup développé autour des
processus liés à la création d’entreprises plutôt qu’autour des processus
entrepreneuriaux au sens large, c’est-à-dire autour des pratiques innovatrices du
domaine organisationnel, du domaine des affaires et du domaine social qui
contribuent une valeur ajoutée, quel que soit le système d’activités humaines en
cause. Mais nous verrons au cours des prochaines décennies les perspectives
entrepreneuriales continuer à prendre toujours plus d’ampleur dans toutes les
formes d’activités humaines et non seulement dans ce qui a trait à la création
d’entreprises proprement dit.
La communauté scientifique de notre champ d’études a commencé à
s’intéresser à l’entrepreneuriat organisationnel il y a quelques décennies – c’était
déjà là une tendance forte chez Schumpeter (1954) –, mais nous comptons encore
relativement peu d’études sur l’entrepreneuriat social, politique, écologique et
autres. Ce sont des champs qui sont en émergence; les recherches augmentent
cependant sans cesse dans ces différentes sphères et elles vont continuer de
progresser au cours des décennies qui viennent. L’étude de ces différentes
catégories entrepreneuriales à partir des représentations offre des perspectives
riches qui permettront de développer des avenues de recherche encore peu
explorées en vue de développer des savoirs fort pertinents pour l’éducation
entrepreneuriale.
En fait, l’entrepreneuriat est en train de devenir un des champs d’études
parmi les plus transversaux de l’ensemble des sciences humaines. Mais il est
souvent demeuré identifié à la science économique, apparaissant comme un champ
où l’on doit cumuler des savoirs qui facilitent le diagnostic de comportements
économiques. En réalité, l’entrepreneuriat est devenu un champ dans lequel des
apprentissages auto-structurants jouent des rôles déterminants pour expliquer la
réussite de l’acteur entrepreneurial. Cela nécessite la conception, l’articulation et la
mise en œuvre de systèmes d’activités composés d’une multiplicité d’actions
humaines. Et la recherche en entrepreneuriat qui concerne les processus de pensée
en vue de préparer à ces actions est demeurée le fait de quelques exceptions.
En réalité, nous trouvons peu de perspectives aussi présentes dans
l’ensemble des sciences humaines que ce qui est le cas de l’entrepreneuriat. Issu de
la science économique, l’entrepreneuriat est de plus en plus présent dans presque
toutes les sciences administratives, comptables et sociologiques, et enfin dans un
nombre substantiel de sciences humaines telles la géographie et les études

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ethniques, religieuses, sociales et autres. Sa progression serait fortement facilitée et
accrue à la suite d’une meilleure connaissance des processus de représentations
entrepreneuriales, car c’est là où se situe la structure de base à partir de laquelle
l’activité entrepreneuriale peut être apprise, conçue, modélisée et exprimée.
L’entrepreneuriat est avant tout un processus réflexif en vue de l’action. Il importe
d’en bien maîtriser les composantes pour mieux en adapter la démarche dans des
systèmes à la complexité variable.
Il semble que l’augmentation de la densité de l’espèce humaine à
l’intérieur d’un territoire qui devient toujours relativement plus restreint vienne
rehausser les besoins de différenciation. Par ailleurs, il semble que la progression
des technologies et leur présence accrue dans les systèmes de vies humaines
contribuent à amener l’espèce humaine à établir des systèmes d’activités toujours
plus petits, mais combien plus inter-reliés et plus inter-actifs avec la société
ambiante. La compréhension de soi et de sa relation avec les autres est devenue
une dimension cruciale de l’évolution des personnes et de la progression
professionnelle. Cela nécessite la création d’outils additionnels de compréhension
des représentations du réel pour mieux se situer en ce qui a trait aux points
d’intersection entre soi et les autres. De là l’importance des outils présentant une
meilleure compréhension de ses environnements ainsi que de la relation entre soi et
ses environnements en vue d’améliorer sa propre relation avec le monde.
Il est suggéré que le passage de l’entrepreneuriat d’un champ d’études à
celui de paradigme établi ne pourra se réaliser que difficilement sans
l’établissement de connaissances plus approfondies et plus fondamentales sur ce
qu’est un système de pensée qui conduit à l’activité entrepreneuriale. Il s’agit en
fait d’une des différences fondamentales entre l’entrepreneuriat et la majorité des
autres sciences humaines. Alors que le sociologue réfléchit sur ce qu’est la société
pour mieux la comprendre et mieux se situer dans ce qu’il fera sans pour autant
devoir s’impliquer dans l’activité sociale, l’acteur entrepreneurial sait qu’il doit
passer à l’action après avoir réfléchi à des paramètres qui permettent d’essayer
d’anticiper l’avenir. L’acteur entrepreneurial se doit de développer une pensée
projective en vue de l’action s’il veut concevoir et articuler un système
organisationnel qui devance les changements à venir. C’est parce qu’il veut
devancer le changement que l’acteur entrepreneurial a besoin de développer un
mode de penser projectif qui le prépare à l’action et c’est ce qui fait qu’il devient
par ce fait même un agent qui génère le changement.
Les approches de la psychosociologie, des neurosciences, de la
cartographie cognitive et des systèmes semblent ouvrir des perspectives
d’approfondissement de la compréhension des comportements humains et
entrepreneuriaux à partir desquels des structures épistémologiques pourraient être
esquissées pour mieux structurer l’organisation de la connaissance et pour mieux
faire progresser les connaissances d’un domaine où la structuration de la pensée en
vue de l’action occupe une place essentielle.

17
L’importance fondamentale des représentations cognitives comme
déterminant de l’agir humain

Comme il s’agit ici d’un texte éditorial, je me permettrai d’aborder le sujet


à partir d’une perspective plus personnelle. Plusieurs étudiants me demandent
comment est né mon intérêt pour des approches cognitives. Les lignes qui suivent
tentent de répondre à cette question en guise d’introduction au sujet.
Lorsque j’étais étudiant dans un programme de maîtrise en études
internationales, j’ai participé à un séminaire de recherche sur la prise de décision
en politique internationale. Nous avions étudié plusieurs cadres suggérant des
processus de prise de décision, en particulier celui d’Herbert Simon. Ces cadres
étaient conceptuellement intéressants et rigoureux, mais ils prenaient tellement de
temps à appliquer qu’ils finissaient par présenter peu d’intérêt pour les personnes
qui se destinaient aux pratiques organisationnelles de même qu’aux pratiques
d’affaires, comme c’était mon cas18. En général, ces cadres accordaient peu de
place aux éléments de subjectivité chez les preneurs de décision. La conception de
ces cadres avait le plus souvent été fortement influencée par des approches
quantitatives, positivistes et objectivistes. Ils étaient en théorie fort complets, mais
dans la pratique très longs et laborieux à appliquer et, somme toute, peu
applicables. Ils étaient comme de grands formulaires bureaucratiques. Ceux qui se
destinaient à devenir des praticiens restaient sur leur appétit, ne trouvant pas ces
méthodes utiles à utiliser concrètement.
C’est dans ce contexte et conséquemment aux frustrations éprouvées au
cours de l’étude de modèles sur la prise de décision que mon intérêt ainsi que celui
de plusieurs de mes collègues étudiants s’est manifesté pour les approches de
représentations cognitives. Dans mon cas, la lecture d’un article d’Ole Holsti
(1969), une semaine après avoir lu Herbert Simon, a éveillé mon intérêt. Cet article
présentait une approche qui abordait le sujet du comportement d’un acteur
politique de façon fort éloquente. Cet article s’est révélé comme une découverte,
une perspective originale, intéressante, fascinante et capable d’expliquer de façon
satisfaisante un processus de prise de décision. Ce fut comme une sorte d’hygiène
mentale.
Dans ce très court texte, Holsti reprenait un article précédent (1967) dans
lequel il avait démontré que la prise de décision n’était pas une question de
rationalité mais plutôt de valeurs. Il avait procédé à une étude attentive du
comportement de John Foster Dulles alors que celui-ci était Secrétaire d’État aux

18
Quelques années plus tard, lorsque j’étais étudiant au MBA à l’École des HEC de Montréal, lors d’un
séminaire avec James March, j’ai appris, avec soulagement, qu’il partageait mon opinion à l’égard des
modèles de Simon. C’est la raison pour laquelle il avait suggéré à Simon d’écrire un livre conjointement
avec lui dans lequel ils présenteraient aux praticiens des modèles de prise de décision utilisables en vue
de prendre des décisions satisfaisantes et non nécessairement optimales (March et Simon, 1958). Il
convient cependant de mentionner que Simon s’est intéressé par la suite aux représentations cognitives.

18
Affaires étrangères des États-Unis. Il avait démontré que le comportement de
Dulles avait peu à voir avec les intérêts stratégiques des Américains, définis d’une
façon rationnelle, mais qu’il suivait la logique de ses croyances religieuses voulant
que l’Union soviétique était athée, et par conséquent un empire du mal qu’il fallait
détruire. Holsti démontrait que les décisions prises par Dulles en matière de
politique étrangère n’étaient pas rationnelles, qu’elles n’étaient pas nécessairement
les meilleures par rapport à l’intérêt américain, mais qu’elles étaient très cohérentes
avec les croyances religieuses et chrétiennes du personnage.
Nous avions là une approche qui tranchait complètement des vingt autres
modèles de prise de décision étudiés dans ce cours. Holsti nous expliquait
comment cela se passait dans la vraie vie. À la suite de cette lecture, j’ai eu le
plaisir de pouvoir réfléchir à un modèle prédictif de prise de décision basé sur les
représentations cognitives d’un acteur dans le système international. Cela s’est
réalisé à partir de l’étude d’un acteur qui avait beaucoup écrit et amplement
communiqué ses représentations cognitives, en particulier celles qu’il entretenait
de son pays dans le système international : Charles de Gaulle (Filion, 1974). La
lecture de Kenneth Boulding (1966) me confirma dans la pertinence et la puissance
d’une approche cognitive pour mieux comprendre les systèmes d’activités de
leaders et pour mieux se préparer à l’action comme praticien. Ces mêmes principes
s’appliquent à l’étude des acteurs entrepreneuriaux. Quelques années plus tard,
j’optais pour des études doctorales où je pourrais poursuivre ces recherches sur les
modèles cognitifs en les appliquant à des entrepreneurs à succès. Là, il s’est agi de
concevoir une approche de recherche sur les représentations à partir de la
méthodologie des systèmes souples de Peter Checkland (1999). La comparaison
entre le système de pensée des acteurs entrepreneuriaux et des autres acteurs
organisationnels révélait une forte propension à la pensée projective et visionniste
(Filion, 1991a et b ; 1999a ; 2004).
Si la compréhension d’un acteur passe par celle de son modèle cognitif, il
importe de réaliser que la cohérence d’action de l’acteur et sa capacité d’agir
viennent refléter sa cohérence de pensée et la rigueur de son modèle cognitif.
Ainsi, la représentation cognitive permet de comprendre l’autre, tout en offrant à
chaque acteur potentiel des éléments qui permettent d’articuler sa pensée en vue de
l’action. Pourtant, nous demeurons une infime minorité en entrepreneuriat à nous
intéresser, à utiliser et à développer ces approches pourtant essentielles à la
formation de la pensée des futurs acteurs entrepreneuriaux.
Il convient de prendre conscience de l’importance de cette dimension
négligée de la formation de la pensée des futurs acteurs organisationnels, qu’ils se
destinent à l’entrepreneuriat ou à d’autres types d’activités. L’accent mis sur la
recherche quantitative fournit des connaissances aux futurs acteurs
organisationnels; toutefois, elle ne leur offre pas de cadre qui leur apprenne à
réfléchir. Il existe un contenu abondant de connaissances pour lequel un contenant
cohérent n’a pas été préparé et articulé pour que l’acteur puisse être en mesure de
bien utiliser et de bien mettre en valeur ce contenu. Pourquoi les domaines de la

19
réflexion, de la recherche et des études sur les représentations cognitives sont-ils
demeurés si peu développés malgré l’importance évidente qui doit leur être
consacrée ? C’est pourtant là que peuvent être articulés les processus qui sont à la
base de la structure de la pensée, les processus à partir desquels l’action peut être
conçue, puis mise en œuvre.

Sciences émergentes : langages différents mais culture commune

Nous pouvons attribuer l’absence de plus en plus marquée de leadership


dans nos sociétés à plusieurs causes, dont l’absence de la dimension réflexive en
éducation. Les jeunes qui se destinent à l’action ne reçoivent plus de formation qui
leur apprend à réfléchir de façon différenciée en relation avec les paramètres liés
aux rôles qu’ils auront à définir et à assumer. Une hypothèse parfois suggérée ici
avance que les limites dans la progression des recherches et du développement des
approches qui portent sur les représentations résident dans la diversité de langages
de même que dans les difficultés à établir des langages communs entre les
personnes et les écoles qui s’intéressent à ces approches.
En effet, nous pouvons observer dans les écoles de pensée subjectiviste et
constructiviste des perspectives et un vocabulaire souvent hétérogènes. Même si
les éléments structurels de chaque modèle se ressemblent, les vocabulaires à partir
desquels il est suggéré d’organiser la pensée diffèrent considérablement d’une
approche à l’autre. Ce fut le cas chez les pionniers de ces approches, qui ont donné
naissance aux diverses écoles de pensée dans ce domaine. Mentionnons Ackoff
(1999), Checkland (1999), Churchman (1971), Forrester (1981), Le Moigne
(1984), Mitroff (1983) et Senge (1991). Les auteurs qui ont présenté des synthèses
d’écrits dans ces domaines ont aussi montré les difficultés sous-jacentes aux
langages communs, par exemple dans les théories des systèmes (Jackson, 2000);
d’autres ont montré une tendance vers des consensus (Bausch, 2001). Nous
pouvons aussi constater des différences dans les approches en cartographie
cognitive (Cossette, 1994 ; 2004).
Le besoin d’établir des bases communes apparaît à certains comme une
nécessité et les avenues pour y parvenir pourraient consister à explorer de
nouveaux territoires de recherche, de nouvelles pistes, de nouvelles thématiques.
L’entrepreneuriat se présente ainsi comme un champ prometteur dans cette
perspective. Il s’agit pourtant d’une avenue qui présente tant des avantages que des
inconvénients. Nous pouvons comparer les approches positivistes et objectivistes
classiques à la grande Église catholique qui domine le monde de la chrétienté. Les
règles sont nombreuses, et elles s’appliquent uniformément partout.
Mais les personnes qui ont développé et qui continuent de développer des
approches réflexives le font dans des contextes souvent fort distincts et à l’intérieur
de thématiques et de disciplines professionnelles très différentes. Malgré ces
différences, nous observons une culture commune. Si les vocabulaires et les

20
approches varient, les prémisses à partir desquelles il est suggéré de comprendre et
de structurer la pensée présentent de grandes communautés de valeurs, d’objectifs
et de structure. Nous pouvons comparer ce mouvement des approches
constructivistes et subjectivistes à celui de la multiplicité des Églises protestantes
qui partagent en fait des valeurs de base communes en ce qui a trait aux croyances
fondamentales de la chrétienté, tout en ayant des façons très différentes d’en
exprimer les représentations et de les utiliser en vue de construire des systèmes
d’activités.
À la limite, chaque personne devrait pouvoir développer son propre
système de représentation et d’expression correspondant aux valeurs profondes qui
lui conviennent et aux types d’activités pratiquées. Par exemple, nous avons
montré que pour les acteurs entrepreneuriaux, la pensée projective et visionniste
devenait fondamentale à l’expression entrepreneuriale (Filion, 1991a et b; 2004).
Ainsi, même si les langages semblent différents, les référents et les cultures de base
des personnes qui effectuent de la recherche et qui développent des cadres
d’analyses réflexifs sont communes. Ackoff, Checkland, Churchman et Le Moigne
peuvent suggérer des approches différentes, mais celles-ci se situent dans des
familles de culture qui partagent des valeurs communes.
La première partie de ce texte a servi à situer le sujet. La deuxième partie
qui suit suggère quelques pistes de recherche à explorer sur les représentations
entrepreneuriales.

ENTREPRENEURIAT ET REPRÉSENTATIONS : DES AVENUES


NOMBREUSES À EXPLORER

Après avoir montré la pertinence et l’importance des représentations pour


mieux structurer la pensée et l’activité entrepreneuriale, nous suggérons quelques
pistes de recherche qui pourraient être entreprises en vue de générer des savoirs qui
permettraient d’offrir des repères pour mieux structurer l’apprentissage des futurs
entrepreneurs.

Les relations entre les cultures des milieux et les configurations


entrepreneuriales

Les relations entre les caractéristiques des cultures et les processus


entrepreneuriaux constituent des composantes subjectives des macrosystèmes ainsi
que des microsystèmes entrepreneuriaux qui sont relativement peu explorées en
entrepreneuriat. Par exemple, dans une perspective macrosystémique, les
représentations des acteurs au sujet de la relation entre une unité organisationnelle
péemmiste et son environnement influenceront grandement les frontières de la
représentation du système évoqué par les acteurs concernés quant à la place à être
occupée par cette unité organisationnelle dans cet environnement. La figure 1 ci-

21
dessous montre que les milieux et leurs cultures influencent les types d’acteurs
entrepreneuriaux que nous y trouvons, que ces acteurs choisissent des processus
qui sont fortement influencés par les cultures de leurs milieux et que les résultats
entrepreneuriaux obtenus ne sont pas le fruit du hasard, mais la conséquence d’un
ensemble de facteurs sociaux et individuels à dimensions culturelles.
Dans une perspective microsystémique, les représentations des structures
hiérarchiques des acteurs impliqués influenceront les types de structurations
choisies, ce qui engendrera des effets sur la croissance des unités
organisationnelles concernées. L’étude répétée d’acteurs entrepreneuriaux (Filion,
2002; 2004) nous montre que les représentations d’un grand nombre d’éléments de
base tels que ceux mentionnés ci-dessus de même que ceux présentés dans la figure
1 ci-dessous permettent de mieux situer les relations entre la pensée et l’activité
entrepreneuriale.

!
!
!
! Résultats
Milieux
! Acteurs Processus
et ! entrepreneuriaux entrepreneuriaux
cultures
!
!

Figure 1
Contexte macro-systémique du processus entrepreneurial

Les acteurs entrepreneuriaux, les représentations et les occasions


entrepreneuriales

L’acteur entrepreneurial a beaucoup été associé à la capacité d’identifier


des occasions d’affaires (Fayolle, 2003, 2004; Fayolle et Filion, 2006). Toutefois,
dans un contexte où il est discuté d’entrepreneuriat en faisant référence à une
diversité d’acteurs entrepreneuriaux dont des acteurs qui s’intéressent à
l’entrepreneuriat social, à l’entrepreneuriat à but non lucratif et autres acteurs qui
jouent des rôles entrepreneuriaux dans des contextes organisationnels et sociaux
autres que celui du monde des affaires, il convient de référer à ces occasions qui
sont à la base du processus entrepreneurial comme étant des occasions
entrepreneuriales. Ces occasions incluent des occasions d’affaires tout comme des
occasions d’expression entrepreneuriale dans une grande variété de contextes.
Pour qu’il y ait expression entrepreneuriale, il va de soi qu’il doit y avoir la
contribution d’une innovation, d’une nouveauté qui apporte une valeur ajoutée en
comparaison de ce qui existait déjà.

22
C’est la capacité de cerner et de mettre en valeur ces occasions
entrepreneuriales qui permet à l’acteur entrepreneurial de se différencier, d’innover
et de contribuer une valeur ajoutée. Il s’agit d’un processus éminemment empreint
de subjectivité où les représentations peuvent jouer un rôle majeur afin de mieux
préparer les acteurs entrepreneuriaux à bien jouer ce rôle. L’acteur entrepreneurial
se doit de connaître les caractéristiques de son secteur d’activité en vue d’y cibler
des niches, soit des espaces à occuper, puis d’imaginer et de concevoir la façon
qu’il pourra effectivement les occuper en apportant des contributions innovantes.
En fait, l’acteur entrepreneurial se doit de bien connaître les composantes de la
chaîne de valeurs liées aux processus de conception, de production et de mise en
marché du produit ou du service projeté. La représentation de la niche ciblée
constitue un élément majeur du processus entrepreneurial, mais c’est aussi le cas
des représentations relatives à la mise en valeur de cette niche (voir la figure 2 ci-
dessous).
Nous remarquons que peu ou pas d’études approfondies de ces
représentations et de leurs liens avec la conception et la mise en œuvre des projets
entrepreneuriaux ne semblent encore avoir été réalisées. Pourtant, il s’agit du cœur
du processus entrepreneurial. Depuis les débuts, en 1981, du colloque annuel de
recherche le plus célèbre en entrepreneuriat, celui de Babson, moins de cinq
recherches parmi les centaines qui y ont été présentées et publiées portent sur le
processus de reconnaissance d’une occasion entrepreneuriale et aucune ne l’a
abordé à partir de la perspective des représentations.
!
!
!
Représentations Projets
! Chaîne de
d’occasions entrepreneuriaux
Acteurs
! entrepreneuriaux valeurs
entrepreneuriales
!
!
!
Figure 2 : Contexte micro-systémique du processus entrepreneurial

Entrepreneuriat et occasions entrepreneuriales

Un des premiers sujets de recherche qui intéresse plus d’un chercheur en


entrepreneuriat est celui de l’étude des occasions entrepreneuriales.
L’identification de l’occasion entrepreneuriale est souvent présentée comme étant
au cœur de ce qui distingue l’acteur entrepreneurial des autres personnes. Tel que
mentionné ci-dessus, il est pourtant surprenant de constater que relativement peu
de publications portent sur ce sujet. Il s’agit là d’un sujet où les représentations
présentent une perspective de recherche tout à fait appropriée et offrent un
avantage certain en comparaison de la plupart des autres approches de recherche
car l’identification d’occasions entrepreneuriales est un acte éminemment subjectif
et difficile à comprendre sans une bonne connaissance du modèle mental qui

23
détermine le prisme au travers duquel un acteur perçoit le réel. Dans un deuxième
temps, cette démarche permet de comprendre les représentations pertinentes de
l’acteur concerné. L’étude attentive de quelques centaines d’entrepreneurs au cours
d’entrevues semi-structurées d’une durée moyenne de quatre à cinq heures
réparties sur une vingtaine d’années nous a amenés à examiner de façon minutieuse
et approfondie ce processus d’identification et de mise en valeur d’une occasion
entrepreneuriale.
!
!
Intérêt pour un
domaine
!
!
!
!
!
! Identification d’une
! occasion
! entrepreneuriale
!
!
!
!
! Conception des
! transformations requises
! pour la mise en valeur de
l’occasion identifiée
!
!
!
!
Mise en œuvre du
! système
! entrepreneurial
!
!
!
!
!
! Apprentissage
! Correctifs
!
!
!

Figure 3. Identification d’occasions entrepreneuriales comme fondements de


l’expression entrepreneuriale

Ces recherches nous indiquent que ce processus mérite d’être segmenté en


séquences qui permettent de mieux comprendre de quelle façon les représentations
évoluent au cours de ce processus qui est à l’origine de la conception de tout
système entrepreneurial. La figure 3 ci-dessous suggère quelques référents que les
données recueillies du terrain en cette matière nous ont amené à structurer afin de
mieux comprendre les séquences de ce processus. Mentionnons cependant que
celui-ci implique un grand nombre d’inter-actions relationnelles qui ne sont pas
exprimées ici à la figure 3. Nous expliquons brièvement l’essentiel de ce processus
pour que le chercheur en émergence puisse voir les nombreuses possibilités de
recherche potentielles qui pourraient être menées à partir des représentations sur
chacune des séquences exprimées dans ce modèle.
Nous pouvons observer que ce processus débute par un intérêt pour un
domaine. Cet intérêt est le plus souvent là depuis de nombreuses années mais dans

24
certains cas depuis peu. Bien des gens pensent que l’acteur entrepreneurial identifie
une occasion et voilà, le tour est joué. Il n’en est rien, car une fois l’identification
amorcée, cela implique de la part de l’acteur entrepreneurial en devenir une foule
d’ajustements afin d’imaginer une vision qui amènera l’acteur à concevoir une
foule de transformations requises pour être en mesure de mettre en valeur
l’occasion identifiée. Éventuellement, nous assisterons à la mise en œuvre du
système entrepreneurial, suivi d’apprentissages et de correctifs. Tout au long de ce
processus, des dizaines, parfois des centaines de décisions auront été prises pour
que le système entrepreneurial puisse démarrer puis prendre son envol. Nous
pouvons constater que la mise en place du système entrepreneurial va requérir des
habiletés et des compétences de gestion, de stratégie, des compétences humaines et
relationnelles. Plus il évolue, plus le système entrepreneurial engendrera des
représentations qui seront ciblées sur une foule d’activités à être réalisées.

Le processus entrepreneurial perçu comme système relationnel inter-


subjectif

Le processus entrepreneurial est le plus souvent perçu comme un


processus caractérisé par une progression individuelle. Pourtant, l’étude continue
de plusieurs centaines d’acteurs entrepreneuriaux sur le terrain au cours des 30
dernières années nous révèle que le processus entrepreneurial est un processus
éminemment inter-actif. Les acteurs entrepreneuriaux qui réussissent sont souvent
qualifiés de super-héros qui ne doivent leur succès qu’à eux seuls. Il convient de
demeurer humble et prudent quant aux conclusions à émettre en cette matière.
D’abord, chaque acteur entrepreneurial définit différemment le succès. Cependant,
la réponse fournie par plus de 90 % des acteurs entrepreneuriaux à la
question « Comment expliquez-vous votre succès? » mentionne essentiellement la
présence de collaborateurs hors pair qui ont compris la vision de l’acteur
entrepreneurial et qui se sont engagés à fond comme facilitateurs pour le soutenir
dans la mise en œuvre de ses projets et dans sa progression entrepreneuriale.

Acteur Membres du
entrepreneurial système
relationnel de
l’entrepreneur

Niveau de connaissance réciproque


Niveau d’acceptation réciproque
Niveau d’intégration réciproque
!
Figure 4. Représentations réciproques des intersections relationnelles entre l’acteur
entrepreneurial et les membres de son système relationnel

25
De nombreuses recherches ont étudié les systèmes relationnels et le
capital social des acteurs organisationnels, mais ces recherches n’ont pas ou ont
peu abordé l’étude des représentations des intersections relationnelles entre les
acteurs entrepreneuriaux et les membres de leur système relationnel, pas plus que
les niveaux de gradation des inter-relations dans ce système relationnel (voir la
figure 4 ci-dessus). Plusieurs niveaux de gradation peuvent être établis dans les
évaluations des représentations entretenues des autres par les acteurs
entrepreneuriaux et des acteurs entrepreneuriaux par les membres de leur système
relationnel.

Clients

Fournisseurs

Acteur Partenaires
entrepreneurial Collaborateurs

Facilitateurs

Systèmes de soutien

Autres parties prenantes

Figure 5. Acteur entrepreneurial et représentations réciproques relatives aux


intersections relationnelles
Nous pouvons certes établir qu’un processus entrepreneurial implique la
mise en place d’un système d’activités éminemment inter-actif en progression
constante. Toutefois, peu de recherches ont tenté de comprendre cette dynamique à
partir de l’étude des représentations réciproques entretenues entre les acteurs
entrepreneuriaux et les diverses parties prenantes du système social que ces acteurs
ont graduellement mis en place (la figure 5 ci-dessus montre de façon plus
explicite certains éléments implicites contenus dans la figure 4).

Dimensions inter-subjectives et intersections relationnelles du système


entrepreneurial

Le système entrepreneurial est un système éminemment subjectif qui


inter-relie et qui intègre un ensemble relationnel composé d’inter-subjectivités
hétérogènes. Cette construction du système social entrepreneurial résulte d’un
apprentissage très personnalisé et parfois modélisé.

26
!
!
!
!
Concept
! de soi
!
! Conception implicite
des possibilités
!
! Espace de soi Représentations
! évoquées
!
!
! Définition des
Organisation de soi espaces des autres
!
!
! Structuration
! Visions entrepreneuriale
! Espaces à occuper
!
Gestion des espaces
!
des autres
!
!
! Expression de soi
!
!

Figure 6. Représentations de soi et de son système entrepreneurial et gestion des


intersections relationnelles

L’approche de Le Moigne (1984) ainsi que la méthodologie des systèmes


souples conçue par Checkland (1981; 1999) ont joué un rôle d’envol à ce sujet, car
elles ont été parmi les premières à suggérer une méthode articulée pour gérer
l’auto-apprentissage.
La méthode d’auto-apprentissage mise au point par l’acteur
entrepreneurial lui servira pour négocier ses différences par la suite, mais aussi
pour intégrer dans un ensemble cohérent ces subjectivités au départ disparates dont
il s’est entouré. En entrepreneuriat, Collins et Moore (1970) demeurent des
pionniers quant à l’identification des modes d’apprentissage des acteurs
entrepreneuriaux grâce à leur étude empirique sur le terrain. Senge (1991) et
d’autres avant et après lui ont proposé des modèles pour mieux articuler
l’apprentissage, en particulier l’apprentissage organisationnel. Nous nous sommes
aussi intéressés à ce phénomène surtout à partir d’études empiriques menées auprès
de diverses catégories d’acteurs entrepreneuriaux sur le terrain (Filion, 1991a et b ;
1996 ; 2004).
Au cours de ces recherches, la cartographie systémique des systèmes de
pensée entrepreneuriaux a révélé l’importance de la pensée projective. Le concept
de vision a été identifié comme étant un élément structurant pour concevoir et
organiser un système d’activités entrepreneurial. Il permet de préciser
l’apprentissage requis pour mener les activités projetées, mais il est insuffisant
pour expliquer les différences dans les niveaux de réussite atteints par divers
acteurs. Certains concepts peuvent aider à expliquer l’évolution d’un système
visionniste et l’apprentissage qui le rend possible. Le concept de soi et l’espace de

27
soi sont parmi ces concepts que nous avons identifiés qui permettent de mieux
comprendre l’organisation de soi qui conduit à l’expression d’une pensée
visionniste, puis à l’expression entrepreneuriale de soi qui facilite la structuration
du système d’activités entrepreneurial (Filion, 1993b; 1994a et b; 1999b). L’étude
de ces concepts permet aussi de mieux comprendre de quelle façon l’acteur
entrepreneurial se lie aux autres pour structurer et mettre en œuvre sa démarche
entrepreneuriale. La compréhension des intersections relationnelles sont
essentielles pour comprendre un système d’activités entrepreneurial, tant sur le
plan de son envol que sur celui de ses reculs (voir la figure 6 ci-dessus).

Le concept de soi et l’espace de soi comme déterminants de


l’apprentissage et de l’expression entrepreneuriale

Regardons maintenant ce qui sous-tend cet apprentissage qui prépare à


l’activité entrepreneuriale. Un des éléments centraux et capitaux au cœur de ce
processus s’appelle le concept de soi (Burns, 1979; Coopersmith, 1967; Cross et
Madson, 1997; Hamachek, 1995; L’Écuyer, 1978; Marsella, Devos et Hsu, 1985;
Martinek et Zaichkowsky, 1977; Shavelson et Bolus, 1982; Taylor, 1998). Il s’agit
de la façon qu’on se perçoit, de l’estime qu’on a de soi (Maslow, 1970), de la
conception qu’on entretient de ses capacités qui constituent la base sur laquelle le
savoir-être, le savoir devenir et le processus visionniste reposent.
Un certain nombre d’éléments viennent conditionner ce concept de soi :
les composantes sociologiques de la société ambiante, en particulier le contexte
économique et social dans lequel l’acteur évolue, le milieu d’évolution immédiat
ainsi que les modèles qui entourent l’acteur, telle son histoire personnelle y
compris son éducation et ses expériences vécues. Celles-ci renferment des valeurs,
des normes, des habitudes de travail et d’expression d’énergie qui influencent les
façons d’être, les façons de se comporter et les façons de faire. L’évolution de ce
système relationnel conditionne aussi les façons d’aborder la résilience et de se
redéfinir. Certaines sociétés, certains milieux, certaines familles fournissent des
modèles plus orientés vers certains types d’activités, ce qui est susceptible
d’engendrer la définition de concepts de soi davantage orientés vers ces activités.
Évidemment, la nature même de la personne, ses caractéristiques et ses capacités
physiques et intellectuelles conditionnent aussi ce qu’elle perçoit comme lui étant
possible et accessible.
La façon dont s’organise le concept de soi semble fortement inter-relié à
des champs d’intérêt qui orientent l’intentionnalité. Cela engendre un processus de
sélection des représentations perçues et retenues qui initient un processus
visionniste. C’est à partir du moment où les intentions se concrétisent sous la forme
de visions, c’est-à-dire de projets véritables à réaliser, qu’il est possible de définir
ses besoins d’apprentissage. C’est précisément de là que découle l’intérêt qui va
pousser le futur acteur à apprendre. Mais c’est le concept de soi qui conditionne

28
l’ampleur de la vision qui se développera de même que l’apprentissage qu’un
acteur sera prêt à réaliser.
Les compétences et les habiletés développées permettent d’atteindre des
niveaux de savoir-être, de savoir-faire, de savoir gérer, de savoir choisir et de
savoir devenir pour mener les activités liées au rôle organisationnel adopté. La
pratique de ces activités vient influencer le processus individuel de chaque acteur
et, de là, le processus social dans son ensemble. En somme, nous pouvons suggérer
que le concept de soi constitue un concept central à partir duquel émerge un
processus visionniste sur lequel se greffe l’apprentissage. Plusieurs éléments
viennent étayer la construction du concept de soi. L’étude répétée d’acteurs
entrepreneuriaux sur le terrain nous a amenés à accorder une attention particulière
à un de ces éléments comme étant particulièrement déterminant dans la
construction du concept de soi : il s’agit de l’espace de soi.

L’espace de soi

Dans chaque société, en fonction de l’histoire, de la structure des classes


sociales, des caractéristiques sociologiques, du niveau de développement, de la
densité de la population et d’autres facteurs se développe un espace de soi de
chaque personne. Il existe tout un éventail de variantes qui sont proportionnelles à
la diversité sociale, ethnique et religieuse ainsi qu’aux niveaux d’études de chaque
milieu.
Comment définir ce qu’est l’espace de soi? C’est le lieu de soi, l’espace
psychologique individuel de chacun. C’est l’étendue dans laquelle est localisé
l’ensemble évolutif et fonctionnel du concept de soi. L’espace de soi, c’est la
configuration spatiale et systémique qui entoure le concept de soi. L’amplitude de
sa frontière détermine le territoire qui renferme la marge de manœuvre qu’utilise le
concept de soi pour se former, puis pour évoluer.
Peu de chercheurs se sont intéressés à ce concept (Hall, 1971, 1979, 1984;
Latane et Liu, 1996). Pour comprendre la notion d’espace de soi, nous pouvons
nous référer à un certain nombre de concepts, dont celui de liberté et son extension.
La liberté nécessite un lieu de respect mutuel pour éviter l’anarchie, qui risque
d’engendrer la dictature, soit l’absence de liberté. Des conventions, des lois et des
règles sont établies, lesquelles doivent être respectées pour que la liberté puisse
continuer d’être exercée. Par exemple, en conduisant une voiture, nous sommes
libres d’aller où bon nous semble, mais il nous faut tenir compte de la
réglementation et respecter les feux de circulation. Les feux de circulation viennent
restreindre la liberté de conduire pour un moment, mais ils en rendent possible le
maintien pour l’ensemble des conducteurs. Se développent aussi des coutumes, des
conventions. Par exemple, s’il est vrai qu’en matière de grammaire le genre
masculin inclut le féminin, plus d’une féministe considère pourtant qu’il s’agit là
d’une convention qui ne laisse pas toujours l’espace de soi suffisant pour soutenir

29
le plein épanouissement du concept de soi féminin avec tout ce qu’il peut
comporter d’attributs différents.
L’espace de soi implique la distance psychologique qui, à la fois, nous
sépare et nous relie aux autres. Il reflète ce que les us et coutumes ont fini par
établir comme espace réservé à chacun. Il résulte des compromis sociaux et de
l’ensemble des conventions formelles et informelles qui régissent les relations
entre les humains dans une société donnée. Par exemple, l’utilisation des pronoms
« vous » et « tu » en français exprime des distances entre des personnes et, par
extension, définit l’espace de soi attribué à l’autre et réservé à soi à l’intérieur
d’une relation. La frontière de son espace pourrait être mesurée par celle du halo
qui entoure chacun.
Nous introduisons ici un élément dont nous avons très peu parlé dans la
littérature de gestion en général et en entrepreneuriat en particulier : la notion
d’espace psychologique. Il s’agit pourtant d’un élément déterminant pour expliquer
le comportement entrepreneurial que nous avons observé dans nos études
empiriques d’acteurs entrepreneuriaux. La figure 7 ci-dessous esquisse une
synthèse sous forme de modèle du processus de mise en place d’un espace
psychologique individuel ou espace de soi. Nous y constatons que chaque personne
évolue dans un espace de soi reçu. Cet espace véhicule les caractères des
composantes sociologiques de la société ambiante. Cependant, il est surtout
influencé par le système relationnel et par le milieu d’évolution immédiat de la
personne : culture, ethnicité, religion. Il détermine la formation du concept de soi.
C’est ensuite en fonction du contexte personnel désiré et de son savoir
devenir que la personne en voie de devenir adulte révise et construit graduellement
son nouvel espace psychologique qui lui sera propre. Nous verrons plus d’un
acteur quitter son milieu familial, changer de région, même émigrer, pour
s’attribuer un espace qui lui permette d’évoluer en ses propres termes. C’est en fait
une démarche déterminante pour expliquer la façon suivant laquelle un espace est
conquis pour permettre au concept de soi de se former et de se renouveler au cours
d’un processus de résilience. Par exemple, le futur leader a besoin d’un minimum
d’espace pour croître et pour s’exprimer. Si cet espace ne lui est pas rendu
disponible par son milieu, il essaiera de l’établir ailleurs. L’espace de soi attribué
aux personnes venant d’autres cultures semble plus large dans la plupart des
sociétés multiculturelles que l’espace de soi attribué entre personnes d’une même
culture.

30
!
!
! Composantes sociologiques de la société
! ambiante
!
Milieu d’évolution immédiat
!
!
Espace de soi reçu
!
!
Activités
!
! Concept de soi
!
! Définition des espaces
organisationnels des
! autres
Développement du système
! relationnel Facilitation
!
!
! Apprentissage
Savoir devenir
!
!
! Visions
! Espace de soi construit
!
!
Contexte/Complexité Besoins
!
!
! Résilience Intentionnalité
! Concept de soi renouvelé
!

Figure 7. Espace de soi, concept de soi, résilience, visions et activités

C’est l’espace de soi construit qui vient déterminer l’ampleur que pourra
atteindre le concept de soi. L’intentionnalité, dépendant des besoins et des
contextes, vient conditionner ce qu’il est possible de visionner, puis l’apprentissage
requis pour passer à l’action. Ce passage à l’action requiert chez bon nombre
d’acteurs entrepreneuriaux la sélection d’autres personnes pour faciliter la mise en
place d’un système d’activités entrepreneuriales. Les activités réalisées viennent de
nouveau influencer le processus de construction de l’espace de soi et du concept de
soi, qui évoluent en conséquence. Nous pouvons aussi constater une inter-relation
soutenue entre le système épistémologique – soit celui des représentations – et le
système ontologique qui résulte de la résilience (voir la figure 7 ci-dessus).

L’espace de soi et l’espace d’autrui


Il semble exister une corrélation inversée entre l’espace géographique
d’une société et l’espace de soi qui s’y établit. Bon nombre de cultures asiatiques et
européennes réserveraient un espace de soi mieux défini et plus large que d’autres.

31
Plus un espace physique est densément peuplé, plus l’être humain semble
développer un respect de l’espace psychologique de chacun. En fait, il existe un
nombre élevé de normes et de règles qui régissent cet espace. Les espaces semblent
aussi différer d’une classe sociale à l’autre. Les règles de politesse, de respect des
autres, des personnes âgées, des personnes qui occupent certains rangs et certaines
fonctions sociales semblent marquées. Nous remarquons des signes de déférence
qui vont même dans certains cas jusqu’à la révérence. Le respect exprimé dans les
relations inter-personnelles est marquant. Cela est facilement observable dans les
organisations, ne serait-ce qu’à partir des attitudes physiques qu’entretiennent les
gens entre eux. Cela semble encore davantage marqué envers les supérieurs et les
aînés. Le tableau 1 ci-dessous suggère quelques déterminants qui expliquent
l’extensibilité des espaces de soi dans une société. Cela nous intéresse
particulièrement pour expliquer les représentations qui sont à la source du
cheminement et de la progression des acteurs entrepreneuriaux.

• Histoire de la société ambiante en ce qui a trait à l’exercice de la liberté et des


droits individuels
• Conventions sociales de respect (d’abord physiques) entre les personnes
• Consensus établis quant aux normes qui régissent les relations sociales et
interpersonnelles
• Maturité sociale du milieu
• Histoire personnelle des acteurs
• Niveau d’études

Tableau 1. Déterminants de l’espace de soi

Si nous pouvons établir quelques éléments déterminants de l’espace de


soi, il nous intéresse de mieux comprendre les espaces d’autrui, qui sont définis par
les personnes qui détiennent le pouvoir dans des systèmes sociaux telles les
organisations. Cela nous intéresse plus particulièrement pour comprendre le
partage de la culture de l’acteur entrepreneurial dans le système social que
constitue son entreprise. Encore une fois, les représentations de l’acteur
entrepreneurial sont ici fondamentales pour expliquer comment il est passé d’un
espace de soi reçu à un espace de soi construit, en particulier dans une situation de
forte résilience, et qu’il a redéfini un concept de soi renouvelé (figure 7). Le même
processus semble s’effectuer, mais à des degrés moindres et divers chez les
collaborateurs de l’acteur entrepreneurial visionniste, selon les espaces désirés par
les collaborateurs et alloués par ces acteurs entrepreneuriaux, ce qui peut être
compris en évaluant les points d’intersection relationnels entre les acteurs
entrepreneuriaux et leurs collaborateurs (voir le tableau 2 et la figure 8 ci-dessous).

32
• Contexte social
• Contexte organisationnel
• Intentions et processus visionnistes
• Histoires et contextes des acteurs
• Culture de réciprocité des acteurs
• Histoire relationnelle des acteurs

Tableau 2. Déterminants de l’espace d’autrui

Il convient ici d’accorder une attention spéciale à l’histoire des personnes


et aux expériences vécues par les acteurs entrepreneuriaux, en particulier au cours
de la période cruciale du démarrage. Nous avons déterminé qu’à cette période où
les tensions sont souvent fortes, certains acteurs entrepreneuriaux ont défini des
espaces très restreints pour leurs collaborateurs, ce qui engendre comme effet des
cultures organisationnelles d’exécution peu entrepreneuriales. La croissance de
l’entreprise naissante est lente et très limitée.
D’autres acteurs entrepreneuriaux ont défini des espaces qui reflètent la
logique et les paramètres de leur propre espace et ont laissé beaucoup de latitude à
leurs collaborateurs pour exprimer leur culture et leur potentiel entrepreneurial. Là,
nous pouvons observer plusieurs scénarios, dont deux plus courants. Dans le
premier, des collaborateurs qui ont bénéficié d’un espace de soi entrepreneurial
plus large se lancent à leur compte et deviennent des concurrents de leur ancien
patron. Les anciens patrons changent rapidement et radicalement d’attitude et
referment les définitions d’espaces de soi larges qui favorisaient l’expression
entrepreneuriale. L’entreprise éprouve des difficultés de croissance et plafonne.
Dans le second, les collaborateurs bénéficient de différentes façons des retombées
de la croissance et de la profitabilité de l’entreprise naissante, et continuent à
exprimer activement leur potentiel entrepreneurial dans des espaces de soi toujours
largement définis. L’entreprise vit une forte croissance.
Les exemples rapportés dans le paragraphe précédent invitent à quelques
réflexions. D’abord, l’étude de nombreux cas d’acteurs entrepreneuriaux nous
révèle que l’ampleur accordée dans la définition des espaces d’autrui dépend de
plusieurs facteurs et de représentations portant sur plusieurs dimensions, dont
celles liées au potentiel du secteur. Le contexte et sa complexité exercent une
influence indéniable ici. Plus l’acteur entrepreneurial estime le potentiel du secteur
élevé, plus il est en mesure de définir des espaces larges et, inversement, lorsque
ses représentations reflètent un potentiel de croissance limité dans le secteur
concerné, les espaces se resserrent.
Ensuite, il apparaît utile d’établir une distinction entre les représentations
lointaines et récentes. Les représentations lointaines reflètent un ensemble
d’expériences vécues par la personne sur une longue période, mais un fait majeur
vécu plus récemment – par exemple la création de sa propre entreprise par un

33
collaborateur qui devient ainsi un concurrent – aura pour effet de venir modifier
profondément certaines représentations d’un acteur entrepreneurial. Ici,
l’établissement de grilles indiquant des événements précis, puis leurs conséquences
quant aux représentations, permettent au chercheur de bien situer la progression
des représentations de cet acteur dans le temps et ses conséquences pour les
activités professionnelles qu’il mène, soit, dans notre cas, l’activité
entrepreneuriale et managériale.

!
!
!
!
Espace de soi
! entrepreneurial
!
!
!
!
!
Culture et Paramètres des
! réciprocité des Histoire
! espaces de soi
collaborateurs organisationnels Expériences
!
!
!
!
!
! Visions
!
!
!
!
! Résultats
! Performance
! Croissance
!
!
Figure 8. Espace de soi entrepreneurial et performance

La deuxième partie de ce texte a suggéré quelques pistes de recherche


liées au monde subjectif des représentations qui sont demeurées relativement peu
explorées en entrepreneuriat. Le lecteur sera amené à réfléchir à d’autres pistes de
recherche suite à la lecture du tableau 3 présenté dans la section qui suit. La
troisième partie de ce texte suggère un cadre de recherche présentant quelques
paramètres plus synthétiques sur les relations entre les recherches sur les
représentations, la pensée conduisant à l’action entrepreneuriale et les approches et
méthodologies de recherche permettant d’y parvenir.

34
LES REPRÉSENTATIONS ENTREPRENEURIALES : UN MODE
DE PENSÉE EN VUE DE L’ACTION

En terminant la lecture de ce texte éditorial, le lecteur trouvera dans la


figure 9 et dans le tableau 3 qui l’accompagne un modèle intégrateur suggérant des
éléments-clés pour élaborer des cadres conceptuels de recherche sur les
représentations entrepreneuriales. Il importe ici de revenir sur quelques notions
déjà mentionnées dans ce texte, qui caractérisent et qui différencient le champ de
l’entrepreneuriat, mais dont il n’est pas souvent tenu compte dans la recherche sur
ce domaine.
D’abord, il importe de bien garder à l’esprit que l’acteur entrepreneurial se
prépare à l’action. De façon différente de ce qui se fait dans les principales
formations universitaires, il n’a pas besoin que de connaissances, mais davantage
d’un cadre de pensée qui le prépare à l’action. En général, la formation
universitaire transfert des savoirs, la formation à la gestion communique du
savoir-faire tandis que la formation à l’entrepreneuriat apprend du savoir-être, du
savoir devenir et du savoir passer à l’action. Il existe peu de cours où les étudiants
vivent des niveaux d’anxiété aussi élevés qu’en entrepreneuriat, car ils ont chaque
semaine des décisions à pendre qui affectent l’organisation de leur vie et celle de
leurs proches. Cela requiert des apprentissages de catégories mentales et de
modèles mentaux qui permettent de réfléchir et d’organiser des actions à partir de
l’utilisation de ressources rares, ce qui n’est pas le cas des apprentissages dans les
autres matières.
Ensuite, l’acteur entrepreneurial vit de très forts cycles de réflexion et
d’activité qui entraînent des changements, souvent fondamentaux, dans ses façons
d’être et de se définir. La métanoia, ce changement d’état d’esprit qui accompagne
et qui suit les apprentissages des acteurs entrepreneuriaux, s’insère comme une
dimension quotidienne de la réflexion de nombreux acteurs entrepreneuriaux. Cela
est particulièrement vrai au cours des mois qui précèdent leur engagement dans des
activités entrepreneuriales, et ce processus s’accélère au moment où commence
véritablement l’activité entrepreneuriale.

35
!
!
! Représentations
!
!
!
!
!
Occasions
!
d’affaires
!
!
!
!
Visions
!
!
!
!
!
!
Partage de la
! Capital social
vision
!
!
!
!
! Apprentissage Mise en œuvre
Métanoia Résilience
! Changement
! Développement
!
!
!
! Facilitation
!
!
!
Figure 9. Système entrepreneurial : représentations, visions et métanoia

La redéfinition de soi et de ses espaces ainsi que la résilience vécue


suscitent des changements souvent significatifs des modes de pensée. L’acteur
entrepreneurial doit être en mesure d’exprimer énormément de souplesse pour
s’adapter à des contextes toujours changeants. Non seulement les acteurs
entrepreneuriaux vivent-ils des changements fréquents, mais ils sont des agents qui
initient le changement quasi en permanence. Cela est exprimé dans la figure 9.

Ces éléments et d’autres (voir la figure 9) nous permettent de comprendre


l’intérêt pour la recherche sur les représentations entrepreneuriales en considérant
les thématiques suggérées au tableau 3 ci-dessous. Ce tableau ne comprend pas une
liste exhaustive de thèmes, mais fait plutôt référence aux principaux éléments sur
lesquels l’acteur entrepreneurial est amené à réfléchir en vue de se préparer à
l’action.

36
Représentations entrepreneuriales et Représentations entrepreneuriales et
thématiques de recherche méthodologies de recherche
Représentations de soi entretenues par Rétrospective
l’acteur entrepreneurial Histoire
Récits de vie
Représentations évoquées de carrières Cartographie cognitive
potentielles
Notions de métier, de hiérarchie, de Approches systémiques
frontières, de secteur, de marché, Approches interprétatives
d’anxiété, d’apprentissage, de résilience, Méthodologies quantitatives
de succès
Représentations du métier Cartographie cognitive
d’entrepreneur et des métiers connexes à Approches systémiques
la réussite entrepreneuriale
Représentations environnementales et Approches et méthodologies perceptives
sectorielles et comparatives
Représentations d’occasions Approches sur la créativité
entrepreneuriales
Pensée projective et visionniste Approches projectives
Passage du rêve à la vision et à l’action Approches systémiques et approches sur
la créativité
Processus entrepreneuriaux Approches et méthodologies qualitatives
diverses
Définition des espaces de soi et des Approches relationnelles
espaces d’autrui
Définition des intersections entre soi et
autrui
Interrelations entre pensée et action Méthodologies constructivistes
Culture entrepreneuriale et culture de Approches humanistes
réciprocité

Tableau 3
Représentations entrepreneuriales : quelques thématiques de recherche suggérées

Nous ne mentionnerons jamais assez souvent l’importance de l’adéquation


entre des thématiques de recherche et les choix des méthodologies compatibles
avec les thématiques retenues (Filion, 1993a; 1999a). Il est certain que les
méthodologies qualitatives apparaissent le plus souvent comme étant les plus
adéquates pour effectuer des recherches sur les représentations. Cependant, un
grand nombre des thématiques concernées pourront être recherchées à partir de

37
méthodologies quantitatives ou d’une combinaison méthodologique comprenant
tant des méthodologies quantitatives que qualitatives (voir la figure 10 ci-dessous).

Entrepreneuriat

Comportement réflexif Contingence des


d’acteurs choix
entrepreneuriaux méthodologiques

Figure 10
Génération de connaissances sur les représentations et contingence
méthodologique

CONCLUSION

L’étude de l’entrepreneuriat peut être abordée à partir de différentes


perspectives. De nombreuses recherches tentent d’expliquer les conditions
favorables à la réussite entrepreneuriale, les caractéristiques des milieux
entrepreneuriaux ainsi que des acteurs entrepreneuriaux. Mais le cœur d’un
domaine demeure ce que font les acteurs qui pratiquent dans ce domaine. Les
acteurs entrepreneuriaux sont des personnes pensantes et apprenantes qui apportent
des contributions nouvelles que les conventions entre les humains qui s’intéressent
à la recherche dans le domaine ont qualifiées d’innovations, c’est-à-dire des
contributions qui impliquent une différenciation et qui apportent une valeur ajoutée
à ce qui existait déjà.
Le coeur de l’entrepreneuriat réside dans l’étude et une meilleure
compréhension de l’acte entrepreneurial. Parmi les éléments clés qui expliquent
cet acte réside la pensée de l’acteur entrepreneurial, une des dimensions parmi les
plus centrales mais les moins recherchées de ce champ d’étude. La première partie
de ce chapitre a permis de situer ce sujet, la deuxième a suggéré des thèmes de
recherche tandis que la troisième a proposé une réflexion sur des thématiques de
recherche et les choix de méthodologies de recherche pertinentes et cohérentes à
réaliser avec l’objet de recherche choisi. En réalité, en suggérant quelques
thématiques de recherche relativement peu explorées, ce chapitre a surtout essayé
de montrer qu’il existe des grands espaces de recherche inexplorés en
entrepreneuriat, en particulier parmi ceux qui pourraient être abordés par des
approches et des méthodologies réflexives. Les chapitres qui suivent en suggèrent

38
plusieurs qui paraissent très prometteuses. Il reste un travail considérable à réaliser
dans la conception de méthodologies de recherche pour mieux aborder et
approfondir les recherches sur les représentations entrepreneuriales. Ce chapitre et
ce livre abordent moins cette dimension de la technicité de la production de savoirs
par des approches réflexives, thème qui pourra faire l’objet de publications futures.
L’entrepreneuriat est un champ d’étude en émergence où les limites des
connaissances générées par la recherche découlent en grande partie de modèles
mentaux souvent hérités d’autres disciplines par les chercheurs de ce domaine qui
proviennent majoritairement de disciplines connexes. Il nous faut développer un
champ d’étude qui possède ses logiques et ses assises propres. Une des façons de
le faire consiste à étudier les représentations des acteurs entrepreneuriaux eux-
mêmes et de laisser émerger les éléments fondamentaux qui expliquent la pensée et
l’action entrepreneuriales ainsi que les relations entre les deux. Il importe d’axer
davantage la production des connaissances du domaine à partir de l’étude des
systèmes apprenants des acteurs entrepreneuriaux, ce qui implique l’étude des
représentations entrepreneuriales. Il existe là de belles occasions pour concevoir
des approches et méthodologies de recherche originales et innovantes (Filion,
1994c; 1999a).

Pensée Action
entrepreneuriale entrepreneuriale

Émergence du champ disciplinaire de


l’entrepreneuriat

Figure 11
Étude de la relation entre la pensée et l’action entrepreneuriales comme
fondements disciplinaires de l’entrepreneuriat

Nous avons peu abordé dans ce texte les concepts liés à la réalisation de
soi ainsi qu’à la réalisation d’autrui. Il semble que la démarche entrepreneuriale
doive servir non seulement à permettre la survie et la croissance des entreprises,
mais surtout à la réalisation des personnes qui y évoluent. Pour l’acteur
entrepreneurial, il ne s’agit pas que d’améliorer la performance d’une entreprise,
mais aussi de réussir la réalisation équilibrée de soi et des autres. Un système
entrepreneurial doit tendre vers des paramètres qui facilitent les expressions et les
réalisations de soi. Les enseignants et les chercheurs du domaine de
l’entrepreneuriat véhiculent généralement des valeurs et des cultures profondément
humanistes qui ne sont pas toujours reflétées dans les pratiques entrepreneuriales.
Il nous faut demeurer vigilant pour que l’entrepreneuriat offre des perspectives de
réalisation tant de soi, pour l’acteur entrepreneurial que d’autrui, pour ses
collaborateurs. À la limite, tout système qui peut être défini comme étant un

39
système entrepreneurial devrait pouvoir permettre l’expression du potentiel
entrepreneurial des personnes qui y évoluent dans une perspective humaniste.

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